compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. François Bonhomme,
Mme Catherine Conconne.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Hommage à Louise, jeune fille assassinée
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme vous tous, et particulièrement nos collègues de l’Essonne, j’ai appris avec tristesse et effroi le meurtre de Louise, 11 ans, dont le corps a été retrouvé dans la nuit de vendredi à samedi dernier dans le bois des Templiers, à Longjumeau. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)
Bouleversés par le meurtre de cette très jeune fille, face à cet acte de violence à l’égard d’une enfant qui ne demandait qu’à grandir, nous avons tous une pensée émue pour les parents et les proches de Louise, pour ses camarades du collège André-Maurois d’Épinay-sur-Orge, pour ses professeurs et pour tous ceux qui, anonymement, partagent leur chagrin et témoignent de leur soutien.
Au nom du Sénat tout entier, je les assure de notre profonde sympathie et je vous invite à observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, observent un moment de recueillement.)
3
Questions d’actualité au Gouvernement
Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
meurtre de louise et hyperviolence des jeunes
M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Pillefer applaudit également.)
Mme Marie-Do Aeschlimann. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le garde des sceaux, la petite Louise avait 11 ans et toute la vie devant elle. Elle a été sauvagement assassinée. J’adresse mes sincères condoléances à sa famille, à ses camarades et à ses proches. Je me permets d’associer à ce message mon collègue Jean-Raymond Hugonet, sénateur de l’Essonne. Nous partageons leur douleur.
Il y a trois semaines, c’était Élias, 14 ans, qui était poignardé à mort à Paris.
Monsieur le garde des sceaux, la jeunesse est insouciante et si vulnérable. Nous avons le devoir de la protéger. Ces tragédies ne sont pas seulement des faits divers, mais un fait de société qui appelle une réponse politique forte. Rappelons que cent mille mineurs ont été victimes de violences physiques en 2023.
Aujourd’hui, le danger est au coin de la rue, à 500 mètres de la maison, en rentrant du sport, et même dans la cour de récréation. Je pense à ce lycéen de Bagneux dans le département des Hauts-de-Seine, qui a été poignardé la semaine dernière et a heureusement survécu.
Aucun parent ne devrait regarder son enfant s’éloigner de sa maison, en craignant pour son intégrité. Aujourd’hui, des parents ont recours à des applications de géolocalisation pour surveiller leur enfant !
Une violence débridée déferle au sein même de nos écoles, qui devraient être des sanctuaires dédiés à l’instruction.
Mais je veux aussi attirer votre attention, monsieur le garde des sceaux, sur une autre jeunesse en proie à la violence, qui a perdu ses repères et ne connaît plus aucune limite.
Face à ce fléau, il est urgent que la loi change pour prévenir, pour mieux réprimer et, surtout, pour traiter plus efficacement la violence. S’agissant des mineurs, il faut supprimer l’excuse de minorité, adopter des sanctions plus adaptées et intervenant plus rapidement et les faire appliquer.
Monsieur le garde des sceaux, je sais que ce sont des questions qui vous préoccupent. Qu’allez-vous faire pour rétablir l’autorité à tous les étages ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord, en restant à ma modeste place, mais en tant que ministre chargé des victimes, de vous remercier de ce moment de recueillement. Le drame qui touche la famille de Louise, comme celui qui touche celle du jeune Élias, nous touche tous, touche toute la Nation. Je vous remercie donc de cet hommage.
Madame la sénatrice Aeschlimann, le ministre de l’intérieur et moi-même partageons les constats que vous venez de faire. En tant que ministre chargé des victimes, en tant que père de famille, je veux exprimer, au nom de tous, ma profonde compassion devant la peur, la tristesse et l’effondrement que suscite la perte d’un enfant dans ces conditions.
Ces deux affaires sont cependant distinctes.
L’enquête sur la jeune Louise révélera les circonstances de son assassinat, qui semble avoir été causé par quelqu’un qui, si cela est confirmé, avait l’âge d’être responsable pénalement et n’avait pas d’antécédents judiciaires de cette nature.
Ce qui s’est passé pour le jeune Élias est différent, car il s’agit, selon les éléments de l’enquête, d’un mineur assassiné par d’autres mineurs et ces derniers, s’ils sont effectivement responsables, étaient déjà connus de la police et de la justice, ce qui aurait dû nous alerter.
Nous avons donc certainement besoin d’un texte de loi pour être plus durs et pour répondre dès les premières infractions : nous devons éviter que le délit ne se transforme en crime. Une première sanction immédiate est une forme d’éducation pour éviter que les choses n’empirent pour différentes raisons – pour autant, aucune de ces raisons ne peut être valide et il ne peut pas y avoir, dans notre pays, de culture de l’excuse.
C’est pourquoi, avec le ministre de l’intérieur et sous l’autorité du Premier ministre, nous abordons la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par Gabriel Attal avec la volonté de l’enrichir pour aller vers encore plus de fermeté.
La fermeté et l’éducation vont ensemble : elles doivent permettre d’éviter le drame absolu qu’est la hausse de la violence des mineurs et de la violence dirigée contre les mineurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
calendrier de déploiement des mesures du comité interministériel des outre-mer
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Dominique Théophile. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.
Le 18 juillet 2023, la Première ministre d’alors, Élisabeth Borne, réunissait le comité interministériel des outre-mer (Ciom), qui se voulait être la première étape d’une refondation ambitieuse des politiques publiques en faveur de nos territoires.
L’objectif était d’apporter des solutions durables aux défis des territoires ultramarins. Soixante-douze mesures ont été annoncées, centrées sur des aspects essentiels : par exemple, compenser l’éloignement, moderniser la fiscalité et accompagner l’exercice des compétences des collectivités ultramarines en matière d’action extérieure. Un dialogue approfondi avec les élus et les acteurs économiques devait en garantir l’ancrage local.
Près d’un an et demi plus tard, la mise en œuvre de ces engagements semble pourtant souffrir d’un manque de lisibilité. Vous conviendrez d’ailleurs, monsieur le ministre, que la succession de quatre ministres des outre-mer en moins de dix-huit mois fragilise la crédibilité et la continuité de l’action publique.
En attendant, les préoccupations des Ultramarins demeurent inchangées : je pense notamment à la vie chère, à la compétitivité économique ou à la continuité territoriale – autant de sujets qui appellent des avancées concrètes et durables.
Au moment où le Président de la République évoque la possibilité d’un référendum en 2025 sans toutefois indiquer les thématiques qui pourraient en faire l’objet, certains de nos territoires ultramarins s’interrogent sur leur avenir institutionnel. Il y a peut-être là un sujet de consultation.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser le calendrier de mise en œuvre des mesures du Ciom ? Comment comptez-vous aborder les aspirations institutionnelles émergentes dans ces territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Catherine Conconne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Théophile, vous avez raison et je mesure l’urgence : les difficultés rencontrées par nos compatriotes ultramarins sont nombreuses. Elles appellent des réponses fortes et suivies dans la durée et une action politique pugnace et constante.
Nous avons des urgences : Mayotte – nous en avons déjà longuement débattu ici –, la Nouvelle-Calédonie – je m’y rendrai la semaine prochaine –, et, bien sûr, la vie chère – là aussi, nous en avons déjà discuté ici et je compte m’attaquer à ce sujet avec une très grande détermination.
Le Ciom ne doit pas être un acronyme creux. Celui de 2023 a constitué un temps fort et ses soixante-douze mesures sont maintenant dans les mains des services de l’État. Dès mon arrivée, j’ai décidé d’en suivre l’avancée : trop peu – trente-deux – sont déjà en place. Le mouvement est beaucoup trop lent, nous devons accélérer.
C’est d’ailleurs le sens du choix du Premier ministre d’élever ce ministère au rang de ministère d’État : il s’agit de lui donner du poids pour faire avancer les choses. Vous pouvez compter sur ma détermination ; je ne lâcherai rien !
Il est prévu de réunir le Ciom au cours du second trimestre de cette année et nous mènerons les concertations qui sont nécessaires. Il n’y a aucun tabou : nous aborderons l’ensemble des questions économiques et sociales, notamment la vie chère, la lutte contre l’insécurité et les trafics, celle contre les violences faites aux femmes, l’éducation, etc. Bref, il y a beaucoup de dossiers à examiner.
Les questions institutionnelles devront aussi être abordées et nous devons le faire avec méthode, avec mesure et avec la volonté – je m’y engage – de répondre au sentiment d’éloignement vis-à-vis de la Nation et de l’État, ainsi qu’au sentiment de mépris que ressentent parfois les habitants de ces territoires. Nous devons réduire cette distance ; le Ciom doit servir à cela. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
politiques en faveur des personnes handicapées
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, je vous remercie – et j’associe mes collègues de l’Essonne à ces remerciements – de vos propos très justes concernant la jeune Louise.
Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Madame la ministre, nous commémorions hier les vingt ans de la loi Handicap du 11 février 2005 voulue par le président Jacques Chirac. Vingt ans après le vote de cette loi, force est de constater que beaucoup reste à faire pour parvenir à une société réellement inclusive.
Le regard sur le handicap a certes changé : nous avons tous pu mesurer la ferveur entourant les athlètes lors des jeux Paralympiques de l’été dernier, mais, à l’écart de ces projecteurs, bien loin des podiums et des lieux où nos athlètes ont accompli leurs exploits, la réalité est tout autre.
Dans le domaine éducatif, malgré l’annonce de la création de nombreux postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), beaucoup d’enfants atteints d’un handicap ne trouvent toujours pas leur place à l’école.
Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est bien trop élevé et les formations adaptées trop rares.
Un tiers des gares SNCF et la moitié des établissements recevant du public ne sont toujours pas accessibles. Sans accessibilité, pas d’emploi, pas de loisirs culturels ou sportifs, pas de vie sociale.
Enfin, s’agissant du droit à compensation, autre pilier de la loi de 2005, tout reste à faire en raison du non-recours effectif aux droits, des restes à charge élevés, de la complexité des démarches et de la sous-évaluation des besoins.
L’État se désengage des fonds de compensation du handicap, qui ont pour fonction d’accorder des aides financières aux personnes handicapées, afin qu’elles puissent faire face aux frais restant à leur charge.
Dans l’Essonne, l’État réduit son soutien de 4 % à 5 % chaque année et, même si le handicap relève de la compétence des départements, ces derniers, avec la baisse brutale du produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), ne pourront pas faire face à ces compensations, en plus du financement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
L’accessibilité universelle reste un horizon lointain – trop lointain ! Madame la ministre, quelle politique comptez-vous mettre en œuvre pour parvenir à des résultats tangibles ? L’État est-il prêt à prendre toutes ses responsabilités pour que, vingt ans après, chaque personne handicapée puisse exercer l’intégralité de ses droits et se sentir pleinement citoyenne dans la France d’aujourd’hui et pour que l’équité nécessaire soit garantie sur l’ensemble de notre territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mmes Marie-Arlette Carlotti et Marie-Pierre Monier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Madame la sénatrice, permettez-moi tout d’abord de m’associer à vos mots concernant la petite Louise, qui habitait le département dont vous êtes l’élue. Mes pensées vont à sa famille, à ses proches, ainsi qu’à toutes celles et à tous ceux qui étaient avec elle au collège.
Vous avez évoqué la question du handicap. Vingt ans après la loi voulue par le président Chirac, je parlerais non pas d’un anniversaire, mais plutôt d’un rendez-vous et, comme vous, je me souviens de ce qu’a voulu à l’époque le Président de la République : une inclusion des personnes handicapées, tant dans leur vie personnelle que professionnelle. Il s’agit donc bien d’apporter des réponses sur l’ensemble des aspects de la vie de ces personnes.
Vous avez évoqué une liste de points que nous devons améliorer et, dans ma réponse – je reviendrai sur d’autres sujets à l’occasion de prochaines questions –, j’évoquerai l’école, en associant à mon propos la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale.
En vingt ans, nous avons multiplié par quatre le nombre d’enfants scolarisés : nous en sommes aujourd’hui à 150 000 environ.
Je me souviens très bien que nous discutions dans cet hémicycle, il y a exactement un an, de la proposition de loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne ; elle concernait l’accompagnement des enfants par leurs AESH à l’heure du déjeuner. J’en profite d’ailleurs pour saluer le président de la commission des affaires sociales de votre assemblée.
C’est dire que, chaque année, nous devons progresser pour apporter des réponses qui soient davantage en adéquation avec les besoins des familles. Quoi de plus normal que d’être en mesure d’apporter des réponses à toutes ces questions ?
Dans l’enseignement supérieur, nous avons multiplié par neuf le nombre d’étudiants accueillis.
Dans ces domaines, il y a donc des progrès et nous devons poursuivre dans cette voie, parce que la formation, c’est la voie de l’autonomie. (M. François Patriat applaudit.)
recours privilégié et soutien aux entreprises françaises de l’intelligence artificielle
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)
M. Bernard Fialaire. Madame la ministre de l’intelligence artificielle (IA), nous sommes au lendemain du sommet de Paris sur l’IA, qui, nous devons tous le reconnaître, a été une réussite.
La France réussit toujours très bien l’organisation des grandes manifestations internationales. Si elle l’a montré, l’an passé, avec les jeux Olympiques, ce n’est pas pour cela que nous avons eu le record de médailles.
Dans le domaine de l’intelligence artificielle, nous avons aussi nos Léon Marchand, nos Teddy Riner, nos Antoine Dupont (Murmures sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Annick Billon applaudit.) : je pense à Mistral, à LightOn, à Owkin, entreprises dont les dirigeants ont parfois eux-mêmes suivi un entraînement aux États-Unis. En France, nous avons aussi des athlètes soutenus, portés, par nos administrations, nos services et nos entreprises publics.
Madame la ministre, que comptez-vous faire pour que ces entreprises publiques, ces services publics et ces administrations choisissent de privilégier nos propres entreprises d’intelligence artificielle, somme toute assez performantes, plutôt que de s’adresser, par facilité, aux Gafam ?
Pour en revenir au sport, je rappelle que le Qatar a investi dans le Paris Saint-Germain. (M. Fabien Gay s’exclame.) Maintenant, ce sont les Émirats arabes unis qui, avec le Canada, investissent dans l’intelligence artificielle en France. Ne pourrions-nous pas aller chercher certains de nos champions ? Puisque nous-mêmes sommes les champions de l’épargne (M. Fabien Gay s’exclame de nouveau.), avec plus de 6 000 milliards d’euros, pourquoi ne pas orienter ces fonds vers le soutien à nos entreprises émergentes ?
En refaisant le compte des médailles obtenues aux jeux Olympiques l’année dernière, force est de constater que l’Europe, autrement dit les nations européennes ensemble, a eu beaucoup plus de médailles que les États-Unis et la Chine.
N’est-ce pas à cette échelle qu’il faut envisager le développement de cette industrie nouvelle, dans le respect de nos principes, de nos valeurs et de notre éthique ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Philippe Folliot et François Patriat applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l’intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, je vous remercie de saluer le succès du sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle tout comme je remercie l’ensemble de mes collègues d’avoir contribué à ce succès en s’engageant résolument afin de faire de la France, pour quelques jours, la capitale de l’IA. Pas seulement pour quelques jours, d’ailleurs, car la France est d’ores et déjà une grande puissance de l’IA et elle a bien l’intention de le rester.
La semaine dernière, M. le Premier ministre a présidé une réunion avec l’ensemble des membres du Gouvernement pour réfléchir à la meilleure manière d’accélérer dans le domaine de l’intelligence artificielle, car, vous avez bien raison de le souligner, nous avons de nombreux champions dans ce secteur. Nous comptons en effet 1 000 entreprises françaises d’intelligence artificielle à la pointe de la performance, notamment Mistral et LightOn, que vous avez citées. Toutes sont engagées dans la course mondiale à l’intelligence artificielle.
Pour les soutenir, il nous faut bien sûr les financer. Vous avez mentionné le levier de l’épargne. M. le ministre de l’économie et moi-même réfléchissons à renforcer un certain nombre de dispositifs pour accélérer le financement de ces entreprises.
Il nous faut aussi continuer d’attirer les investissements étrangers. Vous avez mentionné les Émirats arabes unis. Je rappelle les 109 milliards d’euros d’investissement annoncés pour créer, ici, en France, l’infrastructure nécessaire au développement de l’intelligence artificielle. C’est un montant phénoménal pour notre pays et cela montre à quel point nous sommes convaincus de la puissance de l’IA.
Vous avez cité un point très important : le financement, c’est bien ; les contrats, c’est mieux ! (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.) Avec mon collègue Laurent Marcangeli, j’ai eu l’occasion de présenter, la semaine dernière, la stratégie française de soutien à nos entreprises, laquelle passe aussi par la signature de contrats.
M. Pascal Savoldelli. Ça, c’est bien !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Nombre de contrats privés ont été annoncés pendant le sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, mais n’oublions pas, bien sûr, les contrats publics.
Si France Travail a choisi de travailler avec Mistral, c’est parce que cette dernière offre la solution la plus performante sur le marché et qu’il s’agit, en matière de politique industrielle, d’un vrai projet.
Laurent Marcangeli et moi-même avons bien l’intention d’embarquer nos administrations et l’ensemble de nos ministères dans l’utilisation d’une intelligence artificielle française et européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Anne-Sophie Patru et M. Jean-François Husson applaudissent également.)
vingt ans de la loi sur le handicap
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Madame la ministre, hier, au Sénat, nous faisions le bilan des vingt ans de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Or les 12 millions de personnes en situation de handicap et leurs proches nous font part de l’écart abyssal entre l’ambition affichée par la loi et sa mise en œuvre, et ce malgré de nombreux progrès.
La Défenseure des droits indique que la première cause de sa saisine reste le handicap et l’accès aux droits afférents. Cet accès aux droits passe par un guichet unique créé par la loi de 2005, la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
Alors qu’elles placent l’usager au cœur de leurs décisions, les MDPH ne parviennent pas à gérer les flux croissants de demandes légitimes. Entre 2015 et 2022, il y a eu une augmentation de 40 % des demandes de prise en charge uniquement pour les enfants.
Malgré la bonne volonté des personnels qui y travaillent, et que je salue, les MDPH manquent majoritairement de moyens humains pour traiter les dossiers dans des délais et conditions acceptables. Elles sont sous la tutelle de la présidence du conseil départemental. Or les départements, premiers financeurs, sont exsangues et sans autonomie fiscale. Ils ne peuvent être les boucs émissaires des carences de l’État, qui n’assure pas la solidarité nationale ni l’égalité territoriale.
Pour autant, la politique du handicap doit rester une politique de proximité, permettant d’ajuster les prestations individuelles de compensation. Outre la complexité des droits et prestations, le parcours du combattant de l’accès aux soins ajoute des freins à l’examen des dossiers. La reconnaissance médicale et le suivi sont autant d’obstacles à franchir.
Quelles réformes structurelles envisagez-vous, madame la ministre, pour que les MDPH, qui ont fait la preuve de leur pertinence, puissent avoir les moyens de répondre, avec humanité, aux besoins légitimes des usagers ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour permettre à tous les départements de garantir un financement à la hauteur des compensations de droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Madame la sénatrice Annie Le Houerou, vous avez à juste titre rendu hommage au travail mené dans les départements par les maisons départementales des personnes handicapées, puisque tel est leur nom, les fameuses MDPH. Je veux, devant le Sénat, non seulement, évidemment, m’associer à cet hommage aux personnels, mais aussi rappeler que chacun des départements détermine la stratégie qui est la sienne en matière d’accueil et d’accompagnement. C’est d’ailleurs un travail tout à fait intéressant à remarquer.
Je veux en outre souligner combien, au sein de Départements de France, les commissions concernées échangent leurs expériences. Voilà quelques mois, en Bretagne, j’ai pu constater la manière avec laquelle un département avait réussi à améliorer considérablement la durée de traitement des dossiers, puisque le délai de réponse n’y dépassait pas un mois. Tout est parti d’un choix, celui du président d’un département,…
M. Michel Canévet. Le Finistère ! (Sourires.)
Mme Catherine Vautrin, ministre. … qui a permis d’obtenir des réponses très concrètes.
Parallèlement, madame la sénatrice, vous appelez l’attention du Gouvernement sur la situation budgétaire. Je rappelle que ce dernier a consenti, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, actuellement en discussion, un effort extrêmement important.
Au travers du plan « 50 000 solutions », il avait été prévu de débloquer 200 millions d’euros par an jusqu’en 2030. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons décidé, d’une part, de faire passer ce montant de 200 millions à 270 millions d’euros et, d’autre part, d’augmenter de 650 millions d’euros le budget pour le handicap.
Vous me demandez d’expliciter les mesures qui seront prises. Nous aurons l’occasion d’en discuter, puisque, sous la présidence de M. le Premier ministre, se tiendra, le 6 mars prochain, un comité interministériel du handicap, auquel participera, bien sûr, Charlotte Parmentier-Lecocq, ma collègue ministre chargée de cette question. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour la réplique.
Mme Annie Le Houerou. L’accessibilité universelle nécessite un sursaut, une mobilisation générale, dont l’impulsion et le financement relèvent de l’État également. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)
application effective de la loi sur le handicap, vingt ans après
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Madame la ministre, la diversité est une richesse, l’égalité, un principe fondamental : elle doit être effective pour toutes et tous, que ce soit sur l’accessibilité, le logement, l’éducation, l’engagement citoyen, l’emploi.
C’est ce que nous aurions dû fêter hier, lors du colloque sur le vingtième anniversaire de la loi de 2005, qui prévoyait d’adapter les politiques publiques pour les personnes en situation de handicap.
Cette loi, après celle de 1975, avait créé un immense espoir dans le monde associatif, chez les aidants, chez les personnes en situation de handicap, qui s’étaient, faut-il le rappeler, beaucoup impliquées.
Certes, et fort heureusement, des avancées ont eu lieu ces dernières années ; mais elles sont, il faut le reconnaître, bien en deçà des objectifs de la loi de 2005.
Pour 2025, vous annoncez la gratuité des fauteuils roulants, une avancée significative pour ceux et celles qui souffrent de revenus modestes, d’autant que les personnes en situation de handicap ont un niveau de vie inférieur au reste de la population.
Malheureusement, beaucoup reste à faire. C’est un choix politique, un choix financier. Les signes ne sont pas encourageants lorsque vous amputez les crédits de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées de 50 millions d’euros, lorsque l’État se désengage au détriment des départements, année après année, alors que les dépenses sociales obligatoires explosent pour l’aide sociale à l’enfance, l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap.
Vous placez les présidents de département face à des choix cornéliens, notamment celui de devoir arbitrer entre les politiques de solidarité : c’est inacceptable !
Madame la ministre, comment comptez-vous mettre fin au sous-financement chronique des collectivités territoriales par l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)