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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)

Mercredi 24 octobre 2001

- Présidence de M. Henri Revol, sénateur, premier vice-président, puis de M. Jean-Yves Le Déaut, député, président.

Santé publique - Impact éventuel de la consommation des drogues sur la santé mentale des consommateurs - Examen de l'étude de faisabilité

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a, tout d'abord, procédé à l'examen de l'étude de faisabilité de la saisine sur « l'impact éventuel de la consommation des drogues sur la santé mentale des consommateurs ».

M. Christian Cabal, député, rapporteur
, a souligné que la toxicomanie constituait un problème majeur et massif de santé publique dont l'Office n'avait pas, jusqu'ici, été saisi. En approfondissant cette question, il a pu mesurer l'intérêt et le besoin d'une approche scientifique afin d'éclairer des décisions politiques trop souvent inspirées par des préjugés ou des intuitions.

A cet égard, M. Christian Cabal, député, rapporteur, a exprimé sa surprise face à la faiblesse des travaux scientifiques conduits dans ce domaine où l'approche psychiatrique et psychanalytique a été privilégiée, en ignorant trop souvent l'apport de la biologie ou les possibilités offertes par les nouveaux appareils d'imagerie médicale. L'approche scientifique rigoureuse est assez récente, dans un domaine où le caractère illicite de certains produits rend difficile le développement d'études épidémiologiques statistiquement significatives. La saisine de l'Office arrive donc à un moment propice, d'autant que la publication de plusieurs rapports sur ces questions est attendue.

M. Christian Cabal, député, rapporteur, a poursuivi en relevant que, si, autrefois, le mot drogue désignait un « médicament » destiné à soulager un malade, le dictionnaire nous donne aujourd'hui la définition suivante : « médicament médiocre, substance capable de modifier l'état de conscience... ».

L'action sur le cerveau est donc la caractéristique d'un produit pour qu'il soit qualifié de drogue, dans le sens commun du terme. Cette définition n'est bien sûr pas satisfaisante, car beaucoup trop large, puisqu'il serait, alors, possible de qualifier de drogue n'importe quel produit ayant un impact sur le psychisme : drogue dure, médicament, solvant, tabac ou alcool, voire le café ou le chocolat...

En outre, le détournement de produits à des fins autres que leur usage normal est fréquent et inquiétant, sans pour autant que ces derniers puissent être qualifiés de drogue par la loi.

En revanche, si l'analyse des effets impose de s'interroger sur la pertinence de la classification sanitaire entre drogues dures et drogues douces, l'approche scientifique à laquelle M. Christian Cabal, député, rapporteur, s'est référé, exclut, à ses yeux, d'aborder le débat sur la dépénalisation de certaines drogues.

Le rapporteur a donc estimé qu'il conviendrait de donner un éclairage scientifique sur les effets des drogues. Dans cette perspective l'apport de cette étude peut être très utile au débat sur la révision de la loi de 1970 :

- en essayant d'apporter une définition juridique de la notion de drogue qui permette d'inclure les nouvelles molécules et le détournement de produits à des fins illicites ;

- et en essayant de déterminer si l'impact des drogues sur le cerveau implique une modification de certaines législations (code de la route, droit de la chasse, droit de l'aviation civile...).

M. Christian Cabal, député, rapporteur a ajouté que si l'éventualité d'un lien entre l'usage des drogues dites « douces » et l'apparition de troubles mentaux, comportementaux et psychotiques, en particulier chez des sujets jeunes, fait l'objet de débats dans la communauté scientifique, dans les médias, ainsi que dans certains milieux politiques, les médecins cliniciens, qu'il a auditionnés, ont fait état de troubles graves liés à la prise de cannabis, beaucoup plus fréquents que ne l'imagine l'opinion publique. Il convient d'ailleurs de souligner, incidemment, la très forte augmentation des dosages de cannabis, qui conduit aujourd'hui à regarder ce terme comme un terme générique incluant une très large palette de produits, dont certains sont d'une nocivité avérée.

En outre, contrairement aux cas d'addiction aux drogues « dures », les effets immédiats ne sont pas ici exclusivement en cause ; il est aujourd'hui scientifiquement prouvé que certaines drogues telles que la cocaïne entraînent des destructions de neurones qui pourraient dégénérer en maladies d'Alzheimer précoces.

Pour ces raisons, il a donc conclu à la nécessité de poursuivre ses investigations, dans la mesure où les connaissances scientifiques les plus récentes dans le domaine de la toxicomanie remettent en cause beaucoup d'idées, et impliquent d'évaluer notre législation et de proposer les adaptations nécessaires, indépendamment des débats philosophiques ou éthiques, qu'il n'a pas l'intention d'aborder dans le cadre de ce rapport.

M Henri Revol, sénateur, premier-vice président, ainsi que Mme Michèle Rivasi, députée, ont souligné l'intérêt de ce thème ainsi que la difficulté de définir la notion de « santé mentale ».

M. Claude Saunier, sénateur, a demandé si la faiblesse du nombre d'études sur le sujet pouvait être également observée dans les pays voisins.

L'Office a ensuite approuvé à l'unanimité les conclusions de son rapporteur tendant à engager un programme d'études conduisant à l'établissement d'un rapport sur cette saisine.

Présidence de M. Jean-Yves Le Déaut, député, président.

La brevetabilité du vivant - Examen de l'étude de faisabilité

L'Office a, ensuite, procédé à l'examen de l'étude de faisabilité sur la brevetabilité du vivant.

M. Alain Claeys, député,
rapporteur, après s'être félicité de la saisine de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, a rappelé que ce sujet avait déjà été évoqué dans un certain nombre de rapports de l'Office, notamment celui de M. Daniel Chevallier consacré, en 1990, aux applications des biotechnologies à l'agriculture et à l'industrie agro-alimentaires et de M. Jean-Yves Le Déaut, en 1998, concernant l'utilisation des organismes génétiquement modifiés dans l'agriculture et dans l'alimentation.

Il a noté qu'il était nécessaire de revenir à nouveau sur ce sujet, compte tenu du fait que le Parlement devra procéder à la révision des lois « bioéthique » qui devrait intervenir au cours du mois de janvier prochain et à la transposition de la directive 98/44 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques. Il a souligné que cette transposition devra se faire à la lumière de la très récente décision, controversée, de la Cour de justice européenne qui a débouté les Pays-Bas de son recours contre cette directive.

Il a ensuite estimé qu'une mobilisation s'était déjà opérée à propos de cette directive, compte tenu des considérables enjeux économiques mais aussi du problème éthique qui a incité des parlementaires français et allemands à susciter une pétition de refus de ce texte.

Il a noté, qu'outre la préparation des futurs débats parlementaires, il conviendrait de réfléchir à plus long terme sur la brevetabilité du vivant, notamment dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.

Après avoir estimé qu'une telle étude entrait dans la compétence de l'Office, il a indiqué qu'il souhaitait lui donner un éclairage historique, concernant notamment l'élaboration de la directive.

Il a également marqué son souci de suggérer un certain nombre de pistes sur des notions qui apparaissent de prime abord peu évidentes comme, par exemple, la distinction invention-découverte et insisté sur le fait qu'il était indispensable de pouvoir breveter les avancées scientifiques et technologiques afin d'assurer le progrès économique mais avec un encadrement éthique.

Abordant le contexte de la discussion de la directive 98/44, il a rappelé que le Président de la République et le Premier ministre avaient tous les deux marqué leur désaccord avec ce texte et notamment son article 5 et avaient demandé des explications supplémentaires à la Commission. Il a indiqué que ce sujet serait évoqué lors du prochain sommet franco-allemand.

Il a fait part de son intention de mener ce travail dans les meilleurs délais en auditionnant des scientifiques, des juristes et des industriels, afin de pouvoir trouver un point d'équilibre entre des exigences contradictoires.

Il a conclu en soulignant que le cadre de réflexion de ce problème avait changé depuis 1994 dans la mesure où les problèmes éthiques étaient différents de ceux d'aujourd'hui et que l'emprise économique était devenue très prégnante sur les découvertes scientifiques .

M. Jean-Yves Le Déaut, député a estimé que les questions avaient été posées de façon claire par le rapporteur et souhaité que ce travail aboutisse rapidement.

Mme Michèle Rivasi, députée, a souligné, d'une part que la mondialisation intervenue, depuis le vote de la loi de 1994, changeait la perspective du débat et, d'autre part, qu'elle était opposée à ce que le vivant devienne la propriété exclusive de ceux qui possèdent la technologie au détriment des pays qui en sont démunis.

M. Claude Saunier, sénateur, a observé qu'il n'était pas possible d'aborder ce dossier sans lui donner une dimension mondiale et qu'il serait nécessaire de suggérer des pistes de réflexion au législateur. Il a conclu en signalant que le prochain sommet de l'Organisation mondiale du commerce aborderait les problèmes de l'agriculture.

M. Christian Cabal, député, a rappelé qu'en 1994 le problème de la brevetabilité ne se posait pas dans les mêmes termes qu'aujourd'hui.

M. Jean-Michel Marchand, député, après avoir également estimé que le cadre éthique avait évolué et qu'il s'agissait maintenant d'éthique économique et sociale, voire humanitaire, s'est déclaré partisan de contester au maximum la brevetabilité du vivant.

M. Alain Claeys, député, rapporteur, a rappelé, en conclusion, qu'il avait déjà abordé la mondialisation de cette question dans ses précédents rapports et estimé, que si on voulait s'en tenir à la question du brevet produit, il faudrait probablement agir au niveau de l'Organisation mondiale du commerce.

L'Office a ensuite approuvé à l'unanimité les conclusions de son rapporteur tendant à engager un programme d'études conduisant à l'établissement d'un rapport sur cette saisine.

Nomination de rapporteurs

Puis l'Office a nommé rapporteurs de la saisine sur les incidences éventuelles de la téléphonie mobile sur la santé, MM. Jean-Louis Lorrain et Daniel Raoul, sénateurs.

Enfin, il a pris acte de l'absence de candidature d'un co-rapporteur pour l'étude sur l'évolution du secteur des semi-conducteurs et de la microélectronique, M. Claude Saunier, sénateur, devenant l'unique rapporteur de cette saisine.