M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Je suis d’accord avec vous : des évolutions sont nécessaires. Certaines sont d’ailleurs en cours, car des universités, précisément, les plébiscitent.
Vous soulignez également, à raison, l’importance des stages réalisés dans les territoires sous-dotés, pas seulement dans le cadre de l’internat, mais dès la quatrième année d’études de médecine.
Tout cela doit être organisé. Cela relève en partie de la compétence du ministère de l’enseignement supérieur, mais, en tant que ministre de la santé, j’en appelle à un travail fin sur ce point. En particulier, facilitons le déplacement et l’hébergement des stagiaires, qui sont souvent à l’origine de difficultés pour ceux-ci. C’est en effet en s’installant dans ces territoires que les étudiants apprennent à le connaître, s’y font des amis et éprouvent, par la suite, le désir d’y rester. J’en suis intimement convaincue.
À l’occasion de leurs stages, les étudiants doivent davantage sortir du CHU pour découvrir les maisons de santé pluriprofessionnelles et les CPTS. Pour cela, nous avons besoin de plus de maîtres de stage. Certes, leur nombre a progressé de 25 %, mais cette dynamique doit se poursuivre.
Plutôt que d’empêcher, comme nous le faisons trop souvent, cherchons au contraire à faciliter, en trouvant des solutions adaptées à chaque territoire, car il n’existe pas de réponse unique.
Je ne puis donc qu’être d’accord avec vos propos. S’agissant de l’obligation de régulation, j’ai mentionné tout à l’heure les propositions des chirurgiens-dentistes. Nous devons inciter les professionnels à travailler en ce sens. Cela fait partie de l’équilibre de la convention médicale qu’ils ont signée.
M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, pour la réplique.
M. Bruno Rojouan. Madame la ministre, j’apprécie votre réponse. Néanmoins, il ne s’agit que de solutions de moyen et de long termes. Or les Français attendent une réponse immédiate.
À court terme, je ne vois qu’une solution. Dans les territoires les plus désertés, deux professions restent présentes : ce sont les infirmiers et les pharmaciens. Les premiers transferts de compétences ont marqué une belle avancée. Dans l’attente du renforcement de la présence médicale, davantage de compétences doivent leur être déléguées, pour répondre aux besoins des patients.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.)
Mme Brigitte Devésa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il ne fait plus aucun doute que notre pays fait face à une crise aiguë liée au manque de médecins.
Partout en France, mais surtout dans les territoires ruraux et les quartiers populaires, l’accès aux soins devient un parcours du combattant. Les temps d’attente atteignent plusieurs semaines, au minimum, pour un généraliste, et plusieurs mois pour un spécialiste. Ce phénomène n’est, bien entendu, pas homogène : certains territoires s’en sortent mieux, alors que d’autres sont devenus de véritables déserts médicaux.
Le législateur a bien pris conscience de l’ampleur de cette crise en supprimant, en 2019, le numerus clausus qui limitait le nombre d’étudiants en médecine.
Nous avons ainsi mis fin à une politique qui, pendant des décennies, a étouffé l’offre médicale en France. Le numerus clausus a été remplacé par un numerus apertus, qui est fixé conjointement par les agences régionales de santé et les doyens des facultés de médecine. Le progrès est notable, mais il faudra des années avant que cette réforme ne produise tous ses effets, car, et c’est bien là le cœur du problème, former un médecin prend beaucoup de temps.
C’est pourquoi, dans l’immédiat, nous devons faire preuve d’imagination et de pragmatisme pour apporter des solutions à la pénurie de médecins et de soignants.
À court terme, le Gouvernement a fait le choix de déléguer de plus en plus de tâches médicales aux infirmiers, aux aides-soignants et à d’autres professionnels de santé. Ces délégations d’actes comprennent, par exemple, la prescription et l’administration de vaccins par les infirmiers, ou encore le renouvellement, par les pharmaciens, d’ordonnances pour les maladies chroniques.
Ouvrir plus largement les délégations d’actes était sans doute une mesure nécessaire pour permettre à notre système de santé de faire face à la demande de soins. Mais prenons garde : on peut déléguer à condition que cela ne morde pas sur le temps médical accordé aux patients. Certaines compétences ne se délèguent pas. Celle de poser un diagnostic, notamment, constitue le cœur du métier de médecin et ne peut être confiée à une autre profession. Il ne faudrait pas priver le patient du temps médical dont il a besoin.
Par ailleurs, les infirmiers et les aides-soignants sont, eux-mêmes, en sous-effectif. Ils sont épuisés. Leurs horaires et leur charge de travail s’alourdissent considérablement, et cela pourrait, à terme, nuire à la qualité des soins qu’ils prodiguent. On ne peut donc pas continuer à leur déléguer toujours plus d’actes.
Ainsi, madame la ministre, cette réponse de court terme ne peut être satisfaisante. Elle a ses limites, et nous ne pouvons continuer à faire peser tout le poids de la crise sur les épaules de nos soignants. Si cette solution permet de tenir dans l’immédiat, il est nécessaire de trouver d’autres pistes.
Surtout, il nous faut penser au long terme. Il est impératif de remédier, de manière structurelle, au manque d’offre de soins dans notre pays, en formant plus de médecins. Mais cela pose plusieurs problèmes, auxquels la fin du numerus clausus ne répond pas complètement.
Il y a d’abord la question des places disponibles dans nos universités de médecine. Nos facultés ne peuvent accueillir un nombre d’étudiants infini. Le numerus apertus a d’ailleurs notamment pour but de s’assurer que le nombre d’étudiants admis est cohérent avec la capacité d’accueil de chaque faculté. Pour former plus d’étudiants, il faudrait plus de moyens. Or la situation de nos finances publiques ne semble pas nous le permettre.
Ensuite, un problème de ressources humaines se pose. La médecine est un art qui se transmet. Pour former de nouveaux médecins, encore faut-il avoir des professeurs pour enseigner aux étudiants, et des médecins expérimentés pour encadrer les internes. Or, sous l’effet des départs à la retraite, le nombre de praticiens expérimentés diminue, et ceux qui restent sont désormais surchargés.
Comment, dans ces conditions, réussir à former en nombre suffisant une nouvelle génération de médecins compétents ?
Madame la ministre, le gouvernement auquel vous appartenez aura donc une double responsabilité. Tout d’abord, à long terme, il devra trouver les moyens humains et financiers pour former une nouvelle génération de médecins et de soignants. Ensuite, à court terme, il lui faudra trouver des solutions innovantes pour répondre au manque de médecins et de soignants sur notre territoire, car nos citoyens ont besoin d’accéder à ces soins sans attendre. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice, il est vrai que nous manquons de médecins et d’infirmiers. Notons cependant que davantage d’aides-soignants et d’infirmiers ont été formés ces dernières années. La reprise du recrutement des infirmiers par les hôpitaux est en outre le signe d’un renforcement de l’attractivité de ces métiers.
Vient ensuite la question de l’organisation territoriale. Bien sûr, il nous faut des médecins pour poser les diagnostics. Pour autant, les infirmiers peuvent aussi réaliser des actes importants, bien qu’ils ne constituent pas directement un diagnostic ou une prescription. Cette complémentarité entre les médecins, les infirmiers et les aides-soignants est nécessaire et doit évoluer.
N’oublions pas que, pour les aides-soignants, la perspective d’évolution vers le métier d’infirmier, puis d’infirmier en pratique avancée, avant, pourquoi pas, d’engager des études de médecine, fait partie de l’attractivité de ce métier. Elle représente une véritable dynamique de progression.
Si certains territoires connaissent des difficultés, il faut aussi souligner que de formidables organisations territoriales se sont construites, souvent grâce aux élus locaux. J’en ai vu des exemples exceptionnels sur le terrain. Ces constructions, articulées autour des quelques médecins présents, reposent fortement sur les infirmiers et sur l’ensemble des métiers du soin.
Au travers des CPTS et des SAS, qui répondent au problème des soins non programmés, des organisations territoriales ont émergé. Nous devons les encourager, les aider et faciliter leur développement.
Il faut rester modeste : ces solutions ne régleront pas tout, car nous manquons encore de ressources humaines. Mais inspirons-nous de ces solutions locales. Dans la Creuse, j’ai rencontré l’association Médecins solidaires, qui organise un relais hebdomadaire de médecins généralistes. Les patients avec lesquels j’ai échangé étaient très heureux de cette solution.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour la réplique.
Mme Brigitte Devésa. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Pour autant, la problématique des soignants ne date pas d’hier. Cessons d’en parler, car le diagnostic exact est désormais connu, et passons plutôt aux actes ! Je compte sur votre gouvernement et sur votre ministère pour agir le plus rapidement possible pour nos concitoyens. (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Ventalon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la formation des soignants constitue malheureusement une préoccupation phare de notre société. Cette problématique s’étend et inquiète bien au-delà du domaine médical et paramédical.
Abandon de cursus, problèmes de recrutement, départs vers le privé : ces maux, dont souffre l’ensemble du corps médical, sont bien connus. Ils constituent une affection de longue durée, qui perdure d’année en année au sein de notre société.
Pour autant, nous avons récemment pu entrevoir les prémices d’une rémission en la matière. D’après les chiffres publiés par le Conseil national de l’ordre des médecins au début du mois d’octobre, 1 672 médecins supplémentaires sont entrés en fonction au cours de l’année 2024, soit une hausse de 0,8 % par rapport à l’année précédente.
Pourtant, malgré cette éclaircie, les déserts médicaux, dans nos villes et dans nos campagnes, eux, progressent. Dans le département dont je suis élue, l’Ardèche, 35 000 personnes n’ont pas accès à un médecin traitant. Ce constat n’est pas nouveau. Il est la conjugaison de plusieurs facteurs, certains maîtrisables, d’autres inéluctables.
Parmi les écueils à l’origine de la catastrophe quotidienne que vivent tant de nos concitoyens, deux, en particulier, doivent être rappelés.
Notre première erreur a été de former toujours moins de médecins chaque année. Le numerus clausus, dont la suppression a été trop tardive, a durablement affecté le renouvellement générationnel, particulièrement celui de nos soignants de proximité.
De plus, nous savons d’ores et déjà que les effets de cette réforme, mise en œuvre en 2022, ne se feront pas sentir avant 2030, date à laquelle la première promotion sans numerus clausus finira ses études. D’ici là, les zones déjà sous-dotées continueront inexorablement de voir les départs de leurs médecins non compensés et leur population privée d’un accès aux soins minimum.
Notre seconde erreur a été le choix d’une organisation centrée sur l’hôpital, qui concentre l’activité des soins et qui contribue ainsi à accroître une répartition déjà inégale de l’offre sur le territoire.
Face à ce fléau qui gangrène nos communes et leur fait perdre petit à petit leur attractivité, nos élus locaux ont été fidèles à l’ingéniosité et au sens pratique qui les caractérisent tant. Je pense notamment à la création de maisons de santé pluridisciplinaires et au recrutement de personnels déchargeant les médecins des tâches administratives.
Malheureusement, les initiatives concrètes et innovantes pour lutter contre les déserts médicaux, souvent engagées avec détermination par les collectivités locales, mais isolées, ne peuvent à elles seules résoudre cette problématique.
Sur ce sujet comme sur tant d’autres, écouter les propositions de la Haute Assemblée aurait permis un gain de temps non négligeable. En effet, le 18 octobre 2022, le Sénat adoptait la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale. Présenté par notre ancien président Bruno Retailleau, que je tiens à saluer, ce texte cherchait à agir au moment de la formation des médecins en créant une quatrième année d’internat.
L’objectif était ainsi d’inciter les jeunes médecins à effectuer leur dernière année de formation dans des zones sous-dotées en cabinet libéral ou en maison de santé, avec une rémunération à l’acte.
Bien qu’il ait été dénaturé, le dispositif a été retenu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, et la première promotion concernée a fait sa rentrée en 2023.
Madame la ministre, quels sont les premiers enseignements que nous pouvons tirer de ce dispositif ? Comment allez-vous assurer le déploiement effectif et rapide des assistants médicaux, des 2 000 nouvelles maisons de santé pluridisciplinaires et des bus de santé, promis par le Premier ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Cette quatrième année d’internat, qui vise à inciter les jeunes médecins à s’installer dans des territoires en difficulté, fait en effet partie des solutions.
Nous devons continuer à travailler à cette organisation, qui se met en place très progressivement. Pour cela, nous avons aussi besoin de maîtres de stage en médecine générale. Leur nombre a déjà augmenté de 25 %, mais ce mouvement doit se poursuivre. L’idéal serait que tous les médecins généralistes puissent le devenir ! Cela contribuerait à l’attractivité des territoires et renforcerait les possibilités d’accueil des étudiants.
Les infirmiers en pratique avancée, ainsi que la télémédecine, font également partie des réponses.
Pour autant, je reconnais que c’est là une forme de bricolage. Tant que nous n’aurons pas davantage de médecins sur le terrain, soit jusqu’en 2030, nous resterons dans cette situation…
Aussi, appuyons-nous sur l’intelligence des territoires. Les élus locaux sont une aide formidable sur ces questions. Ils se montrent toujours innovants et cherchent à accompagner financièrement les projets, notamment les maisons de santé. Aidons-les, notamment, à faire fonctionner ces maisons, pour qu’elles accueillent encore davantage de professionnels complémentaires, afin de répondre aux besoins de la population dans les déserts médicaux.
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion du débat, la parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat très intéressant que nous venons d’avoir paraît avant tout traduire une inquiétude partagée dans l’ensemble des territoires.
Je suis issue d’une zone rurale, où cette problématique est particulièrement sensible, mais il y a aussi des déserts médicaux dans les territoires urbains et dans les banlieues. Le sujet est donc vaste et se pose de manière variable.
Aurions-nous donc un nombre insuffisant de professionnels pour faire face aux besoins de santé ? Oui ! La France, comme tous les pays d’Europe et du monde, est confrontée à la raréfaction des ressources humaines médicales et non médicales.
À l’échelle mondiale, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’il manquera près de 10 millions de professionnels de santé à l’horizon de 2030. Cette tension est la conséquence à la fois d’une évolution des besoins de santé, supérieurs aux capacités de formation, d’un nouveau rapport au travail et aux conditions de son exercice, mais aussi d’une répartition insuffisamment efficace des professionnels entre les différents offreurs de soins.
De manière prospective, la poursuite du vieillissement de la population et l’absence de perspective de diminution du nombre de personnes touchées par les grandes causes de morbidité laissent présager un besoin croissant de professionnels de santé.
Ces derniers mois ont toutefois été marqués par des signes encourageants pour le recrutement de professionnels en établissements de santé dans notre pays. La Fédération hospitalière de France (FHF) a mené ces dernières années une grande enquête auprès des hôpitaux publics, qui permet d’analyser la situation du point de vue des ressources humaines pour la totalité de l’année 2023. Celle-ci révèle plusieurs signaux positifs sur le plan de l’attractivité des métiers hospitaliers, ce qui confirme que l’attention portée à la rémunération, mais aussi aux conditions de travail, porte ses fruits.
Concernant le personnel non médical, le taux de postes vacants poursuit sa diminution, en particulier pour les infirmiers, puisqu’il était de seulement 3 % en 2023, contre 5,7 % en avril 2022. L’absentéisme continue également de décroître, pour s’établir, tous établissements confondus, à 9,5 %, contre 11,1 % en 2022, soit le niveau le plus bas observé depuis la covid-19.
Dans cette situation, bien sûr, la priorité doit être de soutenir la reconquête progressive de l’attractivité des métiers de la santé et de la fidélisation des professionnels. Les études en santé – médecine, pharmacie et formation en soins infirmiers – occupent le podium des formations les plus demandées par les lycéens sur Parcoursup en 2024. Il faut le souligner, ce sont des métiers qui attirent.
Afin de répondre aux besoins de santé de nos concitoyens, le Gouvernement a engagé des mesures fortes ces cinq dernières années pour accroître ses capacités de formation, mais aussi maintenir dans le système de santé les étudiants formés et les professionnels en exercice.
Ainsi, le nombre d’étudiants au sein des filières de médecine, d’odontologie, de soins infirmiers et d’aides-soignants a considérablement augmenté. La suppression du numerus clausus en 2021, remplacé par le numerus apertus, a conduit à une augmentation du nombre d’étudiants en médecine qui s’élève désormais à 11 000 chaque année, soit 26 % de plus que sur la période antérieure.
Pour l’odontologie, le nombre d’étudiants atteint 1 400 par an, soit une augmentation de 15 %. Pour les formations d’infirmiers et d’aides-soignants, le plan de relance du Gouvernement a permis la création de places supplémentaires, aboutissant à une augmentation des places offertes de plus de 20 % depuis 2019 dans les deux formations.
Cependant, il faut du temps pour que ces mesures montrent leurs effets, car la durée des formations médicales est longue. Il faudra attendre 2025, et surtout 2026, pour constater l’arrivée d’un flux plus important d’internes. Mais depuis septembre 2023, les premiers effets du plan de relance sur les formations en soins infirmiers se font sentir sur le système de santé.
Afin d’améliorer la réponse aux besoins de la population, la transformation des professions de santé et des pratiques de soins s’est accélérée durant ces dernières années. Cette dynamique va se poursuivre.
Cette transformation implique l’accès direct à de nouvelles professions de santé, mobilisant notamment les nouveaux métiers paramédicaux, ainsi que l’élargissement des compétences des professionnels de santé. Les protocoles de coopération, locaux et nationaux, bien qu’ils soient organisationnels, jouent un rôle essentiel dans ce cadre.
Nous devons repenser notre système de santé à partir des métiers et de leur évolution. C’est une nécessité.
La réforme de la formation et du métier d’infirmier en est un exemple. Le Premier ministre en a fait une priorité. Un projet de loi, en préparation depuis 2023, sera présenté au Parlement dans les prochains mois. Il vise à conforter ce métier qui a tant évolué depuis la dernière loi régissant cette profession, qui date de quelques années maintenant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les sujets que nous avons abordés ont une dimension très humaine : ils ont trait à l’avenir de la prise en charge de notre population. Les métiers et les organisations sont en pleine évolution, et nous devons apporter notre force collective pour accompagner ces transformations. Je sais que je peux compter sur vous pour cela. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe auteur de la demande.
Mme Céline Brulin, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vais pas conclure ce débat, même s’il s’agit de la formule consacrée, car des pistes et des chantiers méritent d’être ouverts à sa suite, me semble-t-il.
De manière quasi unanime, sur l’ensemble de ces travées, nous avons affirmé la nécessité d’un effort important quant à la formation des médecins, et plus globalement des soignants. Chacun de nous l’a dit à sa manière, il faut le souligner : au-delà du contexte politique, et alors que le Gouvernement est quotidiennement à la recherche de majorités, voilà une majorité qui s’exprime clairement en faveur d’un très grand effort de formation.
Je souligne, car, il y a encore quelque temps, sûrement en toute bonne foi, certains d’entre nous et certains de vos prédécesseurs, madame la ministre, pensaient qu’une meilleure organisation du système de santé suffirait. Bien sûr, il est possible d’améliorer celle-ci sur de nombreux points, par exemple en ce qui concerne le temps administratif, qui est trop important, ou l’exercice coordonné des soins.
Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’il faut lancer un effort de formation. Nous le reconnaissons, des pas ont été réalisés, notamment avec la fin du numerus clausus que je saluais dans mon introduction, mais ils ne sont pas au niveau de l’effort nécessaire.
Ce débat a aussi permis l’affirmation claire de ce que j’appelle « la démocratisation » des études en santé, même si cette expression n’est peut-être pas la plus pertinente. Il faut que les professionnels de santé soient issus de toute la société, de tous les territoires, pour justement exercer sur l’ensemble du territoire.
Or, on le voit bien, et certains ont mentionné des études très éloquentes à ce sujet, les jeunes qui entament des études de médecine sont toujours issus des mêmes catégories sociales. La réforme des études de santé avait justement pour but de faire entrer de nouveaux profils dans ces formations, mais on constate, là aussi, que l’effort n’est pas suffisant.
Madame la ministre, vous l’avez souligné à juste titre, les formations en santé figurent sur le podium des formations demandées sur Parcoursup. Il faut se saisir de l’appétence des jeunes pour ces formations, car il s’agit d’un vrai levier.
En revanche, madame la ministre, je suis en désaccord avec vous lorsque vous avancez que la situation dans laquelle nous nous trouvons est le fruit d’un impensé. Non ! C’est au contraire le fruit et la concrétisation de théories selon lesquelles diminuer le nombre de médecins et de professionnels de santé ferait baisser les dépenses de santé ! (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)
Nombre de vos prédécesseurs – je ne leur en fais pas grief – ont défendu cette position. Aujourd’hui, il faut l’affirmer avec force, c’est exactement le contraire qui se produit : cela coûte plus, et les dégâts tant sociaux que politiques sont incommensurables.
Mme Anne-Sophie Romagny. Bravo !
Mme Céline Brulin. Nous avons eu ces débats lors de l’examen de la loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, dite loi Valletoux, et nous les avons lors de l’examen de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale : la rapporteure générale concède qu’il faudrait former davantage de médecins, mais elle fait remarquer qu’il n’est pas possible de pousser les murs de nos universités. C’est pourtant précisément ce que nous devons faire !
En tant que décideurs publics, nous ne pouvons accepter que la politique de santé soit guidée par la taille actuelle des universités, le nombre de professeurs ou le nombre de terrains de stages. Si la puissance publique compte enclencher un grand effort de formation, cela suppose une traduction budgétaire. Madame la ministre, aux côtés du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, vous devez vous faire entendre à ce sujet – pour notre part, nous nous ferons entendre.
À juste titre, nous sommes tous partis de nos territoires, et le temps manque pour évoquer de nombreux autres problèmes relatifs par exemple à la médecine scolaire, aux soins palliatifs ou à la médecine du travail. Les choses y sont encore plus sinistrées que dans nos territoires, mais je tenais tout de même à les mentionner.
Nombre d’entre nous ont proposé des pistes qui méritent d’être creusées, par exemple pour permettre aux jeunes d’avoir un pied dans les études de santé dès le lycée. J’émets un bémol quant aux attentes portées sur les docteurs juniors, car on ne peut pas demander seulement aux jeunes d’aller dans les territoires les plus difficiles. C’est le fonctionnement qui est retenu dans l’éducation nationale, et l’on voit que cela ne se passe pas toujours très bien… Il faut aussi que les plus expérimentés se rendent dans les territoires les plus difficiles.
De nombreuses propositions ont été faites, y compris celles, récurrentes, qui visent à aller vers une régulation de l’installation : en effet, il faut former davantage de médecins, mais il faut également que ceux-ci exercent là où l’on a besoin d’eux. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur la nécessité de former davantage de médecins et soignants.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)