M. Michel Canévet. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe Union Centriste tient tout d'abord à rappeler les conditions difficiles dans lesquelles s'est déroulé l'examen du projet de loi de finances pour 2025.

En effet, chacun le sait, notre travail a été interrompu pendant plusieurs semaines et nous avons dû composer avec quelques amendements de dernière minute, lesquels visaient à singulièrement modifier la maquette financière qui nous était présentée. Néanmoins, le Sénat est parvenu à rendre sa copie.

Le groupe Union Centriste s'est efforcé, lors de cette discussion budgétaire, d'agir avec la plus grande rigueur possible en vue de réduire les déficits publics.

Vous le savez tous, la situation de nos comptes publics est particulièrement préoccupante, ce qui se traduit par un recours à l'emprunt qui commence à devenir extrêmement important. Songez que 56,7 % du PIB de notre pays est aujourd'hui consacré à nos dépenses publiques : c'est dire la part que représente l'action de l'État.

J'y insiste, le recours à la dette est désormais considérable. Ce n'est pas parce que 450 investisseurs se sont précipités, mardi dernier, pour souscrire de la dette française à hauteur de 10 milliards d'euros, à un taux d'intérêt de 3,26 %, qu'il faut se réjouir. Le niveau des intérêts de la dette ne cesse de croître, ce qui risque d'obérer la capacité de l'État à agir dans les prochaines années. Cela doit nous inquiéter !

Le contexte économique, également préoccupant, vous a conduit, monsieur le ministre de l'économie et des finances, à réviser la prévision de croissance de 1,1 % à 0,9 %. Dans le même temps, le FMI vient d'annoncer que la croissance mondiale allait progresser en 2025 de 0,1 point, ce qui la portera à 3,3 %. C'est dire l'effort que nous devons faire pour retrouver une dynamique économique.

Notre seul motif de satisfaction tient dans l'annonce, que vous avez faite hier, d'une réduction du déficit pour 2024, de l'ordre de 6,7 %, par rapport à ce que nous avions constaté lors de l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion. C'est une bonne nouvelle, mais nous devrons faire mieux.

Dans ce projet de loi de finances, les recettes nouvelles étaient prévues pour l'essentiel dans deux dispositions : la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, laquelle doit rapporter non pas les 8 milliards d'euros que l'on en attend, mais plutôt – il nous faut être plus modestes – autour de 4 milliards ou 5 milliards d'euros ; la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), que nous avons soutenue mais qui devra sans doute être aménagée.

Il faut le dire très clairement : plutôt que ces recettes hasardeuses, le groupe Union Centriste aurait préféré des recettes plus sûres. Une hausse de deux points du taux normal de TVA aurait rapporté bien davantage. En outre, nous le savons, cet impôt est celui qui provoque le moins d'effets récessifs sur l'économie.

Mme Émilienne Poumirol et M. Hussein Bourgi. C'est un impôt injuste !

M. Michel Canévet. Soyons attentifs à ce que les efforts demandés aux grandes entreprises ne modifient pas la trajectoire sinon de baisse, du moins de stabilité, des impôts en France. Même si la mesure est exceptionnelle, nous rehaussons le taux de l'impôt sur les sociétés.

Le groupe Union Centriste a suggéré divers apports retenus dans ce projet de loi. Sur l'initiative de Sylvie Vermeillet, qui défend cette position depuis longtemps, l'impôt sur la fortune immobilière sera remplacé par un impôt sur la fortune improductive.

Le Sénat a également adopté d'autres de nos propositions, par exemple celle de Nathalie Goulet, très engagée sur la lutte contre les fraudes de toutes natures, relative à la fraude à l'arbitrage des dividendes, les CumCum. Nous espérons que cette disposition sera effectivement retenue par la commission mixte paritaire, car il est important d'accentuer la lutte contre les fraudes de toutes natures.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Elle le sera !

M. Michel Canévet. Nathalie Goulet a aussi proposé d'autres évolutions, qui seront certainement consolidées durant les travaux de la commission d'enquête demandée par le groupe UC aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis.

Durant l'examen de la seconde partie du texte, nous avons déposé des amendements visant à réduire des crédits sur à peu près toutes les missions de l'État, considérant qu'il importe de réaliser un effort de modération des dépenses publiques.

Nous avons ainsi remis en cause un certain nombre de politiques publiques.

Dans la discussion de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », Pierre-Antoine Levi a évoqué la disparition du service national universel (SNU) proposée par le rapporteur spécial de cette mission. Effectivement, dans la mesure où nous ne sommes pas capables de généraliser une telle expérimentation, il convient de la remettre en cause.

Sonia de La Provôté a aussi proposé un meilleur ciblage du pass Culture, pour rendre ce dernier plus efficient.

Si nous appelons à une révision de différentes politiques publiques, c'est pour que notre action se concentre vraiment sur ce qui est essentiel pour l'avenir.

Notre groupe a apprécié la position du Sénat sur les collectivités territoriales et soutient la demande de réduire l'effort qui leur est demandé – n'est-ce pas, monsieur le président ? –, en le faisant passer de 5 milliards à 2,2 milliards d'euros.

Nous avons aussi tenu à préserver le FCTVA et à améliorer le budget de la mission « Cohésion des territoires », sur l'initiative de Bernard Delcros. Il nous semble important que les services publics puissent être bien conduits dans les territoires.

Monsieur le ministre de l'économie et des finances, il me faut aussi vous faire part de vives préoccupations sur l'impact de différentes mesures. La hausse de la taxe de solidarité sur les billets d'avion risque d'avoir dans ce secteur un impact négatif similaire à ce que de telles contraintes ont eu sur la filière automobile.

Nous appelons donc à beaucoup de prudence au sujet des nouvelles taxations et charges qui incomberont aux entreprises dans notre pays. Il y va de notre attractivité économique. Si nous n'y prenons garde, nous réduirons encore les recettes de l'État, car nos entreprises, notamment celles qui sont confrontées à la compétition internationale, ne seront plus compétitives.

Malgré ces remarques, la grande majorité du groupe Union Centriste approuvera ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. Le Sénat va maintenant procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2025, modifié.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Conformément à l'article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.

Ceux qui souhaitent voter pour placeront dans l'urne prévue à cet effet un bulletin bleu ; ceux qui souhaitent voter contre, un bulletin rouge ; ceux qui souhaitent s'abstenir, un bulletin blanc.

Vos bulletins de vote personnels sont à votre disposition dans une enveloppe placée dans le tiroir de votre pupitre. Si vous êtes titulaire d'une délégation de vote, vous y trouverez également une enveloppe contenant les bulletins de vote de votre délégant.

J'invite Mme Marie-Pierre Richer et M. Guy Benarroche, secrétaires du Sénat, à superviser les opérations de vote.

Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.

(Le sort désigne la lettre I.)

M. le président. Le scrutin sera clos après la fin de l'appel nominal.

Le scrutin est ouvert.

Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.)

M. le président. Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel nominal.

(Le nouvel appel nominal a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Mme et M. les secrétaires vont procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 175 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 322
Pour l'adoption 217
Contre 105

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons donc au terme de la discussion du projet de loi de finances pour 2025, qui s'est déroulée, chacun le sait, dans des conditions exceptionnelles (M. Pascal Savoldelli s'exclame.), puisque nous avons commencé nos travaux en séance le lundi 25 novembre pour ne les achever que cette après-midi. Afin d'assurer la continuité de la vie de la Nation, nous avons été conduits à adopter définitivement, le 18 décembre 2024, le projet de loi spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).

Dans ce contexte particulier, nous avons de nouveau battu des records de durée d'examen et de nombre d'amendements. Nous avons débattu pendant 164 heures, soit 12 heures de plus que l'an dernier. Ont été déposés 4 545 amendements, soit – à méditer… – une hausse de 21 % par rapport à l'année dernière. Monsieur le président Raynal, nos efforts de pédagogie doivent être poursuivis. (Sourires.)

Le nombre d'amendements déposés a presque doublé en cinq ans. (M. Bruno Sido le déplore.) Cette tendance me conduit, mes chers collègues, à renouveler les interrogations que je vous livrais l'an dernier sur le nombre d'amendements et la possibilité de préserver la qualité de nos débats dans un cadre constitutionnel aussi contraint que celui de l'examen du projet de loi de finances.

À l'issue de ce « marathon », je tiens à remercier tout particulièrement le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, de sa mobilisation et de son travail (Applaudissements sur de nombreuses travées.), ainsi que le président de la commission des finances, Claude Raynal, de son implication et de sa vigilance sur la bonne tenue de nos débats dans des délais contraints. (Mêmes mouvements.)

Je veux également remercier mes collègues présidentes et présidents de séance, dont la grande implication a permis que nos débats se déroulent de manière sereine.

Je salue les 48 rapporteurs spéciaux de la commission des finances, les 75 rapporteurs pour avis des autres commissions, ainsi que les présidents de ces dernières et les chefs de file des groupes politiques, pour leur contribution à nos débats.

Enfin, je remercie les personnels des directions du Sénat et des groupes politiques. Je salue tout particulièrement le service de la commission des finances, fortement mobilisé pendant toute cette période, ainsi que la direction de la séance. (Applaudissements.)

Madame la ministre, messieurs les ministres, je vous adresse enfin mes remerciements, ainsi qu'à vos collègues qui se sont succédé au banc depuis novembre dernier.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le président, je vous remercie de vos propos. Je m'associe à vos remerciements, en particulier envers tous ceux qui se sont mobilisés, comme chaque année, mais plus encore cette année, afin que le projet de loi de finances puisse être voté aujourd'hui.

Tout de même, nous vivons des moments incroyables. Quand nous reverrons cette période avec du recul, nous aurons l'impression d'être passés par quelque chose d'invraisemblable, d'un peu épouvantable – il faut le dire – et de vraiment pas simple.

Permettez-moi de vous rappeler quelques étapes. Tout a démarré non pas en novembre dernier, mais à la fin de 2023. C'est à ce moment que de Bercy commencent à remonter des indications selon lesquelles les rentrées de TVA et d'impôt sur les sociétés ne seraient pas aussi élevées qu'attendu. Une petite musique des difficultés cumulées se fait alors entendre.

Sans trop insister, je n'oublie pas qu'en 2024, alors qu'on avait prévu 4,4 %, le déficit s'est établi à 6,1 % du PIB, soit un de nos scores les plus catastrophiques, hors période de crise évidemment.

Cela n'est pas sans lien avec les événements qui se sont déroulés durant cette période. Je n'oublie pas non plus que, en un an, quatre Premiers ministres se sont succédé. Il y a eu la dissolution de l'Assemblée nationale, que je ne commente pas davantage, puis la censure du Gouvernement, ce qui n'était pas arrivé depuis 1962.

Voilà autant événements, nombreux, successifs, reliés les uns aux autres ; ce long cheminement n'est pas facile. Il faut essayer d'y trouver des points positifs – j'essaye toujours de le faire. Disons donc que nous avons beaucoup appris : nous n'avons pas fait les choses as usual. (Sourires.) Je vous l'accorde, ce franglais n'est pas terrible !

Nous avons réappris – nous le savions, tout de même – ce qu'était un gouvernement chargé de gérer les affaires courantes. Au sein de la commission des finances et avec l'administration, notamment la direction de la séance, nous nous sommes tous demandé ce qu'un gouvernement de ce type pouvait ou non faire, ce qui relevait ou non des affaires courantes. Assez curieusement, nous avons eu le même type de discussion avec les ministres, qui se posaient les mêmes questions.

Nous avons donc réappris ce qu'était un gouvernement chargé des affaires courantes : non pas une seule fois, mais deux ! Disons que la deuxième fois nous étions mieux préparés que la première, où ce n'était pas terrible… (Sourires.)

Nous avons aussi appris à examiner, voilà qui est original, un PLF par morceaux. On l'a voté par petits bouts, en s'arrêtant en chemin. Reste à voir ce qu'il va maintenant se passer.

Le service de la commission des finances nous rappelle toujours ce qu'il est possible de faire ou non dans le cadre de la Lolf, outil magnifique au demeurant. En l'occurrence, pour le dire simplement, nous nous sommes « assis » sur la Lolf à quelques reprises, s'agissant notamment des délais et du calendrier, découvrant par là même qu'en réalité elle pouvait être souple, très souple même, surtout quand on ne peut pas faire autrement. Nous nous sommes même entendus dire aux ministres de nous transmettre les documents quand ils le pourraient.

Nous avons réappris ce qu'était une loi spéciale (Sourires au banc du Gouvernement.), même si ceux qui avaient étudié le droit le savaient déjà, mais peut-être un peu vaguement. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie lève les bras au ciel.) Les questions ont fusé : une loi spéciale, qu'est-ce que c'est, comment ça marche, qu'est-ce qu'on peut y mettre ? Nous avons constaté que certains ministres avaient un peu abusé, en l'interprétant de manière plus ou moins fermée : ce propos, tout à coup, fait moins sourire les ministres…

En tout cas, c'est compliqué une loi spéciale !

Puis est venu le décret sur les services votés. Cela nous a occupés entre les fêtes, c'était sympa.! Nous nous sommes appelés pour voir comment chacun l'imaginait et réfléchir à ce qu'on pouvait faire. Parce qu'il fallait tout préparer, le décret n'a été publié qu'en toute fin d'année.

Ceux qui ont adoré cette période pendant laquelle ils auront beaucoup appris trouveront sûrement géniale celle qui s'ouvre devant nous. Le cas de figure est inédit : une commission mixte paritaire se réunira pour examiner un texte que le Sénat aura adopté mais sur lequel l'Assemblée nationale n'aura débattu de rien.

Cette réunion s'annonce passionnante ; elle risque de durer longtemps. Je sens que ce n'est pas fini, mais je vais m'arrêter là.

Monsieur le président, je vous remercie de vos encouragements à l'ensemble des membres de la commission. Il me semble que vous pouvez nous souhaiter bon courage pour la suite. (Applaudissements.)

M. le président. Merci, monsieur le président de la commission. Je vous souhaite bon courage pour la suite et… patience !

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je reprends à mon compte les remerciements et les compliments adressés par M. le président à la Haute Assemblée. On a coutume de dire que l'examen du PLF est un tunnel. Ce tunnel, en général, dure une vingtaine de jours ; cette fois-ci, il est interminable. Nous en sortons aujourd'hui, mais pour une petite pause et temporairement. C'est pourquoi je souhaite vous remercier, mes chers collègues.

Nous vivons malheureusement une situation particulière et, même, inédite. Je dis « malheureusement », parce que, au regard de la gravité de la situation, j'ai « mal à mon pays » ; je voudrais avoir une France plus rayonnante, celle qui a ébloui le monde lors des jeux Olympiques, plutôt que de devoir redresser la situation fortement dégradée de ses comptes, situation que le Sénat avait identifiée voilà déjà un peu plus d'un an.

On nous a reproché notre attitude : « Laissez-les travailler », « Mettez-vous à leur place », nous disait-on. Nous ne cherchons pas à être à « leur » place ; simplement, le Parlement a aussi pour mission de contrôler l'action du Gouvernement. Dès décembre 2023, les choses ne sentaient déjà pas bon ; la situation ne s'est pas arrangée depuis lors.

C'est encore à l'honneur du Sénat que d'avoir conduit des travaux, des missions flash, au travers desquels, sans en faire des tonnes, nous avons simplement cherché à établir la réalité des faits, la vérité. Celle-ci étant établie, nous attendons toujours que certains reconnaissent une part de responsabilité dans cette situation. Voilà qui me paraît indispensable pour obtenir l'adhésion des Français à l'effort collectif que nous leur demandons aujourd'hui, en vue de participer au redressement des comptes de notre pays.

Ce redressement n'est pas une fin en soi, il ne s'agit pas de « faire bien » ; simplement, ce n'est ni plus ni moins que l'avenir de la France qui se joue. Avec une France affaiblie et une Allemagne en difficulté, c'est le moteur, le tandem à l'origine même de la construction européenne qui se fragilise.

Or, croyez-en un gosse de l'est de la France, nos territoires sont couverts de cimetières et de nécropoles, ils sont peuplés de familles qui ont encore très présents à l'esprit les ravages des deux conflits mondiaux. Aussi, dans la droite ligne des cérémonies mémorielles de cette année – nous venons de fêter le quatre-vingtième anniversaire de la Libération –, j'appelle vraiment l'ensemble des Français, au premier rang desquels figurent évidemment les élus que nous sommes, à un sursaut national. Cela dépasse largement le seul sujet des finances publiques.

Affirmer que « le compte est bon », ce qui n'est pas arrivé depuis longtemps, c'est un peu juste ; se dire « désolés de la dégradation des comptes » ne suffit pas. Notre rôle, dans les temps qui viennent, sera de trouver les voies et moyens pour redonner des perspectives et, je le dis souvent, pour perdre un peu de poids de dépenses publiques et retrouver du muscle économique, afin que notre pays retrouve sa fierté, son envie de gagner, non pour être le premier de la classe, mais parce que c'est nécessaire. C'est une question de morale, mais aussi de qualité de vie. Si les parlementaires ne font pas les bons choix, d'autres nous sanctionneront et rendront la partie plus difficile.

En tout état de cause, les sénatrices et les sénateurs qui siégeront à la commission mixte paritaire feront tout, soyez-en certains, pour être à la hauteur de leurs responsabilités, tout en tenant compte de la situation politique et du vote qui s'est exprimé aujourd'hui. Le texte a été adopté à une large majorité, mais cela ne suffira pas. D'ailleurs, dès l'examen du texte en séance publique, nous avons tâché de favoriser l'accord en commission mixte paritaire. Cela correspond à l'intérêt supérieur de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE et RDPI. – M. Pierre Barros applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je souhaite remercier chaleureusement, au nom du Gouvernement, l'ensemble des collaborateurs du Sénat de leur engagement formidable au cours de ce moment particulier et important pour la Nation qu'est l'examen du budget. J'y tiens d'autant plus que, je le reconnais bien volontiers, la séquence ne s'est pas passée exactement comme elle aurait dû.

Je veux aussi remercier le Sénat, parce que la Haute Assemblée a joué son rôle et a permis que ce texte soit examiné au fond, en prenant le temps nécessaire ; le président Larcher vient de rappeler voilà quelques instants la durée des débats.

Compte tenu de cette situation très particulière, le Premier ministre, la ministre chargée des comptes publics, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et moi-même avons souhaité que ces séances soient précédées d'une phase de dialogue. Je veux donc remercier tous les groupes représentés ici d'y avoir participé, à Bercy d'abord puis avec ma collègue Catherine Vautrin, afin de trouver les voies et moyens pour améliorer le texte.

Lors de ces réunions, plutôt que de fixer des « lignes rouges » – expression centrale de la séquence précédente –, vous avez préféré donner des priorités ; je vous en sais gré. Nous avons essayé de prendre en compte le plus grand nombre de ces priorités, dans le cadre, naturellement, des contraintes et des axes que nous avions choisis.

Ce budget est important en ce qu'il marque le début d'une phase de réduction des déficits excessifs. Si vous le permettez, je vais vous donner quelques chiffres.

Le premier, vous ne le connaissez peut-être pas encore, est celui de l'exécution du budget de 2024. Alors que l'on attendait un déficit de 6,1 %, le solde budgétaire devrait se situer légèrement au-dessus de 6 % ; les bonnes nouvelles dans ce domaine sont rares ces temps-ci… Nous avons transmis cette donnée hier au Haut Conseil des finances publiques.

J'ai confirmé en début de semaine à nos partenaires européens que nous maintenions l'objectif de 3 % de déficit en 2029 et celui de 5,4 % en 2025, grâce au budget que vous avez adopté. Un tel niveau de déficit doit se comparer favorablement avec celui de l'année dernière.

Pourquoi entreprenons-nous, ensemble, ce travail incroyablement rigoureux et difficile, d'autant plus difficile que nous souhaitons privilégier la baisse des dépenses aux augmentations d'impôts, notre pays détenant déjà le record du haut niveau de prélèvements obligatoires ? Non pas pour le simple plaisir de respecter les règles européennes – quoique… –, mais parce qu'il y va de l'avenir de notre pays. Voici notre situation : chaque année la dette s'accroît, les taux d'intérêt augmentent et le coût de la dette, c'est-à-dire les intérêts versés annuellement, dépasse 50 milliards d'euros. Si cela continue ainsi, nous perdrons notre souveraineté, notre indépendance, notre capacité de préparer l'avenir.

Le tournant que représente le budget de 2025 représente une étape extrêmement importante. Vous pouvez compter sur le Gouvernement, notamment sur la ministre chargée des comptes publics et moi-même, pour préparer avec vous, dans l'esprit de dialogue que nous avons insufflé dès notre arrivée aux responsabilités, le projet de loi de finances pour 2026, qui visera toujours la diminution de nos déficits, afin de stabiliser notre dette et de redonner un avenir à notre pays.

La réduction des déficits constitue, pour notre pays, si je puis me permettre de reprendre une formule célèbre, « une ardente obligation ». Je vous remercie donc de votre vote. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains. – Mmes Ghislaine Senée et Catherine Conconne ainsi que MM. Thierry Cozic et Adel Ziane applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je m'associe aux remerciements qui vous ont été adressés.

Nous vivons un moment inédit pour notre pays. La dernière fois que la France n'a pas eu de budget avant la fin de l'année antérieure, c'était en 1979 ; le PLF avait été adopté le 18 janvier 1980. Nous sommes le 23 janvier et le budget, s'il a sans doute franchi aujourd'hui une étape importante, a devant lui un chemin encore long avant d'atteindre le vote dans les mêmes termes dans les deux chambres et la promulgation. Cette période est donc réellement inédite ; elle a marqué nos esprits et a influencé la qualité et la tonalité de nos débats.

Nous le savons tous, parce que nous rencontrons tous des Français, qu'ils soient artisans, agriculteurs, patrons de PME, le budget est attendu et son adoption, urgente. L'esprit dans lequel vous et nous avons travaillé, avons dialogué, démontre que nous pouvons être rassurés : le sens des responsabilités existe bel et bien dans notre pays dans ce genre de situation inédite.

La version initiale de ce budget avait été préparée dans un délai raccourci, dans des circonstances compliquées. Puis, le gouvernement précédent a été censuré, il y en a eu un nouveau, la croissance économique s'est dégradée et l'on a enregistré une hausse mécanique du déficit lié à la censure. Pourtant, malgré tout cela, nous avons pu avancer collectivement, trouver des points d'accord.

Je souhaite en souligner deux particulièrement, lesquels figurent dans le texte qui vient d'être voté par la plupart d'entre vous aujourd'hui. D'abord, nous avons trouvé un point d'équilibre en ce qui concerne les collectivités territoriales, et je connais votre attachement à ce sujet, monsieur le président. Les collectivités participeront à l'effort collectif de redressement, mais leur investissement sera préservé ; je salue le compromis trouvé sur ce point. Ensuite, nous avons fait le choix de préserver l'hôpital.

Ces deux choix ont un coût. C'est parce que les économies présentées ont été adoptées et que, je tiens à le saluer, vous en avez présenté d'autres que nous sommes en mesure de prévoir pour cette année un déficit cible de 5,4 %, qui est crédible.

La nuit dernière, à une heure assez tardive, il y a eu un moment étonnant, car le déficit qui ressort du texte adopté par le Sénat est un chiffre technique : si l'on appliquait exactement le budget adopté par le Sénat, le déficit s'établirait à 5,3 % du PIB. Mais ce chiffre n'a pas de réalité concrète, puisqu'il ne prend en compte ni la dégradation de la croissance intervenue depuis le début de l'examen du budget, ni le coût de la censure, ni les recettes décidées dans la première partie du PLF mais non mises en œuvre, ni les économies décidées dans la seconde partie du texte mais qui ne sont pas encore entrées en application.

Cela dit, je tiens à me réjouir de deux éléments. D'abord, grâce à votre travail, à notre travail collectif, cette copie acte bien une réduction, en valeur, des dépenses de l'État et de ses opérateurs de près de 2 %. C'est un effort inédit, mais cela reste un effort : ce sera difficile, ce sera exigeant. Ensuite, nous avons tâché de quantifier cet effort sans dégrader les services ni les missions publics, en recherchant l'efficacité et des transformations.

Cet objectif est conforme à la vision du Gouvernement, mais il reste encore beaucoup d'ajustements à faire pour que ces économies soient inscrites dans des missions, dans les actions des ministères, afin de les rendre opérationnelles, effectives, de sorte que ce que vous avez décidé ait un sens dans la réalité des Français.

C'est la raison pour laquelle la réunion de la commission mixte paritaire de jeudi prochain est primordiale, essentielle. C'est dans cette instance, où le Gouvernement n'intervient plus, où le Parlement est souverain et a le dernier mot, que se construira le compromis d'un budget pour notre pays, pour conforter notre souveraineté nationale, notre souveraineté financière, pour retrouver la confiance.

Pour avoir été moi-même parlementaire dans l'autre assemblée pendant deux ans, chargée notamment de coordonner la conduite des travaux budgétaires et financiers à l'Assemblée nationale au sein de la majorité de l'époque, je mesure à quel point la façon dont l'examen du texte s'est déroulé était perfectible : nos amendements sont arrivés tard, rendant leur discussion difficile. Je tiens donc à vous assurer, au nom du ministre de l'économie et des finances, du ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de moi-même, de notre engagement pour que le prochain budget, si c'est nous qui vous le présentons, soit élaboré dans des conditions très différentes, plus respectueuses de vos délais de travail et de la qualité des débats.

Pour élaborer le budget de 2026, nous aurons d'ailleurs besoin de vos travaux. La création d'une commission d'enquête sénatoriale sur les agences et les opérateurs est envisagée ; cela nous aidera. De nombreux autres travaux ont été annoncés hier soir, notamment sur la répartition de la fiscalité des éoliennes ; c'est précieux. Tous ces travaux nous seront utiles, parce qu'il faudra chercher de nouveaux compromis, de nouveaux accords.

Enfin, l'exécution de ce projet de loi de finances, en espérant qu'il aille au terme du parcours parlementaire et qu'il soit promulgué, sera pour moi une priorité essentielle. La confiance des parlementaires et des Français, que nous devons retrouver, passera par la transparence de l'exécution, mois par mois, de ce budget, afin d'éviter toute surprise ; tout événement imprévu sera partagé avec vous le plus rapidement possible.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre vigilance, de votre exigence, de votre rigueur. Nous avons franchi une étape, il en reste beaucoup d'autres, mais vous pouvez compter sur notre engagement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)