AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DÉFENSE ET FORCES ARMÉES

Table des matières


Mercredi 10 mai 2000

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Audition de Mme Nicole Gnesotto, directeur de l'Institut d'étude et de sécurité de l'Union de l'Europe Occidentale (UEO)

La commission a procédé à l'audition de Mme Nicole Gnesotto, directeur de l'Institut d'étude et de sécurité de l'Union de l'Europe Occidentale (UEO), sur la mise en place d'une défense européenne.

Mme Nicole Gnesotto a d'abord rappelé que si la défense européenne constitue un sujet politique très important, elle représente aujourd'hui une part encore très marginale de l'action extérieure de l'Union européenne. Elle a estimé que les évolutions récentes intervenues dans ce domaine constituent des avancées tout à fait significatives. Elle a souligné, en premier lieu, le progrès considérable permis par le changement de la position britannique à l'égard de la défense européenne. Cette évolution s'explique d'une part, par la volonté du Royaume-Uni, qui s'est tenu à l'écart de l'Union économique et monétaire, de ne pas être marginalisé dans le processus de construction européenne, d'autre part, par son souci de conserver la relation privilégiée avec les Etats-Unis, attachés au maintien d'une influence britannique en Europe, enfin, par l'inquiétude que nourrit Londres sur l'évolution de la position américaine, plus réservée sur le caractère contraignant de l'Alliance atlantique que par le passé.

Si les Britanniques, a ajouté Mme Nicole Gnesotto, souhaitent consolider l'Alliance Atlantique alors que les Français ne poursuivent pas un dessein comparable, nos deux pays, certes conscients de ces divergences, se retrouvent aujourd'hui sur des intérêts objectifs communs pour faire avancer ensemble la défense européenne. La nouvelle position britannique marque un retournement par rapport au refus, longtemps manifesté par ce pays, d'élargir les compétences européennes aux questions de défense. Mme Nicole Gnesotto a estimé que cette évolution paraissait aujourd'hui irréversible.

Mme Nicole Gnesotto a relevé que la création d'une véritable dynamique à Quinze dans le domaine de la défense constitue une autre avancée majeure. Elle a observé que l'initiative franco-britannique a été à même de rallier à la fois les pays traditionnellement favorables à l'OTAN, et les tenants d'une plus grande intégration politique européenne. Elle a estimé qu'il est indispensable de préserver ce consensus, même si, dans les faits, s'est constitué un moteur informel autour de quelques pays : la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Les autres pays sont du reste conscients qu'aucune défense européenne ne peut réellement se développer hors du cadre de l'Union européenne, dans la mesure où toute gestion de crise implique, au-delà de toute action militaire, un effort de reconstruction, qui mobilise d'importants financements communautaires.

Les résultats obtenus depuis dix-huit mois dans le domaine de la défense européenne, plus substantiels que durant les cinquante dernières années,constituent, pour Mme Nicole Gnesotto, un troisième motif de satisfaction. Elle a d'abord relevé que les Quinze ont reconnu la légitimité du rôle d'une intervention de l'Union européenne dans le domaine de la défense. Elle a cité ensuite la création d'organes de décision, avec la mise en place, depuis mars dernier, du comité de politique et de sécurité (COPS) et du comité militaire. Elle a évoqué, au niveau opérationnel, le projet de constituer une force européenne de 60.000 hommes, projetable sur un théâtre extérieur sur une durée d'un an. Cet objectif, accepté par les Quinze, suppose la mise en oeuvre de moyens logistiques considérables. Elle a relevé enfin la simplification institutionnelle que permet la fusion progressive de l'Union de l'Europe occidentale au sein de l'Union européenne.

Mme Nicole Gnesotto a souligné cependant les problèmes que rencontre la mise en place d'une défense européenne commune. Elle a d'abord relevé le décalage entre les ambitions affichées et les moyens existants. Elle a rappelé que l'effort financier consacré par les Européens à leur défense -soit 137 milliards de dollars- représente 60 % du budget de la défense américain -soit 280 milliards de dollars. Elle a estimé que ce montant est quantitativement suffisant, mais qualitativement inadapté. Elle a observé, à cet égard, que si les Etats-Unis consacrent 36 milliards de dollars à la recherche-développement dans le domaine militaire, les Européens affectent à ces dépenses 11 milliards de dollars. Encore convient-il de souligner qu'au sein de cette enveloppe, l'effort conjugué de la France et de l'Angleterre représentait 9 milliards de dollars. Mme Nicole Gnesotto a observé sur ce point qu'il existe un réel risque de découplage entre ces deux pays et les autres Etats membres, notamment l'Allemagne, dont le budget de la défense a subi des coupes successives. Evoquant les effectifs (2,5 millions d'hommes pour les Européens, contre 1,4 million pour les Etats-Unis), elle a relevé qu'il conviendrait avant tout de restructurer les forces actives afin de permettre la projection effective de 60.000 hommes. Elle a observé que si la France a décidé de professionnaliser son armée, d'autres pays, comme l'Allemagne, devaient également s'engager dans cette voie. Mme Nicole Gnesotto a indiqué que cette restructuration, doublée d'une affectation plus efficace des ressources et d'une intégration des industries d'armement, devait constituer une priorité dans la perspective de la mise en place d'une force de projection à l'horizon 2003.

Mme Nicole Gnesotto a évoqué ensuite la question des relations de la défense européenne vis-à-vis de l'OTAN et des Etats-Unis. Elle a observé que les Américains souhaitent que les Européens consacrent davantage de moyens à leur défense, afin de conjurer le risque d'un découplage stratégique entre les Etats-Unis et l'Europe, mais qu'ils craignent en même temps que l'Europe s'appuie sur cet effort financier supplémentaire pour revendiquer un rôle croissant en matière de défense qui pourrait conduire, à leurs yeux, à un découplage politique. Le Secrétaire d'Etat américain a indiqué que la mise en place d'une défense européenne ne devrait entraîner ni découplage vis-à-vis de l'Alliance atlantique, ni duplication des moyens de l'OTAN, ni discrimination à l'égard des pays européens appartenant à l'OTAN et non membres de l'Union européenne. Ces conditions sont difficilement acceptables pour les Européens, et les Américains en ont assoupli certains termes. Ces derniers revendiquent désormais, pour l'OTAN, un droit de " premier refus " qui permettrait à cette organisation, lorsqu'une crise survient, de se prononcer sur l'opportunité d'une intervention avant que l'Union européenne ne prenne elle-même de décision. Les Quinze ont refusé le principe d'un tel " droit de préséance " qui reviendrait à placer l'Union européenne dans une position de subordination politique vis-à-vis de l'OTAN.

S'agissant de la question de la duplication des moyens, Mme Nicole Gnesotto a estimé qu'il est normal, pour les Européens, de mettre en place des structures de décision et des moyens qui leur soient propres, mais qu'il est, en revanche, inévitable, d'employer les instruments de l'OTAN, dans des domaines comme la planification militaire, où l'Union européenne ne serait pas tout de suite en mesure de disposer de capacités autonomes.

Mme Nicole Gnesotto a ajouté, par ailleurs, que si les six pays non membres de l'Union européenne devaient être associés au processus de décision, celle-ci, en dernier ressort, incombait aux 15 Etats membres de l'Union européenne. Elle a précisé, en outre, que ces six pays ne forment pas un ensemble homogène, puisqu'il réunit trois pays (la Pologne, la Hongrie et la République tchèque) appelés à adhérer prochainement à l'Union européenne, deux pays (l'Islande et la Norvège) qui n'ont pas fait acte de candidature et enfin un pays, la Turquie, dont l'intégration à l'Union européenne relève d'une perspective à très long terme. Un compromis franco-britannique, présenté au début de ce mois, suggère d'aborder les questions de sécurité avec l'ensemble des pays candidats, élargi, en l'espèce, à la Norvège et à l'Islande.

Mme Nicole Gnesotto a souligné enfin que la présidence de l'Union européenne, qu'il reviendra à la France d'assumer au cours du prochain semestre, implique pour notre pays, un certain nombre de compromis s'il souhaite obtenir un succès lors du Conseil européen de Nice, à la fin de cette année. La France aura sans doute à organiser un mécanisme de surveillance destiné à contrôler la mise en oeuvre des objectifs fixés par les Quinze ; une première conférence de génération des forces pourrait ainsi avoir lieu en septembre. Faudra-t-il par ailleurs intégrer dans le nouveau traité qui pourrait être conclu à Nice, les avancées enregistrées dans le domaine de la défense ? A cette question, Mme Nicole Gnesotto a répondu qu'il existe un consensus relatif pour refuser, à ce stade, une institutionnalisation, dans les textes, de l'Europe de la défense, afin de ne pas subordonner de nouvelles initiatives dans ce domaine au processus, nécessairement long, de ratification du traité. Elle a ajouté que les Pays-Bas défendent une vue différente, en faisant valoir qu'au regard de leur importance, les évolutions intervenues dans le domaine de la défense devraient bénéficier d'une légitimité démocratique et, à cette fin, être soumises à l'examen des parlements nationaux. Enfin, Mme Nicole Gnesotto a observé que la France devrait s'attacher à introduire une cohérence entre les différents dossiers dans lesquels l'Union européenne doit aujourd'hui avancer, afin de mieux préciser les finalités du processus de construction européenne.

A la suite de l'exposé de Mme Nicole Gnesotto, un débat s'est engagé avec les sénateurs.

M. Aymeri de Montesquiou s'est interrogé sur les intentions réelles du Royaume-Uni quant à la mise en oeuvre d'une défense européenne, alors même que ce pays témoigne d'une grande proximité avec les Etats-Unis, comme le souligne d'ailleurs la position de ces deux pays vis-à-vis de l'Iraq. Il s'est demandé, en outre, dans quel type de crise l'Union européenne interviendrait, et dans quelle mesure une telle intervention pourrait se faire sans l'appui des Etats-Unis.

M. Christian de La Malène a regretté l'absence d'une définition claire de la politique de défense européenne, en soulignant que les missions de Petersberg ne permettent pas de fixer un cadre précis à cette politique. Il a estimé que la France et le Royaume-Uni avaient trouvé un accord sur la base d'un malentendu. Il a craint, par ailleurs, que la présidence française de l'Union européenne ne soit contrainte à des compromis au détriment des positions défendues par notre pays.

M. Guy Penne est convenu que la présidence française pourrait conduire notre pays à des concessions, sans que soient remises en cause, toutefois, les options nationales fondamentales. Il a manifesté un certain scepticisme sur la détermination britannique vis-à-vis de l'Europe de la défense et s'est interrogé sur le rôle du " moteur " franco-allemand dans ce domaine. Enfin, il s'est demandé dans quelle mesure un pays comme la Pologne pourrait être associé à l'élaboration d'une défense européenne.

M. André Dulait a souhaité obtenir des précisions sur une éventuelle prise en compte de la force nucléaire dans la mise en place d'une défense européenne. Il s'est demandé si les capacités de renseignement devraient faire l'objet d'un effort particulier de la part des Européens, sachant que les Américains ont développé, dans ce domaine, une capacité propre qui n'a pas été nécessairement mise en commun dans le cadre de l'Otan.

M. Michel Caldaguès a observé que l'Otan a su mettre rapidement en place une planification militaire et que les Européens, s'ils manifestaient une véritable volonté politique, pourraient développer des capacités comparables. Il a estimé que l'exposé de Mme Nicole Gnesotto invitait à un certain scepticisme sur les perspectives d'une défense européenne. Il a ajouté que l'opération du Kosovo ne pouvait pas constituer le point de départ d'une défense européenne, dans la mesure où il représentait un contre-exemple de ce que pourrait être une intervention européenne.

M. André Boyer a jugé au contraire encourageants les développements intervenus dans le domaine de la défense qu'avait évoqués Mme Nicole Gnesotto. Il a souhaité obtenir des précisions sur les perspectives de coopération franco-britannique dans le domaine naval, en observant que les choix qui seraient faits dans le cadre de la prochaine loi de programmation dépendraient, dans une certaine mesure, des positions qu'adopterait la Grande-Bretagne, s'agissant notamment de la construction d'un deuxième porte-avions.

M. Paul Masson a souligné que l'échec qu'avait connu la France en 1939-1940 trouvait son origine dans le découplage entre notre diplomatie et notre défense. Il s'est demandé si, en l'absence d'une véritable diplomatie européenne et d'un véritable patriotisme européen, une Europe de la défense pourrait voir le jour, sauf à rester cantonnée à de simples fonctions de police. Il s'est demandé si le refus, manifesté par une majorité d'Etats, d'intégrer les avancées enregistrées dans le domaine de la défense dans les traités européens, ne traduisait pas une certaine réticence à solliciter l'approbation des opinions nationales sur ce sujet. Il s'est interrogé, en outre, sur les concessions auxquelles serait conduite la présidence française, ainsi que sur l'avenir des forces nucléaires française et britannique dans le cadre de la défense européenne.

M. Philippe de Gaulle a souligné la complexité des questions soulevées par la défense européenne, en estimant que ce sujet requérait une concertation politique approfondie. Il a jugé par ailleurs nécessaire une certaine duplication des moyens entre l'Otan et l'Union européenne si celle-ci souhaite se doter d'une autonomie vis-à-vis des Etats-Unis. Il a enfin estimé que la présidence de l'Union européenne devait donner à la France les moyens de mieux faire valoir ses positions auprès des autres Etats membres.

M. Xavier de Villepin, président, s'est félicité que l'intervention de Mme Nicole Gnesotto permette un débat au cours duquel les commissaires pouvaient s'exprimer sur un sujet essentiel pour notre pays. Il a observé que l'évolution des relations entre les Etats-Unis et l'Europe dans le domaine de la défense dépendrait, dans une large mesure, de la prochaine élection présidentielle américaine. Il a demandé à Mme Nicole Gnesotto son sentiment sur les perspectives nouvelles ouvertes par le projet américain de défense anti-missiles. Rappelant l'importance de la recherche-développement pour la défense, il a souhaité savoir, par ailleurs, si l'effort de la France dans ce domaine était réellement adapté aux priorités de notre sécurité future. Il s'est interrogé sur l'opportunité d'élaborer un " livre blanc " sur la défense européenne, comme corollaire à la mise en oeuvre d'une réelle capacité de défense. Enfin, il a souhaité savoir quelle était la position de l'Allemagne vis-à-vis de la défense européenne.

En réponse aux commissaires, Mme Nicole Gnesotto a apporté les précisions suivantes :

- la notion de défense européenne ne couvre pas la sécurité des territoires européens, qui relève de l'OTAN, mais concerne la gestion des crises sur des théâtres extérieurs ; certes, il n'existe pas de réel consensus sur l'ampleur même d'une intervention extérieure, qui peut aller du maintien de la paix jusqu'à une opération de coercition ; mais cette " ambiguïté constructive " apparaît comme l'une des conditions pour progresser, dans la mesure où elle permet d'associer les pays traditionnellement interventionnistes et les Etats neutres à la mise en place d'une capacité de projection militaire ; les crises extérieures constituent, par ailleurs, aujourd'hui, la principale source de menace pour la sécurité de l'Europe ;

- le Royaume-Uni et la France sont attachés à la défense de leurs intérêts nationaux respectifs ; notre partenaire britannique en particulier, a fondé, pour une large part, sa diplomatie sur la capacité d'influence qu'il peut exercer sur les Etats-Unis ; cette capacité d'influence dépend elle-même du rôle joué par les Britanniques en Europe ; la volonté du Royaume-Uni d'assurer un lien entre l'Europe et les Etats-Unis est donc légitime et doit être prise en compte par la France comme un préalable à une coopération entre nos deux pays ;

- la défense européenne n'existe pas aujourd'hui réellement et les Quinze s'efforcent précisément, pour cette raison, de se doter des instruments indispensables à sa mise en oeuvre ;

- la position des pays neutres présente, certes, un caractère paradoxal dans la mesure où ces pays sont prêts à intervenir dans des opérations extérieures, au risque d'y supporter des pertes humaines, mais refuseraient de s'associer à la défense du territoire européen entendue au sens de l'article V du traité de Bruxelles ; la participation des Etats neutres à la défense européenne constitue toutefois un atout, car ces pays disposent d'une tradition d'intervention dans le cadre des opérations de l'ONU ; en outre, les opinions publiques dans les pays neutres évoluent progressivement, grâce aux interventions extérieures communes qui sont mises en oeuvre ;

- le Congrès américain estime, de manière générale, que les Etats-Unis ne doivent pas s'impliquer dans des crises locales à la périphérie de l'Europe, mais doivent se concentrer sur le maintien des grands équilibres mondiaux ; dans ces conditions, les Etats-Unis peuvent considérer qu'il est de leur intérêt que les Européens s'organisent pour gérer des crises dans leur environnement immédiat, surtout si l'évolution de la situation en Chine et en Extrême-Orient conduisait, à l'avenir, la puissance américaine à concentrer son attention sur le maintien de la stabilité dans cette partie du monde ; un partage des rôles entre les Etats-Unis et l'Europe apparaîtrait, dans cette hypothèse, particulièrement opportun ;

- la force nucléaire relève de la souveraineté nationale ; l'idée d'une dissuasion concertée, un temps avancée, n'est plus d'actualité ; toutefois, le projet de défense nationale antimissile que souhaitent développer les Américains pour assurer la sécurité de leur territoire national, pourrait amener les Européens à rouvrir le débat sur la place du nucléaire dans la défense européenne.

Mme Nicole Gnesotto est, par ailleurs, convenue avec M. Xavier de Villepin, président, que la France se devait, dans le cadre de la prochaine loi de programmation, de préserver les moyens affectés à sa force nucléaire, qui constitue l'élément essentiel de la sécurité de son territoire. Elle a, par ailleurs, reconnu avec M. Xavier de Villepin, président, et M. Guy Penne, qu'il était indispensable que l'Union européenne se dote d'une capacité de renseignement autonome ; elle a observé, à cet égard, que si les Allemands souscrivaient à cette nécessité, les Britanniques, quant à eux, ne remettraient pas en cause les accords qui les lient, dans ce domaine, aux Etats-Unis. Elle a, en outre, apporté les précisions suivantes :

- la coopération militaire bilatérale entre la France et les Britanniques n'est pas liée directement aux initiatives prises par nos deux pays en matière de défense européenne ;

- la défense européenne doit constituer le prolongement de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ; toutefois la PESC ne se substituera jamais totalement aux diplomaties nationales ; une approche européenne commune se justifie lorsqu'il s'agit, par exemple, de décider la mise en place d'un embargo ou de définir la stratégie à adopter vis-à-vis d'un pays comme la Russie.

M. Xavier de Villepin, président, s'est inquiété de l'évolution du continent africain dont la communauté internationale paraissait se désintéresser. Mme Nicole Gnesotto a partagé cette inquiétude et observé que la volonté manifestée par les Etats-Unis entre 1991 et 1995, de s'impliquer en Afrique, principalement pour des raisons économiques, avait entraîné bien des désillusions. Elle a précisé, à l'intention de M. Philippe de Gaulle, que les conflits africains apparaissent désormais insupportables aux yeux de la communauté internationale.

Revenant alors sur les prochaines échéances électorales aux Etats-Unis, Mme Nicole Gnesotto a relevé que les Républicains plaçaient la défense des intérêts américains au premier rang de leurs priorités. Elle a précisé, en outre, que la mise en place du projet de défense antimissile mobiliserait un effort financier de recherche supplémentaire de 12 milliards de dollars, qui s'ajouteraient aux 36 milliards de dollars que les Etats-Unis consacraient déjà à la recherche-développement dans le domaine de la défense ; cette forte mobilisation des moyens financiers permettrait sans doute d'obtenir de véritables percées technologiques.

A M. Xavier de Villepin, président, qui rappelait que les Etats-Unis devaient assurer la sécurité de forces militaires engagées sur des théâtres extérieurs, elle a observé que l'argument essentiel avancé par les Américains pour mettre en oeuvre leur projet de défense antimissile reposait sur la protection globale du territoire national.

Mme Nicole Gnesotto a également relevé que 71 % des Européens interrogés dans le cadre d'enquêtes d'opinion, se déclaraient favorables à la mise en place d'une défense européenne. M. Paul Masson a observé, à cet égard, qu'il existait sans doute un malentendu sur la portée même de la défense européenne qui concernait, en fait, la seule gestion des crises extérieures. M. Xavier de Villepin, président, a rappelé l'inquiétude que lui inspirait l'évolution du budget militaire de l'Allemagne, qui représentait aujourd'hui 1,5 % du PIB. Mme Nicole Gnesotto a alors précisé que les engagements pris dans le cadre de la défense européenne devaient permettre aux autorités politiques allemandes de justifier, précisément, le maintien de l'effort financier consacré à la défense.