M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la voie est étroite : il est tout à la fois nécessaire de stopper le dérapage du déficit public – nous partageons votre objectif de limiter celui-ci à 5 % pour 2025, messieurs les ministres ; d’éviter l’effet récessif de mesures de réduction des dépenses qui seraient mal calibrées ; de répondre aux besoins de moyens supplémentaires dans plusieurs secteurs essentiels relevant de l’État.
Pour réussir ce pari, le groupe Union Centriste a toujours jugé nécessaire d’agir simultanément sur les leviers de la dépense publique et des recettes de l’État, en recherchant une plus grande justice fiscale.
L’année dernière, nous avions fait plusieurs propositions pour accroître les recettes de l’État. Si la plupart d’entre elles avaient été adoptées par le Sénat, elles n’avaient pas résisté à l’épreuve du 49.3.
Je me félicite que vous repreniez cette année nos propositions, quoique selon des modalités un peu différentes : le report de la suppression de la CVAE, la création d’une taxe sur les rachats d’actions – je rappelle que leur montant a explosé en trois ans, passant de 7 milliards à 30 milliards d’euros –, ou encore la création d’une contribution différentielle sur les très hauts revenus. Cette dernière initiative rejoint notre proposition de l’an passé visant à faire contribuer davantage les actionnaires qui touchent le plus de dividendes par une plus juste progressivité de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, les dividendes distribués étant passés de 30 milliards à 70 milliards d’euros en quatre ans.
En complément, notre groupe défendra plusieurs amendements relatifs notamment à la réforme de l’exit tax, à la réforme de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), à la rationalisation de plusieurs niches fiscales, au durcissement de la lutte contre la fraude fiscale ou encore à la correction d’une faille dans le plan d’épargne retraite. Nous y reviendrons en détail.
Vous proposez par ailleurs, messieurs les ministres, que les collectivités territoriales participent au redressement des comptes de la Nation par une baisse directe de leurs ressources d’un montant de 5 milliards d’euros et au travers de trois dispositions : la création d’un fonds de réserve pour les collectivités, à hauteur de 3 milliards d’euros, le gel de la fraction de TVA qui leur est versée à son niveau de 2024, soit une perte de 1,2 milliard d’euros, la baisse du taux du fonds de compensation pour la TVA, soit une perte de 800 millions d’euros, auxquelles s’ajoutent plusieurs dispositions affectant indirectement les collectivités.
Si les collectivités doivent prendre leur part au redressement des comptes de notre pays, le groupe Union Centriste estime que cette participation doit reposer avant tout sur un principe intangible de justice territoriale, tant il est vrai que la situation financière moyenne des collectivités cache une grande disparité de situations. Il considère par ailleurs que la participation qui leur est demandée ne saurait en aucun cas atteindre un tel niveau, et proposera donc de la réduire.
Je souhaite enfin insister sur deux dispositions de ce PLF.
La première est la baisse de 2 points, soit 10 %, du taux du fonds de compensation pour la TVA et l’exclusion des dépenses d’entretien de la voirie et des bâtiments communaux de l’assiette éligible.
Il convient d’abandonner non seulement la rétroactivité de cette mesure, comme je l’ai entendu tout à l’heure, mais la mesure elle-même, messieurs les ministres.
D’une part, cette disposition touche indistinctement toutes les collectivités, les grandes et les petites, les pauvres et les autres.
M. Michel Canévet. C’est vrai !
M. Bernard Delcros. D’autre part, elle percute directement les capacités d’investissement des collectivités. Or notre pays a grand besoin d’un tel investissement, qui permet de financer des projets au bénéfice de la population et de soutenir l’activité économique et l’emploi dans tous les territoires de France.
M. Vincent Delahaye. C’est vrai !
M. Bernard Delcros. Nous vous demandons donc, messieurs les ministres, de renoncer à cette mesure injuste et contre-productive.
La seconde disposition me tient particulièrement à cœur, bien qu’on en parle peu, car elle touche tout particulièrement les communes rurales. Vous proposez en effet une exonération partielle supplémentaire de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), l’exonération étant portée à 30 % pour les terres affectées à l’activité agricole.
Si nous approuvons cette mesure en faveur du monde agricole – le sujet n’est pas là –, nous sommes en désaccord avec les modalités de compensation proposées, qui pénalisent fortement les plus petites communes, dont les recettes de TFPNB représentent parfois 50 %, voire davantage, de l’ensemble de leurs recettes fiscales. Nous proposerons donc que cette exonération soit justement compensée aux collectivités territoriales et justement indexée.
Une nouvelle fois, le groupe Union Centriste sera force de proposition, et nous espérons vivement que ce que nous proposons saura vous convaincre, messieurs les ministres. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Emmanuel Capus et Jean-Yves Roux applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, « Si aujourd’hui notre dette est élevée, c’est parce que j’ai sauvé l’économie française ». Je regrette qu’après ce que l’on pourrait appeler cinq ans de vie commune au sein de cet hémicycle, l’auteur de cette phrase ne soit pas au banc des ministres aujourd’hui. Faut-il en rire ou se morfondre ? Telle est la question.
La dette publique a atteint 3 300 milliards d’euros, soit plus de 113 % de notre PIB, un niveau historique qui fragilise notre souveraineté, notre crédibilité sur la scène internationale, mais surtout notre capacité à investir afin de répondre à la complexité des problèmes contemporains qui nous attendent.
Il est une réalité préoccupante que nous ne pouvons pas ignorer, messieurs les ministres : plus de 50 milliards d’euros par an sont consacrés au paiement des seuls intérêts de la dette. Cela représente un euro sur huit de dépenses publiques, soit 10 milliards d’euros qui échappent chaque année aux services publics, lesquels sont essentiels pour nos concitoyens.
En dépit de ce constat, vous persistez à défendre une politique fiscale qui, depuis 2017, organise méthodiquement l’attrition de nos finances publiques : suppression de l’impôt sur la fortune, suppression drastique de la taxe d’habitation, disparition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, sans oublier la contribution à l’audiovisuel public.
Résultat : plus de 60 milliards d’euros se sont évaporés chaque année depuis 2017. Ce sont précisément ces mêmes 60 milliards d’euros que vous cherchez aujourd’hui désespérément afin de ramener notre déficit sous la barre des 5 % du PIB d’ici à 2027. Nul besoin d’être inspecteur général des finances pour comprendre que le jeu des vases communicants opère ici à plein.
Depuis 2017, le groupe socialiste du Sénat, et en particulier Claude Raynal, président de la commission des finances, n’a cessé d’alerter vos prédécesseurs, messieurs les ministres.
Face à une telle situation, comment prétendre financer la transition écologique ou redresser nos comptes publics ? Vos choix budgétaires traduisent une impuissance coupable, aggravée par une obsession comptable déconnectée des réalités sociales et économiques.
Le projet de loi de finances pour 2025, qui prévoit 60 milliards d’euros d’économies et de nouvelles recettes, s’inscrit dans cette logique dangereuse. Nous ne le répéterons jamais assez : une réduction trop brutale du déficit public risque d’entraver la croissance et l’investissement, rendant nos efforts contre-productifs. Ce que vous pensez gagner en économies, vous le perdrez tout aussi vite en recettes fiscales amoindries.
Je souhaite en effet donner l’alerte, depuis mon point de vue local, sur la récession qui va poindre d’ici à sept ou huit mois. Celle-ci affectera les PME et les TPE et emportera de nombreux licenciements.
La commande publique locale joue un rôle majeur pour notre économie locale. Or les collectivités territoriales, piliers de notre République décentralisée, se voient, une fois encore, sollicitées de manière disproportionnée.
L’effort sans précédent et profondément injuste qui leur est demandé, d’un montant de 7,8 milliards d’euros, équivaut, en un an, à l’effort consenti sur trois ans lors de la baisse de la dotation globale de fonctionnement entre 2014 et 2017. Cette participation est disproportionnée au regard de la responsabilité des collectivités dans le dérapage des finances publiques. Cela a du reste été reconnu par le Premier ministre lui-même lors du congrès de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).
J’ajoute que, selon André Laignel, vice-président de l’AMF et président du comité des finances locales, l’effort demandé aux collectivités s’élève non pas à 7,8 milliards d’euros, mais à près de 11 milliards d’euros.
Création d’un fonds de réserve de 3 milliards d’euros ; relèvement du taux de cotisation à la CNRACL, soit une dépense supplémentaire de 1,3 milliard d’euros pour les employeurs territoriaux ; réduction des crédits du fond vert de 1,5 milliard d’euros en autorisations d’engagement ; gel de la dynamique de la TVA affectée, soit 1,2 milliard d’euros de ressources en moins pour les collectivités ; réduction du taux du FCTVA, soit un manque à gagner de 800 millions d’euros : un tel choc budgétaire met en péril l’autonomie financière des collectivités, socle de notre décentralisation et nœud gordien de notre démocratie locale. Il affaiblit leur capacité à répondre aux besoins des habitants de nos grandes métropoles comme de nos territoires ruraux ou de montagne.
Ce n’est pas seulement le déséquilibre financier associé à ces coupes que nous dénonçons : il y va d’une remise en cause du pacte républicain qui lie l’État aux collectivités locales, dont je rappelle qu’elles ne sont pas responsables de notre dette publique, leur endettement ne comptant en effet que pour 9 % du total. Pourquoi dès lors leur imposer une telle contrainte budgétaire ?
Le groupe des sénateurs socialistes s’oppose à cette asphyxie financière de nos collectivités. Les économies et les recettes sont à chercher ailleurs ! Un budget de justice fiscale et sociale est la seule voie crédible pour retrouver une trajectoire budgétaire soutenable tout en respectant les priorités sociales et écologiques de notre pays.
En l’état, le texte que vous nous proposez en est très éloigné, messieurs les ministres. Le groupe socialiste vous proposera donc une série d’amendements visant à rétablir la justice fiscale via des recettes trouvées chez les plus hauts revenus.
Les collectivités territoriales de notre pays ont un rôle essentiel à jouer pour la transition écologique, pour nos concitoyens, pour le vivre ensemble. Nous ne vous laisserons pas les affaiblir par ce budget d’austérité.
Entendant au contraire renforcer le soutien qui leur est apporté, nous présenterons des amendements visant à restaurer la CVAE, injustement supprimée par le Gouvernement, afin de garantir des ressources pérennes et adaptées à nos collectivités…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Frédérique Espagnac. Nous présenterons également des amendements visant à garantir un traitement équitable de nos communes rurales, à protéger le financement du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » (Facé) ou encore à assurer une juste contribution des assurances au financement des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis).
Vous l’aurez compris, messieurs les ministres, nous ferons des propositions !
M. le président. Votre temps de parole est écoulé !
Mme Frédérique Espagnac. Vous aurez l’occasion, lors de nos discussions et en fonction des choix que nous ferons, de prouver votre volonté d’aboutir à des solutions. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, « Vous ne m’entendrez pas dire que le déficit de la France est la faute des communes et des collectivités territoriales. Je ne le pense pas ». Tels sont les propos tenus jeudi dernier par le Premier ministre Michel Barnier en clôture du congrès des maires et des présidents d’intercommunalités de France.
Je tiens à saluer le changement d’attitude dont ces propos témoignent. Ils contrastent avec les mots de l’ancien ministre de l’économie et des finances et des membres du gouvernement précédent.
Plus encore, ce changement de vocabulaire traduit un changement de méthode, un changement d’attitude effectif dont je tiens à vous remercier publiquement, messieurs les ministres, car il répond à l’intérêt général et à ce que demandent nos concitoyens.
Ce changement concerne d’ailleurs non seulement les relations avec les collectivités locales, mais toutes les politiques publiques, et donc l’ensemble de ce PLF que nous allons examiner dans sa version initiale après son rejet par l’Assemblée nationale et dans un contexte international et national particulièrement fragile. Simplement, il se trouve que, pour ce qui est de ce domaine essentiel pour le Sénat – celui des collectivités –, à l’égard duquel j’exerce du reste une responsabilité particulière, j’ai observé ce changement de manière plus sensible.
Ce travail, réalisé dans l’urgence du moment, doit désormais se poursuivre sur des questions plus structurelles, afin que nous ne nous retrouvions pas dans la même situation dans un an.
La responsabilité nous commande d’accompagner l’action de redressement de nos comptes publics, de réduction du déficit et de désendettement que vous proposez, messieurs les ministres. Dans le respect de la trajectoire – enfin sincère – de réduction du déficit à 5 % du PIB d’ici à la fin de 2025 qui est en quelque sorte l’ancre de ce budget, nous proposerons des amendements visant à rendre l’effort soutenable et le plus juste possible, en l’adossant à une réduction des dépenses.
L’apaisement, la stabilité, le respect dans les échanges, le courage sont les préalables nécessaires au sursaut dont notre pays a tant besoin. Nous le savons tous, mes chers collègues, nous sommes assis sur un volcan – c’est un élu du plus grand volcan d’Europe, le volcan cantalien, qui vous le dit ! (Sourires.)
Nos débats doivent permettre à notre pays de disposer d’ici à la fin du mois de décembre d’un budget qui sera bien sûr imparfait, mais qui marquera une inflexion au regard de l’addiction de notre pays à la dépense publique et à la fiscalité, et qui ouvrira un nouveau chemin. Ce chemin, certes, est escarpé, mais il est le seul que nous puissions emprunter si nous ne voulons pas désespérer les Français et faire basculer la France dans une tutelle qui imposerait une austérité d’une tout autre ampleur.
Ceux qui ont dirigé notre pays surendetté n’ont jamais remis de l’ordre dans les comptes de l’État ni revu son niveau de dépenses. Il n’est pas question, pour remédier à leurs errements, de mettre inconsidérément à contribution les Français, les entreprises et les collectivités territoriales. Pour autant, il faudra que chacun contribue à un effort socialement et territorialement juste.
Le gouvernement actuel a découvert cette situation insoutenable et a dû proposer, dans l’extrême urgence, et dans un cadre inédit, des solutions qui ne sont pas toujours satisfaisantes, mais qui marquent une inflexion que nous allons encore renforcer tout au long du débat qui s’ouvre, mes chers collègues.
Nous ne pouvons plus faire l’économie d’une réforme du périmètre de l’action de l’État, mais nous ne pouvons pas non plus mettre en péril l’investissement des entreprises comme des collectivités de notre pays.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est juste !
M. Stéphane Sautarel. Les nouveaux responsables ministériels semblent l’avoir compris.
Après ce rappel du contexte et du cadre dans lesquels s’inscrit l’exercice auquel nous sommes confrontés, je centrerai mes propos autour de deux axes qui recouvrent un champ non négligeable de la dépense publique : la dette et les collectivités territoriales.
La dette, tout d’abord : les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », qui constituent le deuxième poste de dépense de l’État, s’élèvent à plus de 63 milliards d’euros en crédits de paiement. Nous n’avons pas pu amender ces crédits en hausse, dont le niveau record nous prive d’une capacité d’agir au service des Français.
L’alourdissement historique de la dette de l’État, qui atteint 3 300 milliards d’euros, est un fléau qui doit concentrer tous nos efforts. Par-delà le stock, c’est la charge de la dette qui inquiète : le flux s’aggrave, en effet, du fait cumulé de son coût et de son volume.
En l’absence de redressement appuyé des finances publiques, la charge de la dette de l’État est appelée à doubler d’ici à 2029, et ainsi à approcher la barre folle des 100 milliards d’euros. Cet élément justifie à lui seul les efforts proposés dans ce PLF, visant à ramener notre déficit public à 5 % du PIB d’ici à la fin de 2025, ce qui reste fort peu, du reste, au regard de ce que font nos voisins européens.
Oui, nous devons réduire notre déficit pour réduire notre dette, qui nous coûte triplement : par son coût budgétaire, bien sûr ; par ses conséquences sur nos services publics coûteux et trop souvent inefficaces ; en ce qu’elle nous rend incapables de préparer l’avenir en investissant dans les inévitables transitions climatique, numérique et démographique, lesquelles exigent de mobiliser des moyens que nous n’avons plus.
En 2025, non seulement nous brûlerons plus de 60 milliards d’euros dont nous aurions tant besoin, mais notre programme d’émissions de titres nettes des rachats devrait de plus atteindre la barre record des 300 milliards d’euros. C’est pure folie !
Pour arrêter cela, et il est temps de le faire, c’est bien d’abord d’une volonté politique que nous avons besoin.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Oui !
M. Stéphane Sautarel. Après la dette, j’en viens aux collectivités territoriales.
La relation entre l’État et les collectivités territoriales n’a jamais été aussi dégradée. La fragilisation de la situation financière des collectivités, déjà engagée en 2023, s’est accélérée en 2024, si bien que le risque est réel de voir le nombre de collectivités dont l’épargne est négative augmenter très significativement en 2025.
Je ne m’attarderai pas davantage sur les constats. Au-delà des procès d’intention, dont nous sommes sortis, il importe de trouver des solutions partagées qui allient contribution à l’effort national et maintien de la capacité des collectivités à investir et à produire des services de proximité, tout en permettant de renouer avec la confiance, le respect et la responsabilité.
Depuis des années, l’État n’a cessé de transférer des charges, d’adresser des injonctions contradictoires et de s’enfermer dans un centralisme mortifère, alors que l’urgence est de redonner du pouvoir d’agir aux élus locaux, de réformer l’État pour le recentrer sur le régalien, de mettre fin à l’enchevêtrement des compétences et de faire valoir le principe de subsidiarité ascendante. Les vraies économies sont celles qui simplifient, débureaucratisent et libèrent l’action.
Oui, la performance est proportionnelle à la liberté et à la responsabilité. Il faut donc en finir avec la mise sous tutelle et avec l’infantilisation. Il faut, dès aujourd’hui, même dans l’urgence, montrer une voie nouvelle et répondre à la promesse du partenariat avec les territoires et de la décentralisation de la France.
Oui, nous avons besoin d’un choc de décentralisation et de simplification, qui passera par une réforme en profondeur de la fiscalité locale et de la DGF. Si nous voulons redonner confiance dans l’engagement municipal, nous devons nous y engager dès maintenant pour rendre ce choc effectif avant le budget pour 2026 et les échéances municipales de mars 2026. Telle est la raison pour laquelle, au Sénat, tout en consentant à l’effort demandé aux collectivités, nous avons fait le choix de le réduire de 5 milliards à 2 milliards d’euros.
Cinq marqueurs majeurs sont notamment proposés pour avancer sur un chemin plus juste socialement et territorialement.
Il s’agit tout d’abord de réduire substantiellement l’effort demandé aux collectivités territoriales et de respecter leur autonomie fiscale, comme je viens de le rappeler.
Nous devons ensuite préserver leur capacité d’épargne, et leur capacité d’investissement qui en est la conséquence directe.
Il nous faut également refuser toute mesure rétroactive, donc supprimer l’ensemble de la disposition relative à la remise en cause du FCTVA.
Il convient aussi de limiter et d’encadrer les mesures qui touchent les départements dont la situation financière est la plus fragile.
Nous proposerons enfin de modifier la logique et les modalités de mise en œuvre du fonds de précaution, qui doivent à la fois être plus limitées, plus justes et progressives – tel est le sens du dispositif de lissage que nous vous soumettrons, mes chers collègues, via un amendement de réécriture totale de l’article 64.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Excellent amendement !
M. Stéphane Sautarel. « Lissage », voilà l’intitulé que je vous propose en fin de compte d’adopter pour désigner l’objet de cette mesure, pour répondre à la question que vous posiez tout à l’heure, monsieur le ministre.
En réalité, c’est un nouveau paradigme que nous devons inventer pour renouer avec la confiance en faisant le pari de la liberté. Nous jugerons d’ici à la fin de nos travaux de la manière dont nous aurons été entendus, mais nous attendons d’ores et déjà des signes forts.
J’en viens à quelques mots de conclusion.
Le pire serait que tout cela ne serve à rien et que notre pays, fin décembre, se retrouve dans le chaos plutôt que de commencer à sortir de l’impasse. Mais je veux rester optimiste et continuer de croire que la raison pourra l’emporter. La copie issue du Sénat doit le permettre avant que l’Assemblée nationale ne puisse le confirmer. Si tel n’était pas le cas, notre pays plongerait dans le chaos et verrait le coût de sa dette encore augmenter, ce qui nous précipiterait plus certainement encore vers une mise sous tutelle. La conséquence en serait une situation synonyme non plus de rigueur, mais d’austérité, dont les plus fragiles seraient les premières victimes. La voie du sursaut est possible ; commençons à l’emprunter dès aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur général et M. Emmanuel Capus applaudissent également.)
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au fond, le débat est relativement simple et peut se résumer en quelques questions.
D’abord, faut-il parvenir à voter un budget ? Oui, bien sûr. Le scénario d’un rejet du PLF, et celui du vote d’une motion de censure, est pour moi à écarter absolument. Il n’apporterait rien à la situation de nos finances publiques – rien de positif en tout cas – et occasionnerait de graves difficultés pour nos compatriotes. Nous pouvons faire ensemble le pari raisonnable d’un accord en commission mixte paritaire, qui sera une première étape.
Ensuite, la situation financière appelle-t-elle des mesures fortes ? Là encore, la réponse est oui.
Enfin, le Gouvernement engage-t-il ce tournant ? Oui, et c’est heureux.
En revanche, le débat reste ouvert sur l’ampleur de l’ajustement budgétaire à réaliser et sur notre capacité à y pourvoir sans déclencher un effet récessif qui irait à rebours de l’objectif initial. Un ajustement de 45 milliards d’euros, c’est sans équivalent et le contenu fiscal prévu pour le couvrir nous renvoie presque à la période de la présidence Hollande. Certes, l’effort est bien de 45 milliards d’euros, et non de 60 milliards, si l’on prend pour référence la loi de finances pour 2024 et non le « tendanciel » pour 2025, mais cela reste considérable, d’autant que la fiscalité couvrira malheureusement les deux tiers de l’ajustement.
Ce débat sur l’aspect récessif du PLF, ouvert dès le dépôt du texte, s’inscrit dans un contexte d’aggravation de la conjoncture qui se manifeste déjà, hélas ! par des plans sociaux et par l’attentisme des acteurs économiques. S’y ajoute le creusement de l’écart de notre taux d’emprunt à dix ans avec celui de l’Allemagne, qui est désormais de 0,8 point. Nous devons veiller à la crédibilité de nos engagements et les tenir ; à défaut, la prime de risque de la dette française promet d’atteindre des niveaux élevés.
L’OFCE a assez tôt indiqué qu’un déficit de 5,3 % du PIB était une cible plus envisageable ; la Commission européenne souscrit à cette analyse. Les experts de Goldman Sachs privilégient quant à eux une prévision de déficit de 5,4 % du PIB en s’appuyant sur une prévision de croissance de 0,7 % au lieu de 1,1 %.
La situation financière est critique, d’autant que nous souffrons également d’un déficit de notre balance courante. L’économiste Patrick Artus insistait récemment sur le fait que nous sommes dans le cas le plus critique : nous devons « financer une partie de notre déficit par des entrées de capitaux à court terme, ce qui nous expose à une crise de la dette publique ».
Nous avons, comme l’a dit le Premier ministre, un devoir de vérité. L’objectif reste de limiter notre déficit à 3 % du PIB, mais la marche qui consiste à passer en un an de 6,1 % à 5 % est très haute. Il faudra rapidement voter un PLFR et se caler sur des prévisions ajustées.
Pour aller plus loin, en effet, nous devrons enclencher des réformes structurelles qui ne pouvaient trouver place dans un PLF confectionné en si peu de temps.
Si ce projet de loi de finances suppose des ajustements – nous discuterons de certains d’entre eux dans les prochains jours et d’autres resteront à effectuer au début de 2025 –, il doit s’inscrire dans la continuité des efforts menés pour faire augmenter le taux d’emploi. Cette politique de l’offre reste une nécessité et souffre sans doute de ne pas avoir été suffisamment financée par des économies équivalentes. Ne l’oublions pas : si notre taux d’emploi rejoint celui de l’Allemagne, alors nos finances seront à l’équilibre.
À cet égard, deux débats compteront, que je veux mentionner : le débat sur les exonérations de charges, ouvert lors de l’examen du PLFSS, et celui à venir concernant l’élasticité des recettes d’impôt sur les sociétés (IS) à la croissance.
Le sujet global qu’il nous faut traiter est celui du bon réglage à adopter pour aller dans la bonne direction, celle des 3 % de déficit, via un phasage réaliste qui doit nous permettre de restaurer notre crédibilité. En cela, les discussions autour du financement des collectivités locales, comme le débat sur l’excès de taxation dans le secteur aérien, seront importantes. Gare à ne pas détruire l’investissement et l’emploi ! Maintenons la vie, les dessertes et les conditions du développement économique dans nos territoires.
Sur le long terme, il est urgent de faire des choix dans les missions de l’État et dans le financement des retraites, afin de viser la préservation du niveau de vie des jeunes générations. (M. Emmanuel Capus applaudit.) Une façon d’y parvenir peut être de financer une part de nos retraites et de notre protection sociale par le biais d’une fraction de TVA ou de CSG. Il y a là une réforme lourde, difficile, qui ne pourra fonctionner que si les cotisations salariales sont abaissées en conséquence.
Nous aurons sans doute à discuter de ce que l’on appelle parfois la stratégie d’« agencisation » de l’État et il nous faudra, surtout, redéfinir les missions de l’État. Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), par exemple, peuvent sans doute utilement travailler ensemble. Dans le secteur aérien, la direction des services de la navigation aérienne peut s’affranchir de son statut actuel.
Pour ce qui concerne nos aînés, nous avons un double devoir. Nous devons non seulement faire preuve de solidarité envers le grand âge, la dépendance et les petites retraites, mais nous devons aussi maintenir le lien entre les générations. De ce point de vue, préserver le niveau de vie des jeunes générations est un objectif qui peut supposer des ajustements sur une partie de l’actualisation des retraites.
Je conclurai en pointant un problème de méthode. Tout comme l’on peut s’interroger sur le niveau d’alerte à prévoir quand l’exécution d’une loi de finances dérape, il faudrait aussi que le Haut Conseil des finances publiques puisse déclencher une alerte dès le stade du dépôt du PLF ou de l’élaboration de la stratégie financière : le Haut Conseil gagnerait parfois à s’extraire d’un langage par trop diplomatique.
Les élus du groupe UC abordent ce débat budgétaire avec responsabilité et engagement : leur volonté est d’être constructifs, mais de ne pas masquer les points de désaccord. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Emmanuel Capus et Jean-Baptiste Olivier applaudissent également.)