Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire :

Mme Marie-Pierre Richer.

1. Ouverture de la session

2. Procès-verbal

3. Décès d’anciens sénateurs

4. Conférence des présidents

5. Expression des groupes sur la situation politique à l’issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024

M. le président

M. Bruno Retailleau

M. Patrick Kanner

M. Hervé Marseille

M. François Patriat

Mme Cécile Cukierman

M. Claude Malhuret

Mme Maryse Carrère

M. Guillaume Gontard

M. Christopher Szczurek

6. Ajournement du Sénat

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire :

Mme Marie-Pierre Richer.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures trente.)

1

Ouverture de la session

M. le président. Mes chers collègues, aux termes du troisième alinéa de l’article 12 de la Constitution, à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, la nouvelle assemblée doit se réunir le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours.

Conformément à ces dispositions, j’ai convoqué le Sénat et je déclare ouverte la session tenue de droit en application de l’article 12 de la Constitution. Elle se tiendra jusqu’au jeudi 1er août inclus.

2

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du lundi 10 juin 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

3

Décès d’anciens sénateurs

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Jean-Paul Hammann, sénateur du Bas-Rhin de 1978 à 1981, puis de 1993 à 1995, et Gérard Dériot, sénateur de l’Allier de 1998 à 2020, qui fut questeur et qui, dans le cadre de cette fonction, a beaucoup apporté, permettez-moi de le rappeler, à la gestion de la Haute Assemblée.

4

Conférence des présidents

M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents s’est réunie tout à l’heure, en l’absence du Gouvernement, démissionnaire. Elle n’a donc pas fixé d’ordre du jour pour la session de droit. Elle a reporté au mois d’octobre prochain les deux espaces réservés aux groupes Union Centriste et Socialiste, Écologiste et Républicain, initialement prévus les 12 et 13 juin 2024. Elle a pris acte des demandes d’inscription de propositions de loi à l’ordre du jour des premières semaines sénatoriales de la session ordinaire formulées par les groupes Les Républicains et Union Centriste.

La conférence des présidents a procédé au tirage au sort de l’ordre de passage des groupes pour les espaces réservés de 2024-2025. Nous attendrons la désignation du nouveau gouvernement de plein exercice pour fixer le calendrier des semaines du premier trimestre de la session.

La conférence des présidents a acté la caducité des questions écrites et orales et, à titre exceptionnel et compte tenu de la situation, a prévu son application à l’entrée en fonction d’un gouvernement de plein exercice.

Si les circonstances exigeaient que notre assemblée se réunisse d’ici au 1er août, il va de soi que je convoquerais sans délai la conférence des présidents durant la session de droit et que vous en seriez avertis.

5

Expression des groupes sur la situation politique à l’issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024

M. le président. Mes chers collègues, compte tenu du contexte, la conférence des présidents a décidé d’organiser un temps d’expression des groupes sur la situation politique, en prévoyant l’intervention d’un orateur par groupe et d’un représentant des sénateurs n’appartenant à aucun groupe, dans l’ordre décroissant des effectifs des groupes, à raison du temps proportionnellement attribué à chaque groupe pour un débat de quarante-cinq minutes.

Avant de donner la parole aux présidents de groupe ou à leurs représentants, je voudrais rappeler que le Sénat, donc chacune et chacun d’entre nous, a une responsabilité particulière de préservation des institutions et de protection des libertés dans la période qui s’ouvre.

Je veillerai à ce que notre assemblée exerce ses prérogatives en toute indépendance et avec responsabilité, qu’il s’agisse de ses compétences en matière législative ou de ses pouvoirs de contrôle.

La parole est à M. Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, mes chers collègues, l’exercice auquel nous allons nous livrer cette après-midi témoigne d’un grand désordre : il n’y a pas de majorité à l’Assemblée nationale ; il n’y a pas de Premier ministre ; il n’y a pas de ministre au banc du Gouvernement, qui reste vide ; il y a seulement un gouvernement démissionnaire, qui est chargé d’expédier les affaires courantes. À mon sens, ce grand désordre est à l’image de la voie sans issue dans laquelle le président Macron a conduit le pays.

Cette impasse a deux origines : l’une tient au président, l’autre, profondément, au tripartisme.

Pour ce qui concerne la première cause, quelques mois après la première élection de M. Macron à la présidence de la République en 2017, j’avais écrit dans une tribune que le macronisme était non pas un hypercentrisme, mais un égocentrisme. (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER.)

Comment comprendre la dissolution en dehors de cette analyse ? Comment expliquer cette inexplicable décision sans tenir compte de cet élément ? Bien entendu, personne ne s’y attendait : le général de Gaulle disait qu’une dissolution était faite pour résoudre une crise, non pour en provoquer une…

Depuis lors, le Président de la République a adressé une lettre, en réalité non pas aux Français, mais aux partis politiques. Dans cette lettre, aucune leçon n’a été tirée des messages que les Français ont fait passer lors du premier tour des élections législatives, celui où l’on choisit son représentant, ou lors du second tour, celui où l’on élimine le candidat dont on ne veut pas.

Comme s’il n’avait pas voulu tenir compte du premier tour des élections, le Président de la République s’est réfugié dans une posture somme toute assez facile à l’occasion de l’entre-deux-tours, celle du grand ordonnateur du front républicain. Ce dernier cependant ne règle rien pour l’avenir, car un rejet n’est pas un projet.

Fort heureusement, les Français ont clairement indiqué qu’ils ne faisaient pas confiance au Rassemblement national pour gouverner la France.

Toutefois, mes chers collègues, on aurait tort de balayer d’un revers de main les angoisses et les attentes exprimées par des millions de Français, notamment au premier tour des élections législatives. Il y a d’ailleurs un paradoxe : ceux qui veulent lutter contre ce mouvement ne souhaitent pas lutter contre les raisons qui l’amènent à battre, élection après élection, de nouveaux records.

La seconde cause de l’impasse où nous nous trouvons, c’est le tripartisme, constitué par un bloc central et deux ailes radicales. Bien sûr, cette configuration est pratique pour se faire réélire. Je me souviens d’une belle phrase que François Furet avait écrite dans un article paru quelques mois avant sa mort : c’est un avantage sans nom que d’avoir « un allié objectif […] sous les traits d’un adversaire radical ». Évidemment, j’ajoute qu’il ne faut pas en abuser.

Le tripartisme est un poison, tant pour la démocratie, parce qu’il sous-entend qu’il n’y a d’autre alternance que radicale, que pour la Ve République, qui est conçue pour le fait majoritaire. En effet, lorsque le paysage politique est divisé en trois, il n’y a pas de majorité.

Aujourd’hui, il n’y a plus de majorité : la démocratie est comme placée en pause et la République est sous la pression de M. Mélenchon (Murmures sur les travées des groupes GEST et SER.), dont les affidés appellent à marcher sur Matignon et dont les supplétifs voudraient que l’on place aujourd’hui l’Assemblée nationale sous surveillance. (M. Thomas Dossus sexclame.) Est-ce acceptable ? Bien sûr que non !

Évidemment, le Président de la République reste la clé de voûte de nos institutions. Il doit désormais formuler des propositions pour sortir du chaos. Il détient les clés institutionnelles, au moins certaines d’entre elles.

Que peut-il faire ? Certainement pas nommer un Premier ministre issu des Insoumis, qui, je le répète à cette tribune, se sont par eux-mêmes retranchés de l’arc républicain,…

M. Thomas Dossus. C’est faux !

M. Bruno Retailleau. … en défendant un antisionisme qui est malheureusement parfois le masque peu convenable de l’antisémitisme ou en méprisant les institutions, notamment en prônant la « haine des flics » et la désobéissance civile, c’est-à-dire rien d’autre que l’appel à désobéir à la loi que nous votons !

M. Thomas Dossus. N’importe quoi !

M. Bruno Retailleau. Ils expriment également une fascination pour la violence, théorisée par Chantal Mouffe.

Mme Raymonde Poncet Monge. Vous l’avez lue ?

M. Bruno Retailleau. Je cite M. Mélenchon : « Il faut faire d’un peuple révolté un peuple révolutionnaire. » Or nous savons ce que donnent les révolutions : la guerre civile ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Mickaël Vallet. 1789, ce n’est pas 1793 !

M. Bruno Retailleau. Je ne confonds certainement pas 1789 et 1793 ! Pour moi, Robespierre n’est pas un héros : c’est un bourreau ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Par ailleurs, je ne confonds pas cette gauche-là avec la gauche républicaine qui siège au Sénat.

M. Bruno Retailleau. Je sais parfaitement que celle-ci a la République chevillée au corps.

M. Mickaël Vallet. Il fallait commencer par là ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Bruno Retailleau. Simplement, chers collègues, j’observe que le pacte que vous avez signé avec La France insoumise (LFI) est une sorte de Bad Godesberg inversé et qu’il est extrêmement radical pour la gauche française. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Si l’on retranche LFI de l’arc républicain, arithmétiquement, le bloc de gauche s’affaiblit et ne trouverait jamais une majorité à l’Assemblée nationale – telle est du moins ma conviction profonde.

Je ne crois pas à une grande coalition.

M. Akli Mellouli. Appelez Ciotti !

M. Bruno Retailleau. Une grande coalition, c’est le mariage des contraires, c’est la parousie du « en même temps ». Il me semble au contraire que c’est dans la clarté que nous devons travailler pour la France.

En revanche, dans ces moments, il faut en revenir aux grandes leçons de l’histoire. Quand la politique est affaiblie comme aujourd’hui et qu’elle se révèle incapable de tenir les rênes de l’État ou le destin des Français, il faut parfois sortir de la logique des partis.

Quelques évidences s’imposent. La première, c’est que selon la Constitution de la Ve République, la nomination du Premier ministre revient non pas aux partis, mais au Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

Deuxième évidence : j’ai proposé de décaler le point de vue. Plutôt que de choisir un profil parmi les partis politiques, il vaudrait sans doute mieux désigner une personnalité non seulement technique ou issue de la société civile, mais qui, par son aura et sa stature, ait le sens de l’État et connaisse bien ses rouages.

M. Thierry Cozic. Comme Robespierre ? (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Bruno Retailleau. J’ai proposé que cette personne ait fait autre chose qu’un bref passage dans l’administration et qu’elle ait l’intérêt général chevillé au corps. Les candidats ayant ce type de profil existent.

Enfin, il me semble que nous pourrions nous mettre d’accord, mes chers collègues, sur un agenda législatif, car il nous faut éviter le chaos pour la France, y compris en matière financière.

Le premier acte législatif, ce sera le budget. Or, en cas de crise financière, ce ne sont pas les plus riches qui souffrent le plus. Au contraire, en général, ce sont les plus modestes !

Il existe donc un passage. Il appartiendra au Président de la République de l’emprunter.

Troisième évidence, enfin : au milieu de ce champ de ruines se tient le Sénat. La Haute Assemblée est debout – nous pourrions aussi nous accorder sur ce point – et constitue un amer, un repère, un pôle de stabilité. Nous avons collectivement un rôle important à jouer, celui de la transparence.

Soyons, mes chers collègues, la chambre de la démocratie du grand jour et non celle de la démocratie des combinaisons d’arrière-couloir ou des manigances d’arrière-boutique. (Murmures sur les travées du groupe SER.)

Ayons cette exigence législative. Certes, les députés auront toujours le dernier mot, mais, faute de majorité à l’Assemblée nationale, le Sénat aura tout son rôle à jouer. C’est une évidence : l’Assemblée nationale pourra dire non, mais jamais elle ne pourra dire oui. Seul le Sénat dispose d’une majorité permettant de faire peut-être passer des textes.

Au milieu de cette agitation et de cette confusion, le Sénat dans son ensemble – nous tous, mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons – devra incarner ce qui manque peut-être actuellement le plus à notre pays : la force de l’équilibre, la puissance de la stabilité, mais aussi la voix de la raison, pour la République, pour la France et pour les Français ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, président du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, mes chers collègues, rappelez-vous : « Je ferai tout dans les cinq années qui viennent pour que les électeurs n’aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes. »

M. Christian Cambon. C’est du Hollande, ça ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Kanner. Telle était la promesse d’Emmanuel Macron, nouvellement élu Président de la République, au pied de la pyramide du Louvre, le 7 mai 2017.

Sept ans plus tard, le RN (Rassemblement national), ex-FN (Front national), est en tête des élections européennes, l’Assemblée nationale a été dissoute et le nombre de députés d’extrême droite a explosé, passant de 8 en 2017 à 89 en 2022, puis à plus de 140 aujourd’hui.

Outre une débâcle électorale pour le camp présidentiel, c’est un véritable chaos démocratique dans lequel nous avons été plongés le 9 juin dernier, par le caprice vengeur d’un homme vexé. Le « maître des horloges » est devenu un enfant roi qui a cassé son jouet, la République.

Rien d’étonnant, me direz-vous. C’est ce même Président de la République qui a voulu enjamber l’élection présidentielle en 2022 et escamoter les élections législatives qui ont suivi. C’est le même qui a brutalisé les institutions du pays et qui a voulu les contourner avec des gadgets improductifs : le fameux grand débat, les conventions citoyennes, le Conseil national de la refondation (CNR) ou encore les rencontres de Saint-Denis…

M. Max Brisson. Ça, c’est vrai !

M. Patrick Kanner. Tout cela au lieu de s’appuyer sur les outils normaux : le Parlement et le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Tout cela au lieu d’écouter le peuple qui souffrait et qui grondait. (M. Xavier Iacovelli proteste.)

Mes chers collègues, le climat anxiogène qui en découle est le terreau le plus fertile pour le Rassemblement national. Les dernières élections législatives nous ont appris que ce sont désormais 12 millions de nos concitoyens qui, de peur du déclassement, de la relégation et de l’isolement, votent pour l’extrême droite, et cela de plus en plus par adhésion, et par une adhésion assumée.

Ces peurs sont largement relayées par des canaux médiatiques qui n’ont plus rien d’indépendant : l’utilisation de médias à des fins de propagande électorale est flagrante, et ce glissement est évidemment très dangereux pour notre démocratie. Le Parlement devra se saisir de cette question, y compris peut-être en prenant en compte les conclusions de la commission d’enquête sénatoriale sur la concentration des médias en France.

Désormais, des millions d’électeurs sont convaincus que le RN est la seule solution de rechange. À force de ne vouloir débattre qu’avec le RN, le désavoué Emmanuel Macron a installé dans l’esprit des Français l’idée mortifère que le couple Le Pen-Bardella était le seul opposant efficace à sa politique.

À nous de montrer qu’une autre voie existe. Le front républicain a guidé notre action dès le lendemain du premier tour. Il a permis d’éviter le pire avec le soutien des deux tiers de nos concitoyens.

Nous, hommes et femmes de gauche, n’avons pas de leçon de pureté et de fréquentabilité républicaine à recevoir. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Laurent Duplomb. Oh que si !

M. Patrick Kanner. Aucune porosité avec l’extrême droite ne saurait, à nous, être reprochée. (Nouvelles protestations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Roger Karoutchi. Mais avec LFI, en revanche !

M. Rémy Pointereau. Quel donneur de leçons !

M. Patrick Kanner. Je tiens d’ailleurs à exprimer ma perplexité – c’est un euphémisme – à la suite des prises de position de plusieurs hautes autorités du groupe LR (Les Républicains) de cette assemblée, qui se sont exprimées ce matin encore – elles se reconnaîtront.

Si leur opposition au RN est certaine – je n’en doute pas –, elle n’a manifestement pas été assez convaincante pour emporter une expression digne de leur parti politique, afin de faire barrage.

Permettez-moi de vous rappeler, chers collègues, que 24 candidats LR – soit la moitié de votre groupe à l’Assemblée nationale – ont été élus contre le RN, pourtant favori à l’issue du premier tour, grâce au désistement républicain sans faille des candidats du Nouveau Front populaire ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

Toutefois, nous savons, je le crains, que ce barrage au RN s’inscrit dans un temps de sursis. Il nous faut donc formuler de nouvelles réponses sur l’insécurité sociale, territoriale et institutionnelle. C’est le choix qu’ont fait les Français en plaçant le Nouveau Front populaire en tête, un choix préférentiel tourné vers un message porteur d’espoirs, d’aspirations et d’idées empreintes de justice sociale et environnementale.

Mes chers collègues, il m’est insupportable de savoir que 7 millions de nos concitoyens ne mangent pas tous les jours à leur faim. Il m’est tout aussi insupportable de savoir que 2 millions de Français sont toujours en demande d’un logement social. Ce secteur est d’ailleurs sinistré et des centaines de milliers d’emplois sont aujourd’hui menacés.

Avec la même détermination, nous voulons l’abrogation de la réforme inique des retraites, la hausse des salaires, donc du pouvoir d’achat, l’accès aux soins pour tous, notamment en secteur rural, la réinstauration d’une police de proximité et le rééquilibrage d’une fiscalité injuste, qui grève le budget des ménages les plus modestes, mais préserve le patrimoine des plus aisés (M. Jean-François Husson sexclame.). Voilà des mesures concrètes que les Français réclament.

L’histoire ne retiendra pas ces élections comme une simple sanction envers la politique menée par Emmanuel Macron. Ces élections sont et resteront également révélatrices des limites de nos équilibres constitutionnels.

Est-il acceptable qu’un homme seul, fût-il Président de la République, puisse fragiliser nos institutions, y compris en jouant à la roulette russe la prise de pouvoir par l’extrême droite ? C’est pourtant un Président de la République élu par défaut, grâce à un front républicain qu’il a balayé d’un revers de main en 2017, qu’il a écarté d’un autre revers de main en 2022 et qu’il néglige en 2024.

Après avoir passé sept années à s’affranchir des contre-pouvoirs et à maltraiter les corps intermédiaires, Emmanuel Macron veut désormais contourner le choix du peuple et ne pas tirer les conséquences de la sanction que lui a infligée le pouvoir ultime, celui des urnes.

Emmanuel Macron a mis en exergue ce qui pouvait arriver de pire : oui, un homme seul a été capable de tordre la Constitution. C’est en cela que j’affirme que notre système est à bout de souffle. C’est à nous d’agir, à nous d’entendre la lassitude de nos concitoyens, d’incarner les améliorations à apporter à notre République et d’insuffler de nouvelles formes de gouvernance.

Mes chers collègues, il faudra réformer nos modes de scrutin, c’est indispensable. Il faudra rééquilibrer nos institutions, c’est inévitable. Il faudra indiquer un nouveau cap politique, c’est inéluctable. Il y va de l’avenir du pays.

Cet autre chemin pour réparer une société fracturée est possible. C’est celui que nous voulons pour les Français : un chemin d’apaisement, d’autorité, de justice et de démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, président du groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Hervé Marseille. Monsieur le président, mes chers collègues, le 7 juillet au soir, j’en ai entendu certains dire que le Nouveau Front populaire était majoritaire.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est arrivé le premier !

M. Hervé Marseille. Je n’ai pas la même lecture des résultats. Au demeurant, l’élection au perchoir de l’Assemblée nationale, ce soir, nous éclairera sur le sujet…

J’en ai entendu d’autres dire que l’exécutif qui gouverne depuis 2017 serait fautif de tout, puisqu’il a dissous.

Certes, mais il a tout de même eu le bon goût de ne pas proposer de candidats face à 60 candidats de la droite et du centre ! Ceux-ci ont donc bénéficié, cela a déjà été rappelé, des voix de gauche au second tour, et vice-versa, le désistement des candidats de la droite et du centre ayant également permis l’élection de députés de gauche dans le cadre de l’arc républicain. C’est dire que les résultats doivent être étudiés avec une certaine retenue et beaucoup de modestie.

La dissolution a eu lieu. Les Français ont voté. Et, pour la première fois depuis 1962, ils n’ont pas désigné de majorité à l’Assemblée nationale, même relative. Dès lors, nous devons nous poser deux questions bien précises : qui peut gouverner ? Pour quoi faire ?

Qui peut gouverner ?

Tout d’abord, nous devons trouver une majorité de gestion au sein de l’Assemblée nationale qui soit la plus homogène possible. Rien qu’en matière de politique étrangère, le Gouvernement doit pouvoir parler d’une seule voix. Que dirons-nous demain sur l’Ukraine, sur Israël ou encore sur le nucléaire ? Un gouvernement suppose une certaine affectio societatis entre ses membres, ce qui invalide d’emblée La France insoumise (LFI), qui est en porte-à-faux avec ses propres alliés sur nombre de sujets.

Ensuite, parmi toutes les forces composant la nouvelle Assemblée nationale, peu sont enclines à donner des postes de responsabilité gouvernementale aux extrêmes. La plupart partagent l’attachement aux valeurs républicaines et à l’Union européenne. Collectivement, elles peuvent rassembler tous ceux qui refusent un gouvernement comportant des extrêmes.

Les forces de l’arc républicain rassemblent les partis traditionnels de gouvernement. Or un parti de gouvernement, à ma connaissance, c’est fait pour gouverner !

Tout pointe donc vers l’élaboration d’un ensemble assez large pour constituer une solution de rechange à un Nouveau Front populaire dominé par LFI. Il s’agirait d’une coalition allant des Républicains aux sociaux-démocrates.

L’avenir de notre pays se joue plus que jamais autour du bloc central, en opposition aux extrêmes.

Le problème, c’est que la culture politique française est peu habituée à cet exercice. Pourtant, il y a eu au moins un précédent fameux, celui de Waldeck-Rousseau, qui constitua en 1899 un gouvernement de défense républicaine dans le contexte de l’affaire Dreyfus.

Ce gouvernement rassemblait des modérés, des radicaux et des libéraux. C’est à lui que nous devons l’installation définitive de la République dans notre pays. Nous sommes aujourd’hui dans une situation comparable.

Il n’y a pas d’autre issue qu’une coalition de défense républicaine pour traiter urgemment les maux dont souffre notre société. Ce qui conduit naturellement à la seconde question : gouverner pour quoi faire ?

Les extrêmes n’apportent aucune solution. Les propositions les plus structurantes avancées par le RN, soit sont inconstitutionnelles, soit relèvent de l’Europe. Le programme du Nouveau Front populaire, quant à lui, est mortifère pour notre économie.

La crise politique actuelle impose un constat institutionnel : nous devons absolument repenser le mode de scrutin.

Le scrutin majoritaire est robuste, mais c’est lui qui nous a aujourd’hui conduits à l’impasse. Il empêche les évolutions et n’est plus adapté à l’époque. Il faut passer, ne serait-ce que partiellement, à la proportionnelle (M. Roger Karoutchi manifeste son scepticisme.), conjuguée à un retour réfléchi du cumul des mandats. C’est indispensable.

M. Rachid Temal. Très bien !

M. Hervé Marseille. Enfin, les sujets qui préoccupent le plus nos concitoyens sont connus. En allant massivement aux urnes, ils ont prouvé qu’ils attendaient encore beaucoup du politique pour les traiter.

Je pense au pouvoir d’achat et au logement, bien sûr. Je pense également à l’accès aux services publics ou à la santé. Enfin, les Français ne supportent plus l’impuissance de l’État. Il y a des sujets pour lesquels on ne peut plus tergiverser.

C’est le cas de l’immigration irrégulière, de la laïcité et de la sécurité, en particulier la violence des mineurs. Il faudra avoir le courage de prendre des mesures pour apporter une réponse pénale plus rapide.

Idem concernant les finances publiques et la dette. La Cour des comptes l’a encore rappelé lundi : les comptes publics sont très dégradés. On ne retrouvera vraisemblablement pas le chemin de l’équilibre sans à la fois réaliser des économies et trouver de nouvelles ressources. Ne pas le dire, ne pas le relever, c’est mentir !

N’oublions pas non plus la Nouvelle-Calédonie et Mayotte, laissées seules face à elles-mêmes en ce moment, dans de terribles souffrances.

Sur l’ensemble de ces sujets, nous avons une obligation de résultat. Nous ne pouvons pas échouer, car, dans ce cas-là, je ne donne malheureusement pas cher de notre avenir. Si nous ne nous montrons pas à la hauteur de l’enjeu, nos lendemains seront très difficiles.

Notre responsabilité est d’éviter que la crise politique ouverte par la dissolution ne nous condamne à l’instabilité et à l’immobilisme. Dans cette perspective, nous ne pouvons que miser sur le Parlement.

En 2022, avec une majorité relative, nous avons redécouvert qu’il était non seulement possible, mais même nécessaire de se parler, de s’écouter, de négocier et de faire des compromis pour adopter des textes. Ici, au Sénat, nous savons faire cela !

Aujourd’hui, il nous faut aller plus loin et déployer plus que nous ne l’avons jamais fait des trésors de pragmatisme et d’esprit de consensus. Il nous faut expérimenter un système dans lequel le Parlement revient au cœur de la vie politique du pays. Nous devrons être véritablement moteurs, force d’initiative et de proposition.

L’intérêt du pays exige cet effort autant que l’opinion publique, qui n’acceptera pas longtemps les palinodies, les postures ou les atermoiements.

Se rassembler pour former ou soutenir un gouvernement, c’est le commencement du dépassement et, je l’espère, le gage de l’efficacité. Face à la complexité des problèmes à affronter, le rassemblement, c’est ne plus avoir de certitudes péremptoires, d’emportements idéologiques ou de vérités uniques.

Plus que jamais, le Sénat va s’affirmer comme la pierre angulaire du dispositif parlementaire : nous pourrons peser – et nous pèserons ! –, notamment dans les commissions mixtes paritaires.

Il va falloir momentanément oublier les intérêts personnels et partisans pour accepter une plateforme minimale dans l’intérêt du pays. C’est un comportement qui est courant en Europe et qui respecte les citoyens. Comme l’a dit à l’instant notre président, nous avons à cet égard une immense responsabilité.

Je terminerai sur une note d’espoir en souhaitant à nos athlètes qui s’apprêtent à entrer en compétition de s’y distinguer, pour ressusciter le souffle de notre nation. Que les valeurs du sport nous inspirent, avec honneur et dignité ! Et vive le sport ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – Mme Frédérique Espagnac et M. Jean-François Husson applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat, président du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. François Patriat. Monsieur le président, mes chers collègues, du fait de sa configuration et en l’absence des extrêmes en son sein, le Sénat est appelé à jouer un rôle éminent.

Nous vivons une situation inédite : par leur vote, les Français se sont prononcés pour trois blocs, dont deux extrêmes aux politiques inapplicables. C’est ce tripartisme qui redonne aujourd’hui la parole au Parlement. Vous ne devriez pas vous en plaindre, d’ailleurs, mes chers collègues.

C’est un revers pour la majorité sortante. Nous en prenons acte. (MM. Mickaël Vallet et Rachid Temal ironisent.)

Pour autant, ce n’est une victoire pour personne. D’une part, les Français ont refusé le national-populisme, d’autre part, malgré ses affirmations, le Nouveau Front populaire n’a pas gagné : c’est le front républicain qui a gagné.

M. Yannick Jadot. Comme en 2022 !

M. François Patriat. Avec plus de 10 millions de voix en sa faveur, le Rassemblement national reste aux portes du pouvoir, tandis que, pour certains d’entre nous, le pilonnage permanent du chef de l’État fait office d’unique programme politique.

Par leur vote, les Français nous ont demandé de faire émerger une culture du compromis et de changer de modèle. L’heure est donc au dialogue, à la responsabilité, à l’apaisement et au dépassement.

Si certains préfèrent exploiter le chaos, les responsables politiques de l’arc républicain, dont vous faites partie, mes chers collègues, ont l’obligation de dépasser les dogmes pour parler, non pas entre nous et seulement de personnes, mais à la France et aux Français. Le mal est profond. La réponse doit être à la hauteur.

Les politiques responsables ne doivent pas être tétanisés par la perspective de l’élection présidentielle au point de refuser d’assumer, dès à présent, leurs responsabilités.

La guerre fait rage en Europe, le risque terroriste plane toujours, les problèmes d’insécurité, de pouvoir d’achat et d’accès aux services publics demeurent au premier rang des préoccupations des Français. Avec la hausse des taux d’intérêt, la crise financière est à nos portes et le déclassement qui en résulterait serait un désastre, en particulier pour les plus défavorisés.

La réponse politique doit être forte. Notre pays a besoin d’un programme d’action axé autour de trois priorités : préserver nos acquis économiques, accentuer la réponse régalienne et lutter pour plus de justice sociale.

Ces priorités sont portées par l’ensemble des groupes politiques du Sénat, et je reste convaincu que les députés de l’arc républicain partagent ce diagnostic.

En travaillant ensemble, en associant les partenaires sociaux et les forces vives économiques, sociales et culturelles, notre pays peut dessiner une ambition nationale.

Cette ambition nationale pourrait se traduire dans un programme de gouvernement et d’action qui ne laisserait aucun territoire de côté, des campagnes de l’Hexagone aux territoires ultramarins, pour lesquels nous formulons des propositions. (Mme Pascale Gruny sexclame.)

M. Mickaël Vallet. Pour les plus riches !

M. François Patriat. Tout d’abord, nous proposons de maintenir les économies budgétaires nécessaires lors du vote du prochain budget et de poursuivre la stabilité fiscale et réglementaire, afin de préserver notre attractivité économique.

Ensuite, pour que la justice sociale avance, il faut que le travail paie davantage. Ainsi, nous proposons de relever le plafond de la prime Macron et de simplifier les charges pour les salaires au-dessus du Smic, afin d’inciter les entreprises à mieux payer leurs salariés.

Par ailleurs, nous proposons de réduire de 15 % les factures d’électricité et de poursuivre un investissement massif dans notre parc nucléaire, pour garantir aux générations futures une énergie décarbonée et abordable. (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe GEST.) La transition énergétique ne doit pas se faire au détriment du porte-monnaie des Français.

Nos concitoyens attendent également que l’école républicaine restaure son rôle de premier levier d’émancipation. C’est pourquoi nous proposons de renforcer les enseignements sur les valeurs de la République et de réformer en profondeur la formation des enseignants.

Tout cela ne sera d’ailleurs utile que si l’on protège le cerveau de nos enfants pendant leur développement, en luttant contre l’addiction aux écrans.

Enfin, les Français attendent une réponse régalienne forte : nous proposons de poursuivre l’expulsion des étrangers délinquants et radicalisés, d’instaurer l’impunité zéro et de revoir l’excuse de minorité pour les jeunes délinquants, afin de lutter contre la récidive.

Ainsi, mes chers collègues, sans renier ce que nous sommes, nous devons réussir un large rassemblement, sans lequel nous nous verrons tous, demain, reprocher d’avoir abandonné la France au chant des sirènes populistes et des extrêmes.

Je fais mienne la formule du Président de la République, qui nous invite à placer le pays « au-dessus des partis et la Nation au-dessus des ambitions ». « Ce que les Français ont choisi par les urnes, les forces politiques doivent le concrétiser par leurs actes », a-t-il ajouté.

Profitons de ce séisme politique pour bâtir un large rassemblement. J’appelle la gauche responsable et sociale-démocrate, les centristes, la droite républicaine et plus largement tous ceux qui portent les valeurs humanistes et universalistes et qui veulent protéger notre démocratie à œuvrer ensemble, pour bâtir une alliance protectrice de la République.

Face à la montée des populismes, nous pouvons encore construire un avenir désirable pour les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Isabelle Florennes et M. Loïc Hervé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, présidente du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Émilienne Poumirol et M. Éric Kerrouche applaudissent également.)

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, mes chers collègues, le débat de ce jour revêt un caractère exceptionnel, presque surnaturel.

Nous débattons de l’avenir de notre pays en l’absence des représentants du Gouvernement. Et pour cause : ils siègent actuellement en tant que députés dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale ! Notons d’emblée que le principe de la séparation des pouvoirs est bafoué.

De l’élection à la présidence de l’Assemblée nationale découleront une majorité politique et, certainement, la couleur politique du futur gouvernement. Se joue également ce jour la présidence de la Commission européenne, au sein d’une Union marquée par la montée de l’extrême droite.

Le caractère exceptionnel de la situation ne peut cependant m’empêcher de le souligner : au cours de ce débat, le groupe communiste disposera d’un temps de parole qui est inférieur à celui qui lui a été attribué pour expliquer son vote sur la proposition de loi rendant obligatoires les « tests PME » et qui est supérieur d’une minute seulement à celui dont disposent les non-inscrits. (M. Xavier Iacovelli sexclame.) Si nous voulons qu’il joue pleinement son rôle, le Sénat doit être un lieu de débat et de pluralisme.

Depuis plusieurs semaines, et certainement pour plusieurs semaines encore, nous vivons allègrement un contournement, voire un piétinement du droit et des institutions de notre pays par le Président de la République lui-même. Ce dernier ne les respecte ni ne les assume.

En prononçant le dimanche 9 juin dernier la dissolution de l’Assemblée nationale, il n’a rien réglé, rien clarifié. Il a plongé un peu plus encore notre République dans un blocage dont lui seul est le responsable.

De fait, en s’abstenant de nommer un nouveau gouvernement et en maintenant contre vents et marées un gouvernement démissionnaire sans responsabilité, il met entre parenthèses le Parlement et sa capacité à faire la loi, ainsi qu’à contrôler l’action du Gouvernement, voire à le censurer. Il s’offre ainsi de fait les pleins pouvoirs pendant près de trois mois, sans même recourir à l’article 16 de la Constitution.

Nos institutions sont à bout de souffle : elles ne répondent pas à la crise politique que nous traversons ; elles ne nous en protègent pas.

Nos compatriotes ont pourtant exprimé une claire volonté de changement : les derniers scrutins ont marqué un rejet sans équivoque de la politique menée par Emmanuel Macron, son gouvernement et sa majorité relative. Il serait pour notre pays démocratiquement insupportable de continuer comme si de rien n’était, ou presque.

La question de la préparation du budget est cruciale. Qui le préparera et pour quelle politique ?

Mes chers collègues, pensez-vous un seul instant que les Français veulent poursuivre l’austérité, la baisse du pouvoir d’achat et la casse des services publics, en ruralité comme en ville ? Pensez-vous qu’ils ne veulent pas assurer la gratuité à l’école ou l’accès aux soins pour tous ?

Or je mets au défi quiconque de m’expliquer que le dogme libéral peut répondre à ces enjeux comme à ces exigences.

La situation de chaos politique que nous connaissons est bien entendu le résultat de choix économiques et sociaux inefficaces, injustes et dangereux.

Ouvrons les yeux ensemble : l’urgence climatique et sociale demeure ! La planète brûle. Les Français ne peuvent plus vivre dignement de leur travail à cause des salaires trop bas, des prix de l’énergie trop élevés et des prix des denrées alimentaires qui explosent. Cet été, quelque 40 % des Français ne partiront pas en vacances.

Nos collectivités territoriales sont mises sous pression et ne peuvent plus répondre aux besoins locaux de leur population.

Nul ne sait comment se terminera l’histoire, mais je veux dire aux Français comme au peuple de gauche que nous demeurons comme toujours à leurs côtés, actifs, pour défendre la valeur travail et la juste répartition du fruit de leur labeur, pour faire vivre la solidarité par la défense et le développement des services publics, pour toutes et pour tous, dans tous les territoires de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Isabelle Florennes et M. Bernard Fialaire applaudissent également.)

M. Yannick Jadot. Il va nous dire un mot de Mélenchon ! (Sourires sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, mes chers collègues, qui aurait pu imaginer une campagne électorale aussi rocambolesque ?

Une majorité présidentielle suppliant le Président de se tenir à l’écart, un Nouveau Front populaire terrifié à chaque prise de parole de son dirigeant le plus médiatique (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.),…

M. Mickaël Vallet. Ce n’est pas faux !

M. Claude Malhuret. … des Républicains en guerre contre leur chef barricadé dans ses locaux après les avoir enfermés dehors… (Rires.)

Le spectacle continue. Depuis dix jours, la gauche en principe unie somme le Président de la République de lui livrer séance tenante les clés de Matignon, sans parvenir à s’accorder pour lui proposer un seul nom.

Tout aussi ahurissants, mais plus inquiétants – Bruno Retailleau y a fait allusion –, sont les appels de l’extrême gauche à marcher sur Matignon et ceux d’une CGT « LFIsée » à se rassembler devant l’Assemblée nationale pour « la mettre sous surveillance ».

Je pose la question avec gravité : que signifie dans une démocratie la mise sous surveillance de l’Assemblée nationale par une foule attroupée devant ses murs ? La dernière fois que c’est arrivé, en France, c’était le 6 février 1934, et aux États-Unis, le 6 janvier 2021. On connaît le résultat.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Ce sont des factieux !

M. Mickaël Vallet. Et les syndicats de policiers ?

M. Claude Malhuret. J’en viens au fond. Pour la première fois sous la Ve République, nous sommes dans une impasse digne de la IVe.

Notre devoir est de faire en sorte que cette impasse soit temporaire. Et cela ne sera pas facile. Tout d’abord, parce que la Ve République nous a habitués à nommer ses gouvernements en un instant, si bien qu’une situation banale chez nos voisins apparaît chez nous comme angoissante.

Ensuite, parce que, comme ailleurs, cette situation peut durer. Il faut du temps pour se parler et faire des compromis. Ces derniers seront qualifiés de compromissions par tous les extrémistes et autres virtuoses des réseaux antisociaux, qui ne manqueront pas de confirmer leur rôle de plaie démocratique auprès d’une population qu’ils ont déjà largement contribué à rendre antiparlementaire et défiante.

Enfin, la perspective de l’élection présidentielle n’incite personne, une fois n’est pas coutume, à rejoindre un gouvernement qui sera fragile à l’Assemblée nationale et impopulaire du fait des contraintes de la dette et des décisions difficiles que celle-ci impose.

Parmi les trois blocs, le Rassemblement national, en forte progression, ne peut gouverner faute d’alliés. De toute façon, il ne le souhaite pas : il attend son heure.

La gauche est piégée par le Nouveau Front populaire, qui lui a permis de sauver ses sièges, mais qui l’a livrée à sa frange la plus radicale (Mme Laurence Rossignol sexclame.), dont le but est non pas de gouverner, mais de rendre le pays ingouvernable.

La stratégie du chaos à l’Assemblée nationale comme dans la rue se poursuivra, pour permettre au sous-commandant Marcos de la Canebière, de plus en plus suffisant, mais de moins en moins nécessaire (Rires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.), de figurer au second tour de l’élection présidentielle de 2027.

Son objectif immédiat est d’étouffer dans l’œuf toute hypothèse d’un Premier ministre issu des rangs de ses alliés. Si je puis me permettre un conseil à ces derniers : dans l’intérêt de la France comme dans le vôtre, chers collègues, échappez-vous du syndrome de Stockholm qu’est devenu le NFP !

Mme Laurence Rossignol. Nous saurons nous débrouiller seuls !

M. Claude Malhuret. Vous méritez mieux que d’être traités de « punaises de lit » ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

Pas de Front national, pas de Front populaire : la seule hypothèse possible est celle du front républicain. Elle suppose, comme chez nos voisins, mais à rebours des traditions françaises, l’alliance de tous les démocrates, depuis la droite républicaine jusqu’à la gauche de gouvernement.

Elle sera difficile, lente, incertaine et provisoire. Elle suppose que des gens qui ont l’habitude de se combattre apprennent à se parler, qu’ils résistent dans chaque camp aux extrêmes quand ces derniers crieront à la trahison et qu’ils aient le courage de s’en séparer.

Elle suppose, enfin, qu’ils acceptent la tâche ingrate de se contenter de stabiliser un pays pour l’heure sans boussole, autour de mesures qui peuvent rassembler.

Contrairement à ce que nous pouvions redouter, l’annonce d’un pacte d’action législative – des discussions commencent – montre que le pire n’est jamais certain et que la sagesse a quelques chances de l’emporter. Cette perspective n’est pour le moment qu’un espoir ténu, une éventualité qui peut s’effondrer à la moindre bourrasque politique. Cependant, c’est la seule qui ait aujourd’hui une chance de se réaliser.

Je ne doute pas qu’une majorité de notre assemblée défende le choix de la sagesse dans ce moment difficile. Notre groupe ne ménagera pas ses efforts pour y parvenir. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Louis Vogel. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, présidente du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, mes chers collègues, depuis le second tour des élections législatives, nous sommes face à une situation inédite, sur les plans institutionnel et politique. Le scrutin proportionnel n’aurait pas fait mieux : le fait majoritaire s’est évanoui, pour laisser place à une assemblée tripartite.

Le Nouveau Front populaire est arrivé en tête, mais pas suffisamment pour occuper rapidement le pouvoir. Le groupe Renaissance a chuté, mais d’aucuns diraient qu’il n’a pas baissé suffisamment pour perdre le pouvoir. Quant au RN, il a fortement progressé, mais, heureusement, pas assez pour conquérir le pouvoir.

Pour le moment, faute de majorité claire, c’est la confusion qui prévaut. Depuis lundi, la continuité des services de l’État est assurée par un gouvernement démissionnaire.

En attendant, quelles leçons en tirer ?

La première, c’est que, si l’effet collatéral du front républicain a été la constitution de trois blocs, ce front a avant tout permis d’éviter le pire, à savoir la possible arrivée de l’extrême droite à Matignon – demain, il faudra s’en souvenir. Les membres du groupe RDSE se sont tous mobilisés pour que cela n’arrive pas !

Nous nous réjouissons de la mobilisation de tous ceux qui ont permis à la France de rester fidèle à ses valeurs de solidarité et de fraternité. Dans les moments difficiles, notre démocratie s’est montrée bien vivante.

C’était aussi une nécessité vis-à-vis de l’Union européenne, qui compte toujours sur la France pour jouer un rôle moteur, et réciproquement.

Le second enseignement, c’est que nous gagnerions, en politique, à préférer le temps long à l’immédiateté. L’avenir de notre pays mérite que le temps politique reprenne ses droits sur le temps médiatique.

Il en va un peu ainsi, par la force des choses : au sein du NFP, l’absence de consensus sur le Premier ministre idéal aura eu raison des injonctions adressées par La France insoumise à l’ancienne majorité de quitter le pouvoir dès le lendemain du second tour. Mettre à profit ce temps long sera nécessaire si nous voulons nous départir de tout sectarisme et regarder la réalité en face.

Les trois précédentes dissolutions avaient appris à cohabiter ; aujourd’hui, il s’agit d’apprendre à coaliser. Il est vrai que cela reste un peu étranger à la culture politique française…

Nous, membres du RDSE, savons ce que cela signifie de se retrouver autour de grands projets quand ils nous semblent aller dans le sens de l’intérêt général ou des valeurs républicaines inscrites au cœur de la charte de notre groupe.

Bien entendu, la culture du compromis suppose que soit dépassé le culte du chef, tout comme l’horizon qui l’entretient, celui de l’élection présidentielle, l’un et l’autre peu propices aux accords de gouvernement. C’est d’ailleurs dans cet esprit que le groupe RDSE a souvent défendu le mandat présidentiel de sept ans non renouvelable.

Dans ce contexte, quelle place le Sénat occupera-t-il ? Dans la perspective d’une activité législative ralentie, notre institution se doit plus que jamais de jouer à plein son rôle de gardienne des institutions, ainsi que de contrôleuse des politiques publiques et de leur évaluation.

Cependant, notre assemblée ne devra pas être à contre-courant des messages envoyés aujourd’hui par la majorité des électeurs. La majorité sénatoriale ne devra pas se perdre dans des mesures sociétales conservatrices, quand il y a tant à faire sur le plan social. Le Sénat devra être ouvert à une fiscalité plus juste et redistributive, ce qui supposera de lever les tabous sur la contribution inéluctable des plus fortunés.

Nous ne pourrons éluder la question de la sécurité, au risque d’abandonner ce domaine à l’extrême droite, sans pour autant traiter la question sous l’angle des discriminations et des atteintes aux libertés publiques. Il nous faudra aussi poursuivre notre travail transpartisan en faveur des collectivités locales, des services publics, de l’école, de la santé et du logement, des sujets sur lesquels nous sommes le plus souvent à l’unisson.

En somme, mes chers collègues, il nous revient de sortir de nos habitudes et de prendre exemple sur nos amis belges, allemands et espagnols, rompus à l’exercice des grandes coalitions.

Le sursaut du second tour nous a accordé un sursis que nous devons mettre à profit, pour que la France renoue avec la promesse républicaine d’une égalité des chances et d’une vie meilleure, où que l’on vive ou d’où que l’on vienne.

Ayons quotidiennement à l’esprit cette responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, président du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, mes chers collègues, à l’heure où nous parlons, la France n’a pas encore de gouvernement et le scénario découlant du verdict historique des élections législatives anticipées reste à écrire.

J’ai deux certitudes : à la tête d’un front républicain retrouvé, le projet du Nouveau Front populaire a séduit une majorité de nos compatriotes et le Parlement va retrouver toute sa place. Ces résultats nous obligent.

Les oratrices et orateurs précédents l’ont souligné : la lecture des résultats du scrutin peut se faire à plusieurs niveaux. Néanmoins, deux éléments irréfutables ressortent.

Tout d’abord, la défaite est sans appel pour le Président de la République, qui voit ainsi son bilan de casse sociale, de casse territoriale et d’inaction écologique justement sanctionné.

M. François Patriat. Tout en nuances…

M. Guillaume Gontard. Ensuite, par une mobilisation populaire et électorale historique, nos compatriotes ont largement rejeté la possibilité de voir l’extrême droite gouverner notre pays. Je m’en félicite.

Je salue l’esprit de responsabilité de toutes celles et de tous ceux qui ont appelé au barrage républicain ou qui se sont désistés pour le faire advenir.

Quel contraste avec l’attitude irresponsable des Républicains, qui ont refusé les désistements et les appels au barrage et ont ainsi rendu possible, au cours de triangulaires, l’élection d’une demi-douzaine de députés d’extrême droite !

Je vous en donnerai un exemple tristement symbolique, celui de la quatrième circonscription de la Drôme, où nous célébrions ces derniers jours le quatre-vingtième anniversaire des combats du Vercors contre la barbarie nazie.

Le président Retailleau déclarait le 8 juillet dernier que « la marque Les Républicains » était « morte ». Je le confirme ! Chers collègues, vous ne pouvez plus, en aucune façon, vous réclamer de la défense de la République (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), que vous avez choisi d’abandonner alors que l’extrême droite était aux portes du pouvoir.

M. Max Brisson. Vous dites n’importe quoi !

M. Bruno Retailleau. Et l’extrême gauche ?

M. Guillaume Gontard. Le front républicain, dont, au passage, vous avez largement bénéficié, a été bien plus fort que votre manque de courage. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Et vous, vous pactisez avec l’extrême gauche !

M. Max Brisson. Vous êtes mal placés pour parler de courage !

M. Guillaume Gontard. Nous demandons à maintenir ce front républicain à l’Assemblée nationale, à l’instar de ce qui se passe au Parlement européen, en excluant l’extrême droite des postes à responsabilité. Nous verrons ce qu’il en sera.

Le front républicain a abouti à une tripartition de l’Assemblée nationale. Le Nouveau Front populaire, en tête, a su, grâce à une mobilisation massive de la société civile, donner de l’espoir et une solution de rechange au péril que représente l’extrême droite. Charge à nous de proposer un gouvernement pour la France (M. Loïc Hervé proteste.) et de construire demain les compromis nécessaires à la mise en œuvre de notre programme.

En effet, gouverner dans un régime parlementaire sans majorité absolue exige nécessairement de construire des compromis démocratiques et de fixer des priorités, sans se renier, bien au contraire. Je ne doute pas que nous y parviendrons, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, pour prendre d’indispensables mesures de justice sociale et fiscale, d’urgence climatique, de revitalisation de nos services publics, de soutien à nos collectivités locales et de respiration démocratique.

Après des décennies de fait majoritaire, conférant au pouvoir exécutif une primauté nocive qui menace la séparation même des pouvoirs, la France retrouve le régime parlementaire sans majorité absolue, pour la première fois depuis la fin de la IVe République.

Devant un tel retour du fait démocratique, nous devons réapprendre collectivement, que nous soyons responsables politiques, acteurs des médias ou citoyens, la patience qu’exige le régime parlementaire.

Un programme de coalition est négocié pendant plusieurs mois en Allemagne. En Espagne, l’actuel gouvernement minoritaire a mis plusieurs semaines à s’installer. Loin d’être inquiets, les écologistes voient dans le retour du fait parlementaire une source d’optimisme.

Toutefois, aucun régime parlementaire ne saurait fonctionner de manière satisfaisante sans une élection de l’Assemblée nationale à la proportionnelle. Ce mode de scrutin à la fois offre une plus juste représentation des forces politiques, apaise le débat public et pose les bases de plateformes programmatiques.

Il est temps de permettre aux Françaises et aux Français de voter pour leurs convictions et non contre l’extrême droite. Tel est le sens de la proposition de loi visant à instaurer la proportionnelle régionale aux élections législatives que vient de déposer notre collègue Mélanie Vogel.

Alors que la menace de l’extrême droite est, hélas ! toujours bien présente, nous ne ferons pas l’économie d’une profonde réflexion sur le fonctionnement de notre démocratie, dont les règles constitutionnelles ont encore été bafouées cet après-midi par les ministres-députés.

Déverrouillons notre République, grâce à la proportionnelle, à la démocratie sociale et à la décentralisation. (Marques dimpatience sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Ce besoin de revitaliser notre démocratie est à la hauteur des menaces qui pèsent sur elle.

Nous n’aurons pas de seconde chance : soyons collectivement responsables ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, délégué de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Christopher Szczurek. « Je leur ai lancé une grenade dégoupillée dans les jambes. » C’est par ces mots goguenards et injurieux, monsieur le président, mes chers collègues, que le Président de la République aurait présenté, avec le mélange de cynisme et de grossièreté qui le caractérise, cette dissolution de l’Assemblée nationale qui a reporté nos travaux.

Il ignorait peut-être que sa grenade était à fragmentation et qu’elle n’épargnerait personne…

Nous sommes en effet face à des fragments, à commencer par ceux d’une gauche républicaine devenue otage d’une gauche extrême, qui entend lui dire comment se comporter, comment gouverner et presque comment être de gauche.

Victime consentante, la gauche modérée française, pour tenter de survivre, a donc accepté l’alliance du pire, et le Nouveau Front populaire, vendu comme un Disneyland social et écologique, n’est déjà plus qu’un conglomérat de chapelles.

D’ores et déjà, les belles promesses électorales se sont évaporées, pour ne laisser place qu’à l’habituelle tambouille et à la dérive « gouroutisante » des Insoumis, qui, s’ils veulent faire croire à leur radicalité et à leur intransigeance, sont surtout les grands sauveurs du camp présidentiel et d’une réforme des retraites qu’ils ont permise en 2022 pour feindre de s’y opposer ensuite. Loin de lutter contre ce gouvernement, la gauche en est tristement devenue la béquille !

Puis, restent les fragments de la droite : quelques dizaines de circonscriptions ont été sauvées par les baronnies locales, où le concours encore une fois étonnant des voix de l’extrême gauche lui a permis de surseoir à sa disparition électorale de l’Assemblée nationale. Chers collègues, avec tout le respect que je vous dois, être majoritaires au Sénat, c’est sans doute très confortable, mais cela ne doit pas vous faire oublier une certaine réalité !

Se complaire dans le rôle de droite de gouvernement, alors que l’on n’a pas gouverné depuis plus de douze ans et que cela n’est pas près de se reproduire, c’est refuser de voir l’inéluctable : le conformisme, l’hygiénisme partisan et les certitudes de classe sont ce qui vous empêche de renouer avec le pouvoir. Vous vous condamnez, chers collègues, à l’aphonie, non par peur de la compromission morale, mais par esprit de caste, et le peuple de droite est le premier à le regretter.

Ainsi, en ce moment démocratique historique, nos concitoyens observent médusés ou atterrés les tractations d’une gauche qui ne gouvernera pas, les atermoiements d’un gouvernement battu, mais qui ne s’en rend pas compte, et l’effacement d’une opposition de droite, jadis sérieuse, mais aujourd’hui uniquement enfermée dans des postures. (M. Loïc Hervé proteste.)

Ce tableau pourrait prêter à l’ironie si la situation du pays n’était pas dramatique et si elle n’était pas un peu votre bilan à vous tous. Ce que nous savons, en définitive, c’est que rien ne se passera pendant au moins un an. Les Français demandaient pourtant des mesures fortes sur leur pouvoir d’achat, ainsi que sur la lutte contre l’insécurité et l’anarchie migratoire. Rien, pour l’heure, n’adviendra.

Prenons le pari que ce théâtre d’ombres sera, dans quelques mois, balayé par la question d’un budget impossible à boucler et à voter. Si ce n’est la Commission européenne, ce seront les marchés qui contraindront la France à couper drastiquement dans les dépenses et les services publics, nous imposant l’austérité faute d’arbitrages politiques, aggravant les difficultés de nos concitoyens et diminuant encore notre souveraineté nationale.

Les effets délétères de notre mode de scrutin ne cacheront pas longtemps la réalité : plus de dix millions de Français ont placé dans le Rassemblement national leurs espoirs et leurs attentes et nous sommes bien le parti qui a le plus progressé en nombre de sièges à la chambre basse.

Comme l’a dit Marine Le Pen, le système se donne un énième sursis. Nous savons déjà que vous le gâcherez. La victoire de Marine Le Pen et de Jordan Bardella n’est que différée, et la comédie à laquelle nous assistons nous en a encore un peu plus rapprochés. (M. Joshua Hochart applaudit.)

6

Ajournement du Sénat

M. le président. Mes chers collègues, aucun ordre du jour n’ayant été établi pour la durée de la session de droit, le Sénat va s’ajourner.

Notre prochaine séance est, en principe, fixée au mardi 1er octobre 2024, pour l’ouverture de la session ordinaire.

Néanmoins, comme je l’ai indiqué lors de la conférence des présidents, ainsi qu’au début de cette séance, si les circonstances exigeaient que notre assemblée se réunisse d’ici au 1er août prochain ou en session extraordinaire, je convoquerais immédiatement la conférence des présidents, et vous en seriez avertis dans les plus brefs délais.

Mes chers collègues, je vous souhaite un bon repos estival. Au fond, nous souhaitons tous le meilleur pour la France : c’est, me semble-t-il, ce qui nous rassemble… (Applaudissements.)

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures trente.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER