Travaux de la délégation pour la planification



DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR LA PLANIFICATION

Mardi 16 novembre 2004

- Présidence de M. Joël Bourdin, Président.

Audition de M. Alain Etchegoyen, Commissaire au Plan, accompagné de M. Jean Berthezene, Commissaire adjoint au Plan

M. Alain Etchegoyen a rappelé qu'au moment de sa nomination le Commissariat général du Plan (CGP) se trouvait dans une situation particulière combinant l'absence de nouvelles commandes depuis une année et demie, une proposition de suppression du CGP formulée par la Mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale et l'existence de pesanteurs administratives dans la gestion du personnel.

Il a indiqué que le Premier ministre lui avait alors donné toute liberté pour faire du CGP un outil au service de l'État-stratège et qu'à cet effet il avait poursuivi deux priorités : la réforme du CGP dans l'esprit de la réforme de l'État ; l'orientation du CGP vers la prospective.

Sur le premier point, une diminution du nombre des emplois est intervenue, de même que la généralisation du recours aux contrats à durée déterminée. Les emplois de fonctionnaires ont été remplacés par le recours à des vacataires afin de donner de la souplesse au CGP, si bien que, seuls, 23 % des emplois du Plan sont pourvus par des fonctionnaires.

Par ailleurs, le nombre de services verticaux est passé de six à quatre tandis qu'une structure de trente « groupes de projet » a été installée, dont les travaux sont soumis à l'examen d'un comité d'évaluation de 9 personnes, à forte composante extérieure à l'administration.

S'agissant de la conduite de la mission de prospective, le Commissaire au Plan a estimé que le risque permanent était d'en rester au diagnostic et à l'analyse.

Il a relevé que l'exercice de cette mission avait nécessité de satisfaire d'importants besoins de formation, mais que, désormais, le CGP serait en mesure de communiquer régulièrement les travaux réalisés par les groupes, dont il a souligné la flexibilité, cinq groupes ayant arrêté leurs travaux.

Récapitulant les missions exercées par le CGP, M. Alain Etchegoyen a indiqué qu'elles comportaient quatre volets : les missions des « groupes de projet », la participation à la préparation de plans gouvernementaux, avec par exemple le passage au crible du « Plan Borloo », la rédaction de notes à la demande des ministres et la poursuite des « traditions » du Plan, telle la révision du taux d'actualisation, réalisée dans le cadre d'un groupe de travail classique.

Il s'est félicité du retour des entreprises au CGP, du renforcement des capacités du service économique, concédant que quelques lacunes devraient être comblées : la désertion par le CGP de la réflexion sur les fonctions régaliennes de l'État ou l'association des syndicats aux travaux du CGP.

Sur ce dernier point, il a jugé que la prospective ne pouvait, au risque de tomber dans le conformisme, se faire dans la concertation mais qu'il était souhaitable de soumettre à l'avis des syndicats les rapports, une fois ceux-ci élaborés. Il a souligné l'importance d'une réflexion, programmée par le Plan, sur les moyens de renforcer le fait syndical en France.

M. Joël Bourdin, président, s'étant inquiété des motifs, et de la cohérence avec les travaux de prospective, de l'abandon de la contribution du CGP à l'évaluation des politiques publiques, M. Alain Etchegoyen a défendu l'idée que les deux missions ne requéraient pas la même complexion d'esprit. Il a ajouté que l'absence de solution au vide laissé par le Conseil national de l'évaluation, qu'il a regrettée, n'était pas son fait, attribuant cette situation à la confiance sans doute excessive accordée aux effets de relance sur l'évaluation de la loi organique sur les lois de finances. Il a indiqué avoir suggéré la création d'une instance d'évaluation, où seraient représentés des parlementaires, suffisamment indépendante pour que l'évaluation soit sincère. Il s'est déclaré stupéfait par l'absence générale du Parlement dans les quelques structures chargées de l'évaluation, ajoutant que le succès de celle-ci était également dépendant de son efficacité.

M. Joël Bourdin, président, ayant remarqué que le CGP, en se livrant à l'examen de plans gouvernementaux, semblait effectuer un travail de cabinet ministériel, le Commissaire au Plan a répondu que l'approche développée en ce cas était prospective et comparative et qu'il souhaitait accroître cette contribution.

M. Gérard Bailly a insisté sur l'intérêt de travailler à la prospective des professions de santé et des services publics en lien avec une problématique d'aménagement du territoire.

A ce sujet, M. Alain Etchegoyen a précisé que le CGP organisait très prochainement une journée de réflexion sur la prospective des métiers de la santé, à partir des travaux en cours dans quatre groupes de projet.

M. Joël Bourdin, président, ayant souhaité que la délégation du Sénat pour la planification puisse procéder régulièrement à l'audition des groupes de projet, M. Alain Etchegoyen s'est déclaré pleinement favorable à cette possibilité.

M. Yvon Collin, évoquant les tergiversations relatives aux perspectives de construction d'une plate-forme aéroportuaire en région Midi-Pyrénées, a souligné que la prospective, pourtant intensément développée à cette occasion, paraissait souvent peu efficace.

Il s'est interrogé, en outre, sur la capacité des services du Plan, composés de personnels à statut précaire, à s'imposer aux administrations de l'État, insistant sur l'importance de disposer d'un pouvoir d'influence pour mener à bien toute fonction de prospective.

En réponse, le Commissaire au Plan a d'abord déclaré souhaiter éviter tout conflit d'intérêt avec la délégation à l'aménagement du territoire et à l'aménagement régional (DATAR), remarquant qu'il serait souhaitable de réorganiser les attributions respectives des deux organismes, en confiant, à la DATAR, l'évaluation des contrats de plan État-régions, et au CGP, la prospective des territoires.

Ayant remarqué que les conflits d'usage des espaces ruraux faisaient l'objet d'un des groupes de projet les plus dynamiques, le Commissaire au Plan a indiqué que les administrations étaient représentées dans chacun de ces groupes et qu'il prenait soin de rencontrer régulièrement les directeurs d'administration centrale.

M. Jean-Pierre Plancade, ayant relevé que l'absence d'une relance de l'évaluation des politiques publiques constituait une faute, s'est inquiété de voir le CGP se transformer en un cabinet de conseil parmi d'autres.

En réponse, M. Alain Etchegoyen a fait valoir que si un ministre souhaitait s'adresser à un autre interlocuteur que le CGP, il ne pouvait s'y opposer.

M. Joël Bourdin, président, ayant interpellé le Commissaire au Plan sur la singularité du CGP face au foisonnement de services ministériels d'évaluation, M. Alain Etchegoyen a remarqué qu'un des premiers travaux entrepris ayant été d'identifier les quarante-quatre services de prospective des ministères, il avait pu constater que bien peu effectuaient réellement ce travail, mentionnant l'anecdote d'un ministre découvrant à cette occasion l'existence, au sein de son ministère, d'un tel service.

Il a ajouté que le CGP étant protégé contre les éventuelles pressions de cabinets ministériels, il pouvait se livrer à des travaux qui ne sauraient être entrepris au sein des administrations traditionnelles.