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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)

Mardi 21 janvier 2003

- Présidence de M. Claude Birraux, député, président de l'Office.

Les modes d'appropriation du vivant - Examen de l'étude de faisabilité

L'Office parlementaire a procédé à l'examen de l'étude de faisabilité de M. Alain Claeys, député,relative aux modes d'appropriation du vivant.

M. Alain Claeys, député, rapporteur,
a présenté son étude de faisabilité sur la saisine du bureau de l'Assemblée nationale sur les conséquences des modes d'appropriation du vivant sur les plans économique, juridique et éthique.

M. Alain Claeys, député, rapporteur, a tout d'abord rappelé qu'il avait abordé de façon rapide le thème de la brevetabilité du vivant dans son rapport de 2001, qui était plus spécialement centré sur l'analyse de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques.

Il a considéré que les termes « modes d'appropriation du vivant » de la saisine du bureau de l'Assemblée nationale étaient particulièrement heureux, car le brevet n'est pas la seule forme d'appropriation du vivant, comme en témoignent le cas particulier des végétaux ou le « biopiratage ».

Il a estimé que le brevet, dont la fonction normale est de récompenser l'innovation et de protéger la démarche intellectuelle, avait, en matière de vivant, des conséquences sur les plans sociaux, économiques et éthiques. Il a rappelé à cet égard les déclarations de l'ancien président Clinton et du Premier ministre britannique Tony Blair affirmant que le génome humain constituait une propriété collective, non susceptible d'appropriation privée. Il a noté que cela n'a pas empêché que les gènes humains soient considérés par les offices de brevet comme de simples molécules chimiques et, à ce titre, brevetables dans les conditions de droit commun.

Il a souligné qu'étaient actuellement brevetables non seulement les applications des gènes modifiés, mais aussi les gènes eux-mêmes. Toutes les autres inventions concernant ces derniers devenaient de ce fait dépendantes du premier brevet, cette situation étant d'autant plus préoccupante que les revendications des brevets sont devenues très larges.

Il a ensuite illustré les conséquences sociales de ces brevets sur le vivant en évoquant la négociation, actuellement dans l'impasse, sur les médicaments génériques dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce (O.M.C.) et l'affaire des tests de dépistage du cancer du sein mis au point par la firme Myriad Genetics.

Évoquant les conséquences économiques de ce type de brevet, il a souligné les risques de dépendance des agriculteurs en matière d'accès aux variétés végétales.

Il a conclu en estimant qu'il fallait trouver un système satisfaisant de propriété sur le vivant en adaptant le brevet, qui est nécessaire, à ses caractéristiques.

M. Jean-Louis Lorrain, sénateur, a estimé que les brevets pouvaient entraver la recherche et a souhaité que leur définition soit revue au niveau européen.

M. Alain Claeys, député, rapporteur, a répondu qu'il ne fallait pas remettre en cause le brevet, car c'est un outil économique utile à la protection de l'invention et à la valorisation de la recherche. Il a souligné qu'en matière de génome humain, la difficulté était de décider ce qui pouvait être breveté : l'application seule ou le gène plus l'application, comme c'est le cas actuellement.

Il a souligné qu'une évolution s'était produite depuis 1994 dans la mesure où, actuellement, c'est la dimension économique de la génétique qui était devenue prépondérante.

M. Daniel Raoul, sénateur, a estimé que le gène devait être considéré comme non brevetable, comme le sont les minéraux, alors que les procédés de purification ou les applications peuvent l'être sans problème.

M. Alain Claeys, député, rapporteur, a acquiescé en notant que c'était l'affirmation que le gène était brevetable qui créait des difficultés.

M. Claude Birraux, député, président, a considéré que cela posait le problème du maintien d'une certaine biodiversité. Après avoir rappelé la longueur de la préparation de la directive 98/44 qui s'est étalée sur dix ans, il a suggéré que la généalogie de ce texte soit faite et que le problème posé par l'Office européen des brevets soit évoqué par le rapporteur à Bruxelles et rappelé l'intérêt de disposer d'un comité de pilotage ouvert à toutes les sensibilités en la matière.

M. Alain Claeys, député, rapporteur, a souscrit à ces suggestions. Il a ensuite évoqué l'échec de l'initiative du Président de la République et du précédent Premier ministre pour obtenir des éclaircissements sur cette directive, qui est applicable à la France sans avoir été transposée. Enfin, il a rappelé le caractère contradictoire des dispositions des deux premiers alinéas de l'article 5 de la directive et précisé que le projet de loi de transposition de ce texte européen, qui va être bientôt examiné par le Sénat, ne comportait pas cet article.

L'Office a autorisé la poursuite de cette étude.

L'évolution du secteur des semi-conducteurs et ses liens avec les micro et nanotechnologies - Examen du rapport

L'Office parlementaire a procédé à l'examen du rapport de M. Claude Saunier, sénateur, sur l'évolution du secteur des semi-conducteurs et ses liens avec les micro et nanotechnologies.

M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur,
a tout d'abord rappelé le rôle directeur de l'industrie des composants dans l'économie mondiale. Il a noté que l'importance croissante de ce secteur se manifeste, notamment, par une consommation massive (50 millions de transistors par an par habitant de la planète, 1 milliard prévus en 2010) et par l'effet de levier très puissant qu'il exerçait sur les secteurs de l'aval, des industries électriques aux services. Il a rappelé que cet essor était imputable à un effondrement des prix : en 30 ans, le prix du gigabit de mémoire est passé de 75 000 € à 5 centimes d'euro.

Mais, a ajouté le rapporteur, cette industrie puissante souffre paradoxalement de facteurs de fragilité : cycles de marchés brutaux, croissance des coûts de recherche et de production - une usine moderne de production de composants coûte aujourd'hui 2,5 milliards d'euros, en 2010 elle coûtera 6 milliards d'euros, soit l'équivalent de 4 centrales nucléaires. Ceci pousse à la concentration des acteurs.

De plus, cette industrie est soumise à un défi technologique constant : la poursuite de la vérification de la « loi de Moore » qui implique de doubler la puissance des composants tous les dix-huit mois. Ce qui signifie que d'ici une quinzaine d'années la taille des transistors, actuellement de 130 nm en milieu industriel (130 milliardièmes de mètre) atteindrait 20 nm (à ce stade de miniaturisation, un transistor sur un microprocesseur de 1,4 cm² correspondrait à l'épaisseur d'un cheveu sur un terrain de football).

En dépit des difficultés sous-jacentes à ces sauts technologiques, il semble que le secteur parviendra à dominer ces défis, soit directement dans le cadre de la filière silicium, soit en explorant d'autres filières comme l'optronique ou les polymères électroniques. De plus, cette démarche « descendante » est appelée à se coupler à la démarche « remontante » des nanotechnologies qui s'efforcent de comprendre comment « la matière s'auto-organise » à l'échelle atomique.

Les enjeux économiques de cette progression technologique sont capitaux. Dès maintenant les microsystèmes (c'est-à-dire le couplage des microprocesseurs avec des capteurs et des transpondeurs d'environnement) irriguent le tissu industriel. A terme, les nanosystèmes auront des applications décisives dans beaucoup de domaines, comme, par exemple, la santé ou la sécurité.

Le rapporteur a, alors, exposé le volontarisme d'État des principaux concurrents de l'Europe dans la compétition mondiale qui se met en place. Les mécanismes d'aides publiques américains, à l'échelon fédéral mais également à celui des États, sont impressionnants : de l'ordre de 2 milliards d'euros annuellement pour les seuls soutiens fédéraux à la microélectronique et aux nanotechnologies.

Les réponses de la France et de l'Europe, même si elles sont pertinentes, sont malheureusement sous-dimensionnées.

C'est pourquoi, a estimé le rapporteur, il est nécessaire de soutenir beaucoup plus activement les filières de haute technologie. A cet effet, il a présenté une série de propositions : clarifier les objectifs par une loi de programme, mieux coordonner l'action d'acteurs publics trop imprégnés d'une « culture de verticalité », mettre massivement à niveau les soutiens à l'ensemble des filières, adapter les pratiques européennes aux réalités de la compétition mondiale, créer un cadre d'encouragement fiscal approprié, moderniser la gestion de la connaissance scientifique et réfléchir aux voies de la constitution de fondations scientifiques qui font défaut à notre pays.

M. Daniel Raoul, sénateur, a estimé que l'Europe devrait mieux structurer l'appui qu'elle porte à ces filières de haute technologie.

M. Claude Birraux, député, président, après avoir souligné la grande qualité de l'étude, a insisté sur l'importance des crédits militaires de recherche dans ces domaines et s'est interrogé sur la présence de l'Institut national de Recherche en Informatique et Automatique (INRIA) dans le dispositif français.

Puis l'Office a adopté les conclusions de l'étude.

Saisine du Bureau de l'Assemblée nationale sur le projet de Charte de l'environnement

M. Claude Birraux, député, président, a indiqué que, par lettre du 17 janvier 2003, Monsieur le Président de l'Assemblée nationale lui avait fait savoir que le Bureau de l'Assemblée nationale, dans sa réunion du jeudi 16 janvier 2003, avait décidé sur sa proposition, de saisir l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques du projet de Charte de l'environnement susceptible d'être adossée à la Constitution.

Se référant à cette lettre, il a souligné que « la contribution de l'Office pourrait prendre la forme d'auditions, notamment du Professeur Yves Coppens, Président de la Commission de préparation de la Charte, ce qui aurait le mérite d'instaurer un échange fructueux entre les parlementaires, les scientifiques et les experts, sans empiéter sur les compétences des commissions permanentes saisies du projet une fois celui-ci déposé ».

Compte tenu des termes mêmes de la saisine, M. Claude Birraux, député, président, a constaté qu'il n'était pas demandé à l'Office de conduire une étude, mais d'organiser des auditions. Ces auditions publiques, dans la tradition de l'Office, pourraient être tenues début avril, sur une journée.

M. Jean-Louis Lorrain, sénateur, s'est demandé si la démarche consistant à multiplier les consultations tant nationales que locales, sur ce projet de Charte, ne risquait pas de conduire, en y intégrant l'Office, à porter atteinte à l'indépendance qui caractérise ses travaux.

M. Claude Birraux, député, président, a considéré que ces auditions devraient permettre de confronter les avis des experts de la Commission, des scientifiques et des parlementaires, pour éclairer le débat des commissions permanentes saisies de ce texte.

M. Daniel Raoul, sénateur, partageant la crainte exprimée par M. Jean-Louis Lorrain, a estimé que cette démarche n'était pas sans rappeler celle qui a précédé la réforme de la décentralisation.

M. Claude Birraux, député, président, a souligné que toutes les suggestions de ses collègues pour le choix des auditions seraient les bienvenues. Il a ajouté qu'il appartiendrait à l'Office, en cette occasion également, de veiller à ne perdre ni son indépendance, ni même son impertinence.

Organisme extraparlementaire - Conseil d'administration de l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) - Nomination d'un membre

M. Claude Birraux, député, président, a informé l'Office de la nomination de M. Maurice Laurent, ancien directeur de service de l'Assemblée nationale, comme membre du conseil d'administration de l'IRSN au titre des personnalités qualifiées choisies en raison de leurs compétences dans les domaines d'activité de l'établissement.