M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de mon collègue Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice : retenu en commission des lois de l’Assemblée nationale, il nous rejoindra dès la fin de son audition.

Chers parlementaires, il nous revient d’assurer la sécurité et la protection de nos enfants et de nos concitoyens. Qu’il s’agisse de prévention des actes terroristes ou violents qui frappent, sans discrimination, les adultes comme les enfants, ou de prévention des violences sexuelles notamment à l’encontre des mineurs, nous devons collectivement être vigilants et ne pas laisser d’espaces dans lesquels les délinquants et les criminels pourraient agir, que ce soit en profitant de la procédure de changement de nom ou en exerçant une activité professionnelle au sein d’entreprises de transport public.

En modifiant l’architecture juridique qui structure notre société tout en ménageant à chacun la possibilité de faire valoir ses droits individuels, il nous faut garder à l’esprit que le droit à modifier son identité, qu’il s’agisse de son nom ou de son prénom, par la voie d’une procédure simplifiée, doit s’inscrire dans un équilibre global assurant à nos concitoyens protection, liberté et préservation de l’ordre public.

La loi du 2 mars 2022, dite loi Vignal, a constitué une véritable avancée en matière de droits et libertés individuels, une occasion dont se sont véritablement saisis nos concitoyens, comme en témoigne une étude de l’Insee d’avril 2024. Ainsi, entre août 2022 et décembre 2023, 144 100 personnes nées en France ont changé de nom. Le nombre de ces changements, déjà substantiel, a été multiplié par plus de trois depuis cette loi. Une première phase de forte croissance a marqué la période allant d’août à octobre 2022, croissance sans doute révélatrice de l’attente entourant cette mesure ; s’en est suivie une phase de descente vers un rythme de croisière, avec environ 6 500 changements mensuels à la fin de 2023.

Ce dispositif de changement d’identité a donc rencontré un véritable succès. Néanmoins, il est nécessaire de s’assurer qu’il ne se fasse pas au détriment de l’ordre public.

La proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui – je profite de cette occasion pour remercier vivement son auteure, Mme la sénatrice Marie Mercier, et sa rapporteure, la présidente de votre commission des lois, Mme Murielle Jourda – tend à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes.

Le principal objectif de ce texte est d’empêcher que tout délinquant sexuel, violent ou terroriste puisse se soustraire aux obligations résultant de son inscription au fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles et violentes, le Fijais, ou au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions terroristes, le Fijait, ce qui ferait échec à ces mesures de protection de l’ordre public.

En résumé, il s’agit d’éviter qu’une personne dangereuse, contre laquelle la société doit se prémunir de tout risque de récidive, puisse passer entre les mailles du filet.

La proposition de loi tend aussi à améliorer le dispositif de la loi Vignal en prévoyant un cran de sécurité supplémentaire en la personne de l’officier d’état civil, qui pourra avertir le procureur de tout changement d’identité susceptible de porter atteinte à l’ordre public.

Néanmoins, si la préoccupation qui inspire ce texte est plus que légitime, elle ne doit pas, en contrepartie, conduire à faire peser une charge excessive sur l’autorité judiciaire, du point de vue humain ou budgétaire. À cet égard, je serai amenée à formuler un certain nombre de réserves, qui ne feront néanmoins pas obstacle à l’adoption de cette proposition de loi, dont le Gouvernement partage pleinement l’objectif. Je me félicite d’ailleurs que ces réserves aient été identifiées et anticipées, pour une large part, par votre commission des lois.

Mme Mercier a rappelé les faits ayant légitimement suscité sa préoccupation : la crainte qu’un chauffeur de car chargé des transports scolaires ou véhiculant des majeurs vulnérables et ayant été condamné pour violences sexuelles, puis inscrit à ce titre au Fijais, puisse de nouveau exercer ce même métier. Il fallait dès lors trouver une solution idoine, efficace et pragmatique, permettant un équilibre en la matière, sans charge induite pour l’autorité judiciaire.

Je tiens à saluer la grande qualité du travail effectué en commission, qui a démontré, s’il le fallait, votre sens du débat démocratique et de la chose publique.

Permettez-moi à présent de vous exposer ma position sur chacun des articles de ce texte.

L’article 1er A, tout d’abord, ajout bienvenu de votre commission des lois, étend aux infractions terroristes, y compris l’apologie du terrorisme et d’autres infractions définies dans le code de la sécurité intérieure, un dispositif juridique qui existait déjà pour les infractions sexuelles.

Cet article prévoit l’information obligatoire de l’autorité académique et du chef d’établissement en cas de mise en examen ou de condamnation pour une infraction terroriste, ou autre, d’une personne scolarisée ou ayant vocation à l’être dans l’établissement, ainsi que la possible information de l’hébergeur de la personne libérée sous contrôle judiciaire ou condamnée pour le même type d’infractions, en cas d’aménagement de peine ou de libération conditionnelle, de surveillance judiciaire ou de surveillance de sûreté.

Cet article permet de s’adapter à l’évolution marquée des profils des personnes poursuivies ou condamnées pour des infractions terroristes : il s’agit d’individus de plus en plus jeunes, voire mineurs.

Nous devons toutefois garder à l’esprit que cette disposition constitue une nouvelle dérogation au secret des investigations judiciaires, alors que ces dérogations doivent rester strictement limitées pour laisser toute son efficience au principe fondateur du secret de l’enquête.

L’article 1er prévoit quant à lui deux séries de mesures.

En premier lieu, on y trouve un dispositif permettant l’information systématique par l’officier d’état civil du procureur de la République et, le cas échéant, l’opposition de ce dernier au changement d’identité demandé, en cas de menace à l’ordre public, lorsque cette demande émane d’une personne condamnée pour des crimes terroristes ou sexuels.

La commission a complété ce dispositif en prévoyant, premièrement, que seraient joints aux demandes de changement de prénom ou de changement simplifié de nom le bulletin n° 2 du casier judiciaire du demandeur et un document faisant état de son inscription ou absence d’inscription au Fijais ou au Fijait ; deuxièmement, que la menace à l’ordre public ferait l’objet d’une définition légale expresse, en cas de condamnation pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour une infraction sexuelle ou violente grave, ainsi que lorsque les documents transmis par le demandeur font apparaître qu’il est inscrit au Fijais ou au Fijait.

En second lieu, l’article crée deux nouvelles obligations pour les inscrits au Fijais ou au Fijait : d’une part, celle de déclarer un changement de nom ou de prénom, obligation enserrée dans un délai ; d’autre part, pour les inscrits au Fijais, sur décision expresse de la juridiction de jugement et en cas de particulière dangerosité, celle de déclarer leurs déplacements à l’étranger.

Je souligne toutefois que la création de cette nouvelle obligation de déclaration d’un changement de nom implique que l’autorité judiciaire devra notifier aux 110 000 personnes actuellement inscrites dans ce fichier cette nouvelle obligation, indifféremment de leur volonté effective d’entreprendre un jour des démarches de changement d’état civil.

L’article 2 de la proposition de loi vise à étendre la liste des infractions susceptibles d’entraîner l’inscription au Fijais, tirant ainsi les conséquences de la création de nouveaux délits sexuels sur mineur par la loi du 21 avril 2021, dite loi Billon. Je salue à cette occasion son auteure, la sénatrice Annick Billon.

Plus précisément, l’article 2 inscrit dans la liste figurant à l’article 706-47 du code de procédure pénale deux délits supplémentaires : celui d’extorsion d’images pédopornographiques et celui qui réprime les atteintes sexuelles qu’un mineur est contraint de s’infliger à lui-même. Cette disposition vient ainsi, de façon pertinente, actualiser le dispositif du Fijais par l’extension du champ infractionnel en la matière.

Il faut nécessairement avoir conscience que l’ensemble du régime procédural prévu pour les infractions de nature sexuelle et de protection des mineurs sera dès lors applicable à ces deux délits. Je pense aux obligations de procéder à une expertise médicale de la personne poursuivie et à une expertise médico-psychologique du mineur victime ; d’informer le juge des enfants de l’existence d’une procédure pénale concernant un mineur victime ; de désigner un administrateur ad hoc, le cas échéant, pour assurer la protection des intérêts du mineur ; enfin, de procéder à l’enregistrement audiovisuel de l’audition du mineur victime.

Dès lors que ces infractions protègent les mêmes intérêts que celles qui figurent actuellement dans cette liste, il n’existe pas d’obstacle juridique en tant que tel à une telle évolution. En revanche, il est indéniable que cette mesure fera peser une charge supplémentaire sur les juridictions et les services enquêteurs. Est également identifié un possible risque de saturation pour les autorités chargées de traiter les alertes déclenchées par le Fijais, notamment au vu de la conservation longue des données. L’augmentation du nombre d’expertises requises, dans un contexte d’insuffisance chronique d’experts disponibles, doit également être soulignée.

L’article 3, tel qu’il a été modifié au cours des travaux de votre commission, s’inspire de l’obligation d’honorabilité introduite par le législateur dans le sport et dans la sphère médico-sociale ; il vise à mettre en place une incapacité légale empêchant les personnes condamnées pour des faits graves ou inscrites au Fijais ou au Fijait d’exercer dans le secteur du transport public des mineurs ou des majeurs vulnérables.

Votre commission a su atteindre un net point d’équilibre en la matière.

En effet, la rédaction originelle, dont nous comprenons parfaitement l’objectif, élargissait néanmoins de façon trop étendue l’accès aux données sensibles contenues dans le Fijais. Leur divulgation est susceptible de porter préjudice au respect de la vie privée et de la présomption d’innocence, dès lors que ce fichier comprend non seulement les condamnations définitives, mais aussi les condamnations non définitives, réhabilitées et amnistiées, ainsi que les mises en examen. Cet accès était d’autant plus problématique qu’il visait des entreprises de transport public de personnes, lesquelles peuvent être des sociétés privées.

En conclusion, le Gouvernement partage pleinement l’objectif de la proposition de loi : garantir qu’une personne dangereuse, contre laquelle la société doit se prémunir de tout risque de récidive, ne puisse pas passer entre les mailles du filet.

C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à l’adoption de cette proposition de loi, même si certaines de ses dispositions nous semblent devoir continuer à être travaillées au cours de son parcours parlementaire, de manière à trouver le meilleur équilibre pour atteindre efficacement l’objectif fixé.

À cette fin, le Gouvernement vous propose de supprimer les dispositions ajoutées au texte initial visant le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. En effet, le texte qui nous réunit aujourd’hui ne nous semble pas être le bon véhicule législatif pour cette mesure.

Chère Marie Mercier, comptez sur moi pour l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, dès lors que vous l’aurez voté dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les Français en ont marre : marre de l’insécurité, marre de la criminalité, marre de la délinquance ! Ils nourrissent de fortes attentes quant à l’amélioration rapide et concrète de la sécurité. Toute initiative allant dans ce sens est donc bonne à prendre.

Hors des salons où elle a été conçue, la théorie du sentiment d’insécurité n’a convaincu aucun de nos concitoyens. Ils ne supportent plus de voir les forces de l’ordre impuissantes face aux délinquants. Force doit rester à la loi !

La réussite en la matière dépend certes partiellement des moyens budgétaires engagés. En la matière, on peut tout de même constater que ce gouvernement, comme le précédent, n’a pas réduit les crédits alloués aux forces de l’ordre. Nous avons besoin de plus de policiers et de gendarmes dans nos rues !

Mais il convient aussi de faire évoluer notre arsenal législatif. Notre droit est complexe ; il est parfois, hélas ! profus. C’est évidemment une conséquence de la complexification de notre société, mais c’est aussi le fruit d’une nécessaire adaptation à une criminalité toujours plus innovante.

Le Sénat travaille depuis plusieurs années à l’amélioration concrète de la sécurité dans notre pays. Le texte que nous examinons aujourd’hui fait partie de ce travail, modeste – le terme n’est pas péjoratif ! –, mais nécessaire et pragmatique.

L’ouverture de nouveaux droits bénéficie parfois, malheureusement, aux délinquants. C’est le cas des procédures simplifiées de changement de nom ou de prénom. Pour bon nombre de nos concitoyens, il s’agit d’une facilité bienvenue et, pour notre justice, c’est un gain de temps appréciable. Cependant, les délinquants n’hésitent pas à abuser de ces procédures pour échapper à la justice, particulièrement aux mesures de surveillance qu’elle peut mettre en place.

En effet, quoi de plus simple pour sortir des fichiers de la police que de changer de nom ? Cette faculté a été, par mégarde, laissée ouverte aux personnes condamnées, y compris pour des infractions graves.

Si nous entendons protéger efficacement nos concitoyens contre la récidive, les criminels violents, auteurs d’infractions sexuelles ou d’actes terroristes, doivent rester dans les radars de la police et de la justice. C’est d’une logique évidente !

Le texte prévoit ainsi que l’officier d’état civil recevant la demande de changement de prénom ou de nom devra en avertir sans délai le procureur de la République si elle émane d’une personne condamnée pour l’une des infractions listées. Le procureur, ainsi informé, pourra s’opposer à ce changement de nom ou de prénom dès lors qu’il présente une menace pour l’ordre public.

Cette mesure de bon sens a déjà fait l’objet d’un vote favorable de notre assemblée. Aussi, nous ne pouvons que nous réjouir qu’elle soit reprise aujourd’hui dans ce texte.

L’autre disposition majeure du texte vise à renforcer la sécurité de nos concitoyennes et de nos concitoyens, encore trop souvent victimes d’agression lorsqu’ils empruntent les transports publics.

Pour mieux lutter contre ce danger, le texte prévoit d’accorder aux entreprises de transport public un accès au Fijais. Cela leur permettra d’effectuer des vérifications plus précises sur les personnes qu’elles entendent recruter.

Le cas d’Émile Louis a déjà été évoqué ; la disposition proposée empêchera que soient mis de la sorte au contact du public des individus susceptibles de lui porter atteinte. Il s’agit là encore d’une mesure de bon sens, que le Sénat avait déjà adoptée.

La proposition de loi contient d’autres dispositions visant notamment à actualiser la procédure pénale, afin de tenir compte de la création récente de nouveaux délits sexuels à l’encontre des mineurs.

Enfin est également prévue une mesure visant à allonger la durée maximale de rétention des étrangers condamnés pour une infraction violente ou sexuelle, comme cela est déjà le cas pour ceux qui sont condamnés pour terrorisme. Il s’agit peut-être d’un cavalier législatif. Toutefois, nous considérons que son adoption serait une avancée pour la protection de nos concitoyens.

Le texte que nous examinons ne fait pas les gros titres de l’actualité – c’est en ce sens qu’il est empreint d’une certaine humilité. Reste qu’il accroît à coup sûr la sécurité de nos concitoyens.

Cette proposition de loi, pragmatique et efficace, est le fruit d’un travail patient, en apparence fastidieux, qui demeure néanmoins essentiel pour améliorer le quotidien des Français. Le groupe Les Indépendants remercie par ma voix son auteur Marie Mercier, ainsi que la rapporteure Muriel Jourda. Il soutiendra sans réserve cette proposition de loi, dont l’adoption permettra de véritables avancées. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi déposée par Marie Mercier, que je salue, présente indéniablement de nombreux atouts, comme le simple fait notamment de nous permettre de prolonger notre réflexion et nos débats à la suite des dispositions adoptées par la Haute Assemblée voilà quelques mois pour garantir la surveillance des personnes condamnées pour des infractions sexuelles, violentes graves ou des actes terroristes, dispositions législatives qui, hélas ! n’ont pas pu prospérer.

Je rappelle en préambule que le Fijais a été créé en 2004. Si, à l’époque, certains responsables politiques ont vivement critiqué le principe de cette mesure, pointant une forme de « peine à perpétuité pour les personnes condamnées », force est de reconnaître qu’il est aujourd’hui devenu un outil judiciaire et administratif des plus utilisés : plus de 80 000 noms y sont inscrits.

Interrogeons-nous désormais sur la nature même des apports de cette proposition de loi. Le texte vise pour l’essentiel à corriger une faille de notre système judiciaire, plus exactement à gommer les effets de bord de la nouvelle procédure simplifiée de changement de nom introduite par la loi Vignal en 2022.

Il ne s’agit pas pour nous de remettre en cause la possibilité de changer de nom. En effet, certains changements de nom se justifient par des motifs honorables ou légitimes, par exemple se débarrasser d’un patronyme qui prête à la moquerie ou tenter d’effacer un passé extrêmement lourd lorsque l’on a subi des maltraitances dans l’enfance.

Toutefois, certains individus considérés comme dangereux – des prédateurs sexuels, des terroristes – peuvent trouver dans ce changement d’identité l’occasion d’échapper aux dispositifs de surveillance mis en place par l’institution judiciaire pour prévenir toute forme de récidive. Une telle faculté peut apparaître comme un risque beaucoup trop important au regard de la protection des victimes elles-mêmes, mais plus largement de la société tout entière.

En conséquence, il faut impérativement que l’État puisse être alerté d’une façon ou d’une autre lorsque ces personnes désirent changer d’identité. C’est ce que prévoit le texte en confiant à l’officier d’état civil le soin de saisir le procureur de la République aux fins d’opposition au changement de nom ou de prénom, s’il apparaît que ce changement est de nature à créer un risque pour l’ordre public en raison de la condamnation singulièrement grave du demandeur.

Cette proposition de loi introduit également une nouvelle mesure de sûreté et l’obligation de déclarer tout changement de prénom ou de nom pour toute personne inscrite au fichier des délinquants sexuels ou au fichier des condamnés pour terrorisme, afin d’améliorer leur traçabilité.

Par ailleurs, l’auteur propose d’intégrer deux nouveaux délits à la liste des infractions pouvant aboutir à une inscription dans le fichier des délinquants sexuels ou violents.

Tout le monde a en mémoire les agissements du chauffeur de bus Émile Louis, qui a violé et assassiné sept jeunes filles dans les années 1970. Rappelons qu’il n’a été condamné que bien plus tard.

Les prédateurs sexuels ou les pédocriminels visent principalement les secteurs d’activité leur permettant de côtoyer des enfants ou des adultes vulnérables, qu’il s’agisse de l’éducation, du sport ou des transports. C’est la raison pour laquelle ce texte prévoit d’interdire à toute personne condamnée pour des infractions violentes ou sexuelles ou encore pour des actes terroristes d’exercer des professions qui les mettent en contact avec ces publics. Cela nous paraît frappé au coin du bon sens.

Par conséquent, le groupe Les Républicains votera ce texte, qui semble des plus proportionnés et, surtout, essentiel pour garantir la pleine effectivité des outils de protection des mineurs et de la société. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui revêt un intérêt crucial pour la sécurité de nos concitoyens. Il vise en effet à renforcer l’efficacité de nos moyens de surveillance et de contrôle des individus les plus dangereux de notre société.

Il s’agit plus précisément de remédier aux failles du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes et du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes. Créés respectivement en 2004 et en 2015, ces fichiers permettent de suivre et d’identifier les auteurs de ce type d’infraction, ainsi que de prévenir la récidive de profils à risque. Ils imposent aux personnes inscrites des obligations de déclaration, notamment de leur adresse et de leurs déplacements, répondant ainsi à un impératif de sécurité publique.

Toutefois, l’adoption de la loi Vignal au mois de mars 2022 a fragilisé ce dispositif de surveillance des personnes dangereuses. Cette loi, saluée par beaucoup comme une avancée, facilite les démarches permettant à certaines personnes de changer de nom. Elle a cependant créé une faille et permis à certains délinquants de se soustraire à leur passé et aux obligations liées à leur inscription dans ces fichiers.

L’exemple de Francis Évrard, violeur multirécidiviste, illustre de manière cynique les enjeux liés à cette faculté : condamné à huit reprises pour des viols sur mineur, ce délinquant sexuel a pu changer de nom en prévision de sa sortie de prison, ce qui a suscité l’incompréhension et l’inquiétude des victimes et de leurs familles.

La loi Vignal a en effet ouvert une procédure simplifiée, sans formalité préalable de publicité ni contrôle de légitimité de la demande par l’état civil. Cette faille pose aujourd’hui des risques concrets, car les condamnés pour des infractions sexuelles ou terroristes peuvent l’exploiter pour échapper aux obligations de transparence et à la surveillance que notre société est en droit d’exiger pour garantir la sécurité publique.

Aussi est-il impératif de combler les lacunes de notre droit afin d’éviter que ces situations ne se multiplient. C’est tout l’objectif de la proposition de loi de notre collègue Marie Mercier, dont je salue le travail. J’en profite pour remercier la rapporteure de la commission des lois sur ce texte, Muriel Jourda.

Nous avons déjà eu, au Sénat, l’occasion de nous pencher sur cette problématique et y avons apporté une réponse à l’article 15 bis de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, que nous avons adoptée au mois de janvier dernier. Je salue au passage Marc-Philippe Daubresse, qui en était le rapporteur et à qui revient l’initiative de cette disposition, reprise à l’article 1er du texte dont nous débattons.

L’article 1er vient en effet plus précisément renforcer le contrôle des procédures de changement de nom et de prénom pour les personnes inscrites aux fichiers concernés. Il impose désormais une obligation d’information du procureur de la République en cas de demande de changement d’état civil par un condamné pour infraction sexuelle ou terroriste. Ce contrôle permet ainsi au procureur soit de s’opposer aux demandes des individus présentant un danger pour l’ordre public, soit, en cas de confirmation de la demande, d’en assurer la traçabilité, redonnant ainsi à la justice un levier essentiel pour protéger les victimes et la société.

L’article 2 étend la liste des infractions entraînant une inscription au Fijais. Il intègre de nouveaux délits tels que la « sextorsion » et l’extorsion d’images pédopornographiques, autant d’infractions en nette augmentation, qui constituent des violences graves auxquelles les mineurs sont particulièrement exposés. En élargissant ainsi le champ d’application du Fijais, nous donnons à la justice des outils supplémentaires pour suivre les auteurs de tels actes.

Enfin, l’article 3 renforce un peu plus la sécurité publique en étendant l’accès au Fijais aux entreprises de transport public de personnes. Concrètement, les opérateurs de transport, par l’intermédiaire des préfectures, pourront s’assurer que les personnes en contact direct avec les mineurs ne présentent pas de risque majeur. Cette mesure, déjà adoptée par le Sénat, est une avancée importante, qui répond aux attentes des citoyens et des élus locaux en matière de prévention et de sécurité dans les transports publics.

La commission des lois a apporté certains aménagements au texte, afin d’en renforcer l’efficacité. Je pense aux motifs susceptibles de conduire à une saisine du procureur de la République, qui seront précisés par la loi et non plus par un décret en Conseil d’État, ainsi qu’à l’interdiction pour les personnes condamnées pour des faits graves ou inscrites au Fijais ou au Fijait d’exercer dans le secteur du transport public de mineurs ou de majeurs vulnérables.

La commission a également adopté un amendement prolongeant jusqu’à 180, voire 210 jours, la durée de la rétention administrative des étrangers condamnés à une interdiction du territoire français en raison de la commission d’une infraction sexuelle ou violente grave.

Bien qu’elle parte d’une bonne intention, celle de répondre à une actualité récente et tragique, cette disposition semble quelque peu éloignée du propos du texte qui nous intéresse. Ce type de mesure aurait probablement plus sa place dans une loi relative à l’immigration. Sur des sujets aussi complexes, veillons à ne pas réagir sous le coup de l’émotion.

Ce texte répond à l’exigence des Français d’obtenir des réponses claires et efficaces face à la récidive. Aussi avons-nous la responsabilité de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que les personnes qui présentent un danger pour la population n’exploitent à de mauvaises fins les failles de notre droit. Il nous faut garantir l’efficacité des dispositifs de suivi, assurer la traçabilité des condamnés les plus dangereux et ainsi renforcer la protection des mineurs.

Le groupe RDPI ne peut qu’approuver cette proposition de loi, dont la disposition principale a déjà été adoptée par notre assemblée. En se prononçant en faveur de ce texte, ses membres assurent la pleine effectivité de nos outils de protection et témoignent de leur engagement collectif pour une société plus sûre et plus juste.