Délégations et Offices

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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)

Mardi 29 juin 1999

- Présidence de M. Henri Revol, sénateur, président.

Sécurité civile - Moyens nécessaires à mettre en oeuvre pour la sécurité des tunnels routiers et ferroviaires français - Examen de l'étude de faisabilité

L'office a tout d'abord examiné l'étude de faisabilité de M. Christian Kert, député, sur les moyens nécessaires à mettre en oeuvre pour la sécurité des tunnels routiers et ferroviaires français.

M. Christian Kert, député, rapporteur, a rappelé les deux graves accidents qui se sont récemment produits dans les tunnels du Mont Blanc et des Tauern en Autriche. A chaque fois, l'incendie a eu lieu dans un tunnel long (11,6 km pour le Mont Blanc et 6,4 km pour les Tauern) et a été difficilement maîtrisable, la température ayant atteint plus de 1 000°C pendant plusieurs heures.

Bien que les effondrements et l'invasion des eaux affectent également les tunnels, les accidents conduisant à des catastrophes sont essentiellement ceux qui donnent naissance à des incendies. Suivant la liste communiquée par le Centre d'études des tunnels, presque tous les incendies de tunnels ont pour origine un poids lourd au moins, avec collision ou incident matériel.

Le rapporteur a ensuite signalé la disparition progressive des consignes de sécurité ainsi que le non-respect des réglementations européennes par les transporteurs. Il a souligné les exemples de la Suisse et de l'Autriche en matière de ferroutage et rappelé l'étude de MM. Demange et Vallon pour l'office sur les alternatives aux problèmes de saturation des axes Nord/Sud, qui démontrait la nécessité d'une liaison ferroviaire alpine.

Au cours d'un débat auquel ont pris part M. Robert Galley et Mme Michèle Rivasi, députés, le rapporteur a indiqué que le but de son étude était de circonscrire les problèmes et de guider les choix technologiques pour la décennie à venir.

M. Henri Revol, sénateur, président, a rappelé qu'il était impossible de se substituer à une enquête de la justice et que l'office pouvait seulement aborder les éléments techniques du sujet.

Au terme du débat, les membres de l'office ont autorisé à l'unanimitél'engagement d'un programme d'étude sur les moyens nécessaires à mettre en oeuvre pour améliorer la sécurité des tunnels routiers et ferroviaires français.

Environnement - Nucléaire - Contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires civiles - Examen de l'étude de faisabilité

L'office a ensuite examiné l'étude de faisabilité présentée par M. Claude Birraux, député, sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires civiles.

M. Claude Birraux, député, rapporteur
, a, dans un premier temps, rappelé l'action de la France en faveur de la sécurité des installations nucléaires des pays d'Europe centrale et orientale, en notant que la situation de ces pays s'était améliorée depuis 1990, mais que, parallèlement, l'éventail de ces situations s'était ouvert, rendant nécessaire une évolution des mécanismes d'assistance conçus il y a dix ans.

S'agissant des aides européennes, M. Claude Birraux, député, rapporteur, a estimé que la nature de l'assistance devait changer et que l'Union européenne devait accroître son effort dans les domaines du cycle du combustible, de la gestion des déchets, de l'assainissement des zones contaminées et de la radioprotection.

M. Claude Birraux, député, rapporteur, a ensuite abordé le problème de l'utilisation du plutonium à des fins militaires, en soulignant qu'il s'agissait d'un problème mondial, car avec la mise en oeuvre des traités de désarmement, les grandes puissances devaient gérer des stocks importants de plutonium de provenance militaire. Un cadre de coopération internationale a été mis en place lors du Sommet du G7 de Moscou en avril 1996. Un accord cadre devrait être conclu au milieu de l'an 2000. Les réacteurs russes produisant deux tonnes de plutonium par an, il convient donc de prévoir des solutions à long terme pour augmenter la capacité d'élimination ou de retraitement du plutonium, impliquant l'utilisation de réacteurs existants à l'extérieur de la Russie.

Dans cette perspective, Russes et Américains ont clairement annoncé leur intention de soutenir et de développer l'option " métal-oxyde " (MOX) et des discussions ont été engagées entre les administrations américaines, allemandes et françaises afin d'élaborer une plate-forme commune pour réaliser l'ensemble du projet russe de recyclage de plutonium militaire.

Enfin, le rapporteur s'est interrogé sur l'action de la France dans ce domaine. La France s'est intéressée au problème dès 1992. Une nouvelle phase de coopération a débuté en juin dernier avec la signature d'un accord trilatéral intergouvernemental franco-germano-russe, qui devrait aboutir avant la fin 2000 à un projet comprenant un plan de financement et tenant compte des prestations à réaliser en Russie.

Répondant à une question de Mme Michèle Rivasi, députée, sur les alternatives possibles à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires en Ukraine, M. Claude Birraux, député, rapporteur, a précisé que toutes les hypothèses devaient être étudiées mais a attiré l'attention sur l'aspect politique de la situation : obliger l'Ukraine à acheter son gaz à la Russie pourrait la placer dans une situation de dépendance.

Au terme du débat, les membres de l'office ont autorisé à l'unanimitél'engagement d'un programme d'étude sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires civiles.

Environnement - Nucléaire - Entreposage et stockage des combustibles irradiés et des déchets radioactifs dans les installations situées en surface ou en subsurface - Examen de l'étude de faisabilité

Puis, l'office a examiné l'étude de faisabilité de M. Christian Bataille, député, sur les possibilités d'entreposage et de stockage des combustibles irradiés et des déchets radioactifs dans les installations situées en surface ou en subsurface.

M. Christian Bataille, député, rapporteur, a exposé les raisons du bien-fondé de cette étude.

En premier lieu, les choix à faire en matière de stockage des déchets nucléaires engageront pour des centaines, voire des milliers d'années. En effet, la décroissance de la radioactivité peut être extrêmement lente. Le traitement des dossiers concernant la gestion des déchets radioactifs doit donc se faire dans une totale transparence.

En second lieu, l'implication du Parlement est rendue nécessaire par la très grande sensibilité de la population qui manifeste parfois une franche hostilité vis-à-vis des différentes solutions proposées pour résoudre le problème des déchets nucléaires. L'acceptabilité des décisions à prendre ne peut reposer que sur une légitimité démocratique.

Enfin, selon la loi du 30 décembre 1991, c'est le Parlement qui décidera souverainement, en 2006, des choix qui devront être faits.

M. Christian Bataille, député, rapporteur, a ensuite énuméré les raisons pour lesquelles il était nécessaire d'étudier, dès maintenant, les problèmes spécifiques que vont poser les combustibles irradiés non immédiatement retraités.

La loi du 30 décembre 1991 et le rapport de l'office qui l'avait précédée reposaient sur l'hypothèse que la totalité du combustible irradié avait vocation a être retraitée. Or, en 1994, Electricité de France (EDF) changeait de doctrine et annonçait qu'une partie du combustible irradié ne serait pas immédiatement retraitée. EDF décidait désormais d'adapter les quantités de combustible retraité aux possibilités d'utilisation du MOX.

En conséquence, deux possibilités s'offrent :

- soit on considère que le retraitement de ce combustible provisoirement excédentaire n'est que différé, et, dans ce cas, il faudra prévoir son entreposage en attente du retraitement ;

- soit on admet que ces combustibles ne seront jamais retraités : on peut alors les considérer comme des déchets auxquels il faudra trouver une solution de stockage définitive, après une période d'entreposage plus ou moins longue.

Le type d'installation destinée à accueillir ces combustibles irradiés dépendra de la solution retenue.

M. Christian Bataille, député, rapporteur, s'est ensuite interrogé sur les moyens d'assurer la conservation de ces combustibles en bon état, de façon sûre et dans des conditions économiques supportables.

Un groupe de travail composé de représentants du Commissariat à l'énergie (CEA), de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), de la Compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA) et d'EDF a été mis en place pour étudier les différents problèmes scientifiques ou techniques que pose la gestion des combustibles irradiés.

Le programme d'entreposage de très longue durée du CEA doit établir pour la fin 1999 un recensement des différentes solutions envisageables pour l'entreposage de longue ou très longue durée de divers déchets B et C, ainsi que de combustibles irradiés.

Pour ce qui concerne les installations déjà existantes, le rapporteur a cité l'installation nucléaire de base Pegase, située sur le Centre du CEA de Cadarache, où des éléments de combustibles irradiés en attente de retraitement sont entreposés, et l'installation Cascad qui doit permettre le stockage à long terme (50 ans) de combustible nucléaire irradié dont le retraitement est différé pour des raisons économiques ou techniques.

L'expérience acquise dans ces deux installations a démontré qu'il est possible de gérer pendant des durées relativement longues des combustibles irradiés dans des conditions de sûreté satisfaisantes. Cependant, il est impossible de prévoir sur une très longue durée les problèmes techniques et sociologiques qui pourront se poser.

A cet égard, plusieurs pays étudient le problème des combustibles irradiés qui s'entassent dans les piscines des centrales :

- aux Etats-Unis, un projet de loi vient d'être déposé, qui tend à imposer la construction d'un centre de stockage où devraient être stockés définitivement les combustibles irradiés considérés comme des déchets non réutilisables ;

- la Suède a ouvert en 1988 le " central interim storage facility ", vaste caverne dans le granit, où sont entreposées en piscine 8 000 tonnes de combustible irradié en attente d'un stockage définitif en couches géologiques profondes ;

- l'Allemagne devrait installer d'ici 2004 un centre intérimaire d'entreposage auprès de chaque centrale pour éviter le transport du combustible irradié, le choix du site national de stockage devant intervenir en 2020.

M. Christian Bataille, député, rapporteur, a fait remarquer qu'aucun pays n'avait, pour le moment, arrêté de solution définitive.

La notion d'entreposage à long terme implique qu'il soit possible, tout en maintenant un niveau maximum de sûreté, d'accroître la durée d'entreposage en sélectionnant les dispositifs de confinement adaptés.

Par ailleurs, ce type d'entreposage n'a d'intérêt que dans la mesure où il permettra au combustible irradié de redevenir une matière énergétique valorisable ou de corriger une erreur qui aurait été faite dans les modalités d'appréciation des risques de sûreté.

Enfin, pour que cette opération devienne économiquement intéressante, il faudrait que les prix de l'uranium naturel augmentent très fortement, l'entreposage de longue durée en surface ou subsurface entraînant des surcoûts importants par rapport au stockage en profondeur.

Pour conclure, le rapporteur s'est interrogé sur les conditions de l'acceptabilité des projets : comment un entreposage en surface pourra-t-il être accueilli par les populations concernées ?

Au terme du débat au cours duquel sont intervenus M. Henri Revol, sénateur, président, et Mme Michèle Rivasi, députée, les membres de l'office ontautorisé à l'unanimité l'engagement d'un programme d'étude sur les possibilités d'entreposage et de stockage des combustibles irradiés et des déchets radioactifs dans des installations situées en surface ou en subsurface.

Audition de la Commission nationale d'évaluation

L'office a ensuite procédé à l'audition annuelle de la Commission nationale d'évaluation (CNE), organisme créé par la loi du 30 décembre 1991, afin d'informer le Gouvernement et le Parlement de l'état d'avancement des recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité.

Cette commission, composée de douze experts de disciplines différentes, présentait son cinquième rapport.

M. Henri Revol, sénateur, président, accueillant les membres de la CNE, a tout d'abord rappelé que la création de la CNE avait marqué le début d'un nouveau mode de collaboration entre les experts et les responsables politiques et que, cette année, les travaux de l'office et ceux de la CNE se révéleront complémentaires, en particulier avec les études sur l'entreposage de longue durée des combustibles irradiés et sur les risques sanitaires des dépôts de déchets nucléaires.

M. Henri Revol, sénateur, président, a estimé que cette collaboration entre scientifiques et parlementaires allait servir d'exemple et démontrer que l'appropriation des dossiers scientifiques et techniques par le Parlement était possible, à la condition que celui-ci sache s'entourer d'avis indépendants et de qualité.

M. Bernard Tissot, président de la CNE, présentant le nouveau rapport d'évaluation de la recherche sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité a considéré que ces recherches se poursuivaient désormais de façon équilibrée entre les trois voies prévues par la loi de 1991 : séparation/transmutation, stockage en couches géologiques profondes et conditionnement/entreposage.

Il a estimé qu'il y avait, de façon générale, adéquation entre les objectifs et la loi, les programmes de recherche et les stratégies des industriels. Il a cependant tenu à attirer l'attention de l'office sur quelques points qui pourraient être améliorés.

L'inventaire des déchets, qui avait donné lieu à de très vives critiques dans les précédents rapports, est en voie d'amélioration grâce à la mission qui a été confiée au président de l'ANDRA.

En revanche, la modélisation et la simulation numériques, outils indispensables pour que les acteurs de la loi de 1991 puissent posséder une vision claire de l'ensemble du problème, restent très largement insuffisantes. La CNE a donc recommandé d'établir sur ce point un plan à long terme, en faisant appel, au besoin, aux équipes des grands laboratoires, publics et privés, français ou étrangers, qui détiennent déjà des compétences dans ce domaine.

En ce qui concerne l'axe 1 de la loi -séparation/transmutation-, la CNE a recommandé qu'un effort prioritaire soit fait en faveur du programme " injecteur de protons à haute intensité " (IPHI) développé par le CEA et l'Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3) et qui constitue un premier élément de la recherche sur les accélérateurs de particules.

Sur l'axe 2 de la loi -le stockage en couches géologiques profondes-, la CNE estime que la décision gouvernementale de décembre 1998 sur l'ouverture des travaux des laboratoires a donné une nouvelle impulsion aux recherches. La recherche d'un site dans un massif granitique conduite par l'ANDRA avec la collaboration du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) se fait dans des conditions objectives du point de vue scientifique, tout en laissant ouverte la concertation avec les pouvoirs locaux et les populations concernées. La CNE a toutefois attiré l'attention sur l'urgence qu'il y avait à définir le type de colis susceptible d'être stocké en souterrain.

Pour l'axe 3 -conditionnement/entreposage-, la Commission a regretté qu'on ne donne pas plus d'importance aux notions d'intérêt général telles que la définition des types de conteneur, le comportement à long terme des matrices ou les contraintes spécifiques introduites par l'exigence de réversibilité.

Dans le débat qui a suivi, M. Henri Revol, sénateur, président, s'est interrogé sur les moyens d'étude des procédés de transmutation qui pourraient être utilisés en l'absence de réacteurs à neutrons rapides.

Mme Michèle Rivasi, députée, a regretté les insuffisances de la modélisation, en particulier pour tout ce qui concerne la radioprotection et les transferts de radioactivité dans l'environnement. Elle s'est également interrogée sur les coûts des opérations de transmutation et sur les problèmes que posent les déchets mixtes à la fois radioactifs et chimiquement toxiques.

M. Christian Bataille, député, a estimé que ce cinquième rapport démontrait que la CNE remplissait parfaitement le rôle qui lui avait été dévolu par la loi de 1991. Il a en revanche regretté que cette loi n'ait pas été appliquée avec plus de rigueur en ce qui concerne l'ouverture des laboratoires souterrains, considérant que le retard mis au choix d'un site dans le granit ne correspondait pas à ce qui avait été prévu lors du vote de la loi.

Après les réponses de M. Bernard Tissot, président, et de plusieurs membres de la CNE, M. Henri Revol, sénateur, président, a conclu en exprimant le souhait que la collaboration entre l'office et la CNE se poursuive dans les mêmes conditions dans les années à venir.