Délégations et Offices

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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)

Mercredi 20 janvier 1998

- Présidence de M. Henri Revol, sénateur, président.

Échange de vues avec les membres du conseil scientifique sur des thèmes d'étude susceptibles d'être proposés aux bureaux des Assemblées

L'office a procédé à un échange de vues avec les membres de son conseil scientifique sur des thèmes d'étude susceptibles d'être proposés aux bureaux des Assemblées.

Après avoir salué les membres du conseil scientifique, M. Henri Revol, sénateur, président, a signalé que la réunion de l'office serait retransmise en différé sur " Canal Assemblées ". Il a ensuite rappelé les missions de l'office et le rôle de son conseil scientifique.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président, a souligné le rôle essentiel des comités de pilotage, composés de scientifiques, et choisis par chaque parlementaire chargé d'un rapport au sein de l'office. Il a insisté sur les innovations introduites par l'office qui fut la première instance parlementaire à procéder à des auditions ouvertes à la presse, à organiser le premier forum interactif sur Internet et à mener à bien une conférence de citoyens.

M. Henri Revol, sénateur, président, a indiqué que le but de la réunion était de consulter, à la fois les parlementaires membres de l'office et les personnalités de son conseil scientifique, sur les prochains thèmes d'étude, puis de remettre la liste de ces thèmes, classés par ordre d'intérêt, au président de chacune des Assemblées.

M. Daniel Cariolle, ingénieur météorologiste, spécialiste des climats et des changements globaux, directeur de la Recherche à Météo France, a souhaité que l'office étudie les méthodes de prévision de la pollution atmosphérique oxydante et leur mise en oeuvre opérationnelle afin de mieux mesurer la pollution par l'ozone pour en améliorer la prévention au lieu de se contenter de donner l'alerte.

Il a expliqué que la durée de vie de l'ozone variait entre quelques heures et plusieurs jours et, qu'en conséquence, des mesures effectuées près des sources de pollution pourraient être basses alors qu'elles seraient élevées loin de celles-ci. Il a ajouté que la pollution urbaine en ozone pouvait se retrouver condensée à la périphérie des villes et qu'il s'agissait donc de mettre en place des moyens de mesure en temps réel, permettant à la fois la surveillance, l'alerte et le bilan à l'échelle des régions, et même de l'Europe, afin de dresser des sortes de cadastres d'émission de l'ozone.

M. Pierre Castillon, ingénieur, spécialiste du génie chimique, directeur recherche technologie environnement d'Elf-Aquitaine, et Mme Anny Cazenave, ingénieur de recherche, responsable du département géophysique et océanographie spatiale du Centre national des études spatiales (CNES) à Toulouse, se sont ensuite présentés.

M. Hubert Curien, ancien ministre de la recherche, vice-président de l'Académie des sciences, a proposé que l'office étudie les grands équipements de recherche nationaux et internationaux dans la mesure où ceux-ci représentent 10 % à 15 % des dépenses de recherche du secteur public. Il a insisté sur le fait que la France et l'Europe avaient la responsabilité de décider de la réalisation et de l'implantation de ces grands équipements, pour lesquels une concurrence existait entre les différents pays d'Europe.

M. Jean-Marc Egly, directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), membre du conseil scientifique des génomes, a souhaité que l'office se penche sur la question de l'efficacité des structures de recherche de l'Éducation nationale, du CNRS et de l'INSERM. Il a ajouté que, selon lui, leur unicité devait être recherchée, notamment en relation avec les structures européennes.

M. Jean-Pierre Finance, président de l'université Henri Poincaré de Nancy, professeur d'informatique, a suggéré que l'office étudie les freins et les obstacles à la valorisation de la recherche et au transfert de technologie. Il s'est inquiété de la multitude des structures s'occupant de ces questions et de la dispersion de leurs efforts tandis que les universités avaient besoin d'être aidées. Il a souhaité que ces structures soient évaluées, et que les personnes qui s'y consacrent puissent en retirer un bénéfice pour leur carrière.

M. Henri Guillaume, ingénieur, professeur d'université, spécialiste du financement de l'innovation et de la technologie, président du Comité d'engagement du Fonds public pour le capital-risque, a jugé souhaitable que l'office évalue la politique de mise en place d'incubateurs et de fonds d'amorçage par les universités et les organismes de recherche pour favoriser la création d'entreprises innovantes, ainsi que les convergences entre les efforts de l'État, ceux des collectivités territoriales et ceux du secteur privé.

M. Axel Kahn, généticien, directeur de recherche à l'INSERM, ancien président de la commission du génie bio-moléculaire, membre de la commission du génie génétique, a proposé que l'office étudie le clonage, la thérapie cellulaire et l'utilisation thérapeutique des cellules embryonnaires. Il a vivement insisté sur l'actualité de cette question en France et dans le monde, ainsi que sur le niveau des financements publics accordés par les États-Unis d'Amérique aux recherches sur les souches embryonnaires humaines. Il a rappelé le rôle important que le clonage pourrait jouer dans la reproduction des mammifères, comme dans l'agriculture, ou le matériel thérapeutique humain. Il a souligné l'acuité des problèmes éthiques et législatifs soulevés par ces nouvelles possibilités.

M. Étienne Klein, physicien, assistant du directeur des sciences de la matière au Commissariat à l'énergie atomique (CEA), a proposé, comme sujet d'étude, la politique française concernant la production et l'utilisation de lumière synchrotron (projet Soleil). Il a insisté sur le grand intérêt que la communauté scientifique unanime portait à la réalisation d'une machine capable de fournir une énergie plus basse et une luminosité plus grande, et sur sa déception de voir la décision de réalisation du projet " Soleil " repoussée sine die.

M. Georges Pédro, représentant de l'Académie des sciences, a proposé à l'office de s'intéresser à l'enseignement et à la recherche pour l'ingénierie dans les universités françaises. Il a rappelé que le rapport biennal sur l'état de la science, émanant de l'Académie des sciences, conduisait directement à envisager un tel sujet puisque, au delà des sciences fondamentales, il est nécessaire de former des ingénieurs en technologie.

M. Michel Petit, directeur du centre de recherche de l'École polytechnique, spécialiste de l'étude des milieux naturels -en particulier de l'effet de serre- et des techniques d'information et de communication, a soumis à l'office un sujet sur l'influence sur la santé humaine des polluants à l'intérieur des locaux. Il a rappelé que le développement de l'asthme restait en effet largement inexpliqué, et que ce dernier était probablement moins lié à la pollution extérieure qu'à l'environnement à l'intérieur même des locaux.

M. Joël de Rosnay, directeur de la stratégie de la Cité des sciences et de l'industrie, docteur es sciences, spécialiste de chimie organique et des relations entre la biologie et l'informatique, a souhaité que l'office étudie les semences stériles (gène " terminator ") qui constituent un nouveau risque. Il a indiqué qu'un brevet avait été déposé en 1998 sur le " contrôle de l'expression génétique des plantes ", ce qui revenait à manipuler l'acide désoxyribonucléique (ADN) pour rendre une semence stérile. Il a souligné que le cycle de la nature était alors cassé dans le but de valoriser les semences créées par telle ou telle entreprise, chaque espèce devenant une sorte de " morgue à semence ". Il a insisté pour que les problèmes industriels, économiques et éthiques posés par ce nouveau genre de semences soient impérativement étudiés.

M. Joël de Rosnay a également soumis à l'office l'idée d'étudier le codage MP3 (motion picture) de l'information et ses relations avec la protection des droits d'auteurs. Il a souligné que la compression de l'information et des données, du son comme de l'image -envisagée par le procédé MP7- allait en effet permettre de copier gratuitement des oeuvres au détriment des auteurs.

Mme Annie Sugier, directeur de la protection à l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), a d'abord proposé à l'office une étude sur le bruit en dehors du milieu professionnel en réponse au sentiment d'impuissance du citoyen face aux agressions sonores, notamment à son domicile. Elle a indiqué que cette question n'était pas dénuée de liens avec la violence dans la cité, et qu'elle pouvait entraîner des modifications des normes de construction. Elle a ensuite proposé à l'office une étude sur la gestion des risques afin d'introduire davantage de démocratie dans la généralisation de nouvelles technologies. Elle a souligné qu'une meilleure information permettrait de mieux prévenir les risques liées aux technologies, d'analyser les accidents survenus et de mieux séparer les rôles entre les promoteurs de ces technologies et les diffuseurs de l'information liée à celles-ci.

M. Robert Galley, député, a proposé à l'office de réfléchir sur l'utilisation thérapeutique de la cellule embryonnaire qui pourrait, par exemple, être efficace dans la lutte contre le SIDA (Syndrome d'immuno déficience acquise).

M. Claude Gatignol, député, a souhaité que l'office se consacre à l'étude des possibilités que pourrait offrir la technique de l'ionisation pour renforcer la surveillance de l'hygiène alimentaire.

M. Henri Revol, sénateur, président, a enfin proposé à l'office d'entamer une étude sur l'évaluation de l'ampleur des changements climatiques, de leurs causes et de leur impact prévisible sur la géographie de la France à l'horizon de 2025, 2050 et 2100. Il a précisé qu'il s'agissait d'élargir l'étude en cours sur les effets prévisibles d'un réchauffement de la planète sur le cycle de l'eau afin de mieux analyser les retombées de ces phénomènes sur notre pays.

M. Pierre Castillon, qui avait proposé un sujet analogue, a estimé que l'expression " changement climatique " convenait mieux que celle de " réchauffement de la planète " et s'est demandé s'il fallait limiter l'étude des conséquences à la France seule.

M. Daniel Cariolle, qui avait suggéré d'étudier les gaz à effet de serre et la limitation de leur rejet dans l'atmosphère, a insisté sur les enjeux à long terme de ces questions. Il s'est interrogé sur l'efficacité des politiques de limitation et sur l'évaluation même de l'application de ces politiques. Il a rappelé que le cycle du carbone demeurait en partie inconnu et que le déstockage du gaz carbonique (CO2) par les océans méritait d'être encore étudié.

M. Michel Petit a insisté sur l'immense effort international mené par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), créé conjointement par l'Organisation météorologique mondiale et par le Programme des Nations Unies pour l'environnement, pour étudier les variations climatiques et leur impact sur chaque continent. Il a rappelé les publications de ce groupe auquel il participe activement.

Il s'est interrogé sur la possibilité pour l'office d'aller au delà des études déjà menées et encore en cours, notamment dans la mesure où la démarche suivie par le groupe n'avait été remise en cause par personne.

Il a indiqué qu'il ne s'agissait pas tant de savoir si le réchauffement climatique provenait de l'effet de serre, que d'étudier l'impact de l'augmentation du gaz carbonique dans l'atmosphère et du relèvement des températures, l'année 1998 ayant été la plus chaude du siècle. Il a noté que la France ne se trouverait pas parmi les pays les plus touchés par cette évolution qui entraînerait probablement des famines et des exodes dans d'autres parties du monde.

Dans le débat qui a suivi la présentation des thèmes d'études proposés pour l'essentiel par les membres du conseil scientifique, M. Jean-Yves Le Déaut, député, vice-président, a souligné, en réponse à M. Michel Petit, que l'office pourrait aussi s'interroger sur les conventions internationales liées aux variations climatiques, comme sur la cohérence des politiques menées en réponse à ces phénomènes, notamment celle des politiques énergétiques.

A propos des sujets d'étude sur les gènes, il a rappelé que l'office élaborait déjà des rapports sur des thèmes connexes. Quant à l'organisation de la recherche, il a estimé que cette question relevait davantage des commissions permanentes que de l'office.

M. Jacques Valade, sénateur, s'est félicité des progrès accomplis par l'office depuis sa création. Il a insisté sur la nécessité de mieux faire percevoir aux hommes politiques les exigences de la réalité scientifique qui, malgré la nécessité de grands équipements coûteux et des retombées souvent lointaines, mérite de figurer parmi les priorités. Il a insisté sur l'urgence de l'étude des conséquences des semences stériles.

M. Charles Descours, sénateur, a souligné l'importance des travaux à mener sur la génétique humaine, au delà de la génétique végétale.

M. Pierre Laffitte, sénateur, a rappelé qu'un projet de loi sur l'innovation était actuellement étudié. Il a souligné l'intérêt de toujours insister sur une meilleur approche culturelle du goût du risque, de l'inventivité et de la création de richesses.

Il a relevé, par ailleurs, que les changements climatiques pourraient avoir des conséquences fondamentales sur l'évolution de certains programmes importants d'aménagement et d'urbanisme en cours. Il a rappelé que, dès 1984, un colloque sur les changements climatiques et le gaz carbonique avait eu lieu à Sophia-Antipolis. Il s'est interrogé sur les conséquences des variations climatiques sur les politiques énergétiques de la France, de l'Europe et du monde.

M. Axel Kahn a ensuite attiré l'attention des participants sur la nécessité de traiter à part le sujet sur le clonage -reproduction à l'identique- et celui sur le génie génétique -transformation génétique- puisqu'il s'agit de phénomènes distincts.

M. Robert Galley, député, a rappelé que les crises violentes d'asthme entraînaient environ deux mille décès par an en France, ce qui confirmait l'intérêt d'une étude sur les effets des polluants situés à l'intérieur des locaux d'habitation sur la santé humaine.

M. Michel Petit a noté qu'au delà de la sélection de sujets possibles, le rôle du conseil scientifique s'étendait, selon lui, à un dialogue constant à mener entre les divers rapporteurs et les membres du conseil scientifique.

M. Henri Revol, sénateur, président, a rappelé que les comités de pilotage placés auprès des rapporteurs de l'office, et dont peuvent faire partie les membres du conseil scientifique, jouaient bien ce rôle fondamental de lien entre le monde scientifique et la sphère politique.

Le président de l'office a enfin rappelé que M. Pierre Castillon avait proposé d'étudier " L'impact réel de l'environnement sur la santé ", question qui avait fait l'objet d'un rapport substantiel publié en 1996 par M. Jean-François Mattéï.

Il a noté que M. Jean-Pierre Finance, quant à lui, souhaitait un sujet sur " Le développement de la société de l'information et de la communication " qui fut l'un des principaux thèmes des travaux de l'office en 1997, avec les rapports de MM. Pierre Laffitte, Franck Sérusclat et René Trégouët qui avaient fait l'objet d'une journée de débats publics au Sénat en octobre 1997.

Par ailleurs, le président a estimé que trois sujets paraissaient étroitement liés aux rapports qu'étaient actuellement chargés d'élaborer les sénateurs Pierre Laffitte et Franck Sérusclat, que les deux sujets proposés par MM. Hubert Curien et Henri Guillaume sur " La coopération scientifique et technologique en Europe " coïncidaient avec les investigations de M. Pierre Laffitte, sénateur, et que celui proposé par M. Georges Pédro sur " Le médicament " entrait sans doute dans le champ du rapport préparé par M. Franck Sérusclat, sénateur.

En conclusion du débat, M. Henri Revol, sénateur, président, a invité chacun des participants à la réunion à choisir trois sujets parmi ceux qui avaient été proposés et de les classer par ordre de préférence.

Les membres du Conseil scientifique ont établi le classement suivant :

1. Clonage, thérapie cellulaire et utilisation thérapeutique des cellules embryonnaires

2. Les grands équipements de recherche nationaux et internationaux

3. Évaluation de l'ampleur des changements climatiques, de leurs causes, et de leur impact prévisible sur la géographie de la France à l'horizon 2025, 2050 et 2100

4. Influence, sur la santé humaine, des polluants à l'intérieur des locaux

5. Ex aequo :

 Les freins et les obstacles à la valorisation de la recherche et au transfert de technologie

 Codage MP3 de l'information et droits d'auteurs

Les parlementaires membres de l'Office ont établi le classement suivant :

1. Clonage, thérapie cellulaire et utilisation thérapeutique des cellules embryonnaires

2. Évaluation de l'ampleur des changements climatiques, de leurs causes, et de leur impact prévisible sur la géographie de la France à l'horizon 2025, 2050 et 2100

3. Grands équipements de recherche nationaux et internationaux

4. Semences stériles (gène Terminator)

5. Hygiène alimentaire et ionisation

Le président et le vice-président de l'office ont été chargés de porter les conclusions de la réunion à la connaissance de M. le Président du Sénat et de M. le Président de l'Assemblée nationale.