Délégations

Table des matières


DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR LA PLANIFICATION

Mercredi 10 mars 1999

- Présidence de M. Joël Bourdin, président.

Audition de M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan

La délégation a procédé à l'audition de M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, accompagné de Mme Véronique Hespel, commissaire-adjoint.

M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a évoqué les quatre thèmes qui figuraient au programme de travail de la délégation : la fiscalité écologique, le vieillissement démographique, les contrats de plan Etat-régions et le rapport sur les perspectives de la France.

Sur le premier point, il a rappelé que dans le prolongement du rapport du groupe de travail présidé par M. Pierre Boisson " Energie 2010-2020 ", un sous-groupe, dirigé par M. Benjamin Dessus, était chargé d'étudier les interactions entre les questions énergétiques et les problèmes environnementaux, dans une perspective de très long terme. Il a également indiqué que le commissariat général du Plan organisait un séminaire méthodologique sur les instruments économiques des politiques d'environnement. Il a souligné que l'intérêt de ce séminaire était de porter à la connaissance des décideurs publics les importantes avancées théoriques en matière de tarification des ressources naturelles, de marchés de droits à polluer ou de fiscalité écologique.

A propos du vieillissement démographique, M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a rappelé que, lorsque le Premier ministre avait inscrit ce chantier, au mois de mars 1998, au programme de travail du commissariat général du Plan, la demande portait sur l'ensemble des effets macroéconomiques du vieillissement, mais que, par la suite, la demande s'était concentrée sur les perspectives financières des régimes de retraite.

Aussi, pour le moment, le commissariat général du Plan n'a-t-il pas abordé des questions liées au vieillissement démographique telles que l'évolution des dépenses de santé, la dépendance des personnes âgées ou l'insertion des travailleurs âgés, problématique potentiellement plus aiguë en France que dans les autres pays.

M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a par ailleurs rappelé que l'objectif de la commission de concertation sur les retraites, qu'il présidait, n'était pas d'élaborer un plan de réforme mais de parvenir à un diagnostic aussi partagé que possible avec les partenaires sociaux.

Cette commission s'est ainsi intéressée en premier lieu aux réformes des régimes de retraite par répartition engagées à l'étranger - notamment en Suède et en Italie -, lesquelles sont riches d'enseignements pour nos propres systèmes de retraite.

La principale conclusion de l'étude de ces expériences est que, dans tous les cas, les réformes sont extrêmement longues à mettre en oeuvre, exigent un maximum de concertation et doivent jouer sur l'ensemble des paramètres.

M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a également indiqué que les prévisions financières, qu'il allait présenter prochainement, exploraient un champ beaucoup plus large que celles présentées en 1995 par M. Raoul Briet - 20 régimes sont ainsi étudiés contre 7 dans le rapport Briet - et également un horizon beaucoup plus lointain, puisque ces prévisions vont jusqu'en 2040, contre 2015 pour le rapport Briet.

M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a souligné que l'information réellement nouvelle par rapport au rapport Briet porterait sur ces deux points et que les travaux de la commission de concertation permettraient de mettre en évidence la dégradation sensible des perspectives financières de nombreux régimes après 2015.

Il a également considéré, à la lumière des expériences étrangères, que la bonne réponse à l'incertitude sur le très long terme était de mettre sur pied un dispositif de pilotage de la réforme.

A propos des travaux sur les comparaisons entre régimes de retraite, sur lesquels beaucoup d'informations ont été divulguées, il a estimé impossible de disposer des informations suffisantes afin de procéder à des jugements comparatifs sur les rendements respectifs des régimes ; en particulier, il est difficile de savoir dans quelle mesure s'opère, au sein de chaque régime, une compensation entre le niveau des retraites et celui des salaires nets.

M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a évoqué les pistes de rééquilibrage des régimes de retraite que la commission de concertation avait explorées : allongement de la durée de cotisation, modification des coefficients d'abattement pour droits incomplets - puisque, aujourd'hui, les règles de liquidation des pensions incitent les salariés du secteur privé à partir le plus tard possible et ceux du secteur public le plus tôt possible -, prise en compte dans l'assiette des cotisations de revenus actuellement exclus et, enfin, création d'un fonds de réserve.

M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a indiqué qu'une dernière réunion était programmée avant la remise du rapport, au cours de laquelle il présenterait ses propres conclusions, et les partenaires sociaux, leurs réactions.

Sur les contrats de plan Etat-régions, M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a rappelé que la préparation de la nouvelle génération avait donné lieu à des avancées très rapides dans quelques domaines (transports, énergie, enseignement supérieur et recherche), mais que des blocages apparaissaient dans d'autres domaines, en raison d'un manque de réflexion prospective en amont.

Il a observé que la préparation de la nouvelle génération des contrats de Plan Etat-régions ne permettait pas d'observer de déplacement dans la répartition des compétences entre l'Etat et les régions, ce qu'il a considéré comme un acquis de la planification régionale, même si, par ailleurs, une modification de la répartition des compétences au sein de l'Etat, entre la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) et les préfets régionaux, se dessinait.

Concernant le rapport sur les perspectives de la France qui lui a été demandé par le Premier ministre, M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a remarqué que cette procédure était inspirée par le rapport de M. Jean de Gaulle sur la réforme de la planification. Il a également indiqué qu'elle obéissait à deux particularités : d'une part, le Premier ministre a indiqué que le rapport qui serait transmis aux assemblées parlementaires serait accompagné d'une lettre indiquant les enseignements qu'il en tire pour sa propre action ; d'autre part, le Premier ministre a défini quatre orientations essentielles pour l'élaboration de ce rapport : la lutte contre le chômage, le renforcement de la cohésion sociale, le développement de l'économie française dans le cadre européen et la modernisation des instruments de l'action publique, orientations à partir desquelles le commissariat général du Plan travaille en toute indépendance.

M. Serge Lepeltier a indiqué que le rapport d'information sur les instruments économiques et fiscaux visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre, qu'il soumettrait à la délégation le 11 mai prochain, ferait apparaître la convergence des diagnostics quant à la probabilité d'un changement climatique, l'incertitude quant à ses conséquences et les engagements pris par la France en matière de limitation des émissions de gaz à effet de serre, lesquels seront extrêmement difficiles à tenir et impliqueront des choix très importants en matière d'énergie, de transports ou d'urbanisme, sur lesquels l'opinion publique lui paraissait peu informée.

M. Jean-Pierre Plancade a rappelé que la problématique du vieillissement démographique dépassait largement celle du financement des régimes de retraite et que celui-ci aurait, par exemple, des effets très sensibles sur les dépenses des collectivités locales en matière de dépendance, d'accueil ou d'accompagnement des personnes âgées. Sur les retraites, il a regretté que le débat en cours ne porte que sur les sacrifices éventuels de la génération actuellement au travail, sans rappeler que, quelles que soient les décisions qui seront prises, la croissance du revenu national permettrait une progression continue du niveau de vie des retraités. Il s'est enfin interrogé sur la pérennité de l'indexation des pensions sur les prix, contenue dans la loi du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde des régimes de protection sociale, dans la mesure où elle pourrait se traduire à long terme par une baisse du niveau relatif des retraites.

Mme Janine Bardou et M. Pierre André ont regretté que l'évaluation des politiques menées par les conseils régionaux soit le plus souvent réalisée par les chambres régionales des comptes et souhaité que celle-ci puisse être confiée au commissariat général du Plan.

M. Joël Bourdin, président, a demandé des précisions sur les travaux de la commission de concertation sur les retraites, relatifs à la création d'un fonds de réserve. Il a également interrogé le commissaire au Plan sur la possibilité, pour des instances parlementaires, de commander des études au commissariat général du Plan, en particulier en matière de projections macroéconomiques.

En réponse, M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a tout d'abord évoqué sa participation à l'expertise économique récemment décidée par le Gouvernement. Il a ensuite confirmé que les engagements pris par la France en matière de limitation des émissions de gaz à effet de serre seraient extrêmement difficiles à tenir et que cela conduirait vraisemblablement notre pays à recourir à des procédures dont il n'avait aucune expérience, comme l'achat de droits à polluer négociables.

Il a par ailleurs assuré que les futurs retraités auraient des retraites plus longues et plus élevées en pouvoir d'achat que les retraités actuels. Ainsi, l'allongement de la durée de cotisation d'un trimestre par an, solution explorée par la commission de concertation, correspond-elle exactement à l'allongement de l'espérance de vie, de telle sorte que les retraites futures auront une durée au moins équivalente à celles d'aujourd'hui. Il a estimé que l'indexation des retraites sur les prix ne se traduirait pas par un écart indéfiniment croissant entre retraites et salaires, dans la mesure où, le niveau auquel les pensions sont liquidées dépendant de celui des salaires, l'évolution de la masse des retraites finit toujours, à très long terme, par suivre celle des salaires.

M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, a également rappelé que, pendant encore une trentaine d'années, la majorité des nouveaux retraités sera entrée dans la vie active avant vingt ans, de sorte qu'il est exagéré d'affirmer que l'allongement de la durée de cotisation entraînerait automatiquement une diminution du niveau des retraites.

En matière de fonds de réserve, il a indiqué qu'un choix devrait être opéré entre, d'une part, un fonds transitoire qui permettrait seulement d'amortir les effets de la dégradation des régimes de retraite jusqu'en 2040, et qui devrait représenter 3 points de PIB en 2020, et, d'autre part, un fonds pérenne qui produirait des revenus au-delà de 2040 sans entamer le capital, et qui devrait être investi en actions et atteindre 10 à 15 points de PIB en 2020. Compte tenu des sommes en jeu et du retard déjà pris, la première solution lui a semblé la plus plausible.

Il a enfin indiqué que le commissariat général du Plan pourrait à l'avenir, comme il l'a déjà fait, répondre à des commandes d'études émanant des instances parlementaires, mais a formulé des réserves sur les capacités immédiates du commissariat général du Plan à y répondre, compte tenu du lourd programme de travail qui lui avait été confié par le Gouvernement.