M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « je dynamite, je disperse, je ventile façon puzzle » : voilà à quoi me fait penser la politique du logement du Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson, rapporteur pour avis. C’est vrai !

Mme Dominique Estrosi Sassone. La dynamite, c’était en 2017, avec les attaques contre le logement social au travers de la baisse des aides personnalisées au logement (APL) et de la réduction de loyer de solidarité (RLS).

Puis, en 2023, le Gouvernement plombe l’investissement locatif et l’accession à la propriété avec l’arrêt du Pinel et le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) en pleine crise du logement, sans compter les mesures du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), qui ont refroidi un marché déjà gelé. (Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit.)

Le puzzle, c’est maintenant, avec la succession de petites propositions de loi pointillistes ou technicistes. La « boîte à outils » est devenue le synonyme de ces petites lois, certes utiles, mais tellement partielles, monsieur le ministre.

Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif. Nous avons pu penser, à un moment donné, que ce texte ne serait jamais inscrit à l’ordre du jour du Sénat. Il a fallu que le Sénat, tous groupes politiques confondus, fasse preuve de volontarisme pour que nous puissions enfin en débattre.

M. Max Brisson. Très bien !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Pour autant, les rapporteurs Sylviane Noël et Jean-François Husson, que je remercie de leur travail de qualité, ont ramené les choses à leur juste proportion : nous n’avons affaire qu’à une loi sur les meublés de tourisme.

Sur le plan fiscal, comme nous y exhorte le rapporteur général de la commission des finances, gardons-nous, mes chers collègues, d’avoir des débats enflammés. Ne soyons pas myopes : on ne parlera que du régime micro-BIC, alors que la plupart des investisseurs qui louent des meublés à grande échelle utilisent des sociétés ou sont au régime réel !

Cette proposition de loi est censée « remédier aux déséquilibres du marché locatif »… Ah ! non ! c’est un peu court, monsieur le ministre ! On pouvait faire… Oh ! Dieu !… bien des choses en somme… (Sourires.), à commencer par s’attaquer à l’attractivité de l’investissement locatif classique. Dans le contexte actuel, la rentabilité de ce dernier est beaucoup trop faible pour attirer les investisseurs ; pourtant, vous vous refusez à déployer une offre d’investissement dans le logement locatif intermédiaire (LLI) destinée aux particuliers.

Vous étiez en Allemagne récemment. Pourquoi ne vous inspirez-vous pas du statut du bailleur privé qui y a été mis en place voilà de nombreuses années ? Outre-Rhin, l’investissement locatif est vu non pas comme une rente condamnable, mais comme la production d’un service de logement.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. L’Allemagne connaît exactement la même crise !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Au-delà de la rentabilité, là où Airbnb garantit le paiement à l’avance et une assurance couvrant tous les aléas, le loueur qui offre un logement à l’année ne disposera d’aucune de ces protections et sera bien souvent considéré comme un Thénardier.

Pour autant, je ne veux pas minimiser l’utilité du texte qui nous est soumis aujourd’hui. Je souhaite au contraire souligner le travail accompli par nos rapporteurs pour parvenir à un équilibre. En effet, d’un côté, dans quelques zones du territoire, les meublés de tourisme, en concurrence avec le logement permanent, provoquent l’attrition du marché locatif et nourrissent la hausse des prix, sans que les élus aient les moyens d’agir dans un contexte de crise du logement.

D’un autre côté, dans d’autres territoires, le tourisme est un poumon économique essentiel, et nombre de nos concitoyens voient dans la location de leur habitation un moyen de mettre du beurre dans les épinards dans un contexte de crise du pouvoir d’achat.

Je donnerai deux exemples de cet équilibre.

D’une part, concernant le DPE, il nous faut empêcher que les passoires thermiques échappent aux travaux et basculent dans la location touristique, accroissant l’attrition du marché.

D’autre part, concernant le nombre de jours pendant lesquels est autorisée la location des résidences principales, qui ne provoque pas d’attrition du marché locatif, nous avons choisi de privilégier le pouvoir d’achat et de maintenir le quota de cent vingt jours.

Le groupe Les Républicains soutiendra donc sans réserve ce texte, issu du travail complémentaire de nos commissions des affaires économiques et des finances, qui ont su adapter cette proposition de loi à la diversité de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Cédric Chevalier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul ne peut contester que nous sommes confrontés à une crise du logement. Tous nos territoires la connaissent, avec plus ou moins d’intensité. Les causes en sont multiples, mais trois d’entre elles semblent jouer un rôle majeur.

La première cause est à chercher dans l’augmentation des coûts de la construction. Depuis 2020, ces coûts ont progressé de plus de 20 %, du fait notamment de l’accroissement du prix des matières premières, lié aux crises successives et aux spéculations, mais aussi à l’application de certaines normes, qui vont en se multipliant.

La deuxième a trait au coût exorbitant du foncier. Celui-ci, d’ailleurs, n’est pas près de baisser, avec les différents dispositifs votés en matière d’artificialisation des sols, qui vont accentuer la raréfaction du foncier, donc son coût d’acquisition…

Enfin, la remontée des taux d’intérêt et le resserrement du crédit bancaire ont ralenti la demande, fragilisant l’ensemble des acteurs du secteur du bâtiment et du logement.

Cette crise n’est pas exclusive à la France ; bon nombre de pays européens y font également face.

Parce qu’elle est issue de multiples facteurs, parmi lesquels des dynamiques économiques de fond, aucune loi ne saurait résoudre toutes les difficultés en matière de logement. Pour autant, la loi peut et doit faciliter la sortie de crise. Nous saluons votre volontarisme, monsieur le ministre. Avec trois textes relatifs au logement en un mois, personne ne peut vous faire un procès en immobilisme !

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Merci !

M. Cédric Chevalier. Les auteurs de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui constatent « les difficultés que les Français rencontrent pour se loger à coût abordable », ainsi que l’important taux d’effort des locataires. Ces difficultés proviendraient notamment de l’éviction du locatif d’habitation par le locatif touristique.

Toutefois, il convient de rappeler que, derrière cette dénomination, nous observons des situations et des statuts différents, entre résidences secondaires, résidences principales, etc. En outre, il ne faut pas oublier que le locatif touristique représente un enjeu fort, que ce soit en termes d’animation ou d’aménagement des territoires, si l’on veut permettre aux chaînes professionnelles d’assurer une offre touristique satisfaisante et complémentaire.

Il est aussi un enjeu économique et financier pour nos collectivités, mais aussi pour nos concitoyens.

Si je partage l’objectif de la présente proposition de loi, je ne suis toutefois pas complètement convaincu que ce texte change fondamentalement la donne en matière de logement à coût abordable. Je crains, à l’inverse, que certains articles, s’ils étaient adoptés en l’état, ne viennent restreindre l’offre et, mécaniquement, augmenter les coûts de location.

À ce titre, je souligne que l’une des populations ayant des besoins spécifiques de mobilité, à savoir les jeunes, qu’ils soient étudiants, alternants, apprentis, stagiaires ou jeunes actifs, risque d’être la première à subir les conséquences d’une augmentation des coûts de location.

Enfin, ce texte ne règle pas ce qui, à mon sens, constitue le vrai problème de l’accès aux logements, à savoir la relation très déséquilibrée qui existe entre propriétaires et locataires. Ce rapport fait souvent hésiter les premiers à louer leurs biens aux seconds, sinon à des conditions extrêmement contraignantes, excluant une population pourtant solvable.

Il conviendra donc, non pas dans ce texte, mais prochainement, de se pencher sur cette question et de s’attacher sérieusement à corriger la relation entre propriétaires et locataires, sans pour autant redonner des droits excessifs aux premiers au détriment des seconds.

Je souligne d’ailleurs qu’il n’est pas rare de constater, aujourd’hui, dans certaines communes, un refus de location des biens disponibles sous prétexte d’un risque d’insolvabilité ou de dégradation, y compris de la part des communes elles-mêmes.

Enfin, on ne peut pas parler de logement sans évoquer l’aménagement du territoire et ses multiples facettes, notamment la question de la mobilité. Un rééquilibrage des territoires peut également être l’une des réponses à la crise du logement.

Enfin, si nous sommes évidemment favorables à l’augmentation des prérogatives données aux maires, il ne faudrait pas que ces derniers se retrouvent, une fois de plus, démunis face à des contentieux, ni que de nouvelles obligations viennent générer un surcoût pour leurs collectivités.

Monsieur le ministre, le groupe Les Indépendants soutient toute initiative visant à redonner des pouvoirs aux élus locaux et aux maires, mais également à lutter contre la crise du logement ; nous n’en demeurerons pas moins vigilants, en fonction des amendements qui seront votés. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bleunven. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Gilbert Favreau applaudit également.)

M. Yves Bleunven. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est un texte consensuel visant à réguler davantage les meublés de tourisme.

Ce texte va dans le bon sens, car il répond à une attente légitime des élus locaux. Le Sénat a reçu plus de 1 200 contributions d’élus dans le cadre de la consultation lancée sur ce sujet : c’est une parfaite illustration de cette demande.

Cette proposition de loi permet de répondre aux attentes d’une partie de nos concitoyens, à savoir ceux qui demeurent dans certains territoires où l’offre de logement à l’année est devenue inexistante au profit de locations touristiques, mais aussi les chefs d’entreprise qui n’arrivent plus à loger leurs salariés.

La philosophie du texte correspond à notre esprit sénatorial : laissons aux maires le pouvoir de décider ! Je tiens à saluer tout particulièrement le travail de notre rapporteure, Sylviane Noël, sur ce sujet. En effet, je pense qu’il est important de permettre une meilleure décentralisation de la décision sur les meublés de tourisme. Qui est mieux placé que le maire pour déterminer l’offre de logements dans sa commune ?

M. Yves Bleunven. L’instauration d’outils à cette fin, par le biais de cette proposition de loi, est donc une excellente chose.

Tout d’abord, la généralisation de la déclaration avec enregistrement de toute location meublée touristique permettra aux communes de mener des contrôles efficaces.

Les travaux de notre commission ont d’ailleurs complété ce dispositif, notamment sur la justification de la qualité de résidence principale d’un meublé de tourisme. Les élus locaux auront aussi, grâce à nos apports, un pouvoir de sanction en cas de manquement, avec la faculté de suspendre la validité des numéros d’enregistrement des annonces de meublés de tourisme.

Un autre outil mis à la main des élus est l’extension et la facilitation des possibilités offertes à la commune de recourir au régime d’autorisation préalable au changement d’usage, notamment via la suppression de l’autorisation préfectorale. Voilà une autre mesure qui va dans le bon sens et qui était attendue dans de nombreux départements !

Le texte permettra également aux communes de délimiter des zones où s’appliqueront des quotas d’autorisations temporaires de changement d’usage. Cette mesure conférera aux collectivités locales, qui sont les mieux à même de réguler l’offre de logement sur leur territoire, une réelle maîtrise du nombre de meublés et une capacité d’adaptation en fonction des évolutions du parc locatif.

Enfin, tous les meublés de tourisme devront se conformer aux exigences de décence énergétique applicables aux locations nues à compter du 1er janvier 2034. À cette date, ils devront ainsi disposer au minimum d’un classement D au DPE, évitant ainsi que les passoires énergétiques ne deviennent des meublés de tourisme d’opportunité.

Je suis donc particulièrement satisfait que ces outils, à la main des élus, puissent désormais devenir des dispositions législatives.

Nous sommes nombreux ici à rencontrer souvent des élus qui font face à l’explosion de meublés de tourisme dans leurs communes, mais qui ne peuvent, hélas ! rien faire.

En effet, les communes situées à proximité de sites touristiques d’envergure, en milieu rural notamment, peuvent voir leur parc immobilier se transformer. La moindre maison à vendre est achetée pour devenir un meublé de tourisme, ce qui empêche de facto tout renouvellement de la population ; l’absence de nouveaux enfants dans leurs écoles conduit à des fermetures de classes ; les flux d’ordures ménagères s’en voient déréguler ; et cette liste pourrait être allongée…

Cependant, à côté des endroits où la question de la régulation des meublés de tourisme peut se poser au vu de leur caractère problématique, il existe aussi des territoires qui ont besoin de ces meublés touristiques.

Je puis illustrer mon propos en vous parlant d’un département que je connais bien : le Morbihan, cinquième département touristique français. À Vannes et Lorient, par exemple, le nombre de meublés de tourisme est en hausse constante, ce qui pose de fait des difficultés pour le logement des travailleurs et des étudiants. En revanche, dans nombre de communes rétrolittorales, cette tension n’est pas du tout la même et la présence de meublés de tourisme contribue à la santé de l’économie locale.

Je veux insister sur un autre point encore : les meublés de tourisme ne sont pas, bien entendu, la seule source de la crise du logement que nous traversons. La régulation de ces meublés ne garantira pas, à elle seule, à chacun de nos concitoyens l’accès à un logement. Mais ce texte, tout comme celui qui vise à faciliter la transformation des locaux professionnels en logements, que nous examinerons juste après celui-ci, s’inscrit dans une bonne voie.

Aussi, les membres du groupe Union Centriste voteront en faveur de ce texte, qui permet de lutter contre l’éviction de résidents permanents au profit des meublés de tourisme, mais aussi d’harmoniser la législation en matière de performance énergétique des logements.

Par ailleurs, en dotant les élus locaux d’outils adaptés, la présente proposition de loi renforce leurs compétences, de façon qu’ils puissent conduire sur leurs territoires une véritable politique du logement adaptée à leurs spécificités, en permettant une régulation tant attendue.

Je veux enfin vous redire, monsieur le ministre, que ce texte « boîte à outils » est un bon début, mais qu’il nous faut aller plus vite et plus loin pour répondre à la crise du logement que traverse notre pays.

À mon sens, le projet de loi que nous examinerons en juin prochain ne résoudra pas plus cette crise, ce qui est regrettable. Avec mes collègues – je pense en particulier à Amel Gacquerre, corapporteure de ce projet de loi –, nous vous ferons des propositions pour le perfectionner et aller plus loin dans les solutions proposées. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions. – M. Gilbert Favreau applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici un texte qu’il était temps d’inscrire à notre ordre du jour, car il était particulièrement attendu par les élus de nos territoires et nombre de nos concitoyens ! De partout monte la demande d’encadrement des meublés de tourisme, tant la réalité des chiffres donne le vertige.

En 2016, quelque 300 000 logements étaient mis en location touristique de courte durée. Aujourd’hui, on est autour de 1 million. Que ce soit dans nos grandes métropoles, sur la côte Atlantique, ou encore dans nos cœurs de villes, une grande partie de nos territoires subit cette expansion fulgurante.

Derrière ces chiffres, il y a des conséquences très concrètes et parfois dramatiques.

Des locataires en règle sont chassés de leur logement pour qu’il soit transformé en meublé de tourisme ; l’offre immobilière se tend chaque jour un peu plus ; les loyers augmentent, éloignant toujours plus la majeure partie de la population de son lieu de travail, multipliant la dépendance de celle-ci à la voiture, avec les coûts afférents, dégradant les conditions de vie des habitants permanents de ces territoires et aggravant leur précarité.

Ces communes se vident de leurs habitants. Elles perdent aussi une partie de leur dotation, leurs services publics, des postes de professeur, des commerces et, souvent, l’âme qui y est attachée… À Saint-Malo, dans mon département, les boîtes à clés ont envahi la ville intra muros ; les coiffeurs et les bouchers ont fermé boutique faute d’habitants permanents.

La raison de ces phénomènes est claire : la location de courte durée est presque trois fois plus rentable que la location classique, d’autant qu’elle est encouragée par une fiscalité injustement avantageuse.

Depuis de nombreuses années maintenant, les élus des territoires confrontés à cette situation lancent l’alerte sur le manque de leviers fiscaux et réglementaires pour tenter d’enrayer cette prolifération.

Bien sûr, nous ne jetons pas la pierre aux personnes qui louent leur habitation quelques semaines dans l’année pour un complément de revenu bienvenu. Pour ces personnes, nous y voyons surtout les conséquences de salaires trop bas, de pensions de retraite trop faibles, de l’inflation, ou plus largement de l’augmentation de la précarité.

Cette proposition de loi les distingue des multipropriétaires et des investisseurs qui font de cette location de courte durée un business et qui contribuent à cette accélération de la financiarisation du logement, qu’il est grand temps d’enrayer !

Le logement doit retrouver sa fonction première : un lieu pour vivre dignement, plutôt qu’un objet de spéculation difficilement accessible à une grande partie de la population.

Ce sujet est très large et dépasse largement la question du meublé de tourisme.

Les dispositions de ce texte tendent à répondre à cet enjeu en donnant aux collectivités des pouvoirs de régulation en matière de changement d’usage. Elles leur permettront de sanctuariser des secteurs pour l’habitation principale et d’empêcher les propriétaires de convertir leurs passoires thermiques en locaux de tourisme.

Concernant la refonte du régime fiscal actuel, nous regrettons tout d’abord que la commission ait amoindri l’ambition de départ de l’article 3, qui respectait pourtant le vote du Sénat lors du projet de loi de finances pour 2024 en faveur d’un abattement de 30 % pour les meublés de tourisme classés. Le Sénat va-t-il se dédire ? On le saura tout à l’heure… Par ailleurs, chacun peut comprendre qu’avec un plafond d’abattement fiscal fixé, pour les meublés classés, à 188 000 euros actuellement, ou même à 77 700 euros, comme l’a voté la commission, nous nous trouvons assez loin du complément de revenu.

Pour notre part, nous souhaitons purement et simplement abroger cette niche néfaste et ainsi avantager réellement la location nue de longue durée, comme le demande notamment la Fondation Abbé Pierre. Nous y reviendrons.

L’encadrement des plateformes passe également par une capacité de régulation autonome des collectivités : les amendements de Mme la rapporteure ont permis d’aller plus loin pour renforcer et faciliter les contrôles par les communes et pour lutter contre les fraudes sur les déclarations de meublés en résidence principale, ce que nous saluons.

Nous regrettons cependant que le texte ne comporte pas suffisamment d’outils pour renforcer les capacités de contrôle des communes.

Par ailleurs, pour plus d’efficacité, plusieurs outils de fiscalité locale pourraient être mis en œuvre, afin de préserver le logement permanent par rapport à la croissance du triptyque : résidences secondaires, logements vacants, meublés de tourisme. Mais, hormis l’article 3, ce texte n’utilise pas ces leviers.

Nous défendrons donc des amendements visant à revenir sur plusieurs reculs que nous avons identifiés à la suite du passage du texte en commission, ainsi que sur d’autres tendant à renforcer davantage encore les outils de régulation. Nous proposerons aussi, bien sûr, d’intégrer les résidences secondaires au dispositif du texte, ce qui nous paraît fondamental.

Face à la crise du logement que nous connaissons, nous devons légiférer à la hauteur des enjeux et faire en sorte que nos finances publiques n’encouragent pas l’enrichissement des multipropriétaires et des spéculateurs, aux dépens du droit au logement.

Ce texte constitue une première étape bienvenue et améliore l’équilibre entre les activités touristiques saisonnières et la vie le reste de l’année ; c’est pourquoi, tout en défendant notre vision au travers d’amendements, nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Antoinette Guhl applaudit également.)

Mme Marianne Margaté. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, près de 20 % des nuitées saisonnières réalisées en France le sont dans un meublé de tourisme mis à la location par un particulier. Au total, il y aurait aujourd’hui un million de logements meublés de tourisme, répartis dans plus de 23 000 communes – des chiffres en constante augmentation.

Pour certains de ces particuliers, c’est une façon de voir leur logement occupé lorsqu’ils en sont absents, pour bénéficier d’un complément de revenus et en faire profiter des touristes de passage : 50 % de ces revenus seraient inférieurs à 4 500 euros annuels.

Pour d’autres propriétaires, c’est une véritable manne financière, une rente particulièrement lucrative, soutenue, jusqu’à présent, par une fiscalité avantageuse.

Cette fiscalité s’est révélée tellement incitative que, dans certaines métropoles, nous constatons une baisse du nombre de résidents permanents. En effet, la spéculation sur les logements apporte des profits temporaires, mais des problèmes permanents.

L’explosion des meublés de tourisme appauvrit l’offre de logements et fait flamber les loyers. Résultat, les travailleuses, les travailleurs et leurs familles sont poussés loin de leur emploi ou s’entassent dans des logements indignes. Devons-nous attendre que les salariés de notre pays regardent les annonces sur Airbnb pour pouvoir se loger ? Il faudra alors tripler leurs salaires, car les prix des meublés de tourisme sont trois fois plus élevés que ceux des locations de longue durée !

Avec les jeux Olympiques et Paralympiques qui approchent, certains propriétaires expulsent leurs locataires pour faire de cet événement populaire une machine à cash. Il est urgent d’agir, mais pas seulement pour les Jeux, bien sûr, d’autant que ceux-ci ne sont pas concernés par ce texte : c’est certain, puisque le Gouvernement a habilement manœuvré pour rendre inopérants les amendements contre cette niche fiscale adoptés au Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024. Saluons votre mépris du travail parlementaire !

Dans mon département de Seine-et-Marne, je pourrais citer plusieurs exemples. Je prendrai celui de Serris, à Val d’Europe, territoire d’implantation de Disneyland Paris. En décembre dernier, j’ai rencontré le maire de cette commune de 9 000 habitants, où 106 logements étaient déjà loués comme meublés de tourisme en 2018. En 2023, il y en avait 320, ce qui représente une augmentation de 200 % en cinq ans. À la porte du palais de Mickey, de Blanche-Neige et des autres, on est loin, très loin, du conte de fées pour se loger !

Cannibalisation : voilà le terme employé par le maire de cette commune pour décrire la situation ; cannibalisation qui déstructure un quartier, avec la disparition de commerces de proximité utiles au quotidien des habitants ; cannibalisation qui pèse sur les services publics, comme sur les écoles dont les classes sont menacées de fermeture faute d’enfants en nombre suffisant, les familles n’ayant plus leur place dans la ville.

Je pense également à deux jeunes, Telio et Tony, engagés dans leur conseil régional de jeunes en Île-de-France et en Nouvelle-Aquitaine, que j’ai pu auditionner : ils nous alertent sur l’impossibilité, pour les étudiants et les jeunes actifs, de se loger décemment. Cette cannibalisation met à mal notre jeunesse qui a soif d’autonomie.

Avec ce texte, nous allons enfin pouvoir inciter les propriétaires de certains de ces logements à les faire revenir sur le marché de la location traditionnelle ; c’est une bonne chose.

Nous proposerons des améliorations pour une fiscalité plus juste, pour un meilleur encadrement de la mise en location et pour un renforcement du pouvoir de contrôle des collectivités.

Il n’en reste pas moins qu’il faudrait pouvoir agir directement sur le niveau des loyers du parc locatif privé pour véritablement contrer la crise du logement qui est à l’œuvre. En effet, pour les multipropriétaires – rappelons que 3,5 % d’entre eux possèdent la moitié du parc privé en location –, il y a toujours de bons placements pour gagner de l’argent, souvent l’argent des autres !

Le droit au logement aura besoin de réformes supplémentaires pour être véritablement effectif. Il faudra par exemple favoriser l’accès au logement social, avec un grand plan de construction de logements sociaux, accélérer sur la rénovation, notamment celle des copropriétés, ou encore lutter contre la spéculation immobilière et foncière. Autant de mesures qui n’ont, certes, pas vocation à figurer dans ce texte, mais qui seront aussi absentes, malheureusement, du projet de loi qui suivra.

Aussi, dès aujourd’hui, rendons plus attrayante la location de longue durée, au bénéfice de nos communes et des habitants qui les font vivre, et, dès demain, mettons tout en œuvre pour que, aux meublés de tourisme qui seront de retour sur le marché de la location, se joignent les centaines de milliers de logements à construire et à rénover pour répondre à la pénurie de logements sociaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Antoinette Guhl applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, proclamé il y a quarante-deux ans avec la loi du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs, ou loi Quillot, et consacré quelques années plus tard par la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, ou loi Besson, le droit au logement est longtemps resté inappliqué, en l’absence de tout dispositif contraignant.

Ce n’est qu’à la suite de la mobilisation autour des campements de sans-abri durant l’hiver 2006 que l’opposabilité du droit au logement a acquis un fondement juridique, avec la loi du 5 mars 2007 instaurant le droit au logement opposable, ou Dalo.

Si ces lois visaient à assurer un logement à nos concitoyens les plus fragiles, nous devons à présent permettre à une partie de la population qui n’est plus nécessairement dans une situation précaire, mais qui reste bloquée dans son parcours résidentiel de se loger.

En France, devenir locataire peut désormais s’apparenter à un véritable parcours du combattant, même quand on présente des revenus suffisants.

Comment expliquer à ces Français vivant dans les zones tendues que, malgré une situation socioprofessionnelle stable, ils ne pourront trouver de logement, car une partie croissante du parc locatif est réservée à des populations de passage ? Qu’il résulte de résidences secondaires ou de meublés de tourisme, ce sentiment d’injustice grandissant met à mal le pacte social et menace la solidarité et la cohésion nationales.

Au vu de ce constat, il est nécessaire d’agir rapidement et fortement sur la demande comme sur l’offre, tout en préparant une indispensable refondation de la politique du logement à plus long terme.

Or cette proposition de loi, qui vise à remédier aux déséquilibres du marché locatif, ne concerne finalement que la location meublée touristique, un phénomène dont l’essor peut certes créer des déséquilibres, mais qui ne saurait résumer à lui seul les causes profondes de l’attrition du marché locatif.

Je salue les travaux des commissions des affaires économiques et des finances, qui, conscientes du phénomène d’éviction du logement locatif permanent auquel font face certaines communes en raison d’un essor de la location meublée touristique, se sont également convaincues que ce phénomène recouvre des réalités différentes selon les territoires.

En effet, si leur essor incontrôlé entraîne aujourd’hui de grandes difficultés de logement pour les résidents permanents de communes très touristiques, les meublés de tourisme représentent aussi un levier indispensable au dynamisme économique des communes, où leur croissance permet de compléter l’absence d’un parc hôtelier développé.

Je suis convaincue que nos débats doivent nous permettre d’arriver à un texte équilibré, offrant un encadrement plus rigoureux de la location meublée touristique sans obérer son développement dans les communes au sein desquelles elle est indispensable à l’activité économique, telles que les communes thermales ou de montagne.

C’est pourquoi, si nous approuvons les nouveaux outils que ce texte met à disposition des exécutifs locaux pour évaluer, réguler et contrôler le développement de la location meublée touristique sur leur territoire, tout en favorisant l’habitat permanent, ces instruments nous semblent insuffisants.

Toutefois, nous saluons les propositions qui ont été formulées : la généralisation de la déclaration avec enregistrement de toute location meublée touristique, qui donnera aux communes les moyens de mener des contrôles efficaces ; l’extension et la facilitation de la faculté donnée aux communes d’avoir recours au régime d’autorisation préalable au changement d’usage ; enfin, l’instauration d’une servitude de résidence principale pour les constructions nouvelles dans certaines zones délimitées.

En effet, ces outils, facultatifs et flexibles, aux mains des élus locaux, permettront à ceux qui le souhaitent d’encadrer la location meublée touristique au plus près des besoins de leur commune.

Néanmoins, l’objectif de concilier les préoccupations divergentes de territoires aux dynamiques économiques et locatives différentes requiert d’aller plus loin. Pour ce faire, nous proposons de réintroduire un objectif d’aménagement du territoire et de prise en compte plus concrète des particularismes économiques locaux. La territorialisation de la politique du logement doit nous permettre de mieux appréhender les spécificités de chaque territoire.

Aussi, par le biais d’un amendement de mon collègue Jean-Yves Roux, nous proposerons que les meublés de tourisme classés situés dans des communes comprises dans le périmètre du dispositif France Ruralités Revitalisation (FRR) ou dans une commune dénommée « station classée de tourisme » au titre du code du tourisme conservent leurs avantages fiscaux dans la limite d’un chiffre d’affaires de moins de 50 000 euros.

Cette disposition permettrait de répondre de manière adaptée aux besoins des territoires ruraux et de préserver l’équité territoriale sans grever le développement des meublés de tourismes classés dans les communes au sein desquelles ils sont indispensables à l’activité économique.

Si notre groupe approuve l’essence de ce texte et estime qu’il va dans la bonne direction, notre vote dépendra de la prise en compte des différenciations territoriales.

Encadrer la location de meublés touristiques ne résoudra pas tous les déséquilibres de notre marché locatif, car ceux-ci sont multifactoriels. Seule une réflexion globale permettra de renforcer l’attractivité de la location permanente. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)