M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le ministre, il est de notre devoir de ne pas nous résigner à ce genre de situations et d’agir, d’analyser en profondeur les défaillances de notre système de santé et de trouver des solutions durables.
Nietzsche estimait que faire une chose de la même manière et s’attendre à un autre résultat était une forme de lâcheté. Mes chers collègues, ne soyons pas lâches ! Il est temps de ne plus fermer les yeux sur la répétition incessante des mêmes erreurs. Nous devons agir sans délai pour apporter des changements concrets et garantir à chaque Nivernais un accès aux soins qui respecte sa dignité et sa vie.
améliorer l’accès aux soins psychologiques pour les jeunes
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, auteur de la question n° 289, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Cédric Chevalier. Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur l’importance de pérenniser et de renforcer le dispositif MonSoutienPsy, qui joue un rôle essentiel dans l’accès aux soins psychologiques, notamment pour les jeunes, lesquels ont été durement touchés par les conséquences de la crise sanitaire.
Si ce dispositif a constitué une avancée majeure en facilitant l’accès à des psychologues conventionnés, plusieurs limites persistent : un financement insuffisant, une accessibilité inégale selon les territoires et des délais d’attente trop longs. Ces obstacles entravent une prise en charge rapide et efficace des personnes en détresse.
La pandémie de covid-19 a laissé des séquelles profondes sur la santé mentale de notre population, plus particulièrement chez les jeunes. L’isolement, les perturbations scolaires et les incertitudes professionnelles ont entraîné une augmentation préoccupante des troubles anxieux, dépressifs et comportementaux. Ainsi, de nombreuses études soulignent que les besoins en accompagnement psychologique n’ont jamais été aussi élevés.
Pourtant, les jeunes rencontrent encore de nombreuses difficultés pour bénéficier d’un suivi adapté. Le nombre insuffisant de professionnels disponibles et l’absence de structures adaptées dans certains territoires constituent des freins majeurs. Il est donc impératif d’augmenter les moyens alloués au dispositif, de revaloriser le tarif des consultations et d’améliorer le maillage territorial des professionnels de la santé mentale.
L’adolescence et le début de l’âge adulte sont des périodes charnières, marquées par des transitions scolaires, sociales et professionnelles qui peuvent être source de stress et d’angoisse. Un suivi psychologique accessible et adapté est donc indispensable pour prévenir les situations de détresse conduisant à l’échec scolaire, à l’isolement ou, dans les cas les plus graves, à des conduites à risque.
Au surplus, la question du bien-être mental des jeunes ne peut être dissociée des défis sociaux auxquels ils sont confrontés : précarité économique, pression scolaire, manque de perspectives professionnelles… Il est essentiel de combiner un renforcement de l’accompagnement psychologique et des politiques publiques favorisant l’insertion sociale pour garantir un avenir serein à la jeunesse de notre pays.
De même, il convient d’organiser davantage de campagnes de sensibilisation au sein des établissements scolaires et universitaires…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Cédric Chevalier. … afin de lutter contre la stigmatisation des troubles psychologiques et d’encourager les jeunes à demander de l’aide sans crainte.
Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour pérenniser le dispositif MonSoutienPsy ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le sénateur, de manière générale, MonSoutienPsy a vocation à améliorer la prise en charge psychologique de nos concitoyens, particulièrement des plus jeunes d’entre eux. Je vous confirme que la crise sanitaire a confronté notre jeunesse à une situation inédite. À ce titre, je partage pleinement vos inquiétudes.
Je rappellerai quelques chiffres : depuis sa création au mois d’avril 2022, ce dispositif a permis à plus de 336 000 patients de bénéficier de 1,8 million de séances avec un psychologue prises en charge par l’assurance maladie. Pour augmenter le nombre de prises en charge au cours de cette grande année de la santé mentale, il faut, au risque de me répéter, puisque je l’ai déjà indiqué en répondant aux questions précédentes, former davantage.
Il faut tout d’abord former davantage de médecins en ouvrant des places en études de médecine. Parmi les étudiants, certains choisiront la psychiatrie comme spécialité, qui n’est pas dépourvue d’attractivité. Ensuite, il faut former davantage de professionnels paramédicaux, notamment des infirmiers, qui peuvent également se spécialiser en psychiatrie. Pour cela, nous travaillons avec les régions. Enfin, nous travaillons avec les universités pour former davantage de psychologues.
En ce qui concerne les revalorisations, je vous rappelle que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoit de supprimer l’adressage médical préalable : il sera désormais possible de consulter directement un psychologue sans passer par son médecin généraliste. Lorsque j’étais rapporteur général de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, j’ai toutefois demandé un rapport pour améliorer cette action.
Par ailleurs, nous augmentons le nombre de séances prises en charge, de huit à douze par année civile et nous revalorisons les tarifs des consultations, désormais fixés à 50 euros par séance.
Avec les élus locaux, nous renforcerons également le maillage territorial grâce aux professionnels médicaux et paramédicaux et les psychologues qui seront formés afin d’améliorer la prise en charge des patients.
Vous avez raison de dire qu’il faut déstigmatiser la consultation d’un psychologue, monsieur le sénateur.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !
M. Yannick Neuder, ministre. Il est possible d’implanter des référents en santé mentale dans toute organisation professionnelle, scolaire ou autre.
revalorisation du régime indemnitaire des directeurs par intérim d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, auteur de la question n° 218, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le ministre, ma question porte sur la nécessaire revalorisation du régime indemnitaire des directeurs par intérim d’Ehpad. Au gré de mes rencontres dans l’Yonne avec des élus et des directeurs d’établissement, singulièrement ceux du groupement des Ehpad publics de l’Yonne (Gepy), j’ai constaté qu’il convenait de se pencher sur ce sujet.
En effet, d’après le décret n° 2018-255 du 9 avril 2018, l’indemnité d’un directeur d’Ehpad assumant également les fonctions de directeur par intérim est de 300 euros à 415 euros mensuels. Or les responsabilités afférentes à la gestion d’un second établissement en plus de son établissement d’origine demandent du temps et une présence physique importants et supposent donc une meilleure rémunération. Cette indemnité mérite d’être au moins doublée.
De même, la situation des directeurs adjoints de ces établissements, qui épaulent les directeurs par intérim, doit être examinée.
Une telle revalorisation ne grèverait pas les finances des établissements concernés, puisque le montant de la prime est très nettement inférieur au salaire d’un directeur de plein exercice. Quel est le point de vue du Gouvernement sur cette question ?
Par ailleurs, je suis très sensible à ce que les directeurs d’établissement et les conseils d’administration travaillent en bonne intelligence. Une bonification à la main du président du conseil d’administration est-elle envisageable en complément de cette revalorisation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question extrêmement précise sur le régime indemnitaire des directeurs par intérim d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Tout d’abord, permettez-moi de saluer le travail de ces directeurs, qu’ils soient intérimaires ou non, dans ces fonctions difficiles – et souvent décriées – auprès de nos aînés.
Cette filière fait en effet face à un manque d’attractivité, sans quoi il n’y aurait pas besoin de directeurs intérimaires. Il convient donc de rendre plus attractif le travail de directeur d’établissement. Je me suis d’ailleurs rendu à la rentrée des élèves directeurs à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) pour montrer l’engagement du ministère sur leur formation.
J’en viens à la majoration significative que vous appelez de vos vœux.
L’application des coefficients multiplicateurs prévus par la réglementation représente une augmentation allant de 33 % à 41 % du montant de la part fonctionnelle de la prime de fonctions et de résultats, lorsque l’intérim est assuré dans un autre établissement.
Ces situations d’intérim sont malheureusement en hausse. On dénombrait 1 591 directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux en activité au 1er janvier 2023, contre 1 865 en 2013, soit une diminution de 14,7 %.
Il nous faut donc agir sur ces primes de fonctions et de résultats pour améliorer les conditions financières de ces missions intérimaires, mais surtout améliorer l’attractivité de cette filière.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je prends cette question comme un point de départ et non un point d’arrivée.
Concrètement, vous ne m’avez pas fait part d’une quelconque volonté de modifier le décret fixant la rémunération de ces directeurs par intérim, monsieur le ministre. À l’avenir, il nous faudra y travailler pour rendre plus attractives ces missions d’intérim. Le chantier peut naturellement être plus vaste, en envisageant de revaloriser la mission de directeur d’Ehpad en général.
J’espère avoir l’occasion de travailler sur ce sujet très bientôt avec vous et vos services.
oubliés du ségur
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, auteure de la question n° 299, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Amel Gacquerre. Monsieur le ministre, j’appelle l’attention du Gouvernement sur la situation des agents des filières administrative, technique et ouvrière et des agents des services hospitaliers qualifiés des établissements sociaux et médico-sociaux publics autonomes.
Comme vous le savez, le complément de traitement indiciaire (CTI) issu des accords du Ségur de la santé de 2020 est une mesure de revalorisation salariale ayant vocation à reconnaître l’engagement, le dévouement et l’utilité sociale de l’ensemble des professionnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Il leur donne droit à une prime de 189 euros net mensuels.
Initialement réservée aux seuls agents des hôpitaux et Ehpad, la prime dite Ségur a été progressivement étendue et rendue obligatoire à d’autres structures et personnels. À date, l’ensemble des catégories d’agents publics y sont éligibles au sein des centres hospitaliers et des Ehpad, ainsi qu’une majorité des personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux publics autonomes.
Toutefois, au sein de ces derniers, une exception subsiste : les agents des filières administrative, technique et ouvrière et les agents des services hospitaliers qualifiés n’en bénéficient pas. Cette inégalité de traitement crée une disparité injustifiée entre personnels selon leur établissement d’affectation, qui concernerait entre 2 000 et 5 000 agents.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour mettre fin à cette inégalité de traitement et garantir l’accès à la prime Ségur à tous les professionnels du secteur social et médico-social public autonome ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice Gacquerre, vous évoquez une nouvelle catégorie d’oubliés du Ségur de la santé.
Permettez-moi tout d’abord de rappeler que, dans le cadre du Ségur, l’État et les départements ont pris des décisions historiques en augmentant de 4 milliards d’euros les rémunérations des professionnels du secteur social et médico-social. Au total, près de 700 000 salariés ont bénéficié d’une revalorisation de 183 euros net mensuels – 192 euros net mensuels pour ceux du secteur public –, environ 500 000 au titre du Ségur et de la mission conduite par Michel Laforcade.
Il convient de souligner que, par l’article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 créant le complément de traitement indiciaire, le Parlement a souhaité que tous les personnels relevant des établissements sanitaires et des Ehpad de la fonction publique hospitalière bénéficient de la prime Ségur en reconnaissance de leur engagement dans la crise sanitaire.
À la suite des accords Laforcade, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a ensuite élargi le CTI aux personnels soignants, notamment ceux des établissements et services sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière. Ce dispositif a également été étendu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 à tous les personnels, y compris administratifs et techniques, des ESSMS rattachés à un établissement sanitaire.
Toutefois, cette disposition n’a pas été retenue pour les personnels administratifs et techniques des ESSMS autonomes de la fonction publique hospitalière, qui sont principalement rattachés à des établissements publics départementaux ou communaux. Il s’agissait de garantir l’unicité des statuts des personnels relevant d’un même établissement hospitalier, tout en tenant compte des spécificités des métiers selon qu’ils s’exercent en milieu hospitalier ou sous l’autorité d’une collectivité territoriale.
Cette différence de traitement a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité adressée le 21 décembre 2023 par la Fédération hospitalière de France (FHF). Par sa décision n° 2023-1084 QPC du 21 mars 2024, …
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !
M. Yannick Neuder, ministre. … le Conseil constitutionnel a considéré que cette distinction opérée par l’article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 était conforme à la Constitution.
décret d’application de la loi du 21 juin 2023 visant à faciliter le passage et l’obtention du permis de conduire
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, auteur de la question n° 071, transmise à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Pascal Martin. Monsieur le ministre, l’article 3 de la loi du 21 juin 2023 visant à faciliter le passage et l’obtention du permis de conduire permet le financement par le compte personnel de formation (CPF) de « la préparation aux épreuves théoriques et pratiques de toutes les catégories de permis de conduire d’un véhicule terrestre à moteur », y compris le permis de conduire moto.
Au cours de l’examen de la proposition de loi, le Gouvernement a présenté et fait adopter un amendement tendant à préciser que « les conditions et modalités d’éligibilité au compte personnel de formation de la préparation aux épreuves théoriques et pratiques de toutes les catégories de permis de conduire d’un véhicule terrestre à moteur sont précisées par décret, après consultation des partenaires sociaux ».
Pourtant, le bruit court dans la presse et parmi les organisations professionnelles représentant les services de l’automobile et des mobilités que le Gouvernement envisagerait de restreindre la possibilité de faire financer le permis moto par le CPF.
En effet, le CPF ne pourrait être mobilisé que pour l’obtention d’un premier permis de conduire. Il serait alors impossible pour les citoyens déjà titulaires d’une catégorie du permis de conduire d’y recourir pour financer leur permis moto, notamment les candidats au permis A – moto – ayant déjà un permis B – voiture.
Ces restrictions seraient problématiques à plusieurs égards : d’une part, en raison de la hiérarchie des normes, une disposition prise par décret ne peut, en principe, contrevenir à une disposition législative clairement exprimée par le Parlement ; d’autre part, restreindre le financement du permis moto via le CPF compromettrait les professionnels de nombreux secteurs pour lesquels la mobilité est essentielle, notamment la livraison, les soins à domicile et divers métiers commerciaux.
Les organisations professionnelles représentant les services de l’automobile et de la mobilité ont donc proposé deux autres voies : soit limiter le recours au CPF au financement d’un seul permis léger, quand bien même le titulaire disposerait par exemple déjà d’un permis B, soit instaurer un délai après l’obtention d’un premier permis financé par le CPF durant lequel il ne serait pas permis d’utiliser ses droits pour financer un second permis de conduire.
Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir m’indiquer les suites que vous entendez réserver à ces propositions.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le sénateur, les droits individuels au compte personnel formation sont acquis chaque année à hauteur de 500 euros par an ou de 800 euros par an pour les travailleurs peu ou pas qualifiés. Le CPF est un levier essentiel pour acquérir des compétences nouvelles.
Tous les permis sont éligibles au CPF depuis la loi du 21 juin 2023 et le décret n° 2024-444 du 17 mai 2024 qui en porte application. Les partenaires sociaux ont été dûment consultés en amont de l’encadrement. La Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) s’est d’ailleurs tenue le 17 avril 2024.
Par ce décret, les droits CPF du titulaire peuvent être mobilisés pour une préparation à un permis véhicule léger uniquement lorsque le titulaire ne dispose pas déjà d’un permis véhicule léger en cours de validité. Il a été considéré que la valeur ajoutée pour se rapprocher de l’emploi d’un second permis léger était assez faible.
Par ailleurs, toute personne née après 1988 peut conduire une moto ne dépassant pas les 50 centimètres cubes, sans avoir besoin de passer le permis. Ce permis AM est obtenu au collège ou au lycée.
De plus, le décret ne modifie pas les conditions d’obtention de l’équivalent du permis A1 pour les titulaires d’un permis B. Pour conduire des motos jusqu’à 125 centimètres cubes, ces derniers doivent toujours suivre une formation de sept heures, qui n’est pas éligible au CPF, car non certifiante.
Durant les six premiers mois de 2024, les permis moto A1 ont représenté moins de 3 % des permis moto financés par les droits CPF des titulaires. La quasi-totalité des permis moto financés via le CPF concernent des motos de grosses cylindrées – jusqu’à 35 kilowatts –, par exemple les Harley-Davidson.
En outre, les permis poids lourd et remorque restent éligibles au CPF et finançables avec les droits des titulaires.
défense de la filière pêche
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 258, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Annick Billon. Madame la ministre, à l’heure où je vous parle, de nombreux pêcheurs sont empêchés de travailler dans le golfe de Gascogne, et ce jusqu’au 20 février.
Dans le sillage des bateaux qui restent au port – dans l’absence de sillage, devrais-je dire –, toute une filière est affectée : pêcheurs, mareyeurs, criée… Lorsqu’un pêcheur reste à quai, ce sont trois emplois indirects qui prennent l’eau et l’addition est salée.
Certes, votre ministère a annoncé une indemnisation de 20 millions d’euros pour la filière pêche et son aval, mais, comme cela a pu être constaté en 2024, il s’agit d’une réponse à court terme, alors qu’une interdiction de pêche a des effets sur le long terme. En effet, les importations palliant l’absence de pêche risquent de perdurer et de durcir les négociations commerciales avec les distributeurs. Du fait de l’absence de débarquement, les personnels des criées s’orientent vers d’autres métiers.
L’indemnisation colmate une fuite, mais la filière pêche continue de tanguer. Madame la ministre, comment le Gouvernement – désormais dépourvu de ministère de la pêche, celle-ci étant fondue dans l’écologie quand l’agriculture est associée à la souveraineté alimentaire… – entend-il, en cette année de la mer, mettre en place les outils nécessaires à la défense de la filière pêche ? Quelles actions entend-il mener pour s’opposer à de nouvelles fermetures du golfe de Gascogne ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice Billon, le Président de la République et le Premier ministre m’ont confié ce nouveau portefeuille dans un esprit de cohérence avec nos ambitions en matière écologique, à la veille de la tenue en France de la troisième conférence des Nations unies sur l’océan, l’Unoc 3.
Cette décision a été prise pour deux raisons.
D’une part, mon portefeuille regroupe tous les leviers pour agir contre le dérèglement climatique. Ainsi, il intègre non seulement les leviers de décarbonation, mais aussi les deux grands puits de carbone que constituent la forêt et l’océan. C’est la première fois que mon ministère intègre les questions de pêche, mais c’est nécessaire pour atteindre nos objectifs.
D’autre part, l’écologie est devenue un enjeu de souveraineté. Cette dernière constitue d’ailleurs le fil rouge de nombreux portefeuilles ministériels. En matière écologique, ce qui est en jeu est l’accès à des matières premières et des ressources naturelles qui deviennent de plus en plus rares. Pour ce qui concerne la pêche, il s’agit notamment des poissons et des coquillages. Cette raréfaction suppose d’agir pour garantir notre souveraineté, notamment alimentaire.
De manière très concrète, les priorités de mon ministère sont les suivantes.
Premièrement, je défendrai évidemment les intérêts de la pêche française à l’échelle européenne dans le cadre des prochaines négociations sur le Brexit et de la révision de la politique commune de la pêche. Je l’ai signifié au commissaire Kóstas Kadís la semaine dernière.
Deuxièmement, la modernisation et la décarbonation de la flotte sont une condition clé de sa compétitivité et font également l’objet de négociations à l’échelle européenne.
Troisièmement, je souhaite fixer notre stratégie en finalisant le contrat stratégique de filière pêche d’ici à la tenue du salon de l’agriculture. Les différents leviers dont nous disposons y seront abordés : l’amont, c’est-à-dire la pêche, mais également l’aval, c’est-à-dire le mareyage et les criées, qui doivent être innovantes et renforcées.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Par indemnisations en aval, j’entendais notamment les taxes et redevances perçues par les criées au moment des débarquements, lesquelles varient énormément en fonction des espèces qui sont débarquées. Dans le même temps, les charges fixes, elles, demeurent. Les représentants de la criée des Sables-d’Olonne m’ont alertée sur les difficultés que cela entraîne pour les criées.
Nous aurons certainement l’occasion, madame la ministre, de travailler ensemble sur ce sujet à l’avenir.
conséquences de l’action mois sans pêche
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, auteur de la question n° 275, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Max Brisson. Ma question est très similaire à celle que vient de poser Annick Billon.
Le mois sans pêche est reconduit pour la seconde année, alors même qu’il est largement contesté.
Il est contesté, d’abord, pour son inefficacité. Alors qu’il a été décidé pour protéger les populations de dauphins, les rapports de l’observatoire Pelagis indiquent que le nombre d’échouages a connu une forte hausse lors de la fermeture de la pêche l’année dernière, ceux-ci étant passés de 187 en 2023 à 273 en 2024, malgré le mois sans pêche.
C’est là la démonstration éclatante que la pêche n’est pas la principale responsable des échouages.
Il est contesté, ensuite, pour des raisons écologiques. Alors qu’elle importe déjà 80 % de sa consommation de produits aquatiques, la France sera encore un peu plus dépendante des importations avec des produits de provenances toujours plus lointaines. C’est une aberration écologique.
Il est contesté, enfin, pour des raisons économiques. En effet, le mois sans pêche prive des milliers de mareyeurs, de transporteurs et de poissonniers du fruit de leur travail, tandis que la seule indemnisation de l’État ne permet pas de compenser leurs lourdes pertes. Cela fragilise grandement l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et menace la pérennité des emplois de toute la filière.
Madame la ministre, ma question est très simple : comment le Gouvernement compte-t-il mettre un terme à ce dispositif du mois sans pêche, qui risque d’anéantir la pêche française sans pour autant sauver les dauphins du golfe de Gascogne ?
Mme Annick Billon. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Brisson, je me permets d’abord de contester ce que vous venez de dire : oui, la fermeture du golfe de Gascogne est, clairement, très efficace pour réduire le nombre d’échouages de cétacés et, partant, celui de morts précoces. Ainsi, on a enregistré une division par quatre du nombre de décès de dauphins.
Ensuite, je veux le rappeler, c’est une décision de justice qui a amené le Gouvernement à prendre cette décision de fermeture à la pêche du golfe de Gascogne, laquelle vaut pour trois ans, le temps nécessaire au déploiement de mesures alternatives destinées à l’effarouchement des cétacés, ce qui permettra de concilier la préservation de ces populations avec les activités de pêche.
Dans cette attente, des mesures d’urgence ont été prises. D’une part, ainsi que vous l’avez indiqué, 20 millions d’euros ont été débloqués afin de compenser les pertes de chiffre d’affaires des pêcheurs à hauteur de 80 % à 85 %, ce qui est un niveau très élevé si on le compare à celui auquel sont indemnisés les pêcheurs espagnols, à savoir 47 %. D’autre part, en aval, les pertes d’excédent brut d’exploitation des mareyeurs sont également compensées.
Cela étant, vous avez raison sur ce point, monsieur le sénateur, on ne peut pas se satisfaire de cette situation. L’enjeu est donc de parvenir à des solutions permettant de rouvrir la pêche en 2027 tout en protégeant la nature. Je pense en particulier aux dispositifs d’effarouchement des cétacés, qui font l’objet d’évaluations par les scientifiques.