M. Pascal Savoldelli. … dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros – pour rappel, ces entreprises bénéficient du régime fiscal de la taxe au tonnage –, ou encore la taxe sur les rachats d’actions. Au total, les entreprises ont racheté pour plus de 30 milliards d’euros d’actions l’année dernière, quand le rendement de la taxe prévue est estimé à 200 millions d’euros seulement, soit 0,6 % du montant des rachats. C’est à la limite de l’insolence !

Je vous ai bien entendu, messieurs les ministres, appeler à ce que les collectivités territoriales et l’action publique fassent mieux en ayant moins. Mettez plutôt à contribution tous ces riches, tous ces dividendes, tous ces bénéfices : demandez-leur de faire mieux en leur prenant un peu plus !

En tant que rapporteur spécial de la mission « Remboursements et dégrèvements », je sais qu’elle reste la plus importante du budget. Elle augmente même de 7 milliards d’euros, pour atteindre un montant total de 147 milliards d’euros.

J’en viens aux dépenses. La recherche d’économies se fait au prix d’un nouvel affaiblissement de la puissance publique, à hauteur de 40 milliards d’euros. Que vous le vouliez ou non, cette « super-austérité » est symbolisée par la suppression de 4 000 postes de professeurs et de 500 postes dans la politique de l’emploi, mais aussi par la fin du chèque énergie automatique.

Que dire par ailleurs des coups portés à l’investissement public local, qui est pourtant le premier levier de développement des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE) ?

Les ponctions demandées aux collectivités seront intenables ; nous assistons à une décentralisation de la dette de l’État. Pourtant, entre 2019 et 2023, l’exécutif a demandé de la transparence et de l’exactitude. Les collectivités ont dégagé un solde cumulé positif de 1,9 milliard d’euros, tandis que l’État affichait un solde négatif de 690,7 milliards d’euros !

Dans ces conditions, comment justifier une telle ponction ?

Vous le savez très bien, messieurs les ministres, la dette des collectivités territoriales est une dette saine, car elle repose uniquement, elle, sur l’investissement.

Bien sûr, face à l’incompréhension des acteurs de la démocratie locale, la majorité sénatoriale a d’ores et déjà annoncé quelques modifications substantielles, notamment une réduction de l’effort demandé.

Toutefois, au-delà des exercices comptables, il est faux d’affirmer qu’assécher les moyens des collectivités permettrait de réduire la dette de l’État, car celles-ci ne participent en rien à cet endettement.

Il y a un loup, forcément.

La vérité est plus profonde : il y va de l’effacement de l’action publique, nationale comme locale, sujet qui reste, excusez-moi de le dire, une ligne de partage au sein d’un attelage bicéphale, c’est-à-dire entre la majorité sénatoriale et le gouvernement minoritaire. Cet effacement va entraîner mécaniquement un transfert des moyens de l’action publique vers le privé.

C’est dans cette logique que l’on privatise les crèches municipales, que l’on privatise les lignes de bus, que l’on privatise les trains express régionaux (TER) et que l’on s’en prend aux agences.

L’objectif n’est donc pas de rétablir les comptes : derrière des discours alarmistes, le capital est non seulement préservé, comme je l’ai établi, mais il a même besoin de la dette !

C’est bien la raison pour laquelle vous validez le programme d’emprunts de la France sur les marchés financiers, qui atteindra près de 300 milliards d’euros de titres et d’obligations.

Je l’affirme, avec Emmanuel Macron, ce sont bien les créanciers de la dette qui ont pris le pouvoir depuis 2017, et le présent budget consacre la poursuite de cette politique.

Monsieur le ministre Armand, vous avez parlé, encore, de transparence et d’exactitude, mais pourquoi ne pas dire que le Haut Conseil des finances publiques estime une nouvelle fois que les prévisions du Gouvernement sont trop optimistes et que la dette augmentera encore ?

Et que dire de la dette privée, qui demeure un tabou ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Absolument pas !

M. Pascal Savoldelli. Ministres ou majorité sénatoriale, personne n’en parle, je ne sais pourquoi : il semble que nous n’ayons pas le droit d’en parler. Il arrive certes au rapporteur général de se lâcher sur le sujet – il connaît donc les chiffres.

J’insiste, cette dette est taboue. Savez-vous pourquoi ? Parce qu’elle frôle les 162 % du PIB ! Il faudrait que nous puissions en parler, car c’est nous qui la payons en partie.

Force est de constater que la majorité sénatoriale partage la philosophie de ce budget. En effet, nos collègues de droite ont en commun cet adage classique, tout à fait respectable : socialisation des profits et privatisation des pertes – c’est cela, votre ADN.

M. Olivier Paccaud. Petite caricature !

M. Pascal Savoldelli. Il existe donc des divergences profondes entre notre groupe et la majorité sénatoriale devenue gouvernementale, sur la dette, sur la conception des collectivités territoriales, sur la place du salariat, sur l’impôt.

Alors, que fait-on ? Les Français vont-ils pouvoir rester des citoyens, ou leur seul destin est-il de devenir des clients consommateurs ?

Enfin, je dirai quelques mots du capital et du travail. Ce débat est d’actualité, le Gouvernement ayant eu l’indécence, lors de l’examen du PLFSS, de demander sept heures de travail gratuit aux salariés.

La maximisation des profits, grâce à la mondialisation, le marché mondial du travail, le dogme de la concurrence libre et non faussée et l’individualisme libéral sont si profondément ancrés dans les choix politiques qu’un changement de paradigme reviendrait à une véritable révolution fiscale.

C’est précisément ce que nous proposons, via le rétablissement du taux d’imposition sur les sociétés à 33 %, assorti d’une progressivité, l’abrogation du pacte Dutreil et l’instauration de dix tranches au barème de l’impôt sur le revenu.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Pascal Savoldelli. Nous voulons aussi rétablir un service public capable de protéger les Français face aux crises, au travers d’un plan majeur en soutien aux services publics, au pouvoir d’achat, au logement pour tous et à une énergie décarbonée. Voilà notre conception de la nouvelle décentralisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Ghislaine Senée. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous ouvrons le débat sur le projet de loi de finances pour 2025 dans un contexte politique des plus singuliers, et alors que l’avenir du gouvernement en place est des plus incertains.

Messieurs les ministres, vous qui êtes des soutiens de la première heure du Président de la République, vous avez accepté la responsabilité de vos charges respectives. Ainsi, vous consentez à assumer le bilan de sept ans de gestion des finances publiques par Bruno Le Maire.

C’est téméraire, tant les décisions du président Macron et de ses gouvernements successifs lors des deux précédents budgets, adoptés au forceps par 49.3, auront été lourdes de conséquences.

Leur refus de présenter un projet de loi de finances rectificative (PLFR) en 2024, malgré les alertes appuyées des parlementaires des deux chambres, et leur manque d’anticipation auront abouti à de mauvaises prévisions et à des surestimations de recettes qui ont mené la France dans cette situation critique de déficit abyssal.

Résultat : les recettes fiscales ont fondu, la dynamique économique n’est pas au rendez-vous, la croissance est inévitablement atone et le chômage repart à la hausse.

Le constat est sans appel : 900 milliards d’euros de dettes supplémentaires et un déficit public qui atteint 6,1 % du PIB pour 2024, sans contexte de crise ni justification d’investissements pour l’avenir. C’est un comble pour des partisans de l’orthodoxie budgétaire et du strict respect des contraintes du pacte de stabilité et de croissance.

Le contexte étant posé, le projet de loi de finances pour 2025 dans sa version initiale, celle qui est examinée au Sénat, est un budget de restriction qui se trompe de cible. En effet, vous persistez à prendre au plus grand nombre pour préserver les plus riches et refusez inlassablement le principe d’activation du levier des recettes – il semble parfois, selon le ministre qui nous répond, qu’il soit envisagé de l’accepter à titre temporaire : ce n’est pas très clair.

Vous êtes d’accord, en revanche, pour couper violemment dans les dépenses, en tapant fort et très vite, sans même vous soucier de l’effet récessif qu’une telle austérité va entraîner.

Dans cette perspective, vous voulez imposer 60 milliards d’euros d’efforts, là où la trajectoire de la Commission européenne, au travers de son pacte de stabilité et de croissance, n’en imposerait que 30 milliards. Pourtant, le Premier ministre ne ménage pas ses efforts et mobilise l’ensemble de son gouvernement pour lutter contre la surtransposition des directives européennes, coupable de susciter trop de normes et trop de contraintes – avouez que cela ne manque pas de piquant.

Aux yeux des écologistes, la réalité est que ce budget va achever de faire les poches des collectivités territoriales et de l’écosystème des institutions publiques et parapubliques, lesquelles jouent pourtant un rôle central dans l’investissement public et l’accompagnement des forces vives.

Par son refus purement dogmatique de lever de nouvelles recettes sur les hauts patrimoines, le présent texte, qui amplifie les injustices et les inégalités, va hypothéquer notre avenir et les conditions d’habitabilité de notre pays.

Commençons par les collectivités territoriales. Pensiez-vous qu’elles accepteraient volontiers de payer une partie des baisses d’impôts et cadeaux fiscaux non compensés depuis sept ans, et mis en œuvre sans concertation, après que vos prédécesseurs les ont accusées d’être responsables de la flambée du déficit ?

Pensiez-vous réussir à les mobiliser en n’affichant que 5 milliards d’euros de coupes dans leurs budgets, alors que c’est du double, ou presque, qu’il va falloir qu’elles se privent ?

Lors du Congrès des maires, c’est par le port d’une écharpe noire que les élus locaux vous ont répondu.

Gel de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ; amputation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ; gel des recettes de la TVA ; fonds de précaution ; hausse du taux de cotisation patronale à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ; réduction de 60 % du fonds vert ; suppression du plan Vélo ; réduction des crédits alloués aux acteurs tels que les missions locales : n’en jetons plus !

Tous les exécutifs locaux s’arrachent d’ores et déjà les cheveux pour savoir quel service public ou quelle mission ils vont devoir sabrer ; ils ne le font pas, je peux vous le dire, par gaieté de cœur !

Les annonces du Premier ministre aux départements ne seront pas suffisantes, tout le monde le sait. Celles qui ont été faites lors du salon des maires et des collectivités locales ne sont pas plus rassurantes.

Ainsi, le rabot de 2 milliards d’euros sur les efforts annoncés, négocié par la droite, est largement insuffisant.

Alors que les représentants des communes, des intercommunalités, des départements et des régions donnent l’alerte et dénoncent cette situation, le Sénat, pour la première fois de son histoire, sacrifie les collectivités sur l’autel de la doxa libérale !

Messieurs les ministres, l’érosion du lien de confiance entre l’État et les élus locaux ne cesse de s’amplifier. Administrer une collectivité, aujourd’hui, c’est jongler avec des dispositifs qui se créent et se défont, dont les règles sont modifiées ou qui ne répondent pas aux promesses initiales.

Ces incertitudes, qui rendent l’exercice de planification budgétaire laborieux, voire périlleux, ne sont pas acceptables.

En clair, les collectivités territoriales doivent retrouver leur capacité d’agir. Cela passe par un regain d’autonomie fiscale, condition essentielle pour restaurer le lien démocratique et fiscal entre les communes et leurs habitants, ainsi qu’avec les entreprises.

S’attaquer aux collectivités, c’est s’attaquer aux gens qui y vivent et qui y travaillent. Tout est question de priorités et de choix !

Les trajectoires budgétaires de la loi de programmation militaire (LPM), de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice (LOPJ) et de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) sont respectées. Tel n’est pas le cas pour la loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) ni pour la loi de programmation de la recherche (LPR), cette dernière étant amputée de deux tiers de ses crédits.

Pour répondre à la crise climatique, l’État dispose pourtant de nombreux outils : une stratégie nationale bas-carbone (SNBC), un secrétariat général à la planification écologique (SGPE) et un troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc).

Tout cela ne s’assortit néanmoins d’aucun financement ni d’aucun calendrier ; vous ne tenez pas les objectifs fixés, alors même que l’urgence est là.

Depuis un an, dès qu’il faut faire une économie, c’est sur le climat que l’État décide de taper. Ainsi, le décret d’annulation de crédits du mois de février puis le gel et le surgel de l’été nous ont fait respectivement perdre 2,1 milliards et 1,6 milliard d’euros.

Quant au projet de loi de finances pour 2025, il acte une baisse de 17 % des crédits sur un an, aggravée par un amendement du Gouvernement visant une nouvelle diminution de 745 millions d’euros.

Pourtant, investir dans la décarbonation et l’agroécologie est économiquement rentable et socialement juste. Ce n’est pas l’écologiste que je suis qui le dit : ce sont Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz,…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Encore eux ?

Mme Ghislaine Senée. … dans leur rapport sur Les incidences économiques de laction pour le climat. Quant au rapport Draghi, il dit exactement la même chose.

L’inaction politique, qui consiste à attendre et à reporter, engendrera au contraire, dans le futur, des coûts bien plus importants, tout en produisant des effets catastrophiques dès maintenant.

Votre budget, messieurs les ministres, va à l’encontre de la nécessaire anticipation. Il ponctionne les crédits alloués aux politiques écologiques : rénovation thermique des bâtiments, déploiement des énergies renouvelables, sortie progressive des pesticides, protection de la nature et des terres agricoles contre l’artificialisation des sols, lutte contre la déforestation et développement des transports décarbonés.

En outre, il n’apporte aucun soutien supplémentaire aux secteurs de la santé et de l’éducation – je rappelle qu’il est prévu de supprimer 4 000 postes d’enseignants –, pas plus qu’au secteur social. Il y a là, pourtant, autant de facteurs de développement sociétal et d’avenir.

Rien n’est épargné, alors que les politiques en ce domaine ont vocation à améliorer la vie de nos concitoyens ; il faut maintenant changer de braquet.

Vous héritez de sept ans de politiques fiscales qui ont produit de la mauvaise dette et un accroissement de la concentration des richesses et des inégalités. Mais vous gardez le cap, enfermés dans votre dogme !

Si d’autres solutions existent, elles sont à chercher du côté des recettes de l’État et de la justice fiscale. Dans cette perspective, avec nos collègues des groupes de gauche du Sénat, nous avons déposé une liasse d’amendements identiques, qui a fait l’objet d’un travail commun, afin de défendre une autre vision de la fiscalité et de la justice.

Pour nous, écologistes, la justice fiscale relève du bon sens ; elle est un enjeu de maintien de la cohésion sociale.

Compte tenu de l’explosion des richesses et du patrimoine des plus riches pendant la crise sanitaire, nous proposons de mettre en œuvre la taxe conçue par l’économiste Gabriel Zucman, visant à taxer à hauteur de 2 % la fraction du patrimoine supérieur à 1 milliard – 1 milliard ! – d’euros.

Cette taxe qui toucherait 147 personnes seulement, nous l’assumons, car c’est grâce à notre pays si ces « premiers de cordée » ont pu accumuler de telles richesses. Alors que la France est en difficulté, c’est à eux de montrer l’exemple. Que l’État leur trace un chemin d’engagement et d’efforts !

Cette taxe pourrait générer 16 milliards d’euros de recettes fiscales, de quoi financer une partie des coupes budgétaires des collectivités et participer au remboursement de la dette.

Nous pensons également que le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), assorti d’un volet climatique, et l’élargissement de la surtaxe Barnier sur les bénéfices des grandes entreprises sont de justes solutions.

Pour financer nos priorités – l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche, la santé, les politiques de l’emploi, la solidarité, le pouvoir de vivre dignement pour les plus précaires, les services publics de proximité et la transition écologique –, nous proposons des réaffectations de crédits dans les dépenses.

Ainsi, la rationalisation des primes à l’embauche d’apprentis peut permettre d’économiser près de 1 milliard d’euros par an.

Il faut également reconnecter l’économie aux territoires en rétablissant durablement la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), en augmentant le taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et en déplafonnant le taux du versement mobilité, dans un contexte de lourds investissements des collectivités pour l’amélioration des transports du quotidien.

De meilleures infrastructures engendrent des gains de productivité, monsieur le ministre Armand !

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires porte un regard à la fois très critique et très inquiet sur ce projet de loi de finances, qui est déconnecté des défis à venir, une décennie après l’accord de Paris.

Pour notre part, nous estimons qu’il est temps de rebâtir l’action publique, plutôt que de l’affaiblir : c’est tout l’enjeu du débat qui s’ouvre. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Thierry Cozic. Monsieur le ministre Armand, lors de votre passation de pouvoir, vous annonciez, un brin flagorneur, devant un Bruno Le Maire visiblement très satisfait de lui : « Je mesure la chance d’hériter d’un tel bilan économique ». Un total de 1 300 milliards d’euros de dette supplémentaire en sept ans et une commission d’enquête plus tard, force est de constater qu’il vous en faut peu pour être fier ! (Sourires.)

Il faut dire que, après sept années de macronisme, le bilan a de quoi faire rêver : 11 millions de pauvres, un taux de chômage qui culminera à plus de 7 % en fin d’année, un record de défaillances d’entreprises, des plans sociaux annoncés partout sur le territoire et une procédure de redressement pour déficit excessif engagée par la Commission européenne.

Vous êtes bien le seul à vous estimer chanceux, monsieur le ministre…

C’est donc tout naturellement que de cette faillite économique découle le discrédit politique. Celui-ci s’est matérialisé à l’occasion des dernières élections législatives, qui ont mis en déroute l’ancienne majorité présidentielle.

Il importe en effet de rappeler que votre présence face à nous aujourd’hui tient de l’anomalie démocratique, tant vous êtes illégitime à présenter un projet de loi de finances devant les Français.

Ce PLF est en définitive celui de l’Internationale de la lose : il permet aux deux forces politiques arrivées en dernier aux élections législatives de nous resservir leur vieille recette libérale datée. Elles osent nous donner des leçons de sérieux budgétaire, alors que l’état des finances publiques n’a jamais été aussi grave, hors temps de guerre.

Je le répète, messieurs les ministres, vous êtes illégitimes, car le seul véritable gagnant de ces élections, c’est le front républicain, sur lequel vous vous êtes assis en plaçant votre minorité gouvernementale dans la main de l’extrême droite.

Et que dire des Républicains, qui ne doivent leur groupe à l’Assemblée nationale qu’aux désistements de l’entre-deux-tours et au front républicain, auquel ils n’ont jamais appelé ?

Les débats à l’Assemblée nationale l’ont montré : votre attelage bringuebalant a été battu un nombre de fois considérable, y compris par vos propres alliés en carton du « socle commun ». Lesdits alliés ont concentré à eux seuls plus de la moitié des amendements de séance, avec une mention spéciale pour les députés du groupe Droite Républicaine qui, encore marqués par douze années d’expérience dans les rangs de l’opposition, se sont comportés comme des opposants à leur propre budget.

Lorsque j’entends nos collègues du groupe Les Républicains du Sénat expliquer qu’ils seront l’organe de la raison, je m’interroge, vu leur mémoire sélective et leurs alliances à géométrie variable.

Dois-je rappeler que l’augmentation de la dette est également leur faute, puisqu’ils avaient conditionné leur vote du budget en 2023 à la mise en place du chèque carburant ?

Messieurs les ministres, votre gouvernement, en raison de son équation politique, se retrouve dans une situation politique insoluble. Il manquait déjà 5 milliards d’euros dans votre budget quand vous l’avez déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, mais, à mesure que le Premier ministre entend satisfaire vos alliés de circonstance, les mesures d’économie fondent comme neige au soleil.

C’est ainsi que le groupe Les Républicains du Sénat ne veut pas entendre parler d’une augmentation des taxes sur l’électricité au-delà de leur niveau d’avant-crise : cela représente un manque à gagner de 3,4 milliards d’euros. Il entend également ramener l’effort demandé aux collectivités locales à 2 milliards d’euros, en supprimant notamment le fonds de compensation imposé aux grandes collectivités, privant ainsi votre gouvernement de 3 milliards d’euros d’économies supplémentaires.

Quant au groupe Ensemble pour la République de l’Assemblée nationale, il refuse le coup de rabot à 4 milliards d’euros sur les allègements de cotisations patronales.

Au total, les exigences des parlementaires du socle commun entraîneraient un manque à gagner de 10,5 milliards d’euros.

Votre budget s’apparente à un grand jeu de bricolage : on y déshabille Paul pour habiller Jacques, en fonction de la météo politique du moment. Il est ainsi édifiant de constater que vous avez laissé le député Wauquiez, qui s’est pris pour un vice-premier ministre l’espace d’un journal télévisé, annoncer en grande pompe la division de votre mesure sur les retraités.

Maintenant que le décor politique est planté, abordons le présent texte.

Tout d’abord, comme à l’accoutumée, les hypothèses macroéconomiques qui y figurent ne sont absolument pas crédibles : votre gouvernement évalue la croissance économique pour 2025 à 1,1 %, une prévision lacunaire, car il y manque l’essentiel, c’est-à-dire la prise en compte de l’effet récessif des mesures annoncées, que l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) évalue à 0,8 point : une paille !

La réduction du déficit ainsi opérée est trop rapide ; elle va grever la croissance et l’investissement, alors même que nombre de plans sociaux sont prévus. Selon l’OFCE, toujours, votre budget détruira directement 130 000 emplois.

Le Président de la République a lui-même déclaré, à propos du dérapage du déficit, que le problème n’avait pas trait aux dépenses, mais à de moindres recettes. Par conséquent, nous vous apporterons des solutions afin de faire contribuer plus équitablement tous les Français à l’effort collectif. Nos propositions visent à faire pencher la balance du côté de la justice fiscale, quand votre budget nous promet une véritable régression sociale.

J’ai entendu dire, çà et là, que nous exagérions en qualifiant ce PLF de budget d’austérité ; mais comment ne pas avancer ce mot quand 4 000 postes de professeurs sont supprimés, quand 500 postes dédiés à la politique de l’emploi sont supprimés, quand 100 millions d’euros sont supprimés pour l’insertion des personnes en situation de handicap – un comble, alors que le décret relatif à la composition du Gouvernement avait purement et simplement fait l’impasse sur la nomination d’un ministre chargé du handicap ?

Comment ne pas parler d’austérité quand vous faites 4 milliards d’euros d’économies sur la santé, alors que les déserts médicaux n’ont jamais été aussi nombreux et que même les zones urbaines désormais sont touchées ? Comment ne pas parler d’austérité quand l’écologie sert encore de variable d’ajustement de vos errements budgétaires – je pense aux budgets de MaPrimeRénov’ et au fonds vert pour les collectivités locales ?

De toute évidence, vous faites plus grand cas de la dette budgétaire que vous avez vous-même creusée que de la dette écologique que vous laisserez à nos enfants.

Face à ce budget inique, nous prenons acte des déclarations du Président de la République : le problème réside dans le manque de recettes et non dans les dépenses. Nos propositions visent donc à combler le déficit que vous avez laissé béant.

Afin de rétablir un peu de justice fiscale, après sept années d’iniquité sociale, nous proposerons d’augmenter le prélèvement forfaitaire unique (PFU) de seulement 3 points, soit 1 milliard d’euros supplémentaires, alors que les revenus du patrimoine ont crû de 59 milliards d’euros en 2023.

Nous proposerons de taxer significativement les superprofits, à hauteur de 15 milliards d’euros, au moment même où le CAC 40 accumule plus de 146 milliards d’euros de bénéfices, dont 36 milliards d’euros de superprofits.

Toujours animés par la volonté de trouver de nouvelles recettes, nous proposerons de mettre fin à la pratique de l’arbitrage de dividendes, alors que le CAC 40 en a versé plus de 68 milliards d’euros en 2023, soit une progression de 44 % par rapport à 2017.

Par ailleurs, par souci de ne pas agir uniquement sur les recettes, nous vous proposerons d’intervenir sur les dépenses et, plus précisément, sur les divers et dispendieux crédits d’impôt qui minent nos budgets depuis des années.

Enfin, messieurs les ministres, nous vous demandons très solennellement de ne pas faire des collectivités locales le bouc émissaire facile de sept ans de gestion erratique. Nous refusons d’emblée toutes les ponctions que vous souhaitez leur faire subir. Rappelons que l’État, qui accuse un déficit de plus de 3 300 milliards d’euros, entend faire la leçon aux élus locaux qui, astreints à la règle d’or, doivent présenter chaque année un budget à l’équilibre.

Durant nos débats, nous aurons à cœur d’avancer des propositions dont l’adoption garantirait des marges de manœuvre solides à nos élus locaux, notamment l’indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation ou l’augmentation significative du taux des DMTO pour les départements, qui traversent une crise financière inégalée.

Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas fatalistes, nous sommes responsables pour deux, et nous ne souhaitons pas nous inscrire dans une opposition stérile qui n’aurait pour issue que le blocage.

Nous jugerons donc sur pièce, messieurs les ministres, votre capacité à nouer des compromis et c’est à l’aune de l’acceptation de nos propositions que nous nous déterminerons.

En l’état, nous voterons contre ce projet de budget pour 2025. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Grégory Blanc applaudit également.)