M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, la situation de notre pays est très préoccupante, avec une dette s’élevant à 3 300 milliards d’euros. Ainsi, en 2025, 55 milliards d’euros seront consacrés au remboursement de ses intérêts. Nous devrons donc, à l’avenir, limiter les déficits, notamment pour la sécurité sociale, en évitant de financer la branche pour l’assurance maladie et notre système de retraite par un recours massif à l’emprunt, laissant la dette à nos enfants.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, tel qu’il était élaboré par le gouvernement Barnier, prévoyait un déficit de 16 milliards d’euros, alors que celui que nous allons voter atteint plus de 22 milliards d’euros. Cette hausse est principalement due à l’indexation de la totalité des retraites sur l’inflation au 1er janvier 2025, ainsi qu’à l’augmentation de l’Ondam.
Une nouvelle censure aurait été très grave pour notre pays. Un compromis était nécessaire. D’ailleurs, sept syndicats sur huit nous l’ont demandé, affirmant la nécessité de retrouver au plus vite la stabilité et de faire primer l’intérêt général. Selon eux, l’instabilité « fait peser sur nous le risque d’une crise économique aux conséquences sociales dramatiques ». De plus, M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins nous avait indiqué en commission que, sans vote d’un budget de la sécurité sociale, chaque jour, 30 millions d’euros échappaient à toute mesure d’économie.
Parmi les mesures conservées dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, on retrouve, en matière de lutte contre la fraude, la sécurisation de la carte Vitale, le renforcement du contrôle du versement des retraites à l’étranger, le dossier médical partagé et un allégement des exonérations de cotisations patronales limité et conservé à 1,6 milliard d’euros. Cette dernière disposition est sage, étant donné que les entreprises ont besoin de compétitivité par rapport à celles des autres pays européens. Pour préserver la performance de nos PME, nous devons poursuivre la politique de l’offre.
Je retiens également la formation de plus d’infirmiers, le calcul de la retraite des agriculteurs basé sur les 25 meilleures années, l’absence de hausse du ticket modérateur, l’amélioration de la prise en charge de la santé mentale ou encore la recherche de solutions aux pénuries de médicaments.
Ce budget comprend également des nouveautés, au nombre desquelles la hausse de l’Ondam hospitalier de 3,8 % au lieu de 3,2 %, soit un milliard d’euros de plus pour l’hôpital, qui en a besoin. Le fonds d’urgence pour les Ehpad a été rehaussé de 100 millions d’euros à 300 millions d’euros, ce qui est également bienvenu. Le taux de cotisation à la CNRACL augmente, lui, plus progressivement. Enfin, les dotations APA et PCH s’accroissent également.
Le développement des soins palliatifs me semble tout à fait logique avant toute nouvelle loi sur ce sujet.
Je note, enfin, l’indexation des retraites sur l’inflation au 1er janvier 2025, soit une hausse de 2,2 %. Rappelons que les retraites par répartition sont financées par les entreprises et les cotisants, ainsi que l’a prévu le CNR en 1945. Leur déficit atteindrait 15 milliards d’euros au cours des années 2030. Cependant, les prélèvements obligatoires, qui représentent déjà 47 % du PIB, ne sauraient être encore augmentés.
Si nous souhaitons répondre au défi du maintien du pouvoir d’achat des retraités, il conviendra donc de trouver des financements complémentaires, qu’ils soient assurantiels, issus de fonds de pension ou de la capitalisation – cela ne doit pas être un gros mot –, ou encore d’un relèvement de la CSG. Il est tout aussi nécessaire de renforcer le taux d’emploi des personnes âgées de 60 à 64 ans, qui est de 40 % en France, contre 70 % en Allemagne et dans les pays du nord de l’Europe.
Bien sûr, tout cela doit faire l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux. Les mesures pourraient comprendre un départ anticipé dans le cas d’un travail pénible ou d’une carrière longue, mais également des incitations, des formations et une retraite progressive partielle. Ainsi, en théorie, un taux d’emploi de 70 % des personnes âgées de 60 à 64 ans représenterait plus d’un million de travailleurs supplémentaires, selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), avec des recettes importantes à la clé.
Nous devons trouver ensemble une solution d’avenir. En effet, en 1980, le nombre des retraités était de 4 millions, avec trois cotisants pour un retraité ; en 2017, ce nombre atteignait 17 millions, avec 1,6 cotisant pour un retraité ; en 2040, il s’élèvera à 21 millions. De plus, depuis les années 1980, l’espérance de vie est passée de 70 ans pour les hommes et 79 ans pour les femmes à, respectivement, 79 ans et 86 ans.
Nous devrons relever plusieurs autres défis dans les années à venir, qu’il s’agisse de la prise en charge de la maladie à l’hôpital et en ville et de celle du vieillissement et de la dépendance de nos aînés, au travers d’un renforcement des emplois dans les Ehpad et pour le maintien à domicile. L’effectif de la population âgée de 85 ans et plus doublera entre 2020 et 2040 et la dépendance continuera à augmenter : comme vous l’avez souligné, mesdames les ministres, cela suppose plus d’accompagnement.
Ainsi, il est nécessaire d’avoir rapidement plus de trois emplois supplémentaires dans chacun de nos 7 500 Ehpad, soit 30 000 postes supplémentaires, sans oublier 10 000 emplois pour le domicile. Le coût de ces 40 000 emplois est estimé à 2,4 milliards d’euros par an, ce que financerait une journée de solidarité de sept heures. Je regrette que cette dernière n’ait pas été acceptée, car chaque employé français travaille 1 660 heures par an, contre 1 790 en moyenne en Europe.
Espérons, pour l’avenir de notre pays, que nous ferons preuve ensemble de responsabilité et de sagesse afin de trouver des solutions visant à équilibrer la sécurité sociale sans aggraver davantage la dette. Nous devons, pour cela, tenir compte de la baisse de la natalité, de l’ordre de 20 % entre 2010 et 2024. Pour ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, la non-censure de l’Assemblée nationale est un point très positif et une marque de responsabilité, même si l’augmentation projetée des déficits est très inquiétante.
Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous attendons légitimement beaucoup de notre protection sociale, qui fait partie de notre bien commun. Cependant, son financement n’a rien d’un miracle. C’est pour cette raison que l’un des objets du projet de loi de financement de la sécurité sociale est de maîtriser les déficits, garantissant la viabilité du modèle français. Je salue notre rapporteure générale et les rapporteurs de branche pour leur travail.
Toutefois, force est de constater que, malgré l’engagement du Sénat, l’objectif n’est pas atteint. Ainsi, le texte adopté par la commission mixte paritaire prévoyait une situation plus dégradée que ce que proposait le Sénat, avec un déficit de 18,3 milliards d’euros en 2025, contre 22 milliards d’euros dans le texte que nous examinons en nouvelle lecture. Le décalage dans le temps et la situation politique l’expliquent largement, mais le débat sur les réformes reste essentiel.
Ainsi, comme le souligne la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) dans son rapport d’octobre 2024, sans mesures législatives ou réglementaires nouvelles, le déficit serait d’environ 30 milliards d’euros en 2025. Un double constat s’impose donc à nous : d’une part, il est indispensable d’adopter ce texte, même s’il est imparfait, d’autre part, il est fondamental d’enrayer l’aggravation du déficit de la sécurité sociale, dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin de ne pas mettre gravement en péril notre système de protection sociale.
C’est pourquoi je souhaite évoquer la conférence de financement des retraites. En la matière, nous avons un devoir de maîtrise de nos dépenses qui, pour les retraites, sont estimées à 14 % du PIB, l’un des taux les plus élevés d’Europe. Nous faisons confiance aux partenaires sociaux pour proposer des solutions tendant à équilibrer la branche vieillesse, comme ils réussissent à le faire pour l’Agirc-Arcco (Association générale des institutions de retraite des cadres-Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés) depuis des années. Souhaitons qu’ils y arrivent pour les retraites de base.
Ma collègue Corinne Imbert s’exprimera plus particulièrement sur la branche assurance maladie, qui représente à elle seule 67 % du déficit de la sécurité sociale. Là encore, nous ne pouvons pas augmenter chaque année l’Ondam sans prévoir des mesures d’efficience. Des réformes structurelles devront donc être rapidement mises en œuvre, mais je sais, monsieur le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, que vous êtes mobilisé sur cette question.
Même si ce projet de loi est imparfait, il conserve la logique que nous voulions lui insuffler : d’une part, des efforts partagés par tous, d’autre part, la préservation des emplois et de la qualité des services.
À ce titre, je tiens à revenir sur la réforme des allégements généraux de cotisations patronales. Nous défendions des efforts pour les entreprises afin de mieux protéger les postes. De fait, la rédaction du Sénat n’avait aucune répercussion sur ces derniers. Finalement, c’est le texte de la commission mixte paritaire qui a été retenu, lui qui prévoit un rendement de 1,6 milliard d’euros. Nous aurons certainement à en débattre lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, étant entendu que le Sénat a proposé de créer un comité de suivi chargé notamment de l’évaluation de ces allégements.
Par ailleurs, le rejet de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale accentuerait les difficultés de nombreux acteurs du secteur médico-social. Ainsi, les Ehpad seraient privés de l’abondement à hauteur de 300 millions d’euros du fonds d’urgence pour les établissements publics, privés à but non lucratif ou rattachés à une collectivité – l’ensemble de ces établissements sont en effet concernés. De leur côté, les départements ne bénéficieraient pas du soutien financier de 200 millions d’euros, prévu notamment pour soulager leur contribution au titre de l’APA et de la PCH. Nous devrons déterminer ensemble le juste niveau de ce soutien.
En outre, sans ce texte, de nombreuses mesures très attendues, en particulier par les agriculteurs, ne pourraient entrer en vigueur. Je pense notamment à la pérennisation de l’exonération en faveur des travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE), à laquelle le Sénat a ajouté l’éligibilité des coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma) et des coopératives agricoles de fruits et légumes. C’est également le cas du maintien des abattements pour les exploitants agricoles bénéficiant de revenus issus de la location de gîtes ruraux. N’oublions pas, enfin, l’accélération de la réforme du calcul des pensions des exploitants, basé dès 2026 sur les meilleures années de revenus pour les droits acquis avant 2016.
Par ailleurs, le texte conserve les mesures introduites par le Sénat visant à renforcer la lutte contre la fraude, notamment sociale – ce point est, pour nous, essentiel. Je pense notamment à l’introduction d’une obligation pour les organismes de sécurité sociale constatant des fraudes aux arrêts de travail d’en informer les employeurs, afin de lutter contre le travail illégal. Contre le recours aux sociétés éphémères, nous avons également renforcé les obligations déclaratives de certains employeurs. Des mesures sont en outre prévues pour améliorer la communication entre les organismes de sécurité sociale et les services de l’état civil en cas de suspension du versement de la retraite d’un pensionné résidant à l’étranger. N’oublions pas, enfin, la généralisation, au 1er octobre 2025, de la carte Vitale sécurisée. Toutes ces décisions, nécessaires et utiles, ont été conservées : nous nous en félicitons.
Par ailleurs, le Sénat avait soutenu l’initiative d’une contribution de solidarité par le travail. Il convient d’en rediscuter rapidement, notamment via une négociation avec les partenaires sociaux. Cela s’inscrit dans une nécessaire évolution du financement de l’autonomie. L’enjeu autour du travail est pour nous fondamental, tout comme est primordiale la réflexion sur de nouvelles sources de recettes.
Lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire, j’avais énoncé un certain nombre de principes auxquels nous étions attachés : la rigueur budgétaire, l’association de l’ensemble des acteurs au redressement des comptes du pays et la préservation de la qualité de nos services publics. Ces principes nous guideront, une fois ce budget adopté, afin de mettre en œuvre les réformes structurelles qui s’imposent. Sans cela, en effet, nous nous retrouverons de nouveau l’année prochaine face aux mêmes enjeux de recherches d’économies, avec des répercussions directes sur la qualité des prestations.
Les réformes doivent donc être travaillées, en mobilisant le plus grand nombre d’acteurs, puis entérinées préalablement au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Compte tenu de ce contexte, mes chers collègues, et parce qu’il considère qu’il doit être adopté dans les plus brefs délais, le groupe Les Républicains votera ce texte sans modification, en gardant à l’esprit toutes les réflexions qui devront être menées rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous nous réunissons aujourd’hui pour examiner, une nouvelle fois, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, au parcours législatif aussi chaotique qu’inédit.
Inédit, ce parcours l’a été tant par son commencement que son dénouement, tous deux marqués par des tensions, des blocages assumés et, en guise de conclusion, par une motion de censure aux allures de manœuvre politicienne irresponsable, mais pas sans conséquence. (Mme Émilienne Poumirol proteste.)
M. Bernard Jomier. Mais bien sûr…
M. Xavier Iacovelli. Nous voilà donc contraints de réexaminer un texte qui aurait dû être adopté au mois de décembre dernier. Oui, nous sommes contraints. En effet, si le Sénat est de nouveau saisi, ce n’est pas par manque de travail ou de sérieux de notre part.
Mme Annie Le Houerou. À qui la faute ?
M. Xavier Iacovelli. En effet, nous avons été, au milieu de ce désordre, un lieu de rationalité et de stabilité, mais aussi de responsabilité.
Mme Annie Le Houerou. Pas tout à fait !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous êtes minoritaires ici !
M. Xavier Iacovelli. Les débats, malgré des désaccords, s’y sont tenus avec sérieux et dans le respect des institutions. En ce lieu, l’espoir d’une démocratie exigeante et constructive continue d’exister.
Pourtant, une alliance contre nature entre la gauche et l’extrême droite…
Mme Monique Lubin. Oh là là !
M. Xavier Iacovelli. … a préféré le chaos au débat, la posture à la construction ! (Marques d’ironie sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Pierre après pierre, vote après vote, cette alliance contre nature a érigé un mur de mépris, fait d’irresponsabilité et de postures, qui éloigne chaque jour un peu plus nos concitoyens des décisions prises en leur nom.
La conséquence, mes chers collègues, est que notre système social s’est trouvé plongé dans l’incertitude et le pays dans l’impasse. Le prix de cette irresponsabilité, ce sont 100 millions d’euros perdus chaque jour depuis le 1er janvier, autant d’argent qui ne finance ni nos hôpitaux, ni nos Ehpad, ni nos services sociaux. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Ce sont ainsi 100 millions d’euros par jour que nous ne pouvons consacrer à nos soignants, à nos aînés et à nos familles !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Et les 49.3 ? (Mme Céline Brulin renchérit.)
M. Xavier Iacovelli. Aujourd’hui, les mêmes qui ont voté cette censure osent jouer les indignés face aux conséquences de leurs propres décisions. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
Il est temps de rétablir la vérité.
M. Roger Karoutchi. Rien que ça ! (MM. Laurent Somon et Francis Szpiner rient.)
M. Bernard Jomier. Tout est permis !
M. Xavier Iacovelli. Que ceux qui prétendent défendre les services publics expliquent pourquoi, en pleine crise, ils ont privé nos hôpitaux et établissements médico-sociaux des fonds dont ils ont besoin ! Que ceux qui disent défendre le monde agricole justifient le report, du fait de leur vote, des mesures attendues par des milliers d’agriculteurs. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mme Monique Lubin. C’est la foi du converti !
M. Xavier Iacovelli. Le Sénat, lui, a été à la hauteur.
Ce texte n’est peut-être pas parfait. (Marques de surprise feinte sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Nous aurions tous souhaité aller plus loin. Je pense, pour ma part, à la question des maladies cardiovasculaires dues au surpoids et à l’obésité liés à la surutilisation du sucre dans l’agroalimentaire et les produits transformés.
Pour notre part, nous assumons un budget qui tient compte des réalités économiques et tente, tant bien que mal, d’assurer la pérennité de notre modèle social.
Il est urgent de l’adopter définitivement, et ce pour plusieurs raisons.
Il prévoit une hausse de 3,8 % de l’Ondam hospitalier, soit 1 milliard d’euros supplémentaires pour nos établissements de santé.
Mme Monique Lubin. Grâce à qui ?
Mme Émilienne Poumirol. Heureusement que nous avons négocié ! (Mme Raymonde Poncet Monge renchérit.)
M. Xavier Iacovelli. Il renforce le financement des Ehpad, avec une enveloppe portée à 300 millions d’euros.
Il maintient à hauteur de 200 millions d’euros la compensation versée aux départements pour leurs dépenses liées à l’allocation personnalisée d’autonomie et à la prestation de compensation du handicap.
Il permet le recrutement de 6 500 accompagnements pour les personnes âgées dépendantes.
Il conserve les aides allouées au service public de la petite enfance, ainsi que la réforme du complément de mode de garde pour soutenir les familles, notamment les familles monoparentales. (Mme Cathy Apourceau-Poly s’exclame.)
Il préserve le dispositif de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite Lodéom, garantissant un soutien aux entreprises et aux travailleurs des territoires ultramarins.
Surtout, ce texte doit être adopté, parce qu’il est temps de sortir de cette période d’instabilité budgétaire qui affaiblit notre pays. Notre modèle social est malade. Le déficit de la sécurité sociale explose à 22 milliards d’euros. Il atteindrait même 30 milliards d’euros en l’absence d’un texte.
M. Bernard Jomier. Belle gestion !
Mme Émilienne Poumirol. Depuis sept ans !
Mme Monique Lubin. Non, huit !
M. Xavier Iacovelli. Sommes-nous prêts à laisser ce modèle, autrefois fierté aux yeux du monde, s’effondrer sous le poids des déficits ?
Nous devons regarder plus loin que l’année 2025, comme vous l’avez mentionné, madame la ministre. En effet, il est temps d’envisager une véritable réforme structurelle, une planification budgétaire pluriannuelle garantissant la soutenabilité de notre protection sociale. C’est une nécessité pour assurer une offre de soins stable et pérenne, qui ne dépende pas des aléas politiques.
De même, il n’est plus possible de faire reposer sur le seul travail l’ensemble de notre modèle social. Le coût du travail est en effet trop élevé en France, alors que, dans le même temps, le net perçu par les salariés est encore plus faible.
Mme Émilienne Poumirol. Que de poncifs…
M. Xavier Iacovelli. Entendez bien, mes chers collègues : pour 100 euros brut, une entreprise en France doit verser 142 euros, contre 120 euros en Allemagne. De son côté, le salarié français ne touchera que 77,50 euros avant impôts, contre 80 euros pour son homologue allemand.
Mme Annie Le Houerou. C’est cela, la protection sociale.
Mme Monique Lubin. Il faut tout comparer !
M. Xavier Iacovelli. Notre coût du travail est l’un des plus élevés de l’OCDE.
Dans les mois à venir, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, nous devrons donc mener une véritable réflexion sur le financement de notre modèle social, afin de trouver des ressources ne reposant pas seulement sur les travailleurs et les entreprises, c’est-à-dire sur le travail.
Oui, l’équilibre budgétaire est une exigence. Cependant, la santé ne peut être une variable d’ajustement, non plus que l’emploi ou l’attractivité de notre pays.
Alors que nous approchons des quatre-vingts ans de la sécurité sociale, nous avons un devoir de responsabilité. C’est pourquoi les membres du groupe RDPI espèrent que cette nouvelle lecture aboutira à un vote conforme. En effet, il convient de mettre un terme à cette situation, qui ne peut plus durer, et de permettre enfin aux Français de bénéficier des mesures qu’ils attendent.
En conséquence, le groupe RDPI a pris ses responsabilités en ne déposant aucun amendement, même si certains de ses membres prendront la parole sur différents articles.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cela ne sert à rien !
M. Xavier Iacovelli. Il y va de la crédibilité de nos institutions et du bon fonctionnement de notre système de soins et de protection sociale. Alors, mes chers collègues, pour une fois, faisons preuve de responsabilité collective et votons ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Marques de consternation sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme la rapporteure générale applaudit également.)
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous entamons la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 après un parcours législatif pour le moins complexe – c’est un euphémisme.
En effet, depuis des élections législatives de 2022 qui n’ont dégagé aucune majorité absolue au sein de l’Assemblée nationale, nous vivons une succession d’utilisations de l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution et de motions de censure. La loi fondamentale du 4 octobre 1958 est donc particulièrement scrutée, afin de trouver des réponses à ces situations inédites.
Ainsi, alors que la commission mixte paritaire avait abouti à un compromis à la fin du mois de novembre dernier, à la suite de l’adoption par les députés d’une motion de censure à l’encontre du gouvernement de Michel Barnier, le texte a été considéré comme rejeté. Cela a amené le Parlement à adopter une loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, notamment pour autoriser la sécurité sociale à emprunter.
Depuis, l’Assemblée nationale a examiné le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 en nouvelle lecture, dans la version que le Sénat a adoptée en première lecture. Le gouvernement actuel ayant engagé sa responsabilité et la motion de censure déposée par une partie des membres du Nouveau Front populaire (NFP) n’ayant pas été adoptée, nous sommes donc aujourd’hui de nouveau amenés à nous exprimer sur le texte.
Dans la version initiale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, le gouvernement Barnier prévoyait un déficit de 16 milliards d’euros, que les travaux de notre assemblée ont réduit à 15 milliards d’euros, tandis que le compromis issu de la commission mixte paritaire a abouti à un montant de 18,3 milliards d’euros. Après la nouvelle lecture, il devrait finalement atteindre 22,1 milliards d’euros en 2025 et 24,1 milliards d’euros en 2028.
Ces estimations nous font dire, à l’unanimité, que la copie n’est toujours pas satisfaisante. Ces trajectoires, très pessimistes, n’augurent rien de bon. Nous l’avons dit à plusieurs reprises dans cet hémicycle, cette situation n’est pas le fruit du hasard, puisqu’elle correspond à des choix politiques court-termistes, qui rognent substantiellement les recettes de la sécurité sociale depuis des années.
À ce sujet, Mme la rapporteure générale a rappelé que la dynamique du déficit était inhabituelle. En effet, son augmentation spontanée moyenne, liée au décalage entre la croissance des recettes et des dépenses, était de 5 milliards d’euros par an. Pourtant, le déficit devrait croître de 10 milliards d’euros en 2025, en raison d’une hausse plus faible des recettes, à 2,3 %.
En somme, entre la version initiale et la nouvelle lecture, le déficit projeté a augmenté de 6,1 milliards d’euros. Nous regrettons grandement la faiblesse des solutions envisagées pour enrayer ce dérapage, d’autant que ce constat est partagé. La réduction de certaines dépenses par le transfert de leur charge sur les malades n’est pas le chemin à choisir.
Tout comme pour les enjeux environnementaux, les générations futures attendent de nous que nous soyons à la hauteur pour assurer la pérennité du système de protection sociale à la française. C’est pourquoi le groupe RDSE a plaidé pour dénicher de nouvelles ressources, notamment chez celles et ceux qui détiennent les richesses. Pour lui, dans ce contexte budgétaire très incertain, les aides publiques et les politiques d’exonération doivent être beaucoup plus conditionnés à des critères de justice sociale et territoriale.
Au-delà de considérations, très importantes, sur la trajectoire budgétaire, le groupe RDSE salue néanmoins quelques évolutions au service de la santé de nos concitoyens, comme la revalorisation du fonds d’urgence pour les Ehpad, afin de faire face à leurs difficultés financières. C’est aussi le cas du rehaussement de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, de l’ordre de 3,4 %, soit 1 milliard d’euros supplémentaires pour les établissements de santé, et des différentes mesures de fiscalité comportementale sur les boissons sucrées et les jeux d’argent et de hasard. Enfin, s’agissant de la soumission chimique, nous nous réjouissons du remboursement des tests et des analyses permettant de la détecter et de l’amélioration de la prise en charge psychologique des potentielles victimes, mesures chères à notre collègue Véronique Guillotin.
En outre, plusieurs de nos amendements ont été retenus dans la version du texte que nous examinons en nouvelle lecture. Ils ont notamment pour objet l’extension aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de l’exonération de cotisations patronales pour l’emploi des aides à domicile dont bénéficient les centres intercommunaux d’action sociale (CIAS) ; l’expérimentation visant à permettre aux chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole d’opter pour des cotisations calculées à titre provisionnel sur la base d’une assiette fixée forfaitairement ; la prise en compte des effets de la concurrence frontalière dans le calcul du coefficient géographique.
Je rappelle en conclusion que, les 4 et 19 octobre prochain, nous célébrerons les quatre-vingts ans de la sécurité sociale, pilier fondamental du pacte républicain qui soude la société française par une contribution solidaire selon ses moyens et un bénéfice selon ses besoins. Le groupe RDSE appelle à la réformer structurellement pour anticiper les défis majeurs auxquels nous devrons faire face, notamment ceux qui sont liés aux évolutions démographiques.
Dans l’attente, nous défendrons nos propositions dans un esprit de responsabilité et nous nous prononcerons sur ce texte avec la liberté de vote qui nous caractérise. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)