Table des matières
OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)
Mardi 6 mai 2003
- Présidence de M. Claude Birraux, député, président de l'Office.
Nomination de rapporteurs
L'Office a procédé, tout d'abord, à des nominations de rapporteurs :
- M. Jean Dionis du Séjour, député, et M. Jean-Claude Etienne, sénateur, rapporteurs sur la saisine émanant de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale sur les télécommunications à haut débit au service du système de santé ;
- M. Jean-Yves Le Déaut, député, rapporteur sur la saisine émanant du Bureau de l'Assemblée nationale sur la place des biotechnologies en France et en Europe ;
- M. Christian Kert, député, rapporteur sur la saisine émanant de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale sur les techniques de restauration des oeuvres d'art et la protection du patrimoine face aux attaques du vieillissement et des pollutions.
S'agissant de la saisine présentée par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale sur la culture scientifique et technique en France, l'Office a décidé de différer la nomination d'un rapporteur après la publication du rapport de la commission des affaires culturelles du Sénat sur la diffusion de la culture scientifique et technologique, à l'étude duquel sont associés plusieurs membres de l'Office.
L'apport des nouvelles technologies à la sécurité alimentaire - Examen de l'étude de faisabilité
Puis l'Office a examiné l'étude de faisabilité présentée par M. Claude Saunier, sénateur, sur la saisine émanant du Bureau du Sénat et portant sur l'apport des nouvelles technologies à la sécurité alimentaire.
Le rapporteur a noté que le thème proposé était à la confluence de notre enracinement identitaire et des avancées scientifiques et technologiques. Il a aussi relevé que les préoccupations des consommateurs sur la sécurité des aliments et leurs interrogations sur les liens entre la santé et l'alimentation avaient conduit les scientifiques et les industriels à inverser leur démarche : d'objet final, le consommateur est devenu, depuis les crises alimentaires des années 1990, le sujet principal des recherches.
Puis M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur, a exposé les apports de la recherche sur quatre points principaux :
- la satisfaction alimentaire : sur ce point, les progrès sont incontestables, qu'il s'agisse de la certification d'authenticité d'un fromage ou d'un vin (par exemple, les techniques d'analyse moléculaire permettent aujourd'hui de savoir si le lait destiné à la fabrication d'un fromage d'appellation provient de pâtures situées sur l'adret ou sur l'ubac du terroir), de l'odorat ou du goût, domaine dans lequel les nouvelles technologies permettent d'adoucir les traitements industriels afin de ne pas trop altérer les qualités organoleptiques des aliments ;
- les services : le secteur de l'industrie agroalimentaire, directement en contact avec le consommateur, est l'objet de recherches sur la neutralité des emballages et l'application des technologies de l'information à la traçabilité ;
- la nutrition : la multiplication des supplémentations alimentaires de toute nature (probiotique, prébiotique, antioxydants, etc.) visant soit l'ensemble de la population, soit des populations-cibles (femmes enceintes, personnes âgées, sportifs, etc.) conduit les organismes de recherche à entreprendre un effort cognitif important afin de mieux comprendre les mécanismes très complexes de la métabolisation humaine.
Le rapporteur a noté également qu'il existait une différence très nette entre le monde anglo-saxon, privilégiant la segmentation des aliments et leur supplémentation, et le monde latin, qui insiste sur la notion de régime alimentaire global et la qualité organoleptique du produit ;
- la sûreté des aliments : le croisement des nouvelles technologies (biotechnologies, microélectronique) a permis d'apporter des réponses satisfaisantes aux crises alimentaires des années 1990, étant précisé qu'en dépit des dispositifs mis en place, l'insécurité perçue demeure plus forte que l'insécurité réelle.
M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur, a alors indiqué que les enjeux économiques et sociaux des recherches sur le secteur étaient loin d'être négligeables.
L'industrie agroalimentaire française (hors agriculture), avec un chiffre d'affaires de 130 milliards d'euros et 418 000 salariés, est la première industrie française ; elle est également le second exportateur mondial. Elle présente, cependant, des éléments de fragilité :
- elle est très dispersée, car sur 4 000 entreprises, seulement 400 ont plus de 250 salariés ;
- ses grandes entreprises sont peu représentées au niveau mondial, la première ne figurant qu'au 16e rang ;
- elle est soumise, sur son marché intérieur, aux pressions qu'exerce la grande distribution sur ses marges, ce qui explique qu'elle ne consacre qu'un faible pourcentage de son chiffre d'affaires à la recherche (entre 0,5 % et 1 %, contre 5 % à la cosmétique et 15 % à la microélectronique).
Elle peut s'adosser cependant à des organismes publics de recherche puissants et reconnus au niveau mondial, et à un réseau qui s'efforce de mieux lier la recherche cognitive et la recherche appliquée, mais dont les moyens sont encore insuffisants.
Le renforcement des liens entre le secteur industriel et cet appareil de recherche est donc indispensable.
Mais l'alimentation est aussi un acte identitaire, et à ce titre il renvoie à deux types de questions, sanitaires et culturelles.
Le lien très étroit entre notre alimentation et certaines pathologies est connu (par exemple, de 30 à 60 % des cancers des voies digestives sont imputables à des dérèglements du comportement alimentaire). Aussi, est-il important d'accorder une attention particulière à cet aspect du sujet, d'autant que la mauvaise alimentation devient, par ailleurs, un fléau social inquiétant (30 % des Américains sont obèses, mais 12,5 % des jeunes Français le sont déjà).
Culturellement, le problème se pose aussi de savoir si la mondialisation et l'uniformisation ne menacent pas notre identité.
Et dans ces deux domaines, un effort de prévention et d'éducation serait nécessaire.
En conclusion, M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur, a proposé de poursuivre l'étude, mais en en élargissant le champ sous le nouvel intitulé « Les nouveaux apports de la science et de la technologie à la qualité et à la sûreté des aliments ».
M. Claude Birraux, député, président de l'Office, a noté l'importance du sujet, en relevant que des secteurs comme le vin, qui semblaient, il y a peu, inattaquables, étaient soumis à une très forte concurrence étrangère s'appuyant sur des technologies nouvelles. Il a agréé les observations du rapporteur sur la nécessité d'un effort d'éducation. Il a posé également la question de l'uniformisation européenne des additifs alimentaires.
M. Jean-Pierre Brard, député, a indiqué que le thème proposé était, parmi d'autres, l'un des domaines où les conflits de culture s'exerçaient déjà.
Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, s'est interrogée sur l'opacité des opérations agroalimentaires consistant à dénaturer et à recomposer des aliments uniquement pour dégager des marges.
M. Jean Dionis du Séjour, député, s'est inquiété du développement des cancers imputables aux pratiques alimentaires des pays développés.
M. Daniel Raoul, sénateur, a évoqué les questions liées à l'emploi des organismes génétiquement modifiés dans le domaine de l'alimentation.
Puis l'Office, à l'unanimité des membres présents, a autorisé M. Claude Saunier, sénateur, à poursuivre l'étude sous le nouvel intitulé proposé.