Dans la continuité de son rapport du 18 juin 2020 intitulé « Des compétences de toute urgence pour l'emploi et les entreprises » et de celui du 8 juillet 2021 sur l'évolution des modes de travail et les défis managériaux qu'elle représente, la délégation aux Entreprises a souhaité poursuivre son diagnostic du marché du travail au regard de ses récentes évolutions.
Après avoir entendu plus d’une soixantaine d’organismes ou de personnalités, et réalisé plusieurs déplacements, les rapporteurs Martine Berthet, Florence Blatrix Contat et Michel Canévet ont présenté leurs conclusions le jeudi 29 juin 2023. Adopté à l’unanimité, le rapport d’information sera publié prochainement.
Quels constats ?
En 2022 et 2023, les tensions de recrutement déclarées par les entreprises ont atteint de nouveaux sommets. Deux tiers des entreprises françaises rencontrent des difficultés à pourvoir les postes disponibles. Cette pénurie de candidats touche des activités essentielles à la vie de la Nation : métiers du soin, de l’industrie, du bâtiment, des transports… 119 métiers étaient ainsi en tension en 2019, contre 50 en 2015.
Cette situation, qui s’apparente à une inquiétante spécificité française, est d’autant plus problématique que le taux de chômage de la France reste élevé, autour de 7 %, - et que 13% des jeunes ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi : c’est donc un enjeu social majeur. De plus, 22% des PME et ETI estiment que les difficultés de recrutement ont un impact majeur sur le chiffre d’affaires, et donc sur leurs perspectives de croissance.
Les différentes mesures annoncées depuis 2018 n’ont eu qu’un impact mitigé sur les difficultés rencontrées par les entreprises : la crise d'attractivité de certaines professions s'accentue et les tensions de recrutement ne se sont pas résorbées.
En outre, la France fait face à trois grandes transitions, qui entraîneront à court terme une forte mutation des besoins de compétences de l’économie et de la société : transition démographique, transition numérique, et transition environnementale. Il est urgent de relever ces défis et d’adapter nos modèles de formation initiale et continue.
Or, la formation initiale en France peine à répondre à ces défis. L’orientation des élèves reste un angle mort des politiques publiques, et l’enseignement du socle de compétences, notamment scientifiques, se dégrade. L'offre de formation initiale évolue trop peu et trop difficilement en réponse aux évolutions rapides des besoins de compétences. Les leviers majeurs que sont l’apprentissage et le lycée professionnel souffrent encore d’importants déséquilibres, en dépit de récentes réformes.
La formation continue des salariés, qui souffre d’un sous-investissement chronique des pouvoirs publics, prend insuffisamment en compte l’enjeu majeur des transitions professionnelles et de la reconversion, notamment des seniors. La formation des demandeurs d’emploi peine à trouver les solutions permettant de résorber le halo du chômage, tandis que le Gouvernement entend modifier profondément l’organisation du service public de l’emploi.
Quelles recommandations ?
À l’issue de ses travaux, la délégation aux Entreprises formule 30 recommandations en vue de mieux former, pour aujourd’hui comme pour demain. Parmi celles-ci, figurent notamment les propositions suivantes :
- Systématiser l’intégration dans le cursus de 5e et de seconde générale des temps de découverte des métiers et entreprises, notamment locaux ;
- Développer les dispositifs d’intéressement, de participation et de primes de partage de la valeur au sein des entreprises françaises, pour attirer et fidéliser les talents ;
- Pour accélérer et faciliter la transformation de l’offre de formation initiale, prévoir un délai maximal de traitement des dossiers par France compétences ;
- Préserver le financement dédié à l’apprentissage, pour soutenir l’investissement des centres de formation, garantir des niveaux de prise en charge soutenables et ne plus effectuer de prélèvements au profit de l’Etat sur les ressources qui y sont dédiées ;
- Prévoir un suivi régulier de chaque jeune diplômé issu de lycée professionnel par les conseillers du service public de l’emploi, jusqu’à deux ans après la sortie du lycée, pour améliorer leur insertion durable dans l’emploi ;
- Intégrer à l’orientation et à l’accompagnement des demandeurs d’emploi une sensibilisation aux opportunités offertes par les métiers en tension, renforcer l’offre de formation correspondante, et prévoir un abondement d’Etat du CPF pour financer les formations orientées vers ces métiers ;
- Encourager le déploiement des plans de développement des compétences (PDC) au sein des entreprises et maintenir le niveau de financement de ces plans par les fonds mutualisés, en offrant aux opérateurs de compétences une plus grande visibilité budgétaire ;
- Prévoir que chaque salarié puisse suivre, l’année de ses 45 ans, un bilan de compétences, pour mieux anticiper d’éventuelles évolutions professionnelles.