AFP - 30 septembre 16:47 - Sénat: le précédent Monnerville, président de gauche à majorité centriste
PARIS : Le Sénat de la Ve République, qui doit voir samedi l'élection de son premier président socialiste, a déjà eu à sa tête un homme de gauche, rappellent des spécialistes : le radical Gaston Monnerville, dont, cependant, la majorité n'a jamais été à gauche.
Qui a raison ? Ceux qui vantent le caractère totalement inédit de l'arrivée de la gauche au "plateau", le PS Jean-Pierre Bel étant l'hyper favori pour succéder samedi à l'UMP Gérard Larcher ?
Où ceux qui - notamment à droite - mettent l'accent sur le précédent Monnerville, personnalité singulière de la politique française, qui présida 19 ans les Sénats de la IVe (de 1947 à 1958), puis de la Ve (de 1958 à 1968) ?
Les deux, répond le constitutionnaliste Guy Carcassonne. "Oui, il y a un un président de gauche, mais jamais un que la gauche ait pu élire grâce à ses propres forces".
"Il n'est pas du tout abusif de qualifier Gaston Monnerville d'homme de gauche. Quand il y a eu la scission des radicaux, c'est ce côté qu'il a choisi", relève M. Carcassonne.
"Je l'ai connu : il était radical de gauche", renchérit Didier Maus, également constitutionnaliste. "Il était de cette tradition radicale enracinée qui veut qu'on n'a pas d'ennemis à gauche".
"Je dirais plutôt +centre gauche+, il n'était pas radical socialiste", nuance l'historien socialiste Alain Bergounioux.
Tous se retrouvent pour souligner qu'une présidence socialiste du Palais du Luxembourg n'en demeure pas moins un événement majeur, puisque sa majorité sera, elle aussi, de gauche.
Celle de Monnerville était "une majorité d'opposition au général de Gaulle réunissant gauche, centre gauche et centre droit", détaille M. Maus. "Les centristes du MRP (ndlr : chrétiens-démocrates du Mouvement républicain populaire) qui étaient alors très anti-gaullistes, même si cela s'est résorbé ensuite, y figuraient".
Dans cette majorité anti-gaulliste, il y avait aussi les Indépendants paysans de Pinay, relève M. Bergounioux.
Avocat, résistant, successivement élu en Guyane où il était né en 1897, puis dans le Lot, Gaston Monnerville illustre les complexités du paysage sénatorial d'alors.
Approuvant le retour du général du pouvoir en 1958, il rompt avec fracas en 1962, farouchement opposé à l'élection du président au suffrage universel.
La tension sera telle que les ministres ne vinrent plus assister aux séances du Sénat et M. Monnerville ne fut plus invité aux cérémonies officielles.
En 1968, il cède son fauteuil au centriste Alain Poher, un an avant le départ du général de Gaulle après l'échec de son référendum sur son projet de réforme du Sénat.
Un projet qui conférait notamment l'intérim de la présidence de la République au Premier ministre, et non plus au président du Sénat.
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