M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, il est utile de débattre de l’avenir du programme Territoires d’industrie. Le rapport sénatorial souligne les insuffisances et les manquements du dispositif, dans un contexte économique national en forte dégradation – Fabien Gay l’a éloquemment rappelé –, mais il en constate aussi la pertinence.

Au regard de l’expérience gersoise, qui a débuté en 2008 et qui a été confortée en 2023, je pense qu’il faut donner une nouvelle ambition à Territoires d’industrie au profit – j’insiste sur ce point ! – de tous les territoires de notre pays, sans exception. À l’ère des transitions écologique, énergétique et climatique, nous avons urgemment besoin d’une économie territoriale repensée, au plus près des besoins de notre population et des défis de transition à relever.

La planification écologique des transformations de l’économie française ne saurait se limiter à quelques gigafactories de batteries électriques et à la décarbonation énergétique des process. Gardez le meilleur de Territoires d’industrie et donnez suite aux recommandations du Sénat pour les programmes en cours, monsieur le ministre !

Comment comptez-vous stimuler les autres territoires ruraux, qui ne demandent qu’à prendre leur part du développement nécessaire à notre avenir collectif, pour peu qu’on les accompagne dans une démarche structurée ? Le potentiel est immense. Ne passez pas à côté !

Quelle est l’ambition du Gouvernement en matière de développement économique territorial résultant – tous les mots ont leur importance – de la planification écologique dont notre pays a tant besoin ? Du reste, nous espérons que ladite planification écologique est toujours d’actualité pour votre gouvernement ; peut-être allez-vous nous rassurer à cet égard… (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Monsieur le sénateur, ma réponse s’inscrira dans le prolongement de celle que je viens de faire à votre collègue Yannick Jadot : d’un point de vue institutionnel, l’idée d’une planification écologique est une innovation pour notre pays. Vous le savez, depuis maintenant plusieurs années, nous disposons d’un secrétariat général à la planification écologique (SGPE) placé directement sous l’autorité du Premier ministre. Cette planification se poursuit.

Les deux documents que sont la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ont été soumis à la concertation ; cette concertation étant aujourd’hui terminée, ma collègue Agnès Pannier-Runacher et moi-même sommes en train d’envisager les modalités de prise en compte des propositions de chacun.

Afin d’atteindre les objectifs qui correspondent à nos engagements internationaux, en particulier les accords de Paris, et à nos engagements européens, nous avons besoin – c’est le sens de Territoires d’industrie – d’articuler notre stratégie de planification écologique à notre stratégie industrielle. Cela implique par exemple de faire du ciblage en orientant le dispositif Territoires d’industrie vers un certain nombre de projets ayant une dimension de décarbonation. Cela suppose aussi de soutenir nos filières qui participent de la planification écologique ; je pense en particulier aux filières des énergies renouvelables.

J’aurai l’occasion dans quelques semaines d’annoncer la révision de la stratégie hydrogène. Je le ferai avec le souci de donner de la visibilité aux acteurs de cette filière, qui est un élément, non le seul, de notre mix énergétique pour les prochaines années.

Il y a une cohérence dans notre action. Ne raisonnons pas en silos : la démarche prospective et de planification ne doit pas être fondée uniquement sur des objectifs écologiques ; elle doit tenir compte des potentialités de nos filières industrielles et de la capacité de développement de l’emploi industriel dans nos territoires. Nous continuerons d’agir en ce sens.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, je partage l’essentiel de vos propos.

Simplement, la planification écologique ne se résume pas à la transition énergétique ou à la décarbonation. C’est l’ensemble de l’activité économique française, sur l’ensemble des territoires, qui doit être revue et adaptée en fonction de cet objectif. (M. le ministre acquiesce.)

J’espère que cette démarche va perdurer et se traduire sur le terrain. Ce qui s’est passé lorsque M. Attal était à Matignon n’augurait tout de même pas d’un avenir radieux pour la planification écologique… Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est ici donnée pour saluer l’action de M. Pellion à la tête du secrétariat général à la planification écologique.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre. Je salue à mon tour le travail remarquable des équipes du SGPE, et en particulier d’Antoine Pellion.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Jeanne Bellamy.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. Monsieur le ministre, depuis trente ans, le poids de l’industrie dans l’économie française et européenne n’a cessé de chuter. L’industrie est pourtant un moteur indispensable de productivité, de croissance et d’innovation. Elle représente un enjeu majeur pour notre économie, pour la cohésion sociale et territoriale de la France, mais aussi pour notre autonomie stratégique et notre souveraineté technologique.

Lancé en 2018, le programme Territoires d’industrie avait pour objectif d’apporter des réponses concrètes aux enjeux de soutien à l’industrie. Présenté comme une stratégie de reconquête industrielle par et pour les territoires, le programme n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les industriels et les élus locaux. Ces derniers se sont cependant approprié le dispositif, qui a été renouvelé pour la période 2023-2027. Le rapport d’information sénatorial de nos collègues Berthet, Cardon et Loisier, publié au mois de décembre dernier, a relevé le caractère hétérogène de la mise en œuvre du programme Territoires d’industrie.

Ce constat, je le partage sur mon territoire. Dans le département de la Vienne, deux territoires ont été lauréats : la communauté d’agglomération Grand Châtellerault et la communauté de communes du Pays Loudunais. Pour ce qui est du premier, à savoir le bassin industriel historique, la réunion de lancement s’est tenue dès 2023, et de nombreux projets sont en cours. Pour ce qui est du second, territoire rural peu industrialisé, les projets sont là, mais les industriels sont inquiets, en raison des retards pris et des difficultés rencontrées, notamment pour recruter.

Il faut pérenniser le dispositif et le rendre plus opérationnel. Ne faudrait-il pas accompagner différemment les territoires historiquement industriels et les territoires industriels en devenir ? Pour que le système soit efficient malgré des moyens limités, il est indispensable de ne pas se disperser, d’associer et d’accompagner tous les acteurs locaux et industriels et de simplifier.

Je souhaite ainsi insister sur le besoin de formation et de promotion des métiers de l’industrie. Quelles actions sont envisagées pour que l’absence de personnel qualifié ne freine pas le déploiement des projets ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Madame la sénatrice, les élus locaux et les industriels sont associés à la conception du programme. Comme je l’ai indiqué, Intercommunalités de France, Régions de France et France Industrie sont parties prenantes et partenaires du programme. Certes, on peut sans doute toujours faire mieux, et les y associer de manière encore plus étroite…

Quoi qu’il en soit, concernant la gouvernance du programme, une charte collective d’engagement a été signée entre l’État et les six opérateurs. De manière très concrète, très opérationnelle, des réunions régulières, des outils numériques partagés ou encore l’existence de coordinateurs régionaux doivent permettre cette coordination.

Ainsi que vous l’avez rappelé à juste titre, il est fait mention dans le rapport du caractère assez hétérogène du déploiement du programme, notamment dans le temps I. Ce constat, je le partage. La phase I a été marquée par des disparités correspondant à l’hétérogénéité, d’un territoire à l’autre, du portage politique, de l’animation et de l’ingénierie. De surcroît, un tel programme ayant une dimension très qualitative, sa mise en œuvre est par nature hétérogène.

Toutefois, un certain nombre de mesures ont été mises en œuvre dans le cadre de la phase II pour remédier à ces problèmes. Je pense à la redéfinition des périmètres des projets, dans un souci de cohérence et d’harmonisation – cela se fera toujours sur proposition des territoires –, à la généralisation des postes de chef de projet, qui permettra également de beaucoup mieux structurer les actions, ainsi qu’au renforcement de l’échelon régional, via le recrutement des coordinateurs régionaux, auxquels j’ai fait référence.

Ainsi que je l’ai indiqué, je souhaite que des bilans puissent être réalisés chaque semestre.

J’aurai l’occasion de revenir dans une prochaine réponse sur l’attractivité et les compétences.

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier.

M. Guislain Cambier. Monsieur le ministre, dans les Hauts-de-France, l’industrie, c’est un emploi sur cinq, soit 255 000 emplois. Le Nord est une terre d’industrie, et les élus y ont toujours été attentifs, bien avant le lancement du programme Territoires d’industrie.

Ce programme a un mérite : afficher le volontarisme politique, rappeler le caractère stratégique du secteur et les enjeux de souveraineté qui lui sont associés.

Je souhaite vous interroger sur les enjeux fonciers de la réindustrialisation et sur le portage politique du dispositif.

Le foncier, nous le savons, est un acteur clé de la réindustrialisation, mais il n’apparaît pas comme tel dans le programme. La mise en œuvre complexe du ZAN, le zéro artificialisation nette, tétanise les élus locaux. Comment comptez-vous concilier sobriété foncière, développement industriel et construction de logements pour les salariés ?

Avec mon collègue Jean-Baptiste Blanc, nous avons déposé la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace), qui sera débattue le 18 février prochain. Nous comptons sur le soutien du Gouvernement pour un atterrissage pragmatique. Nous appelons l’État à se doter d’une vision de l’aménagement du territoire en assumant le coût foncier de ses projets d’envergure nationale ou européenne (Pene).

Nous devons poursuivre et amplifier le mouvement de recyclage foncier. Le projet de loi de finances pour 2025 devra donc être ambitieux ; je pense notamment au fonds vert. Quelle est votre stratégie foncière pour relever le défi de la réindustrialisation ?

Dans sa méthode, le dispositif Territoires d’industrie est un appel à projets. Soyez donc vigilant, monsieur le ministre : gardez-vous de mettre en concurrence les territoires, car nous devons privilégier la synergie. Pensons également aux conséquences financières et fiscales des implantations. Les régions, pourtant cheffes de file en matière de développement économique, sont snobées dans le dispositif. Là aussi, créons des synergies, au lieu de multiplier les portes d’entrée.

Dans le département dont je suis élu, le Nord, nous avons montré qu’ensemble, État, collectivités locales, industriels, partenaires sociaux, nous savons construire des réussites industrielles. Toyota Valenciennes est la plus grande usine automobile de l’Hexagone ; elle vient de fêter sa cinq millionième voiture produite depuis 2001. Faire confiance aux territoires, cela fonctionne !

Je souhaite aussi vous interroger sur le portage politique du programme Territoires d’industrie, qui devrait, selon moi, être réexaminé.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Monsieur le sénateur, le foncier est évidemment une question essentielle pour notre développement industriel ; je pense notamment au ZAN. Le dispositif des sites clés en main, qui est un élément assez structurant du programme Territoires d’industrie, porte, entre autres, sur ce sujet.

Je salue la région des Hauts-de-France, qui est particulièrement dynamique, voire exemplaire, dans la mise en œuvre de ce programme.

L’articulation des territoires d’industrie avec les problématiques foncières passe par l’optimisation et l’amélioration de l’efficacité du dispositif des sites clés en main. Ce dernier est un outil de simplification qui est à la main de nos industriels : il s’agit de résoudre les problèmes normatifs, d’autorisation environnementale ou de raccordement électrique en amont d’une implantation industrielle et de sécuriser juridiquement les entreprises qui souhaitent s’installer sur un site. Cet élément du programme a fait la preuve de son efficacité.

Il existe aujourd’hui cinquante-cinq sites clés en main. Ils ont été sélectionnés au mois d’avril 2024 au regard d’un double objectif : favoriser la sobriété foncière, mais aussi l’attractivité. Le ciblage a une véritable dimension internationale, puisque la promotion de ces sites se fait au-delà de nos frontières. Outre le foncier, j’insiste sur l’importance de l’enjeu du raccordement électrique ; d’ailleurs, Réseau de transport d’électricité (RTE) fait partie du comité de pilotage de ces sites.

À l’heure où nous nous parlons, nous disposons de dix sites qui sont arrivés à maturité, pleinement disponibles pour une implantation industrielle. À mon sens, l’enjeu pour l’avenir est de mobiliser davantage de financements. Il faut en particulier sécuriser le financement du dispositif des sites clés en main et renforcer la valorisation des sites les plus matures.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat. (M. Christian Redon-Sarrazy applaudit.)

M. Simon Uzenat. Monsieur le ministre, oui, l’industrie a un avenir ! Mieux : elle est notre avenir, en Bretagne, en France et en Europe ! Nous en sommes toutes et tous convaincus.

De ce point de vue, Territoires d’industrie a eu des effets positifs. Toutefois, j’aimerais tout de même pointer quelques limites, qui ont d’ailleurs été rappelées par certains de mes collègues, en particulier Franck Montaugé.

Pour la Bretagne, qui est une région industrielle dotée d’un tissu diffus de PME, le programme n’est pas parfaitement adapté. Nous souhaitons – cela a été dit – faire davantage confiance aux collectivités, qui sont plus proches, plus réactives, plus efficaces. Il faut renforcer leurs moyens, qu’il s’agisse des intercommunalités comme des régions, afin qu’elles puissent faire du sur-mesure, en termes de périmètre notamment. Le Gouvernement est-il prêt à évoluer à cet égard ?

La réalité, c’est que, depuis maintenant plusieurs semaines, les nuages s’amoncellent. Vos choix politiques ont des conséquences, monsieur le ministre. Ainsi, faute de moyens suffisants pour l’éducation nationale, les cartes des formations conduisent à des fermetures de formations industrielles. Deux grandes filières, l’agroalimentaire et l’automobile, connaissent aujourd’hui des difficultés en Bretagne, en particulier dans le Morbihan.

Je pourrais évoquer Sodiaal à Missiriac, Michelin à Vannes ou Fonderie de Bretagne à Caudan. Tout à l’heure, vous parliez de « solde », monsieur le ministre ; quant à nous, nous parlons d’emplois, de compétences et d’humain, toutes choses très éloignées d’un tableau Excel…

Quel accompagnement envisagez-vous pour les salariés et les familles concernés ?

Enfin, sur le dossier Fonderie de Bretagne, que vous connaissez bien, la mobilisation est générale. On parle là d’un outil quasi neuf, de 350 emplois, d’une diversification engagée. La responsabilité du groupe Renault est totale, mais l’État aussi a un rôle à jouer. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire davantage sur le sujet ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Monsieur le sénateur, la carte des formations est un enjeu essentiel. Elle requiert évidemment une adéquation la plus fine possible avec les besoins du territoire. Tel est le sens de la réforme des lycées professionnels qui a été engagée dès la fin de l’année 2022 : l’idée était de revoir la carte des formations et des sections des lycées en fonction de ces besoins en faisant entrer les représentants des entreprises, à une maille la plus fine possible, dans les lycées professionnels eux-mêmes, dans les bureaux des élèves et, parfois, dans les conseils d’administration.

Il y a aussi un sujet de filière. Les formations sont également proposées par les centres de formation d’apprentis. Vous le savez, un CFA peut relever des opérateurs de branches, mais aussi des entreprises elles-mêmes : la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel l’a permis. En tout état de cause, nous avons besoin que nos filières industrielles se mobilisent.

J’essaie d’accompagner et de structurer le mouvement dans le cadre du Conseil national de l’industrie. J’ai rencontré les représentants des comités stratégiques de filière pour aborder la question des compétences et des formations. Mon action s’inscrit dans l’ambition d’une structuration des filières évoquée aujourd’hui même par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.

Quant au dossier Fonderie de Bretagne, il occupe mes équipes et m’occupe personnellement depuis un certain nombre de semaines. Nous avons un repreneur potentiel : le fonds Private Assets. Nous avons cherché – et réussi, dans une certaine mesure – à rapprocher les points de vue de Private Assets et de Renault, principal client de Fonderie de Bretagne, dont il représente 95 % du chiffre d’affaires. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un blocage qui a trait à l’engagement de Renault non pas sur des volumes – il est difficile de s’engager sur des volumes de production quand le marché automobile est incertain –, mais sur une part de marché, c’est-à-dire sur la proportion des achats que l’entreprise adresserait à Fonderie de Bretagne.

Nous continuons à échanger avec les acteurs et à nous battre pour trouver des solutions, afin que cette occasion, qui est aussi une occasion de diversification industrielle, puisse être saisie. Mais c’est un dossier difficile, je dois bien le confesser.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour la réplique.

M. Simon Uzenat. Pour ce qui est de la carte des formations, la réalité est que le pilotage des rectorats est aujourd’hui fonction non pas des besoins de l’économie, mais des moyens alloués – si vous pouviez faire passer le message à votre collègue…

Concernant Fonderie de Bretagne, Renault ne respecte que 60 % des commandes prévues en 2022. Nous voulons rester fiers d’un constructeur français ; l’État, qui est actionnaire à hauteur de 15 %, doit donc taper du poing sur la table. Monsieur le ministre, je vous invite à venir à la rencontre des organisations syndicales et des salariés sur le site de Caudan.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre. Monsieur le sénateur, si je ne suis pas venu physiquement sur le site, pour de simples raisons d’agenda, j’ai en revanche eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises, par visioconférence, avec les organisations syndicales.

J’ai pour habitude de venir sur les sites industriels lorsque j’ai la possibilité d’expliquer une action et de faire des annonces. Nous continuons de nous battre – la Dire est particulièrement mobilisée – pour trouver des solutions. Mais, encore une fois, il s’agit d’un dossier difficile.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat.

M. Simon Uzenat. Oui, monsieur le ministre, il s’agit d’un dossier difficile, nous le savons. Mais un tel outil industriel est une chance pour notre région, pour notre pays et pour notre continent. D’ailleurs, de l’avis de beaucoup, l’engagement qui est demandé à Renault est un engagement parfaitement raisonnable. Je le redis, nous voulons tout simplement rester fiers d’un constructeur français.

Les collectivités sont mobilisées. Elles ont mis de l’argent sur la table. Du reste, l’État a fait de même : vous avez proposé un prêt à hauteur de 14 millions d’euros. La région Bretagne et Lorient Agglomération ont également proposé un accompagnement financier renforcé.

Vous le savez, aujourd’hui, la procédure de redressement judiciaire est lancée. Les salariés et leurs familles sont évidemment extrêmement inquiets ; ils ont besoin de savoir que tous les acteurs institutionnels, de l’échelon local jusqu’au plus haut niveau, sont mobilisés à leurs côtés. Je reste convaincu qu’il faut en appeler personnellement au Président de la République et au Premier ministre eux-mêmes pour que le groupe Renault entende raison et fasse le choix du pays qui l’a vu naître et l’a toujours soutenu, y compris financièrement.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat.

Mme Frédérique Puissat. Monsieur le ministre, en Isère, l’industrie est fortement développée. À ce titre, un nombre important de collectivités iséroises participent au programme Territoires d’industrie.

Cependant, vous n’êtes pas sans savoir que ces territoires sont en train de subir un choc économique violent qui percute de plein fouet l’économie et l’industrie locales. À ce jour sont menacés 238 salariés à Valeo, 170 à Photowatt et 460 à Vencorex.

Avez-vous des éléments nouveaux à nous apporter sur les dossiers Valeo et Photowatt ?

Je voudrais évoquer plus particulièrement la filière chimique de l’agglomération grenobloise. Le sort de l’entreprise Vencorex, qui se trouve en redressement sans repreneur à ce stade, nous inquiète au plus haut point, comme le devenir de l’entreprise Arkema. C’est toute une vallée qui se trouve dans un état d’inquiétude extrême. Cette inquiétude devrait s’emparer de la France entière, tant les enjeux de souveraineté liés à ces usines sont immenses : enjeu de souveraineté industrielle, enjeu de souveraineté sanitaire, enjeu de défense nationale.

Monsieur le ministre, il s’agit de changer de posture, de ne plus subir et de reprendre notre avenir en main. C’est là, nous semble-t-il, l’essence même de Territoires d’industrie.

Dans ce cadre précis et dès lors que l’enjeu de souveraineté est important, une piste pourrait être la création d’une entreprise publique à capitaux privés, laquelle pourrait porter toute une filière – la mine de sel de Hauterives, son saumoduc et le purificateur de sel présent sur le site de Vencorex – et ainsi alimenter, entre autres, l’électrolyseur d’Arkema et celui de Vencorex, tous deux financés par l’État à hauteur de 80 millions d’euros voilà moins de dix ans.

Monsieur le ministre, cette piste est-elle crédible à vos yeux pour préserver cette filière et donner un avenir à ses salariés ?

Plus généralement, ne pourrait-elle pas être empruntée dans d’autres territoires, dès lors que, s’agissant de l’industrie de notre pays, il y va d’un enjeu de souveraineté majeur ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Madame la sénatrice, je sais votre engagement sur les questions d’emploi, en particulier celles qui sont liées à votre territoire.

Comme vous le savez, un projet de reprise de Photowatt, qu’EDF a souhaité céder, a été abandonné à la suite de son rejet par le comité social et économique (CSE) de l’entreprise. Il s’agit donc d’un choix des salariés.

Sur le plan social, l’État sera très attentif, dans ces circonstances, à ce que l’accompagnement et le reclassement des salariés par EDF se fassent dans de bonnes conditions ; je pense que tel sera le cas.

De manière plus générale et dans le prolongement de mes propos précédents, la filière industrielle des énergies renouvelables a besoin de soutien, non seulement par principe, mais parce qu’elle participe de notre souveraineté, en particulier de notre souveraineté énergétique. Nous continuerons donc à rechercher des solutions pour la soutenir.

Quant à l’entreprise Valeo, elle a en effet annoncé, à la mi-juillet, une réorganisation incluant la recherche de repreneurs pour trois sites, en particulier celui de Saint-Quentin-Fallavier à L’Isle-d’Abeau. Un dialogue s’est engagé avec les services de l’État afin de limiter les impacts économiques de cette réorganisation.

Contrairement à ce qui avait été envisagé initialement, Valeo a décidé, à l’issue de ce dialogue, de ne pas fermer le site de Saint-Quentin-Fallavier. Sur l’ensemble des sites concernés, des mesures d’accompagnement et de reconversion et des engagements fermes ont été pris par Valeo afin que les choses se passent de la meilleure manière possible. En l’occurrence, le site de Saint-Quentin-Fallavier fera l’objet d’un redimensionnement dont les critères et les paramètres sont en cours de discussion.

J’en viens au dossier Vencorex, sujet compliqué.

L’État a négocié et obtenu pour les salariés du site, auprès de l’actionnaire thaïlandais PTT Global Chemical (PTTGC), une indemnité supralégale de 40 000 euros, qui a été acceptée par l’ensemble des organisations syndicales. Pour une entreprise en redressement judiciaire, ce montant important est presque inédit ; il est en tout cas assez rare.

Vous avez soulevé la question de la continuité de l’activité industrielle en amont et en aval du site. Nous sommes soucieux en particulier de pérenniser l’activité de la mine de sel, mais également l’activité de gestion de la plateforme du Pont-de-Claix, qu’assumait jusqu’à présent Vencorex.

Sur ces deux sujets, les services de l’État sont mobilisés. J’ai bien pris connaissance de l’hypothèse que vous avez formulée et je vous propose, madame la sénatrice, que nous continuions d’en discuter. Nous avons en tout cas lancé une démarche de recherche d’un repreneur pour la mine de sel. En ce qui concerne la gestion de la plateforme, la méthode est plus coopérative, dans la mesure où cette activité engage l’ensemble des entreprises concernées.

Là encore, l’État essaie de jouer un rôle d’« ensemblier » et je serais heureux de partager avec vous les informations dont je dispose.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau.

M. Jean-Jacques Michau. Monsieur le ministre, je souhaite apporter mon témoignage sur la portée significative du dispositif Territoires d’industrie dans ce département à la fois très rural et très industriel qu’est l’Ariège.

Si la première labellisation, sur la période 2018-2022, y a eu une portée très faible, le dispositif permet, depuis son renouvellement l’an passé, de soutenir plus puissamment les ambitions industrielles de ce territoire.

Ce changement de braquet résulte tout d’abord du soutien en ingénierie, qui a pris la forme du financement de postes de chef de projet ; cet apport significatif a permis au programme de s’imposer aux acteurs de l’écosystème industriel local. C’est la chambre de commerce et d’industrie (CCI) qui assure cette mission de chef de projet Territoires d’industrie, ce qui facilite grandement l’orchestration des interventions de l’ensemble des acteurs concernés, chacun dans son domaine d’expertise.

L’autre facteur déclenchant a été l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) « Rebond industriel », véritable « booster » dans cette nouvelle séquence du dispositif Territoires d’industrie.

D’une part, 150 jours d’ingénierie financés par l’ANCT ont permis d’établir très rapidement un état des lieux des enjeux et des projets industriels et de faire en sorte que l’ensemble des acteurs s’accordent sur une feuille de route industrielle partagée.

D’autre part, une enveloppe de 1,5 million d’euros a été dédiée à une sélection de projets industriels locaux structurants qui, dans le contexte actuel, n’auraient pu, à défaut d’un tel financement, être engagés.

Comme indiqué dans l’axe 2 des recommandations du rapport de notre commission, ces résultats concrets plaident pour la pérennisation du soutien en ingénierie, prérequis pour le bon fonctionnement du dispositif.

Ma question porte sur le point sensible des aides aux projets industriels dans les territoires d’industrie. Est-il envisageable de sanctuariser des enveloppes financières dans ces territoires, à l’instar de ce qui a été fait avec l’AMI « Rebond industriel », afin d’accompagner les projets structurants d’investissement productif de nos PME qui ne peuvent pas être soutenus dans le cadre du plan France 2030 ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)