Travaux de la délégation aux droits des femmes
DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES
Mardi 11 octobre 2005
- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente.
Audition de Mme Françoise Vilain, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre hommes et femmes du Conseil économique et social
La délégation a procédé à l'audition de Mme Françoise Vilain, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre hommes et femmes du Conseil économique et social.
Mme Gisèle Gautier, présidente, a accueilli Mme Françoise Vilain, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre hommes et femmes du Conseil économique et social, et a présenté les grandes lignes de sa carrière.
Mme Françoise Vilain a tracé un panorama de l'activité de la délégation aux droits des femmes du Conseil économique et social (CES). Elle a rappelé la place du CES et son rôle de « premier mot » dans le processus d'élaboration des réformes. D'emblée, elle s'est félicitée de l'accroissement du nombre de femmes présentes au sein du CES au fil des mandatures, le groupe des entreprises privées en ayant par exemple aujourd'hui cinq parmi ses membres, alors qu'il n'en comptait pas dans la précédente mandature.
Elle a indiqué que son parcours professionnel et politique était attisé par sa volonté d'oeuvrer utilement en faveur des droits des femmes et de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. A ce titre, en dépit des progrès importants d'ores et déjà réalisés, elle a estimé que l'amélioration de la situation des femmes demeurait fragile et a affirmé sa détermination à poursuivre un effort constant pour consolider et parfaire cette évolution.
Rappelant que la délégation aux droits des femmes avait été installée en 2000, elle a apporté quelques précisions sur la féminisation du CES, qui atteint de façon globale 22 % de femmes parmi les conseillers et 36 % parmi les membres de section qui participent en tant qu'experts aux travaux sans prendre part au vote, mais seulement une femme présidente de groupe, une femme membre du Bureau et deux femmes présidentes de délégation. Elle a indiqué que le personnel d'encadrement du CES était, par ailleurs, assez fortement féminisé.
Elle a ensuite décrit les activités de la délégation aux droits des femmes et indiqué que celle-ci était habilitée à élaborer des « communications », documents s'apparentant à des rapports et pouvant déboucher sur des recommandations, ainsi que des contributions aux travaux des sections. Elle a cité à titre d'exemple une récente contribution de la délégation sur le thème des droits des femmes dans le Partenariat euro-méditerranéen. Puis elle a mentionné le rôle d'alerte et de veille de la délégation aux droits des femmes sur les sujets étudiés par les sections et illustré son propos en faisant référence à de récents travaux sur la place des femmes dans les structures intercommunales et à l'hôpital. Elle-même avait ainsi été auditionnée, en tant que rapporteur de l'avis : « La transmission des PME artisanales, commerciales, industrielles et de services », par la délégation à une époque où elle n'en était pas encore membre, les femmes pouvant avoir un rôle important à jouer en matière de reprise d'entreprise. Elle a également évoqué les travaux de la délégation consacrés aux femmes immigrées, à l'esclavage moderne en France et à la mixité.
Elle a décrit, par ailleurs, au plan international, les activités de l'Association internationale des conseils économiques et sociaux et institutions similaires (AICESIS), dont un groupe de travail a élaboré, au début de l'année, une étude sur les enjeux de « Pékin + 10 ». Mme Françoise Vilain a insisté, à ce titre, sur la situation relativement favorable de la condition des femmes en Europe qui peut être prise en compte pour faire progresser la situation beaucoup plus inquiétante que connaissent les femmes dans un certain nombre de pays en développement.
Puis Mme Françoise Vilain a indiqué que, selon une procédure novatrice, la délégation avait été récemment saisie par Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, de la question du travail à temps partiel des femmes.
Concluant ce bref panorama de l'activité de la délégation aux droits des femmes, elle a notamment estimé qu'aucun sujet ne devait demeurer tabou et souhaité que la coopération avec les délégations parlementaires aux droits des femmes soit poursuivie et amplifiée. Elle a, par ailleurs, cité l'implication de la délégation dans « L'étape nationale du tour de France de l'égalité », qui s'est tenue en mars 2005 au Conseil économique et social à l'initiative de Mme Nicole Ameline, alors ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Elle a conclu son propos liminaire en estimant que la délégation aux droits des femmes avait pris sa place au Conseil économique et social et bénéficiait d'une reconnaissance satisfaisante. Elle s'est félicitée de la qualité et de la diversité culturelle des membres du Conseil économique et social, qui émanent de diverses composantes de la société civile et travaillent dans une atmosphère fructueuse d'écoute réciproque.
Mme Gisèle Gautier, présidente, a rappelé toute l'importance de la synergie entre les travaux des délégations aux droits des femmes des assemblées parlementaires et du Conseil économique et social. Faisant observer que celles-ci ont été créées en 2000, elle a interrogé Mme Françoise Vilain sur le bilan et la progression depuis cinq ans de la reconnaissance et du statut des femmes dans la société.
Mme Françoise Vilain a répondu que de réels progrès avaient été accomplis, même s'il subsiste un écart en matière d'égalité professionnelle et salariale. Elle a estimé qu'il convenait d'éviter de plaider pour une « surprotection » des femmes, au risque que cela ne se retourne in fine contre leur emploi, tout en regrettant que les pouvoirs publics ne travaillent pas suffisamment sur le thème de la garde des enfants. A ce titre, elle a souligné la nécessité d'apporter aux femmes des aides extérieures, le développement des crèches d'entreprise, notamment, constituant à cet égard un enjeu important.
En définitive, elle a résumé son propos en indiquant que les nouvelles avancées devaient être recherchées plus encore dans l'environnement de l'entreprise qu'au sein même de celle-ci.
Tout en rappelant qu'elle s'était montrée à l'origine réservée quant aux mesures volontaristes en faveur de la parité politique, elle s'est déclarée convaincue, à l'usage, de leur utilité pour permettre un accroissement de la participation des femmes à l'organisation de la cité.
Après avoir rendu hommage au dynamisme de la présidente de la délégation aux droits des femmes du Conseil économique et social, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, a rappelé que, selon de récents sondages, 89 % des Français souhaitaient une augmentation de la proportion des femmes parmi les élus et les gouvernants. Elle a rapproché ce sondage d'une autre enquête selon laquelle plus des trois quarts des Français ne faisaient plus confiance à la politique. Elle en a déduit que la féminisation pouvait constituer un apport positif pour un meilleur fonctionnement de la démocratie.
Après s'être félicitée de la création de délégations à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le modèle anglo-saxon, elle a souhaité qu'en France leur intitulé change pour placer en tête le mot « femmes », ce point de détail lui paraissant avoir une importante portée symbolique.
Mme Gisèle Gautier, présidente, s'est ensuite interrogée sur la féminisation des métiers et de leur appellation, ainsi que des titres devant être utilisés pour s'adresser aux femmes.
Après avoir déploré que la féminisation de la profession d'enseignant et des professions médicales se soit accompagnée de leur dévalorisation, Mme Françoise Vilain a analysé à travers des exemples la féminisation des intitulés des professions pour établir, sur ce point, un bilan assez mitigé, considérant cependant que cette question n'était pas essentielle.
Mme Gisèle Printz a estimé que la féminisation des titres pouvait apparaître comme un « gadget », avant d'évoquer en matière de parité politique l'existence d'une barrière, selon elle, difficilement franchissable par les femmes.
Mme Françoise Vilain a évoqué l'idée du principe de la suppléance par une personne de sexe opposé pour un certain nombre d'élections au scrutin uninominal.
Mme Esther Sittler a indiqué avoir observé que trop souvent les femmes avaient des réticences à voter pour des femmes, notamment en milieu rural.
Mme Gisèle Gautier, présidente, revenant sur les appellations professionnelles, a constaté que les usages évoluaient, en évoquant notamment l'usage du terme « sénatrice », et s'est demandé si cette évolution sémantique n'avait pas une signification plus profonde.
M. Jean-Guy Branger, centrant son propos sur la place des femmes dans la vie locale, a rappelé que les conseils municipaux étaient désormais à peu près paritaires, ce qui est loin d'être le cas des structures intercommunales. Il a fait observer qu'on ne donnait pas suffisamment aux femmes les moyens matériels d'assumer des responsabilités importantes et multiples. Précisant ce point, il a fait remarquer, à travers un certain nombre d'exemples, que les femmes accédaient à des responsabilités locales à un âge moins avancé que les hommes et avaient, de ce fait, bien du mal à cumuler leurs diverses activités, politiques, professionnelles et familiales. Il a conclu que notre pays n'avait pas mis en place des structures d'aide suffisantes pour permettre d'alléger les contraintes des femmes en matière d'emploi du temps. Au plan terminologique, évoquant certains exemples tirés de sa participation aux travaux du Conseil de l'Europe, il a estimé parfois excessive la féminisation systématique de toutes les appellations.
Mme Françoise Vilain, rejoignant ces constatations, a cependant reconnu que les solutions pour alléger la contrainte de temps des femmes qui cumulent de multiples tâches n'étaient pas simples à mettre en oeuvre. Elle a estimé qu'à certains moments de la vie, il était difficile pour les femmes de mener de front toutes les activités, professionnelles, familiales et associatives ou politiques, et souligné l'enjeu, déjà évoqué précédemment, constitué par le développement des aides à la garde des enfants, notamment.
Mme Jacqueline Alquier, évoquant son parcours personnel, politique, professionnel et familial, a noté qu'en dépit de certaines réticences du monde politique, la réussite des femmes était possible et que cette réussite avait un effet d'exemplarité, en accoutumant les mentalités à la féminisation de la vie politique.
Mme Hélène Luc a souhaité que l'on accomplisse un pas supplémentaire pour faire avancer la situation des femmes. Se félicitant de la qualité des travaux du Conseil économique et social, elle a néanmoins regretté que ses recommandations ne soient pas suffisamment suivies d'effet. Elle a, par ailleurs, cité une série de chiffres qu'elle a jugé particulièrement significatifs : seules 7 femmes sur 40 figurent parmi des personnalités qualifiées nommées par le Président de la République au Conseil économique et social ; il n'y a que 6 préfètes sur 109 ; 7 rectrices sur 31 et 21 ambassadrices sur 179. Elle a ensuite chiffré à 14 % la proportion des femmes nommées à des postes de décision de la fonction publique, alors que 35 % rempliraient les conditions pour y prétendre. Elle a souhaité, par conséquent, que soient très rapidement définies des pistes concrètes pour progresser en la matière.
Mme Hélène Luc a ensuite souligné l'importance de l'égalité entre femmes et hommes au plan professionnel, le métier constituant la base de la vie économique et sociale. Elle a également évoqué la situation des femmes seules, qui méritent un intérêt particulier de la part des entreprises, et a insisté sur la difficulté de leur participation à la vie politique compte tenu, notamment, de l'insuffisance des structures de garde d'enfants et des moyens financiers qui leur sont alloués.
Dans le prolongement de l'intervention de Mme Hélène Luc, Mme Gisèle Gautier, présidente, a demandé à Mme Françoise Vilain quelles étaient ses recommandations en faveur de la progression des femmes dans la vie politique et professionnelle.
Après avoir rappelé le rôle essentiel joué par le Conseil économique et social en matière de propositions de réforme, Mme Françoise Vilain a indiqué, en prenant comme exemple le rapport sur la transmission des PME, qu'une proportion importante, sinon majoritaire, de recommandations formulées à cette occasion par la délégation, au terme de débats approfondis, avaient été reprises dans de récents projets de loi. Evoquant notamment le milieu bancaire, traditionnellement masculin, elle a noté la progression professionnelle des femmes dans ce secteur. Elle a reconnu, en revanche, l'importance du problème posé par la paupérisation d'une partie des femmes travaillant à temps partiel, tout en se gardant de contester de manière absolue le principe même de l'existence de cette forme d'emploi, qui permet à des femmes qui le souhaitent de concilier vie familiale et vie professionnelle et, pour d'autres, peut être un moyen d'accéder à un premier emploi.
Mme Jacqueline Alquier a souligné les progrès qui restent à accomplir dans les attitudes et les comportements à l'égard des femmes occupant des fonctions éminentes.
Evoquant les mesures concrètes permettant de créer un environnement plus propice à l'accès des femmes à la vie publique, Mme Joëlle Garriaud-Maylam a fait part de ses réflexions sur une éventuelle limitation du nombre de mandats consécutifs ou l'instauration d'une limite d'âge pour les fonctions politiques afin de faciliter le renouvellement du personnel politique et sa féminisation.
En conclusion, Mme Gisèle Gautier, présidente, a remercié Mme Françoise Vilain pour la clarté et la franchise de ses propos. Elle a ensuite rappelé l'importance de la synergie et de la solidarité entre les diverses instances chargées de l'amélioration de la place des femmes et s'est demandé s'il ne conviendrait pas de parfaire l'efficacité des méthodes de « lobbying » mises en oeuvre par les femmes, regrettant que ces dernières y aient trop rarement recours.