Travaux de la commission des affaires étrangères



Mercredi 14 avril 2004

- Présidence de M. André Dulait, président -

Défense - Mission d'information en Italie et en Espagne sur les missions et la gestion des forces de police à statut militaire - Examen du rapport d'information

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a examiné le rapport de M. Philippe François, rapporteur pour avis des crédits de la Gendarmerie, sur les missions et la gestion des forces de police à statut militaire en Italie et en Espagne.

M. Philippe François, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la commission lui avait demandé d'effectuer cette étude sur le « dualisme policier » dans deux Etats européens comparables à la France en termes de population, de superficie, de culture et de structure des forces. En effet, le placement pour emploi de la gendarmerie nationale, sous les ordres du ministre de l'intérieur pour les missions de sécurité intérieure et sous ceux du préfet dans le département, intervenu en mai et juin 2002, est apparu comme une réforme profonde, modifiant les pratiques existantes, le ministre de l'intérieur acquérant une réelle capacité de coordination des deux forces. Cette nouvelle interprétation du décret fondateur de 1903, plaçant la gendarmerie sous la triple tutelle des ministères de l'intérieur, de la défense et de la justice, rendait nécessaire une réflexion sur l'équilibre du « dualisme » police-gendarmerie dans notre pays.

Le rapporteur a ensuite rappelé que tous les pays européens pratiquaient une forme de dualisme policier soit au niveau national, comme en France, soit entre le niveau national et le niveau local, comme dans les Etats fédéraux, le dualisme apparaissant comme une nécessité pour préserver la liberté de décision du pouvoir politique et de l'autorité judiciaire. En outre, la coordination entre les forces de sécurité est plus ancienne et plus poussée en Italie et en Espagne, ces pays ayant été confrontés au terrorisme des Brigades rouges, de l'ETA ou des mafias, conduisant notamment l'Espagne, lors du retour à la démocratie, à permettre au pouvoir politique le contrôle des forces de police.

M. Philippe François, rapporteur, a alors présenté l'organisation des forces de sécurité en Espagne, fondée sur une loi organique de mars 1986 définissant leurs missions et leurs prérogatives, qu'il s'agisse des Forces et Corps de sécurité de l'Etat, des polices autonomes ou locales. Parmi les deux forces à compétence nationale, le Corps national de police et la Garde civile, le premier a un statut civil et dépend entièrement du ministre de l'intérieur, la seconde est un corps armé de nature militaire fort de plus de 70.000 hommes. La répartition des missions s'effectue en fonction de trois critères. En matière judiciaire, les juges peuvent faire appel librement à l'une ou l'autre force. En matière de sécurité publique, le Corps national de police est compétent dans les grandes villes tandis que la Garde civile est responsable pour le reste du territoire. Enfin, chacune des forces exerce certaines compétences matérielles de manière exclusive, tels la police des étrangers (Corps national de police), ou la circulation interurbaine et les transferts de détenus (Garde civile). La coordination des deux forces est assurée, au niveau national, par un secrétaire d'Etat chargé de la sécurité et, au niveau local, par les gouverneurs civils, équivalents des préfets. Le statut spécifique et militaire de la Garde civile est explicitement reconnu par la loi organique qui fixe les règles de rattachement en fonction de ses missions. N'assurant que des missions de sécurité et d'ordre public, elle est intégrée au ministère de l'intérieur où est inscrite la totalité de son budget. Cependant, la garde civile reste sous la direction du ministre de la défense pour l'accomplissement des missions militaires et en cas de guerre ou d'état d'urgence. Le ministre de la défense reste en outre compétent sur les questions de statut, de formation et de promotion.

M. Philippe François, rapporteur, a ensuite présenté l'organisation des forces de sécurité en Italie, définie par la loi en 2000. L'Italie dispose de cinq forces nationales de sécurité, trois à statut civil (Police d'Etat, Corps forestier de l'Etat et Police pénitentiaire) et deux à statut militaire (Arme des carabiniers et Gardes des finances). Comme en Espagne, les carabiniers sont la force à compétence générale la plus nombreuse avec environ 115.000 hommes. Leur statut militaire a été fortement renforcé par la loi qui lui a reconnu le rang de 4e armée, tout en la définissant comme une force militaire de police en service permanent de sécurité publique. Les carabiniers exercent leur mission judiciaire sous la direction des magistrats, leur mission militaire sous l'autorité du chef d'Etat-major des armées, et les missions de sécurité publique, sous les ordres du ministre de l'intérieur. Les missions militaires sont précisément énumérées de telle sorte qu'elles puissent être planifiées, notamment en vue de la participation des carabiniers aux missions hors du territoire national. Le ministère de la défense reste responsable de l'essentiel du budget et des questions de personnel. Une partie du budget est également placée sous la responsabilité du ministre de l'intérieur, notamment en matière de logement, ainsi que pour la mise en oeuvre des missions de sécurité publique. La coordination de la Police d'Etat et de l'Arme des carabiniers reste complexe en raison de l'absence de délimitation de zones géographiques de compétences. La coordination est du ressort du ministre de l'intérieur et partagée, plus particulièrement, entre un organe administratif spécifique, réunissant toutes les forces de sécurité au niveau national comme au niveau local, et le chef de la police. Enfin, comme en Espagne, le rapprochement entre les deux forces s'est accompagné d'un quasi-alignement des rémunérations, des niveaux de responsabilité et des conditions de travail.

Le rapporteur a ensuite souligné les principaux enseignements qui pouvaient être tirés des exemples espagnols et italiens. Il lui a semblé que le point le plus important était la définition, par la loi, des missions et des statuts des forces de sécurité nationales et locales. Il a remarqué que dans les deux pays la force de police à statut militaire disposait d'un statut spécifique et différent des autres forces armées, justifié par la nature des missions. Comme en France, elles sont placées sous la triple tutelle classique de l'intérieur, de la défense et de la justice, le ministère de la défense gardant toujours la direction des missions militaires et un droit de regard sur le statut et la gestion des personnels. Le rapprochement des deux forces a conduit à un traitement paritaire de la police et des forces à statut militaire, celui-ci n'emportant pas toujours les mêmes obligations, notamment en termes de disponibilité. Dans les deux pays, une structure spécifique a été créée pour coordonner les opérations et l'action commune des forces. Une partie du budget au moins est placée sous la responsabilité du ministère de l'intérieur afin de permettre, notamment, l'acquisition d'équipements communs. Par ailleurs, une spécialisation des forces a été partiellement réalisée entre les forces nationales de sécurité. Enfin, le rapporteur a noté que la Garde civile était moins encline à participer à des opérations extérieures, en raison de la faiblesse relative de ses effectifs, des menaces sur le territoire espagnol même et de son rattachement très fort au ministère de l'intérieur.

En conclusion, M. Philippe François, rapporteur, a estimé que les exemples espagnol et italien ouvraient un vaste champ de propositions pour réfléchir à l'évolution du dualisme police-gendarmerie en France, qu'il s'agisse de la rédaction d'une loi sur l'organisation des forces, de l'affirmation du statut particulier de la gendarmerie au sein du statut militaire, ou de la création d'une structure administrative de coordination qui pourrait être un secrétariat général à la sécurité intérieure. De même, une certaine spécialisation des forces, une grande gestion plus conjointe des budgets ou l'examen des problèmes liés aux conditions de travail pourraient être examinés.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. André Dulait, président, a souligné l'intérêt d'une telle réflexion fondée sur des comparaisons internationales, même si les solutions qui pourraient être retenues en France devront naturellement être adaptées à nos institutions et à nos traditions.

M. Xavier de Villepin a tout d'abord remarqué que les exemples italien et espagnol semblaient devoir nous encourager à progresser dans le rapprochement des forces de sécurité, tout en préservant la compétence du ministère de la défense en matière d'opérations extérieures. Il s'est ensuite demandé, évoquant la création aux Etats-Unis du Homeland Security Department, si la lutte contre le terrorisme ne devait pas nous conduire à regrouper les moyens disponibles, notamment dans le domaine du renseignement.

M. André Rouvière s'est interrogé sur les budgets et les équipements respectifs des différentes forces en Italie et en Espagne, sur leur rôle en matière d'immigration et sur l'organisation des échanges policiers entre la France et ces deux pays.

Répondant à M. Robert Del Picchia qui souhaitait avoir des précisions sur les conditions de travail respectives des différentes forces en Italie et en Espagne, M. Philippe François, rapporteur, a indiqué que les comparaisons étaient particulièrement complexes, puisque l'on devait prendre en compte à la fois la rémunération, la durée du travail et les conditions de logement. Il a néanmoins souligné que dans les deux pays, le rapprochement des forces avait permis une harmonisation progressive des rémunérations et des niveaux de responsabilité.

M. Christian de La Malène s'est interrogé sur les meilleurs moyens de répondre aux défis du terrorisme et a estimé que la place de la Garde civile et de l'Arme des carabiniers était d'autant plus importante que les effectifs des armées espagnoles et italiennes étaient moins nombreux que dans notre pays.

M. Philippe François, rapporteur, a alors indiqué, qu'à la suite du 11 septembre, les Etats-Unis avaient décidé de créer un nouveau département ministériel qui s'apparentait à bien des égards à un ministère de l'intérieur. Par ailleurs, il a souligné l'efficacité des unités françaises spécialisées dans la lutte contre le terrorisme. Il a en outre indiqué que la coopération progressait entre la police et la gendarmerie et qu'une réflexion sur l'évolution des structures était menée pour assurer une plus grande efficacité.

MM. André Dulait, président, et Robert Del Picchia, relevant la pertinence de certains regroupements, ont appelé de leurs voeux une coordination renforcée en matière d'anti-terrorisme, voire la création d'une force spécialisée.

M. Christian de La Malène a souligné que le ministère de la défense devait jouer un rôle important dans ce domaine.

Enfin, M. Philippe François, rapporteur, a indiqué que, comme en France, les budgets de la Garde civile et de l'Arme des carabiniers étaient proportionnels aux effectifs et donc plus faibles en Espagne et plus importants en Italie. Ces forces tirent avantage du regroupement des moyens et d'une relative spécialisation pour acquérir des équipements perfectionnés. Il a en outre indiqué que le nouveau gouvernement espagnol avait inscrit dans son programme électoral la fusion des deux directions générales du Corps national de police et de la Garde civile, sans fusion des deux forces, projet qui n'a pas encore été mis en oeuvre. Enfin, la coopération policière avec l'Espagne et l'Italie s'effectue dans d'excellentes conditions et à tous les niveaux hiérarchiques.

La commission a donné acte au rapporteur de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Mission d'information - Prolifération nucléaire - Communication

La commission a ensuite accepté une proposition de M. André Dulait, président, invitant la commission à engager une réflexion sur les enjeux liés à la prolifération nucléaire. Elle prendrait la forme d'une série d'auditions dont la synthèse, éventuellement publiée sous la forme d'un rapport d'information, serait confiée à M. Xavier de Villepin.

Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a auditionné Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur les principaux engagements militaires en cours et sur l'action conduite depuis deux ans par son ministère.

Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé, dans un premier temps, les mesures de redressement et de réforme prises depuis deux ans au profit de la défense. Ce redressement s'est effectué à la fois sur les plans financier, industriel et institutionnel, afin d'accompagner le renouveau de l'influence française en Europe et dans le monde. Sur le plan financier, le vote de la loi de programmation militaire et sa mise en oeuvre stricte par deux lois de finances initiales successives ont permis une amélioration de la disponibilité des matériels, grâce à un effort particulier en matière de maintien en condition opérationnelle (MCO). Sur le plan industriel et technologique, la Ministre a souligné la restructuration de DCN, devenue une entreprise nationale et qui se prépare à un partenariat avec Thales. Enfin, pour GIAT-Industries, le contrat d'entreprise a été signé par l'Etat et l'entreprise et le plan de redressement « GIAT 2006 » a été adopté. La Délégation générale pour l'armement (DGA) a reçu pour sa part une nouvelle « feuille de route » à l'occasion de la nomination du nouveau Délégué. Les programmes en coopération européenne ont été relancés, tels que l'A-400 M, les hélicoptères Tigre avec l'entrée de l'Espagne dans le programme et le missile Météor. En outre, en vue de préparer l'avenir, des programmes de démonstrateur technologique comme l'UCAV (avion de combat sans pilote) ont été lancés.

Les efforts ont également porté sur l'optimisation de l'organisation du ministère et de son mode de fonctionnement. Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé qu'elle avait présenté une stratégie ministérielle de réforme fondée sur trois objectifs : la clarification des responsabilités, la recherche d'économies structurelles et le recentrage sur les métiers de défense. C'est dans ce cadre qu'a été réformée la conduite des programmes d'armement et qu'a été mis en place le conseil des systèmes de force sous la direction du chef d'état-major des armées.

Un nouvel élan a également été donné au lien entre les armées et la nation. La professionnalisation avait demandé un effort considérable d'adaptation qui doit aujourd'hui déboucher sur la pleine reconnaissance de la place des militaires dans la société, notamment à travers la mise en oeuvre du plan d'amélioration de la condition militaire, dont le financement a été assuré par la nouvelle majorité, ainsi que par la réforme prochaine du statut général des militaires. Un projet de loi en ce sens sera déposé avant l'été sur les bureaux des assemblées. En outre, la participation des armées à la vie de la nation a été renforcée de plusieurs manières : par la participation aux opérations de secours, par leur contribution à la sécurité intérieure, par l'organisation des « journées Nation-Défense », par le développement de la politique des réserves, aussi bien opérationnelle que citoyenne, et par la révision du contenu de la Journée d'appel de préparation à la défense (JAPD).

Le ministre de la défense a, dans un second temps, souligné l'implication du ministère de la défense dans le retour de la France sur la scène internationale. Notre pays s'est ainsi engagé dans la réforme de l'Alliance atlantique décidée à Prague. Il contribuera aux nouvelles structures et participera au commandement de transformation de l'OTAN. La France a par ailleurs joué un rôle déterminant dans la construction de l'Europe de la défense. Elle a été nation cadre pour les deux premières opérations militaires de l'Union européenne en République démocratique du Congo et en Macédoine. Notre pays a relancé le processus capacitaire et a facilité le consensus sur les dispositions consacrées à la défense dans le projet de constitution européenne, notamment sur la coopération structurée et la clause de solidarité. La création de l'Agence européenne de défense a été décidée ainsi que celle des Euroforces dédiées (force de gendarmerie européenne et force de réaction rapide). Enfin, la relève de l'OTAN par l'Union européenne en Bosnie et la création d'un collège européen de défense et de sécurité témoignent aussi du dynamisme européen en la matière.

En outre, forte de cette crédibilité retrouvée, la France s'est engagée militairement sur plusieurs théâtres d'opérations extérieures. Trois de ces opérations se sont conclues par des succès : en Macédoine, effectuée avec le soutien de l'OTAN, en République démocratique du Congo et en République centrafricaine. Plusieurs autres opérations se poursuivent au niveau national : en Haïti, la France est intervenue, aux côtés des Etats-Unis, avec près de 1.200 hommes, dont de nombreux gendarmes. Leur retrait s'effectuera au terme des trois mois prévus et après avoir permis l'installation des forces brésiliennes et chiliennes. Dans les Balkans, la France déploie près de 4.000 hommes dont 3.000 au Kosovo. En Bosnie, l'Europe s'apprête à prendre l'essentiel des responsabilités à la suite de l'OTAN. Au Kosovo, en revanche, l'aggravation des tensions à la mi-mars a rendu nécessaire le renfort de 2.300 hommes dont la France souhaite prolonger la présence afin de protéger les enclaves serbes et contrôler les frontières au-delà de la mi-avril. La France prendra d'ailleurs le commandement de la KFOR en septembre, à un moment particulièrement délicat, avant les élections d'octobre. En Côte d'Ivoire, la France déploie 4.000 hommes qui devraient être maintenus jusqu'aux élections présidentielles prévues en 2005, dans l'attente, pour l'heure, de l'arrivée de la force ONU. En Afghanistan, la France maintient un millier d'hommes environ, dont plus de la moitié à Kaboul, au sein de la force internationale d'assistance et de sécurité (FIAS) et pour la formation de l'armée afghane. La relève du commandement allemand par le Corps européen conduira à renforcer la présence française à l'automne. Enfin, près de 3.000 hommes sont mobilisés sur le territoire national dans le cadre du plan Vigipirate. Au total, ce sont près de 13.000 hommes qui sont engagés en opérations. L'ensemble de ces opérations correspond, pour 2004, à un surcoût de 531 millions d'euros, pour les rémunérations et le fonctionnement. Mme Michèle Alliot-Marie a souligné, en conclusion, que les armées françaises figuraient parmi celles qui avaient les plus importantes capacités de projection au regard de leurs effectifs.

A la suite de l'exposé du ministre, M. Didier Boulaud s'est interrogé sur le financement du surcoût des opérations extérieures en 2004. En ce qui concerne la loi de programmation militaire, il s'est demandé s'il n'y aurait pas lieu de la réviser en vue de mieux l'adapter aux menaces actuelles, aux possibilités financières de la France et au développement de la politique européenne de sécurité et de défense, justifiant la mise à jour du modèle d'armée 2015. M. Didier Boulaud a en outre interrogé le ministre sur le montant de la prochaine recapitalisation de GIAT-Industries et sur diverses informations faisant état d'impayés de loyers dans la gendarmerie. Il a enfin souhaité connaître la position de la France sur une éventuelle demande américaine d'engagement de l'OTAN en Irak.

M. Xavier de Villepin a interrogé le ministre sur le rôle du ministère de la défense dans la lutte contre le terrorisme. Il a également évoqué le déroulement du programme Rafale et les perspectives d'exportation de cet avion de combat.

M. Serge Vinçon a demandé des précisions sur l'articulation entre la future Agence européenne de défense et la Délégation générale pour l'armement. Il a souhaité savoir si la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances entraînerait d'importantes modifications sur l'organisation de notre défense.

M. Christian de La Malène s'est demandé s'il était toujours pertinent de considérer qu'en matière de lutte contre le terrorisme, les compétences du ministère de la défense concernent essentiellement les aspects extérieurs au territoire national.

M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur l'opportunité de créer un organisme centralisant l'ensemble des aspects de la lutte contre le terrorisme. Il a demandé des précisions sur la mise en place d'une force européenne de gendarmerie, sur les possibilités d'une coopération industrielle entre DCN et Alstom, sur les innovations apportées à la journée d'appel de préparation à la défense et sur l'évolution de notre dispositif militaire à Djibouti.

Considérant qu'un engagement en Irak de l'OTAN conduirait cette dernière à s'écarter sensiblement de ses missions traditionnelles, M. André Rouvière a souhaité connaître la position du gouvernement français sur une telle évolution de l'Alliance atlantique. Il a par ailleurs sollicité une réaction du ministre sur les récentes mises en accusation de l'armée française concernant le génocide au Rwanda.

M. Philippe de Gaulle a observé que les opérations au Rwanda remontaient à une précédente présidence de la République.

M. André Dulait, président, a relevé par ailleurs que les dernières déclarations du Président Bush ne semblaient pas plaider en faveur d'un rôle majeur de l'OTAN en Irak.

A la suite de ces interventions, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, a apporté les précisions suivantes :

- il est impératif que, comme le souhaite le Parlement, la ligne budgétaire relative aux opérations extérieures soit dotée d'un montant significatif à compter de 2005, de manière à ne pas faire peser sur le budget de la défense la trésorerie du coût de nos engagements extérieurs ;

- les plus hautes autorités de l'Etat ont réaffirmé que la loi de programmation militaire, qui est ajustée aux besoins de notre sécurité, devait être exécutée intégralement ; dans le cadre de sa mise en oeuvre annuelle, des actualisations peuvent intervenir, notamment au vu des évolutions technologiques affectant des programmes d'armement ;

- le contrat d'entreprise de GIAT-Industries prévoit une recapitalisation à hauteur d'un milliard d'euros destinée à apurer les pertes passées, à financer le plan social et industriel, ainsi qu'à renforcer les fonds propres de la société ; les versements s'effectueront en fonction des besoins de l'entreprise ;

- les problèmes récemment rencontrés dans quelques départements pour le paiement des loyers de la gendarmerie provenaient de difficultés informatiques et de changements de procédures opérés par certains services du Trésor ; ces problèmes ponctuels devraient être rapidement réglés ;

- l'OTAN assure actuellement des missions de soutien au profit du contingent polonais en Irak mais elle n'est pas engagée en tant que telle sur le territoire irakien ; le gouvernement français continue à estimer qu'un éventuel engagement de l'OTAN en Irak ne pourrait être envisagé qu'avec l'aval des Nations unies et à la suite d'une demande formulée par un gouvernement irakien légitime ; l'administration américaine semble en outre actuellement divisée sur l'opportunité de confier à l'OTAN la poursuite des opérations en Irak ;

- l'engagement de l'OTAN en Afghanistan a marqué une évolution des missions de l'Alliance atlantique, cette dernière devant s'adapter aux menaces nouvelles, alors que son rôle, pour la défense collective en Europe, a perdu, en grande partie, de sa raison d'être ; cette évolution implique une transformation des structures et des capacités de l'Alliance privilégiant la projection de force ; la France soutient pleinement cette évolution, notamment en participant de manière significative aux quatre premières rotations de la force de réaction de l'OTAN ;

- la lutte contre le terrorisme nécessite une grande diversité de moyens ; le ministère de la défense y participe au travers des services de renseignements, de la protection des approches aériennes et maritimes, de la protection des sites sensibles ou encore du plan Vigipirate ; cette implication renforcée exige un effort budgétaire ; à titre d'exemple, des dotations ont été dégagées en vue de recruter des spécialistes de langues rares au profit des services de renseignements ;

- plusieurs pays sont actuellement approchés dans le cadre de l'exportation de l'avion de combat Rafale ; c'est notamment le cas de Singapour, et d'autres pays tant au Moyen-Orient qu'en Europe ;

- la mise en place de l'Agence européenne de défense ne remet pas en cause les missions de la Délégation générale pour l'armement dans la conduite des programmes ; l'Agence européenne, dont la dimension politique est illustrée par le rôle dévolu, dans sa direction, aux ministres de la défense européens, agira surtout dans la définition des capacités militaires et dans la coordination de la recherche et des programmes d'équipements ;

- la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances ne remettra pas en cause l'architecture du ministère de la défense, mais conduira à une clarification des responsabilités et à un renforcement du rôle du chef d'état major des armées ;

- la création d'une force européenne de gendarmerie a reçu une approbation rapide de l'ensemble des pays européens ; un consensus s'est dégagé pour qu'elle soit placée sous commandement militaire, le siège de ce dernier étant situé en Italie ; la France étudie actuellement avec l'Italie, l'Espagne, le Portugal et les Pays-Bas les modalités d'une implication des forces de gendarmerie dans le cadre de la relève par l'Union européenne de l'opération de l'OTAN en Bosnie ;

- DCN a engagé une coopération privilégiée avec Thalès ; des partenariats ponctuels demeurent possibles avec Alstom ;

- la nouvelle organisation de la journée d'appel de préparation à la défense visera à proposer des présentations plus attractives, à permettre un véritable contact entre les jeunes et les armées, y compris grâce à la présence de matériels de pointe, et à ajouter un module relatif à la préparation du brevet de secourisme de manière à sensibiliser les jeunes à leurs devoirs vis-à-vis de la société ; il serait souhaitable que la JAPD puisse se dérouler sur deux jours ; un partenariat pourrait être recherché avec les collectivités territoriales, le ministère de la défense n'étant pas en mesure d'assumer seul les implications financières et logistiques d'un tel allongement ;

- les conditions du stationnement des troupes françaises à Djibouti ont récemment été renégociées ; elles garantissent sur une longue durée la présence française dans cette région ;

- les accusations portées contre les militaires français à propos du Rwanda sont particulièrement scandaleuses, dans la mesure où ceux-ci ont fait tout ce qui était en leur pouvoir afin de protéger les populations.