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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)

Mercredi 25 octobre 2000

- Présidence de M. Henri Revol, sénateur, président.

Audition des membres du Bureau de l'Académie des sciences

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a procédé à l'audition des membres du Bureau de l'Académie des sciences : M. Guy Ourisson, président, MM. François Gros et Jean Dercourt, secrétaires perpétuels.

M. Henri Revol, sénateur, président, après avoir remercié les membres du Bureau de l'Académie des sciences de bien vouloir s'exprimer pour la première fois devant l'Office, a souhaité qu'ils exposent la teneur des rapports remis le mardi 24 octobre à M. le ministre de la recherche.

M. Guy Ourisson, président de l'Académie des sciences, a indiqué que douze " rapports sur la science et la technologie ", accompagnés d'un rapport de synthèse, avaient été présentés la veille au ministre de la recherche : la méthode de l'Académie des sciences, comparable à celle de l'Office, a consisté à rassembler les compétences présentes au sein de l'Académie et celles d'experts extérieurs. Il a précisé que les sujets d'études choisis appartenaient aussi bien au domaine de la prospective scientifique qu'à celui des sciences fondamentales traditionnelles.

Il a constaté que l'augmentation du budget de la recherche prévue pour 2001 était une source d'espoir, mais qu'elle devrait être confirmée dans les années à venir.

M. Jean Dercourt, secrétaire perpétuel, a ajouté que les thèmes abordés n'étaient pas les domaines-clés des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) -que ceux-ci maîtrisent bien, en collaboration avec le milieu universitaire- mais des sujets situés à la frontière de leurs activités, susceptibles de ne pas être bien couverts : les matériaux du nucléaire, la radio-chimie, la chimie analytique, les systèmes moléculaires organisés, la physique aux temps ultra-courts et aux puissances extrêmes, la statistique, etc...

Il a rappelé que, pour chaque rapport, les auteurs avaient signé des articles personnels, accompagnés d'une synthèse globale et que l'étude ainsi réalisée avait été soumise à des comités d'études critiques puis présentée à l'Académie des sciences. Il a insisté sur les réelles difficultés mises en exergue par les rapports : dispersion des laboratoires pour le secteur des mesures fines réalisées en chimie analytique, redondance dans l'étude des systèmes moléculaires organisés, manque de chercheurs en statistiques (car les étudiants en statistique économique ou mathématique financière sont attirés par le secteur privé).

Il a appelé l'attention sur la recommandation, faite par l'Académie des sciences, de mettre en place des contrats-programmes inter-organismes, structures permettant aux établissements de recherche de définir en collaboration un objectif, un financement et une évaluation à l'issue d'une période de cinq ans. Ce type de structure pourrait activer les recherches nécessaires, d'abord dans le domaine de la radio-chimie, puis dans celui des temps ultra-courts et de la chimie analytique.

Evoquant l'enseignement scientifique trop compartimenté, il a souhaité la mise en place d'un enseignement modulaire composé de modules majeurs et modules mineurs acquis, pour certains, à l'extérieur de l'établissement.

Enfin, il a souligné l'extrême nécessité d'une formation scientifique des citoyens : elle seule permettrait que les raisonnements ne soient pas supplantés par les convictions.

M. François Gros, secrétaire perpétuel, a précisé les thèmes des rapports remis au ministre de la recherche en matière de sciences de la vie :

- la génomique, qui entre dans une ère nouvelle d'étude fonctionnelle permettant de traiter les séquences des gènes mais aussi d'en étudier les produits (protéomique) et les fonctions " physiome ". M. François Gros a rappelé que la France avait produit les premières cartes du génome humain avant de s'incliner devant la puissance des séquenceurs à haut flux américains. Saluant l'initiative des génopôles, il a toutefois insisté sur un problème essentiel et non résolu : le manque de bio-informaticiens capables d'analyser les séquences génétiques et de modéliser leurs algorithmes ;

- la physiologie classique, dont l'enseignement a disparu, mais qui est pourtant indispensable pour une approche intégrée de la génomique comme de l'imagerie médicale ou d'autres domaines ;

- le monde du végétal, longtemps mal aimé de la biologie moléculaire à cause de l'extrême complexité de ses organismes, mais qui présente désormais un véritable intérêt à cause notamment de la transgénèse végétale ;

- le médicament, au carrefour de la génomique, de la biologie moléculaire, de la chimie et de la physiologie. M. François Gros a regretté que la France soit passée du deuxième au cinquième rang mondial dans la production de médicaments à l'échelle internationale et a souligné la nécessité d'une formation à la recherche de médicaments au sein de la faculté de pharmacie ;

- la systématique, science de classification des formes vivantes, tombée, comme la taxinomie, en déshérence.

En conclusion, il a mis en lumière la nécessité de ne pas compartimenter diverses disciplines telles que la biologie, les mathématiques appliquées, la physique ou la chimie.

M. Guy Ourisson a commenté les recommandations générales présentées la veille au ministre de la recherche par l'Académie des sciences. Celle-ci :

- a salué les efforts de redressement du budget de la recherche scientifique et technique française et mis en garde contre les trop importantes fluctuations en ce domaine ;

- a jugé indispensable de stimuler le goût des Français, et particulièrement des jeunes, pour la science ;

- a noté le caractère de plus en plus interdisciplinaire des thèmes scientifiques émergents et la nécessité de formations originales reposant sur le concours de spécialistes d'horizons très différents ;

- a proposé la mise en place de contrats-programmes inter-organismes ;

- a jugé utile de mesurer le coefficient et le délai de retour en France des chercheurs post-doctoraux partant à l'étranger ;

- a mis en lumière la nécessité d'une acceptabilité sociale de la science, qui doit être améliorée par de multiples actions vers le public.

M. Henri Revol, sénateur, président, a souligné l'excellence des travaux accomplis par l'Académie des sciences et insisté sur le problème fondamental que constitue la fracture entre l'opinion publique et la science.

M. Guy Ourisson, saluant la première rencontre officielle entre les corps constitués de l'Académie des sciences et du Parlement, a ajouté que les problèmes de société ne pouvaient être traités par les scientifiques seuls ou les parlementaires seuls.

M. Jacques Valade, sénateur, a souligné l'importance de la relation entre la formation et le développement de la recherche, et la nécessité, qui fait depuis longtemps l'objet d'un consensus non suivi d'effets, de supprimer le cloisonnement entre les grands instituts de recherche et l'université.

En ce qui concerne la formation des citoyens, il a opposé les connaissances scientifiques à la force des convictions et posé le problème de l'information scientifique diffusée par les médias. Il a souhaité que la collaboration entre le Parlement et l'Académie des sciences contribue à résoudre ce problème grave.

Il a évoqué, dans le domaine de la chimie, le poids des laboratoires indépendants, dont la compétence n'est pas suffisamment évaluée.

M. Guy Ourisson a confirmé que ces laboratoires indépendants posaient le problème de la certification de la qualité.

M. François Gros a indiqué qu'au-delà de l'inter-disciplinarité de certaines matières scientifiques, il fallait créer des disciplines connexes : la bio-informatique est une néo-discipline, de même que l'étude des liens entre la biologie structurale et le médicament.

M. Serge Poignant, député, a rappelé l'importance du secteur des biotechnologies, tant pour la recherche que pour l'essaimage. Il a évoqué le problème du renouvellement des chercheurs qui vont majoritairement cesser leur activité dans une dizaine d'années, ce qui suppose la formation, dès à présent, d'une nouvelle génération.

M. René Trégouët, sénateur, a apporté son soutien aux chercheurs dont la demande récurrente est d'inscrire leurs travaux dans la durée, ce qui pourrait être amélioré par une modification des techniques budgétaires.

Il a plaidé pour une revalorisation des salaires des chercheurs post-doctoraux. Il a jugé indispensable le recours du politique au scientifique pour la préparation des décisions importantes et des sommets internationaux (notamment sur l'effet de serre).

M. Jean Dercourt, rappelant que le nombre d'étudiants préparant une thèse en France était de 33.000, a confirmé que le rôle des " thésards et post-docs " était fondamental pour le monde de la recherche.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président, a rappelé la constance de la priorité qu'il fallait donner à la recherche. Il a exprimé ses inquiétudes au sujet de l'évolution de la pyramide des âges des chercheurs, phénomène qu'il conviendrait de lisser dès aujourd'hui. Il a proposé d'améliorer les conditions de retour des jeunes chercheurs partis à l'étranger (modalités des concours de recrutement, délais, aspects matériels...).

Il a suggéré qu'une partie du produit des ventes de licences de téléphonie mobile de troisième génération soit versée au secteur de la recherche, qui avait participé à la découverte de ces nouvelles technologies.

Concernant les rapports entre la recherche et l'aménagement du territoire, il s'est élevé contre le fait de lier le choix d'un emplacement pour l'implantation d'un très grand équipement, au nombre de chercheurs implantés dans la région d'accueil.

Evoquant le problème des vocations scientifiques, il a insisté sur la nécessité de diffuser la culture scientifique et technique.

M. Guy Ourisson a souligné l'intérêt d'opérations telles que " l'Université de tous les savoirs ", qui devraient être multipliées.

M. Jacques Valade, sénateur, a évoqué la possibilité de diffuser, via l'Office, des informations scientifiques sur la chaîne de télévision du Parlement, qui doit être une chaîne parlementaire et civique.

M. Henri Revol, sénateur, président, en conclusion, a appelé de ses voeux l'établissement de contacts réguliers entre l'Académie des sciences et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.