Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Monsieur le ministre, j’espère que le Gouvernement aura la même inspiration qu’il y a sept ans et qu’il reprendra les travaux du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois, au nom de laquelle j’ai l’honneur d’intervenir, s’est saisie de douze des articles de la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui.

Ces articles, qui portent essentiellement sur le droit monétaire et financier, ainsi que sur le droit des sociétés, constituent un élément de réponse au double défi du financement des entreprises et de l’attractivité de la France que vise à relever cette proposition de loi.

Il ne s’agit, certes, que d’un élément parmi d’autres, tant l’attractivité d’une économie résulte de facteurs pluriels, qui ne peuvent être traités par un texte essentiellement consacré au droit des sociétés. De nombreux autres facteurs entrent en ligne de compte : la fiscalité, le coût et le droit du travail ou encore la simplification des normes.

Toutefois, cet élément est important, parce que, aujourd’hui, la concurrence des différentes places financières concerne notamment les droits des sociétés qui s’y appliquent.

Il fallait que le législateur se mobilise pour défendre l’attractivité de la France non seulement en attirant des entreprises nouvelles, mais surtout en évitant les départs d’entreprises vers d’autres places. (M. André Reichardt sexclame.)

De façon générale, une plus grande attractivité implique nécessairement un assouplissement des règles. Mais cet assouplissement ne doit pas se faire au détriment des actionnaires, notamment minoritaires.

Il s’agit donc de trouver un équilibre entre l’assouplissement nécessaire et la volonté de maintenir une protection des actionnaires.

L’article 1er de la proposition de loi prévoit une mesure attractive et innovante : l’autorisation pour les entreprises d’émettre des actions dotées de droits de vote multiples lors de leur introduction en bourse.

La création d’actions à droits de vote multiples est assortie de plusieurs garanties : une durée limitée de ces droits, un ratio entre le droit de vote qui est lié à ces actions et celui qui est associé aux actions ordinaires, une neutralisation des droits de vote multiples dans certaines circonstances, par exemple en cas de modification des statuts, et l’impossibilité de les céder à une autre personne.

La commission des lois, soucieuse de ne pas remettre en cause l’attractivité du dispositif, a toutefois nuancé certaines de ces garanties, en allant dans le sens d’une meilleure protection des actionnaires.

À l’article 3 sont prévues diverses mesures d’assouplissement des modalités d’augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription (DPS) au sein des sociétés cotées, c’est-à-dire sans donner la possibilité aux actionnaires déjà en place de bénéficier d’un avantage par rapport aux nouveaux entrants.

Cet article, adapté aux PME en phase de croissance, s’inscrit en pleine complémentarité avec l’article 1er. Ce que nous construisons avec ce texte, c’est le parcours résidentiel d’une entreprise qui croît sur le marché.

Enfin, l’article 10 vise à assouplir et à faciliter le recours à la dématérialisation des modalités de décision du conseil d’administration, du conseil de surveillance et de l’assemblée générale des actionnaires.

Pour ne pas risquer de priver d’effectivité les procédures de consultation des conseils d’administration introduites par l’article 10, la commission des lois a souhaité assouplir leur encadrement. Alors que le texte prévoyait que tout administrateur pût s’opposer à cette procédure, la commission a entendu faire confiance aux entreprises et les laisser déterminer, dans leurs statuts, quelles personnes peuvent s’opposer à la tenue du conseil d’administration, et en quel nombre.

La commission a également souhaité contenir l’insécurité juridique planant sur les actes et délibérations issues des procédures dématérialisées, en allégeant les obligations qui pèsent sur les sociétés et en supprimant un nouveau cas de nullité pouvant résulter de problèmes techniques.

Enfin, en contrepartie de certaines mesures d’assouplissement apportées par le texte, la commission des lois s’est montrée soucieuse d’offrir un équilibre pour garantir une véritable protection des actionnaires minoritaires.

Nous avons ainsi adopté un article 10 bis A, qui vise à renforcer l’efficacité des procédures contentieuses en cas de refus injustifié du conseil d’administration d’inscrire les résolutions que les actionnaires minoritaires portent à l’ordre du jour de l’assemblée générale. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains. – M. Michel Masset applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la logique obsessionnelle du Gouvernement en matière économique : développer l’attractivité de la France et instrumentaliser cette notion pour accroître la financiarisation de notre économie.

Aucune conditionnalité verte dans ce texte : monsieur le ministre, vous avez été quelque peu hors sujet en convoquant le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz. Nous vous le demandons gentiment : cessez d’utiliser la transition écologique comme alibi pour tout et n’importe quoi ! Tout à l’heure, le ministre Le Maire tentait déjà de présenter la simplification comme bonne pour le climat…

Il faut mieux doser vos propos : nos rapporteurs ont été plus sincères sur la fonction de ce texte, qui vise seulement à augmenter le poids de la sphère financière dans notre économie.

Lorsque l’on écoute les arguments du Gouvernement, l’explication de l’attractivité française paraît évidente. Elle serait due à la politique de l’offre, c’est-à-dire à la pressurisation des travailleurs par la diminution de leurs droits, combinée à une fiscalité avantageuse, c’est-à-dire à des cadeaux sans contreparties pour les entreprises.

Néanmoins, penchons-nous maintenant sur la réalité des faits. Cela tombe bien, car le baromètre d’Ernst & Young sur l’attractivité de la France vient de paraître. Et si celui-ci est scruté et parfois promu avec gourmandise par le Gouvernement pour justifier sa politique, le moins que l’on puisse dire est que nous n’avons pas tout à fait la même lecture de ce document.

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est sûr !

M. Thomas Dossus. Quels sont les quatre principaux critères qui poussent les entreprises étrangères à s’installer en France ?

En premier lieu, il s’agit de la qualité de la main-d’œuvre ; puis, vient l’environnement juridique et réglementaire stable, renvoyant au passage dans les ronces les critiques sur la prétendue complexité de notre code du travail. Suivent la fiabilité des infrastructures, notamment de transport, et la force du marché intérieur, c’est-à-dire le niveau de revenu des consommateurs.

La liquidité des marchés et la disponibilité des capitaux ne figurent qu’en queue de ce classement, à la douzième place des critères. C’est donc tout naturellement que le Gouvernement a choisi d’œuvrer en priorité sur ce sujet par le biais de cette proposition de loi !

En effet, ne nous y trompons pas, cette proposition de loi est bel et bien d’origine gouvernementale : elle avait été annoncée il y a quelques mois par le ministre Le Maire dans un discours de vœux, puis – ô surprise ! –, ces mesures ont été transférées dans cette proposition de loi par l’intermédiaire du groupe macroniste à l’Assemblée nationale.

Le but de cette manœuvre est d’une simplicité quelque peu cynique : il s’agit de s’affranchir de l’obligation de fournir une étude d’impact pour mesurer les effets de la loi.

Peut-être d’ailleurs que les raisons de cette manœuvre sont celles que j’ai évoquées plus tôt, à savoir que les dispositions du texte ne sont pas des leviers si importants pour l’attractivité de notre pays. Il s’agit en réalité d’augmenter la financiarisation de notre économie et de participer à la concurrence entre places financières européennes, toujours imaginatives en la matière.

Quelles sont les mesures de cette proposition de loi très dispensable ?

La disposition phare du texte est de sortir du principe « une action, une voix », en autorisant les actions à droits de vote multiples. En raison de l’absence d’étude d’impact, on peine à mesurer quelles seront les conséquences réelles de cette mesure. Tout juste savons-nous que notre principal concurrent, en l’occurrence la place financière des Pays-Bas, autorise ces actions.

Désormais, détenir une poignée d’actions sera suffisant pour s’assurer le contrôle d’une entreprise. Si nous n’arrivons pas à faire supprimer cette disposition, nous proposerons, dans un souci de maintien de notre appareil productif, de limiter le ratio multiplicateur entre capital et droit de vote et de réserver ces actions aux salariés et aux mandataires sociaux de l’entreprise.

Dans la même ligne, le texte tend à favoriser les augmentations de capital et les fonds communs de placement. Nous demanderons la suppression de ces articles, dont l’impact fiscal n’a même pas été mesuré.

Viennent ensuite plusieurs mesures relatives à la dématérialisation des titres et à la visioconférence lors des assemblées d’actionnaires. Nous formulerons plusieurs propositions de modification, mais ces dispositions restent somme toute assez anecdotiques au regard du reste de la loi.

En revanche, ce qui n’est pas anecdotique, c’est ce qui n’est pas abordé dans ce texte, alors que vous en parlez beaucoup, monsieur le ministre : la transition écologique.

La finance détermine de nombreuses trajectoires dont dépend notre avenir commun, notamment en ce qui concerne l’énergie. Nous ne croyons pas à la chimère d’une finance naturellement verte. Nous formulerons un certain nombre de propositions pour introduire quelques obligations de transparence en matière de transition énergétique.

S’il doit y avoir une action sur le monde de la finance, c’est dans ce sens qu’elle doit aller. Nous sommes partisans d’un ciblage du soutien vers les entreprises qui s’engagent dans une transition écologique et solidaire, en favorisant les investissements dans les énergies renouvelables, l’économie circulaire et l’inclusion sociale.

Plutôt que de faciliter toujours la financiarisation de l’économie, il faut au contraire promouvoir un système financier qui entre dans les limites planétaires, en renforçant la régulation des marchés financiers, en luttant contre la spéculation et en favorisant le financement des projets à long terme. Tout cela ne peut se faire sans des mécanismes de transparence et de redevabilité plus stricts pour les entreprises.

La proposition de loi actuelle ne prend, hélas, pas ce chemin, à l’image de la politique menée par le Gouvernement. C’est pourquoi le GEST votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, MM. Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva publiaient en 2012 une Histoire de la Bourse, aux éditions La Découverte. Ils y écrivaient ces mots : « La promotion des marchés financiers dans un espace déréglementé et sans frontières – pour le capital –, notamment en Europe, scelle le passage du régime économique d’après-guerre à l’économie financiarisée contemporaine. »

La liquidité ! L’impératif de liquidité ! Voilà qui légitime l’accumulation primitive de capital issue de marchés autorégulés avec une possibilité infinie d’échanges, à tout moment et désormais à l’échelle de la nanoseconde. Telle est la recette de la dérive dont l’histoire boursière nous avait prémunis jusque dans les années 1980.

Les bourses sont désormais elles-mêmes cotées en bourse, abandonnant leur forme coopérative et régulée. La frénésie financière s’est emparée de l’économie, faisant perdre de vue l’objectif même de la finance de marché : le financement de l’économie productive et, consubstantiellement, des États, par la mise en relation entre un épargnant et une entité publique ou privée.

De cette promesse procède la voracité des intermédiaires, jadis fonctionnaires – c’étaient les agents de change –, puis démantelés jusque dans leur statut d’officier ministériel ; on les appelle désormais des traders – veuillez me pardonner cet anglicisme –, et, s’ils passent toujours les ordres, c’est surtout la recherche du profit qui les habite. Et pour cause : les enjeux financiers ne sont plus les mêmes, puisque les échanges sont passés de 500 milliards de francs au moment du pic de 1930 à plus de 7 000 milliards d’euros aujourd’hui…

Ces professionnels roulent maintenant pour des multinationales de la spéculation, dont le sens des affaires n’a que peu d’égards pour la production ou l’économie réelle et encore moins pour les travailleurs – des obstacles, tout au plus…

Désormais, depuis une directive européenne de 2007, les marchés réglementés, c’est-à-dire les bourses traditionnelles, sont en concurrence les uns avec les autres, et des systèmes multilatéraux de négociation intronisent, par exemple, les quotas d’émissions de CO2 ; le carbone, un actif comme les autres – mais quelle idée ! –, que l’on échange et sur lequel on spécule.

Les marchés alternatifs sont régis par des règles de transparence et d’équité moins exigeantes, si bien que les plus gros opérateurs de marchés peuvent s’échanger un titre en une nanoseconde, bénéficiant ainsi des écarts de cotation entre les marchés réglementés et les marchés alternatifs.

Dans chacune des failles se glisse un appétit, une prédation. Loin d’être des effets de bords d’une politique publique de régulation, ces failles correspondent précisément à l’intention des libéraux européens et nationaux : plus d’échanges de capitaux, à n’importe quelles conditions, pourvu que le système tienne jusqu’à la prochaine folie, jusqu’à la prochaine crise…

La définition de la confiance, dopamine des marchés, ne mérite aucun commentaire : « se dit de l’assurance qu’on prend sur la probité, sur la discrétion de quelqu’un ou de quelque chose. »

La recherche d’attractivité, à laquelle d’ailleurs aucune des dispositions du présent texte n’apporte de solution, n’est que la conséquence de la mise en concurrence des places boursières, de Londres à Francfort en passant par Amsterdam.

Euronext, qui doit son existence à la fusion des bourses belge, néerlandaise et française, rejointes depuis lors par quatre places boursières supplémentaires, est un opérateur de bourse paneuropéen lui-même coté sur le marché français.

Euronext, c’est 513 millions d’euros de bénéfice en 2023 – un record –, 1 900 émetteurs et 6 600 milliards d’euros de capitalisation boursière. Faire la pluie et le beau temps, c’est désormais la mission dévolue à cet opérateur boursier.

Cette union avant l’heure du marché des capitaux a-t-elle finalement permis d’éviter les dérives, les transactions sans but ? A-t-elle au moins renforcé la souveraineté de nos entreprises cotées et de leurs sous-traitants ?

L’attractivité de la place financière française est secouée par l’annonce récente d’un éventuel transfert de la cotation principale de TotalEnergies vers les États-Unis. Les liquidités y seraient abondantes pour les entreprises pétrolières, quand nous préférions, de ce côté-ci de l’Atlantique, les énergies renouvelables.

Je serais d’ailleurs assez tenté de souhaiter bon vent à M. Pouyanné et à son groupe, pourvu qu’il ne s’agisse que de cotation et non d’un transfert de son siège social. Soit dit en passant, le siège social français de cette entreprise ne l’empêche pas de contourner l’impôt dans notre pays, par exemple au travers de sociétés de trading de pétrole qui facturent leurs prestations à la maison mère, mais ce n’est pas le sujet de ce soir.

La recherche d’attractivité est décidément un moyen de satisfaire les intérêts des grandes entreprises en feignant de ne pas y toucher. Paris est déjà le premier marché boursier européen du point de vue de la capitalisation boursière, devant Londres. Les marchés se portent bien, les entreprises cotées tout autant. Nul besoin, donc, de légiférer en ce sens. D’ailleurs certaines dispositions du texte sont même contre-productives ; nous proposerons de les supprimer.

La seule question qui doit être posée, j’y reviens, c’est : à quoi servent les marchés financiers ? À financer les entreprises, leur développement et leur capacité d’investissement. Or ils ont contribué à déréguler l’économie, à faire émerger des bulles adossées à des valorisations fictives.

Nous plaidons pour la définanciarisation de l’économie, en substituant à l’intervention des marchés financiers des crédits bancaires rassemblés au sein d’un pôle public financier, sur le modèle de celui qui existe autour de la Caisse des dépôts et consignations.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Éric Bocquet. Les actionnaires et, le cas échéant, les fonds de pension ou les capital-risqueurs n’ont que faire des projets industriels. Voilà notre position.

Nous sommes donc résolument opposés à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me permets de commencer mon propos par un regret portant sur la méthode utilisée : le 8 janvier 2024, le Gouvernement annonçait l’arrivée au printemps suivant d’un texte sur l’attractivité financière de la France. Finalement, le choix a été fait de passer par une initiative parlementaire, qui permet d’éviter la production d’une étude d’impact et l’avis du Conseil d’État.

Si l’obligation de passer par un projet de loi n’est que formelle, sa méconnaissance emporte des conséquences importantes pour l’information du Parlement dans sa mission d’élaboration de la loi. Ces éléments de procédure ne doivent pas être négligés si nous voulons atteindre notre objectif commun, celui d’une bonne législation, notamment pour un texte dont l’élaboration sera rapide.

Une fois ce regret exprimé, je constate que cette proposition de loi s’inscrit dans une triple démarche.

Tout d’abord, elle vise à satisfaire les besoins d’investissements liés à des enjeux bien réels et contemporains ; je pense évidemment à la transition écologique, qui exige des investissements massifs, mais également à la défense, à l’heure où le monde se réarme, ou encore à la transition numérique de nos entreprises.

Ce texte part d’un constat clair : les financements bancaires peinent à satisfaire, en France et en Europe, les besoins des entreprises et les projets de financement public tendent à devenir particulièrement restreints. Pour remédier à cette situation, l’auteur de la proposition de loi et le Gouvernement font valoir leur volonté de faire appel au financement de marché.

En matière de financiarisation du tissu économique de la France, les enjeux sont réels, car cela touche des centaines de milliers d’emplois, dans nos petites et moyennes entreprises (PME) et nos entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Nous pouvons considérer que les besoins sont importants et que le marché constitue en effet une solution. En outre, si l’on est attaché à la liberté d’entreprendre, la suppression des freins à la cotation des entreprises peut aller dans la bonne direction. À ce titre, lever les difficultés qui peuvent se dresser sur le chemin des entrepreneurs souhaitant augmenter leur capital pour pouvoir sans perdre le contrôle de leur entreprise peut être une bonne chose.

Je souhaite toutefois vous faire part de certaines appréhensions, mes chers collègues, et j’invite le Sénat à faire ici application d’une forme de principe de précaution, afin de nous prémunir du tout-marché.

M. Éric Bocquet. Absolument !

M. Michel Masset. En effet, certaines contraintes intrinsèques à la logique de marché peuvent se retourner contre de petites entreprises attirées par la perspective d’investissements fulgurants.

M. Michel Masset. La pression pour l’obtention de résultats financiers ou la perte de contrôle sur les choix stratégiques peuvent entrer en contradiction avec d’autres objectifs auxquelles sont attachées nos entreprises.

Ainsi, il faut trouver un mix de financements permettant de préserver ce qui constitue l’identité et les intérêts des entreprises françaises et européennes.

La France enregistre actuellement un recours au financement par le marché de 17 %, contre 60 % aux États-Unis. La marche est haute ; ne nous engouffrons pas dans cette solution à corps perdu !

Ensuite, la deuxième démarche dans laquelle s’inscrit ce texte est plus éloignée des réalités du tissu économique français : il s’agit du combat, de la compétition entre les places boursières mondiales.

Cet effort de compétitivité s’effectue à l’échelle du continent ; l’Union européenne a ainsi révisé récemment sa législation en matière financière. La France souhaite maintenir le dynamisme de la Bourse de Paris, qui a conduit celle-ci à la première place européenne. Nous pouvons nous féliciter de cette attractivité, tout en regrettant que l’impact en matière de création d’emplois soit encore limité.

Enfin, la présente proposition de loi vise à moderniser notre droit des affaires, afin de faciliter la dématérialisation des procédures et d’accroître l’attractivité de la France pour les entreprises. Nombre de ces mesures vont indéniablement dans un sens apparemment pertinent, mais, là encore, il convient de veiller à ne pas priver les actionnaires minoritaires de leur droit à participer à la vie de l’entreprise.

Cela étant, après avoir signalé les points auxquels nous devons, me semble-t-il, prêter une attention particulière, je tiens à souligner que certaines mesures sont nécessaires à notre croissance. Je pense notamment à celles qui visent à promouvoir une meilleure utilisation de l’épargne des Français, afin que cette dernière profite à nos entreprises.

Nombreuses sont en outre les mesures qui répondent à des demandes des acteurs et du régulateur des marchés financiers.

Ainsi, à ce stade, une partie du groupe du RDSE, fidèle à son ADN, envisage de se prononcer en faveur de ce texte, mais notre position sera déterminée par les débats, qui conforteront ou non notre position.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vingt-quatre heures avant nos débats d’aujourd’hui, la septième édition du sommet Choose France réunissait plus de 180 chefs d’entreprise étrangère à Versailles,…

M. Jean-François Husson. Royal ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Buis. … avec, à la clé, une excellente nouvelle pour notre économie : plus de 15 milliards d’euros d’investissement dans 56 nouveaux projets.

C’est tout simplement un nouveau record, et, comme tous les records, celui-ci est fait pour être dépassé : nous pouvons aller encore plus loin dans le renforcement du financement des entreprises et de l’attractivité de la France.

Loin d’être une lubie financière, l’attractivité de notre pays est une réalité palpable, dont les effets se font ressentir sur notre économie.

Vous l’avez dit, monsieur le ministre, si les annonces se sont faites dans un château, les parpaings, eux, sont posés partout en France, et si notre pays est aujourd’hui en tête du classement européen des investissements étrangers, ce n’est pas dû au hasard.

Il faut certes reconnaître que l’Allemagne souffre davantage que nous de la guerre en Ukraine et que les Britanniques subissent encore les nombreuses conséquences du Brexit, mais le travail accompli depuis 2017 n’est pas étranger aux résultats positifs que nous enregistrons en matière d’attractivité.

Bien au contraire, ces résultats sont le fruit d’un travail de longue haleine et des réformes menées par la majorité présidentielle.

Les réformes liées à la fiscalité, au foncier, au prix de l’électricité, au marché du travail, ainsi que la création du prélèvement forfaitaire unique et la dynamisation de notre tissu entrepreneurial au travers de la loi Pacte sont à l’origine de ces succès.

N’oublions pas non plus le rôle joué par la place financière de Paris, cinquième place financière mondiale selon le classement de l’Open Financial Ecosystem indeX (OFEX) de 2023.

Alors que le secteur financier britannique a vu son passeport européen révoqué au lendemain du Brexit, les entreprises de la City ont dû s’établir dans l’Union européenne. Force est de constater que la majorité des banques anglo-saxonnes ont choisi d’établir leurs activités de marché à Paris. Depuis 2021, cela représente plus de 5 500 emplois bancaires et financiers.

J’ajoute que de nouvelles banques internationales s’installent actuellement à Paris, comme la banque émiratie First Abu Dhabi Bank et la banque nigériane Zenith Bank, sans oublier le nouveau campus européen de la banque américaine Morgan Stanley, inauguré lundi dernier, qui créera 100 emplois supplémentaires, essentiellement des financiers et des chercheurs.

Toutefois, en prenant du recul, on se rend compte que le secteur financier contribue de manière considérable à la prospérité économique de notre pays. Les données chiffrées sont éloquentes.

Selon les chiffres de Paris Europlace, en Île-de-France, plus de 20 000 nouveaux emplois directs et indirects ont été créés entre 2017 et 2022. À l’échelle du pays, en 2023, quelque 1 815 décisions d’investissement international ont été recensées, permettant la création ou le maintien de quelque 60 000 emplois à horizon de 2026.

Ce sont des investissements qui bénéficient à l’ensemble du territoire, puisque 49 % des projets sont réalisés dans des communes de moins de 20 000 habitants, à l’image de l’installation du futur centre de données de Microsoft dans le village de Petit-Landau, dans le Haut-Rhin.

Le site est censé fonctionner uniquement à partir d’énergies renouvelables et devrait permettre, a priori, de créer 200 emplois. Ce chiffre peut sembler dérisoire, mais au regard de la population de Petit-Landau – environ 800 habitants –, cela n’est pas négligeable et cela suscite beaucoup d’espoir pour la survie du village et même de la région. C’est un exemple parmi tant d’autres dans les engagements pris lors du sommet Choose France.

Je pense également à la création, par l’entreprise KL1, installée en Suisse, d’une usine de raffinage de nickel à Blanquefort, près de Bordeaux, une ville marquée il y a quelques années par la fermeture de Ford. Quelque 200 emplois sont promis, ainsi que 300 millions d’euros d’investissement dans un secteur clé, celui de la fabrication des batteries de véhicules électriques.

Pensons encore à l’usine aéronautique de la société Lilium, destinée à la conception d’avions électriques, dont l’entrée en service est prévue pour 2026, quelque part en Nouvelle-Aquitaine, avec 850 emplois à la clé.

Voilà autant d’exemples d’investissements et de projets dans tous les territoires, avec un objectif très clair : que la France puisse redevenir une puissance industrielle.

Renforcer l’attractivité de la France n’est donc pas qu’un slogan, c’est un cap politique et stratégique. Au-delà des créations d’emplois, ces investissements jouent dès à présent un rôle décisif dans le plein emploi et donc dans le désendettement de la France.

Voilà les raisons pour lesquelles nous devons renforcer le financement des entreprises et l’attractivité de notre pays, grâce aux mesures qui sont présentées dans ce texte. Nous devons permettre à nos entreprises d’être encore plus compétitives et de s’adapter aux évolutions technologiques. Comment faire ?

Cela passe tout d’abord par le renforcement des capacités de financement sur le marché et en fonds propres. Le texte propose notamment de faciliter l’introduction en bourse des entreprises et d’accompagner leur capacité à réaliser des augmentations de capital. Il s’agit en outre de rendre la place de Paris plus attractive pour les prestataires de services d’investissements.

Ensuite, le texte vise à soutenir la compétitivité des entreprises françaises dans leurs échanges internationaux, grâce à la reconnaissance des titres transférables électroniques, à leur définition juridique et à la reconnaissance de leur équivalence. Plus de 20 % des flux du commerce extérieur français sont adossés à ces titres transférables, ce qui n’est pas négligeable.

Enfin, le texte contient des mesures qui adapteront notre droit interne aux nouvelles réalités du secteur, afin, là encore, de renforcer l’attractivité de notre législation. Concrètement, l’article 10 facilitera par exemple la numérisation des réunions pour les organes des sociétés commerciales, quand l’article 11 permettra à la cour d’appel de Paris de se spécialiser dans l’arbitrage international.

Mes chers collègues, toutes les mesures que je viens de citer sont nécessaires pour renforcer notre attractivité. Pour séduire toujours plus d’investisseurs étrangers, il nous faut gagner en agilité et adapter notre arsenal juridique. Si notre savoir-faire et nos formations permettent à notre pays d’être encore un formidable vivier de talents, nous ne devons pas nous empêcher d’attirer ceux qui sont venus d’ailleurs, avec toutes les conséquences positives que cela peut avoir sur notre économie et notre industrie.

Nos concitoyens et les élus locaux le savent pertinemment : derrière une France plus attractive se cache en réalité une mosaïque de territoires qui peuvent en tirer parti. Aussi, pour éviter une France décatie, le groupe RDPI votera pour l’adoption de ce texte !