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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES
Mercredi 13 février 2002
- Présidence de Mme Danièle Pourtaud, vice-présidente.
Examen du rapport d'activité 2001 et bilan du programme TRACE
La délégation a procédé à l'examen de son rapport d'activité 2001, présenté au nom de l'ensemble des vice-présidents par Mme Danièle Pourtaud, présidente.
Mme Danièle Pourtaud, présidente, a indiqué que ce rapport comprenait deux parties, la première retraçant l'examen des sept projets et propositions de loi dont la délégation a été saisie entre janvier 2001 et janvier 2002, la seconde rendant compte des travaux menés sur le thème particulier du programme TRACE.
Réservant son propos à la deuxième partie, Mme Danièle Pourtaud, présidente, a précisé que son objet consistait à analyser le programme TRACE sous l'angle de l'égalité des chances entre garçons et filles, conformément au principe inscrit dans la loi à la suite d'un amendement du Sénat.
Elle a tout d'abord rappelé que, prévu par la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, le programme TRACE vise à amener à l'emploi les jeunes de 16 à 25 ans qui sont les plus éloignés du marché du travail, grâce à un accompagnement renforcé et personnalisé qui repose sur un partenariat entre l'Etat et les régions et des conventions signées avec les missions locales d'insertion.
Mme Danièle Pourtaud, présidente, a souligné la pertinence de l'inscription dans la loi, grâce au Sénat, d'un objectif d'égalité d'accès des jeunes gens et des jeunes filles aux actions d'accompagnement, et de mixité des emplois, sur la base d'un triple constat : les femmes connaissent un taux de chômage supérieur à celui des hommes et représentent 60 % des titulaires des minima sociaux ; leur insertion professionnelle continue d'être considérée dans les mentalités comme moins importante que celle des garçons ; elles réagissent de manière spécifique aux situations d'exclusion avec une tendance à intérioriser le sentiment de rejet qu'elles éprouvent.
Puis Mme Danièle Pourtaud, présidente, a présenté le bilan, au regard de l'égalité des sexes, des trois premières années de mise en oeuvre du programme TRACE.
Elle a, en premier lieu, évoqué les principales caractéristiques du public féminin de TRACE :
- il est désormais majoritaire dans le programme, ce qui traduit notamment ses difficultés particulières d'insertion ;
- il est plus âgé en moyenne d'un ou deux ans par rapport aux jeunes hommes ;
- son niveau de formation à l'entrée de TRACE est plus élevé que celui des jeunes hommes : les filles représentent, par exemple, 67 % des effectifs de niveau bac ;
- il est plus souvent chargé de famille ou en vie maritale ;
- la proportion d'étrangers non européens est plus élevée dans ses rangs (9 % contre 7 % des jeunes hommes).
Mme Danièle Pourtaud, présidente, a ensuite examiné les actions d'accompagnement au regard de l'égalité des sexes. Elle a noté que les jeunes femmes étaient plus souvent en formation que les garçons et proportionnellement moins nombreuses à occuper un emploi ou un emploi/formation.
Mettant en évidence le lien entre insertion professionnelle et insertion sociale, elle a notamment évoqué les difficultés d'hébergement des jeunes et les actions destinées à favoriser leur mobilité, en soulignant que les jeunes filles de TRACE étaient encore moins mobiles que les jeunes hommes. Elle a rappelé que la dernière loi de finances avait créé une bourse d'accès à l'emploi d'un montant de 300 € par mois pour les périodes non rémunérées d'insertion, avec des garanties pour éviter le basculement du dispositif d'insertion dans une logique d'assistance.
Puis Mme Danièle Pourtaud, présidente, a évoqué les actions d'accompagnement ciblées sur les besoins spécifiques du public féminin et la nécessité de mieux prendre en charge les jeunes femmes élevant seules des enfants.
En dépit des efforts, a-t-elle ensuite observé, le taux d'insertion des jeunes femmes dans l'emploi demeure inférieur à celui des hommes : l'objectif de conduire 50 % des jeunes à l'emploi durable est globalement satisfait, mais les jeunes filles sont moins nombreuses à trouver un emploi en fin de parcours. Par ailleurs, les types de contrats de travail qui leur sont proposés sont souvent plus précaires.
Elle a souligné la nécessité de renforcer l'égalité des chances en fixant un objectif quantifié garantissant aux femmes, autant qu'aux hommes, l'accès à l'emploi marchand à la sortie du dispositif.
Mme Danièle Pourtaud, présidente, a vu cinq explications dans le paradoxe qui conduit les jeunes filles, qui ont pourtant un meilleur niveau de formation et une meilleure adaptabilité aux mesures d'accompagnement du programme TRACE, à rencontrer plus que les garçons des difficultés d'accès à l'emploi.
Une première réponse ramène au problème général de la sectorisation des métiers en fonction du sexe, les secteurs de prédilection des jeunes hommes (bâtiment, mécanique, manutention et magasinage...) étant plus nombreux et souvent plus porteurs en termes d'emploi que ceux des jeunes filles (métiers de service aux personnes et aux collectivités, distribution et vente). Ce constat a conduit les missions locales d'insertion à mettre en oeuvre des actions permettant aux femmes d'élargir leurs choix professionnels et de « casser » les représentations attachées aux divers métiers, mais les résistances ne doivent pas être sous-estimées.
Mme Danièle Pourtaud, présidente, a ensuite insisté sur la nécessité de faire évoluer les mentalités du côté des employeurs, chez qui on continue de déplorer des comportements sexistes, ce qui justifie un effort particulier de communication à l'égard des entrepreneurs en faveur de l'égalité de traitement entre les sexes.
En troisième lieu, maillon faible du programme TRACE, la collaboration avec le secteur marchand reste insuffisante, ce qui pénalise tout particulièrement les jeunes femmes, comme en témoigne leur sur-représentation dans les contrats emploi-solidarité.
Puis Mme Danièle Pourtaud, présidente, a fait observer que la situation des jeunes femmes dépendait des caractéristiques de leur bassin d'emploi : celles qui vivent en milieu rural ou dans des zones où l'emploi peu qualifié est avant tout intérimaire ou saisonnier éprouvent le plus de difficultés à s'insérer.
Enfin, les jeunes femmes de très faible qualification rencontrent, au stade de l'insertion dans l'emploi, des obstacles matériels et psychologiques spécifiques, comme le problème de la garde des enfants ou une certaine appréhension face aux environnements professionnels très masculinisés. Par ailleurs, un nombre non négligeable de jeunes filles nouvellement enceintes pendant le parcours TRACE l'abandonnent, ce qui conduit à préconiser une information systématique sur la contraception.
Mme Danièle Pourtaud, présidente, a ensuite proposé à la délégation les neuf recommandations suivantes :
1.- Mieux intégrer la dimension sexuée dans l'outil statistique du programme TRACE, avec une décomposition selon le sexe des données sur les entrées, les sorties, les situations pendant le parcours et tout autre indicateur pertinent pour juger de la mise en oeuvre du principe d'égalité des chances entres femmes et hommes.
2.- Recenser au niveau national les actions menées en faveur de l'égalité des sexes par les missions locales d'insertion pour les diffuser à l'ensemble du réseau et enrichir ainsi les pratiques.
3.- Favoriser une intervention plus fréquente des centres d'information sur les droits des femmes comme opérateur externe, au-delà du partenariat en place.
4- Afin de lutter contre les stéréotypes professionnels, renforcer les actions de sensibilisation des employeurs à la mixité des métiers et travailler avec détermination sur le long terme à un changement des mentalités ; celui-ci nécessite l'implication de tous : familles, éducation nationale et médias.
5.- Approfondir la collaboration avec le secteur marchand et définir un objectif quantifié d'insertion des jeunes filles dans l'emploi durable.
6.- Mettre davantage l'accent sur les actions de parrainage vers et dans l'emploi qui ont pour avantage de structurer les parcours, d'instaurer des relations de confiance entre jeunes et employeurs et de favoriser la lutte contre les discriminations ou les préjugés sexistes.
7.- Accorder impérativement dans TRACE une attention particulière aux jeunes mères isolées confrontées à des difficultés spécifiques, comme la garde des enfants, qui freinent leur insertion. Les partenaires doivent se mobiliser pour créer des foyers d'accueil d'urgence et faciliter la garde des enfants, sans omettre le monde rural où les problèmes d'infrastructures et de mobilité sont multipliés.
8.- Mentionner systématiquement les jeunes femmes dans les circulaires d'application de la loi.
9.- Elaborer des indicateurs permettant de connaître la situation des jeunes un an après leur sortie du programme TRACE.
Un débat s'est instauré.
Mme Gisèle Printz a craint que la recommandation relative à l'aide aux jeunes mères pour la garde de leurs enfants, pourtant si nécessaire, soit difficile à mettre en oeuvre.
Mme Danièle Pourtaud, présidente, après avoir dit qu'il revenait à la délégation d'attirer l'attention sur les problèmes que rencontrent les femmes, a souligné que l'aide aux jeunes mères était une nécessité qui ne se limitait pas au public du programme TRACE et concernait l'ensemble des mères sur le marché du travail.
S'agissant de la recommandation visant à améliorer l'appareil statistique du programme TRACE, elle a, après Mme Gisèle Printz, souligné que, depuis la loi sur l'égalité professionnelle, les organismes publics devaient fournir des statistiques sexuées.
A propos de l'aide aux jeunes mères, Mme Sylvie Desmarescaux a souhaité la mobilisation des conseils généraux pour renforcer les effectifs d'assistantes maternelles pour accueillir les enfants y compris lorsque leurs mères travaillent la nuit. Elle a suggéré un élargissement en ce sens de la recommandation de la délégation, Mme Odette Terrade s'associant à sa proposition.
Mme Gisèle Printz a indiqué qu'elle avait, à plusieurs reprises, lancé l'idée de tickets halte-garderie qui pourraient être distribués par les entreprises en s'inspirant du dispositif applicable aux tickets restaurant. Mme Sylvie Desmarescaux a fait observer qu'une telle idée reviendrait une fois encore à se tourner vers les employeurs.
Mme Danièle Pourtaud, présidente, a regretté la permanence, dans le monde du travail et dans les mentalités, d'une vision sexuée des métiers.
Mme Odette Terrade a déploré la propension des employeurs à préférer recruter des jeunes hommes, en évoquant des cas concrets de femmes à qui l'on avait promis une embauche sous réserve qu'elles ne soient pas enceintes dans les mois qui suivent.
Mme Danièle Pourtaud, présidente, tout en citant des exemples dans le même sens, a insisté sur le fait qu'« être mère n'empêchait pas de travailler » et souligné la nécessité de développer des campagnes d'information sur ce thème. Elle a évoqué à ce propos les statistiques sur l'augmentation de la natalité en 2000 et 2001 en reliant cette progression à l'amélioration des conditions dans lesquelles les femmes peuvent, en France, concilier maternité et vie professionnelle.
Mme Sylvie Desmarescaux ayant fait part de la réticence des jeunes filles à accepter certains emplois en entreprise, Mme Danièle Pourtaud, présidente, a estimé qu'il fallait travailler au changement des mentalités pour briser les stéréotypes professionnels et insisté sur la responsabilité que devaient assumer en la matière les médias et l'éducation nationale.
Mme Gisèle Printz a fait observer qu'il y avait très peu de filles dans certains lycées d'enseignement professionnel et y a vu une réticence de la part des familles ; elle s'est interrogée sur les facteurs de blocage des filles à l'égard de certains métiers -blocage qui peut tenir à des conditions d'accueil insuffisamment adaptées aux femmes, mais aussi à des phénomènes plus difficiles à cerner.
Mme Danièle Pourtaud, présidente, a fait valoir qu'avec les stéréotypes professionnels on touche au problème central de l'égalité hommes/femmes qui est culturel. Elle a souligné à ce propos l'importance de la convention signée entre le secrétariat d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle et l'éducation nationale, en souhaitant que l'on dresse un bilan de son application ; elle a estimé que le principe de parité avait, de ce point de vue, une signification symbolique et devait permettre, par l'accession des femmes à des postes de responsabilité, de changer les stéréotypes.
Elle a noté que les enfants n'ont pas spontanément de comportements de jeux stéréotypés et en a conclu que c'est de la socialisation que naissent un certain nombre de conditionnements. En conséquence, a-t-elle souligné, l'enseignement constitue un des principaux leviers de transformation des mentalités sexistes et on doit se féliciter de la démarche contractuelle avec l'éducation nationale.
Mmes Gisèle Printz et Odette Terrade ont eu un échange sur la proportion plus ou moins grande de filles, selon les filières, dans l'enseignement professionnel.
Mme Danièle Pourtaud, présidente, a relevé les vertus de la « pédagogie du questionnaire », les questions adressées par la délégation aux missions locales d'insertion ayant permis de stimuler la réflexion sur des aspects insuffisamment pris en compte dans le dispositif TRACE, comme la situation des jeunes mères.
Mme Sylvie Desmarescaux s'est interrogée sur l'existence de chiffres permettant d'analyser le bilan du programme TRACE par département et a regretté la sous-utilisation des crédits du Fonds d'aide aux jeunes dans le Nord, qu'elle a notamment attribuée, et Mme Odette Terrade après elle, à un défaut d'information des bénéficiaires potentiels.
Elle a insisté sur l'importance de la personnalisation de l'accompagnement et évoqué les difficultés particulières d'insertion rencontrées dans le monde rural.
Puis la délégation a adopté à l'unanimité le rapport annuel et les recommandations sur le programme TRACE.