Délégations et Offices

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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)

Mardi 24 novembre 1998

- Présidence de M. Henri REVOL, sénateur, président.

Programme de travail

L'office a tout d'abord entendu une communication de son président sur le programme de travail de l'office pour les mois à venir. A cette occasion, M. Henri Revol, sénateur, président, a informé l'office des réflexions engagées par le Bureau sur un éventuel aménagement de la composition de l'office à proposer au Parlement, ainsi que sur le mode de nomination et de fonctionnement des comités de pilotage des études de l'office.

M. Claude Birraux, député, a, pour sa part, réitéré la suggestion que l'office organise une visite de l'université de Louvain, en Belgique, autour du thème de la valorisation et des transferts de technologie et de leurs retombées, ainsi qu'une visite au centre commun de recherche à Ispra, en Italie.

M. Charles Descours, sénateur, a évoqué le sujet des semi-conducteurs et s'est enquis des modalités de saisine de l'office. Il a salué, à son tour, les possibilités ouvertes par l'université de Louvain pour les chercheurs créateurs d'entreprises. Il a annoncé la tenue d'une prochaine conférence au sujet des semi-conducteurs dans le cadre du programme " Médéa ".

Nomination de rapporteurs

L'office a ensuite nommé M. Pierre Laffitte, sénateur, rapporteur pour :

- la saisine émanant du bureau du Sénat sur " l'efficacité des procédures de participation des PME françaises aux financements de programmes de recherche à caractère plurinational " ;

- la saisine émanant de la commission des affaires économiques et du plan du Sénat sur " les retombées économiques et technologiques, pour la France, des recherches menées en coopération entre secteur public de recherche et secteur privé par le canal d'Eurêka et par le canal de programmes européens " ;

- la saisine émanant de la commission des affaires culturelles du Sénat sur le même sujet.

Audition de la commission nationale d'évaluation des recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue

L'office a ensuite procédé à l'audition de la Commission nationale d'évaluation (CNE) des recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, sur son quatrième rapport annuel remis au Gouvernement et transmis par celui-ci au Parlement. M. Bernard Tissot, président de la Commission, était accompagné de MM. Jacques Lafuma, Jean Lefèvre et Jean-Paul Schapira, membres de la Commission, ainsi que de M. Arsène Saas, secrétaire scientifique.

M. Henri Revol, sénateur, président, après avoir souhaité la bienvenue à la délégation, a rendu hommage au professeur Raymond Castaing, récemment disparu.

Dans un propos liminaire, M. Bernard Tissot, président de la CNE, a émis le souhait que soient pourvus deux postes vacants au sein de la Commission, pour lesquels la nomination se fait sur proposition du Parlement. Puis il a évoqué les travaux de la CNE sur l'année écoulée : quatorze auditions et cinq entretiens sur la réversibilité, permettant de consulter les experts français et étrangers et les associations. Dès lors que l'axe " 3 " (conditionnement et entreposage) de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991, relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, est clarifié, et que l'axe " 1 " (séparation et transmutation) est renforcé, notamment s'agissant des hybrides, il lui a semblé que les recommandations de la CNE étaient assez bien suivies, avec des restrictions, toutefois, sur les questions sociologiques.

M. Jean Lefèvre, évoquant les inventaires, a estimé que ceux-ci étaient indispensables au regard des quantités de radio-nucléides et des séparations ou transmutations à opérer. Pour l'axe " 2 " (stockage souterrain), l'inventaire est, selon lui, également nécessaire. Pour l'axe " 3 ", l'estimation des emprises nécessaires à l'entreposage implique également un inventaire. Il a relevé que les prévisions élaborées par l'Agence nationale des déchets radioactifs (ANDRA) en 1996 et en 1998 laissaient apparaître un écart de l'ordre de 30.000 m3 pour les volumes de déchets B. Il a précisé que cet écart n'était pas imputable aux évaluations de la Compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA), mais à celles d'Électricité de France (EDF) et du Commissariat à l'énergie atomique (CEA).

M. Jean Lefèvre a conclu que l'état du stock existant devrait être bien défini. Il a souligné l'absence de prise en compte des déchets de démantèlement. Il a souhaité un meilleur inventaire des divers combustibles usagés et une estimation plus précise de l'emprise des stockages.

M. Jean-Paul Schapira a tout d'abord insisté sur la difficulté que soulève la gestion du plutonium et des actinides en l'absence de réacteur surgénérateur. Concernant les systèmes innovants, il a souligné leur spécificité pour la destruction des actinides mineurs, et salué la fédération des efforts du CEA et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) sur le sujet, ainsi que la coopération de la France, de l'Espagne et de l'Italie.

Il a présenté une série de recommandations :

- poursuite de scénarios détaillés avec analyse des impacts sur l'homme ;

- examen de l'usage des calcinats en matière de réversibilité ;

- abord du recyclage du plutonium au terme de plusieurs décennies d'entreposage ;

- évaluation du rôle du thorium et des moyens d'irradiation en neutrons rapides (avec le réacteur Jules Horowitz, notamment) ;

- association du cycle aux systèmes innovants (avec la pyro-métallurgie, notamment).

M. Jacques Lafuma a évoqué les problèmes sanitaires suscités par les déchets à haute activité. Il a rappelé que, pour les éléments radioactifs à longue période physique, la toxicité chimique est un risque beaucoup plus grand que la toxicité radiologique. Il a fourni l'exemple du rubidium ou de l'uranium naturel. Il a fait valoir que la toxicité chimique des effluents de l'industrie nucléaire était plutôt ignorée, faute de critères sanitaires clairs, alors que les données physiologiques sont bien connues.

Traitant des questions de l'entreposage et du stockage des déchets radioactifs, M. Jean Lefèvre a d'abord indiqué que la question du choix des sites des futurs laboratoires souterrains n'avait pas fait l'objet d'un nouvel examen par la CNE cette année. Il a ensuite souhaité que soit approfondie la réflexion sur la liaison entre entreposage (axe " 3 " de la loi de 1991) et stockage (axe " 2 "), insistant sur le caractère essentiel de la qualité des conteneurs et sur-conteneurs pour les colis entreposés sur une très longue durée (deux à trois siècles).

M. Bernard Tissot a enfin évoqué les aspects internationaux des questions entrant dans le champ des compétences de la CNE. Il a, en particulier, fait état d'enregistrements tirés de l'observation d'un site de stockage en subsurface dans l'état du Nouveau Mexique aux États-Unis. Il a estimé, lui aussi, que la qualité du conteneur restait la clef du problème.

Observant que le tuf volcanique de Yucca Mountain n'était pas une roche d'excellente qualité, M. Bernard Tissot est convenu que le choix du site américain n'avait pas été fait en fonction des seuls critères géologiques. Il a ensuite indiqué qu'au Canada, un laboratoire expérimental fonctionnait en site granitique, mais que le stockage n'avait pas été assuré faute d'acceptation sociale et qu'en Suisse, il existait deux projets, l'un en site argileux et l'autre en site marneux avec accès horizontal, mais qu'une votation avait bloqué l'évolution de ces sites.

M. Henri Revol, sénateur, président, a alors rappelé les conclusions d'une récente commission sénatoriale d'enquête sur l'abandon du réacteur Superphénix. Il s'est interrogé sur les systèmes hybrides futurs et a souhaité que l'on puisse s'engager dans la réalisation d'un démonstrateur de faible puissance.

M. Christian Bataille, député, regrettant la brièveté du délai dont avaient disposé les membres de l'office pour prendre connaissance du rapport de la CNE, a constaté que ce rapport s'attachait opportunément à recentrer les travaux de la Commission sur l'évaluation des recherches en cours. Il a souhaité mieux connaître l'état d'avancement des trois axes de recherche définis par la loi de 1991 et appelé de ses voeux le déploiement d'efforts égaux sur ces trois axes de recherche. Évoquant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur le réacteur Superphénix, il a estimé que l'utilisation du réacteur en vue de recherches sur la transmutation était une justification ex post. Rappelant le sérieux de l'élaboration par le Parlement de la loi de 1991, et estimant que le troisième rapport de la CNE n'avait pas été assez équilibré, il est convenu que le quatrième rapport correspondait mieux à l'intention du législateur.

M. Henri Revol, sénateur, président, a souligné que le quatrième rapport de la CNE avait été communiqué aux membres de l'office dans les meilleurs délais possibles au regard des conditions de sa transmission. Il a estimé, sur le fond, que les moyens consacrés à la transmutation n'avaient été accrus que grâce à la loi de 1991.

M. Christian Bataille, député, a insisté sur la nécessité que l'office dispose du délai nécessaire à un examen approfondi des rapports de la CNE avant que la presse n'en débatte.

M. Bernard Tissot a confirmé le caractère " harmonieusement réparti " de la recherche entre les trois voies ouvertes par la loi de 1991 à l'heure actuelle.

Mme Michèle Rivasi, députée, a exprimé successivement ses préoccupations sur la question des déchets de catégorie A, et, s'agissant des déchets B, sur le choix prochain de sites de laboratoires souterrains. Elle a estimé que les critères de tels choix restaient imprécis. Elle a enfin évoqué la question du coût économique du recyclage du plutonium.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président, a souligné qu'un blocage du traitement des déchets aurait pour conséquence de " décrédibiliser " l'ensemble de la filière nucléaire. Il a salué, à son tour, le caractère équilibré des conclusions de la CNE.

Répondant à Mme Michèle Rivasi, députée, M. Bernard Tissot, a estimé que la réversibilité ne faisait pas problème, mais qu'en plus du critère d'accessibilité horizontale, il fallait aussi tenir compte de la sismicité.

Revenant sur les comparaisons avec l'étranger, Mme Michèle Rivasi, députée, a observé que le critère géologique n'était pas exclusif.

S'agissant de l'inventaire des déchets, M. Bernard Tissot a souhaité que priorité soit donnée à l'inventaire de l'existant, sachant que l'inventaire à l'échéance de 2020 était un exercice nécessairement hasardeux.

Mme Michèle Rivasi, députée, a souligné l'urgence d'un inventaire précis des déchets détenus par la COGEMA, l'EDF et le CEA, y compris ceux qui proviennent de l'étranger.

M. Claude Birraux, député, a rappelé que le dispositif prévu dans la loi de 1991, au sujet du retour des déchets étrangers dans le pays d'origine, avait été adopté à son initiative. Il s'est interrogé sur la possibilité d'expérimenter la réversibilité du stockage dans des laboratoires, sans y installer des déchets. Il a estimé que les systèmes hybrides faisaient partie du débat sur l'axe " incinération/transmutation ". Il a fait référence à ses précédentes analyses relatives au réacteur proposé par le professeur Carlo Rubia en 1996, puis il a fait état des crédits affectés par le Congrès américain aux réacteurs pilotés par accélérateur ou recourant au fluide caloporteur, à Los Alamos, ainsi que des projets de réacteurs à haute température, éventuellement en partenariat avec des Japonais, des Russes et des Français.

Répondant à des observations présentées par M. Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président, M. Bernard Tissot a successivement indiqué que le stockage permanent et profond des déchets B était inévitable, mais que les combustibles irradiés (350 tonnes chaque année) devaient être déposés dans des entreposages aisément réversibles, qui pourraient être constitués par des galeries horizontales creusées sous des montagnes.

Il a rappelé que les sols avaient des qualifications géologiques très variables. S'agissant du site de la Vienne, il a rappelé l'existence d'un certain nombre de failles, qualifiées d'hectométriques, rendant difficile, au regard de l'étanchéité et du coût des travaux à cette fin, le stockage profond ; de même, l'existence de nappes aquifères soulève des difficultés qui ne se poseraient pas dans un site où le granit affleure à la surface du sol.

M. Claude Birraux, député, a suggéré qu'un laboratoire de subsurface puisse être lancé au titre de l'axe " 3 ".

M. Jean-Paul Schapira a indiqué que les aspects techniques à étudier pour assurer la réversibilité avaient été inventoriés (corrosion, remplissage de l'entourage des colis, etc.).

M. Bernard Tissot a souligné que la réversibilité se définissait non pour les sites, mais pour les types de déchets.

Organisme extraparlementaire - Commission nationale d'évaluation relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs - Désignation d'un candidat proposé à la nomination du Sénat

Au terme de la réunion, M. Henri Revol, sénateur, président, a rappelé que, selon l'article 4 de la loi du 30 décembre 1991, six des douze membres de la Commission nationale d'évaluation étaient nommés sur proposition de l'office, moitié par l'Assemblée nationale, moitié par le Sénat, et que, parmi les six membres désignés par le Parlement, deux devaient être des experts internationaux. Ces deux postes sont actuellement vacants, et il a proposé à l'office de présenter à M. le Président du Sénat la candidature de M. Claës Thegerström, expert suédois francophone qui dirige l'équivalent de l'ANDRA en Suède. Il en a été ainsi décidé.