M. Guillaume Chevrollier. Lors de l’examen en commission, les rapporteurs, que je salue, ont proposé un certain nombre d’ajustements, afin de fluidifier davantage encore les différentes procédures, notamment les règles de la commande publique concernant les projets de recherche, de production et de stockage nucléaires.
Ces apports sénatoriaux, qui s’inspirent des recommandations de l’Opecst, permettront de consolider la nouvelle organisation de l’autorité de sûreté.
Si nous sommes nombreux à souscrire pleinement à cette réforme, je souhaite néanmoins insister sur un triple enjeu qui me paraît essentiel : la formation, la compétence et l’attractivité des métiers de la filière nucléaire.
Cette réforme conforte les moyens humains de l’autorité de sûreté nucléaire, en la laissant plus libre de redistribuer ses ressources humaines entre les nouveaux projets nucléaires et le nucléaire historique. En cela, elle permettra sans aucun doute d’accroître son efficacité, et c’est une très bonne chose.
Nous devons toutefois garder à l’esprit que les contrôles exercés par les équipes seront plus nombreux, ce qui aura pour effet d’accroître la charge de travail : la question d’une éventuelle dégradation du niveau de contrôle est ainsi posée. Il faudra donc rester vigilant à ce sujet.
Par ailleurs, le projet de loi vise à maintenir le vivier de recrutement et l’attractivité des métiers de la filière nucléaire. Il me paraît essentiel d’investir fortement pour susciter les vocations, car cette dernière a trop longtemps été décriée auprès de nos jeunes, au moyen d’arguments fallacieux.
Comme je le disais, nous voterons cette réforme, car la majorité sénatoriale défend depuis plusieurs années, avec force, la relance du nucléaire civil. En 2021, nous avions déjà adopté deux résolutions sur ce sujet et sur l’intégration de l’énergie nucléaire à la taxonomie verte européenne. Notre mission d’information transpartisane sur l’énergie nucléaire et l’hydrogène bas-carbone a également abondé en ce sens.
Il s’agit à présent de tenir nos objectifs !
L’adoption de ces deux textes, amendés par la commission, permettra de renforcer la gouvernance de la sûreté nucléaire : celle-ci gagnera en cohérence, en efficacité et en lisibilité, afin de susciter la confiance de tous.
C’est une étape nécessaire si nous voulons préserver notre indépendance énergétique, nous inscrire dans la lignée des plans Messmer, tout en agissant pour le climat, et ce dans l’intérêt bien sûr de nos concitoyens, de notre industrie, que nous devons décarboner, de nos entreprises et de nos collectivités locales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Denise Saint-Pé applaudit également.)
M. Philippe Tabarot. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chauvet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Patrick Chauvet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 30 janvier dernier, lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a rappelé le caractère crucial du nucléaire pour l’avenir énergétique de notre pays et son indépendance.
Si nous voulons être à la hauteur de nos ambitions, nous devons agir à tous les étages de la fusée de l’atome, de l’industrialisation jusqu’à la supervision des activités, en passant par la formation, la recherche et l’innovation. Notre effort sera total ou ne sera pas.
À ce titre, ces projets de loi constituent une étape qu’il nous faut saluer. Ils nous doteront d’une autorité moderne, aux moyens financiers, juridiques et humains adaptés aux enjeux contemporains.
Ainsi, le groupe Union Centriste soutient ce projet de fusion de l’ASN et de l’IRSN, qui permettra de former la future ASNR. Frappée du coin du bon sens, cette réforme est la bienvenue. Je souhaite d’ailleurs saluer le travail réalisé par nos rapporteurs, Pascal Martin et Patrick Chaize, qui ont permis de corriger certaines malfaçons et d’enrichir ce texte.
Nos lignes rouges ont été respectées.
Tout d’abord, les salariés des deux entités bénéficieront des garanties liées à leurs différents statuts de droit public ou de droit privé. La diversité des parcours sera une force de l’institution.
Deuxième point majeur, les garanties apportées en matière d’indépendance de l’expertise nous semblent être, pour partie, satisfaisantes, notamment après les ajustements apportés par nos commissions.
Nous devons pouvoir nous appuyer sur une autorité efficace pour lancer les chantiers cruciaux du nucléaire, mais également sur une autorité de sûreté, capable de mettre l’expertise et la rigueur scientifique au cœur de son réacteur décisionnel.
Malgré cela, des défis attendent la future autorité à commencer par la question de son attractivité : de l’ordre de 20 % à 40 %, telle est la différence de revenus entre les membres de la future ASNR et les salariés des entreprises privées. Cette réforme ne nous exonère pas de notre responsabilité face à ce problème qui perdure. Que proposez-vous, monsieur le ministre, pour améliorer l’attractivité de ces métiers ?
Ce sujet ne constitue pas le seul point de vigilance de notre groupe. En effet, si le texte va dans la bonne direction, la distinction entre les missions doit être inscrite dans notre droit et doit être respectée dans les faits. Nous devons pouvoir être les garants de cette indépendance grâce à un contrôle rigoureux. Il y va de la crédibilité des rapports de l’ASNR.
Parallèlement, nous appelons de nos vœux un meilleur encadrement des relations de l’autorité avec les autres acteurs de l’écosystème nucléaire, à l’image d’EDF. Les impératifs économiques ne doivent pas prendre le pas sur la sûreté de nos installations.
Enfin, le transfert de l’expertise nucléaire de défense au ministère des armées a tout de la fausse bonne idée. L’ASNR doit garder cette compétence dans son giron et s’appuyer si nécessaire sur l’expertise des services de l’État en matière de défense.
Vous le voyez, monsieur le ministre, nous saluons la copie, mais la rédaction reste perfectible. La grammaire du nucléaire mérite des ajustements qui ne sont pas de l’ordre de l’anecdote. Le groupe UC y veillera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit dans le cadre d’une politique de « réhabilitation » de l’énergie électronucléaire en France, malgré l’arrêt de Superphénix par le gouvernement Jospin en 1998, malgré la pression de nos voisins allemands au sein de l’Union européenne pour favoriser les seules énergies renouvelables (EnR), malgré aussi les campagnes de diabolisation des écologistes (Protestations sur les travées du groupe GEST.), malgré enfin l’abandon du démonstrateur Astrid ou encore la fermeture de Fessenheim. La filière nucléaire française doit renaître de ses cendres.
Après de multiples tergiversations et atermoiements, et – il faut le dire – un revirement assez acrobatique, le Président de la République a enfin donné une direction, lors de son discours de Belfort en janvier 2022, faisant enfin du nucléaire la pierre angulaire de notre politique souveraine énergétique.
Mme Sophie Primas. Il était temps !
M. François Bonhomme. Le Parlement a, depuis, adopté la loi du 22 juin 2023. Nous examinerons bientôt le futur projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, dont la déclinaison se fera au travers de la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie et de la stratégie nationale bas-carbone. Le nucléaire y aura enfin toute sa place !
Mais que de temps et de compétences perdus durant ces trente dernières années ! Et à quel prix ? Celui de la fragilisation de notre filière nucléaire d’excellence ou encore de l’importation d’électricité carbonée.
Dans le cadre de la nouvelle donne, le Gouvernement prévoit donc une réorganisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire par le biais de la fusion de l’ASN et de l’IRSN.
Le Gouvernement a bien essayé de passer en catimini, en déposant deux amendements à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi sur l’accélération des procédures de construction de nouvelles installations nucléaires.
Cette tentative a logiquement échoué, tant le Gouvernement avait bâclé son projet en ne menant pas en profondeur les consultations nécessaires pour permettre aux parlementaires d’avoir d’un avis éclairé.
Fort opportunément, le Parlement a alors saisi l’Opecst pour qu’il réalise un vrai travail de fond sur les conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN.
Nos collègues Fugit et Piednoir ont formulé des propositions visant à créer une grande autorité indépendante de la sûreté et de la radioprotection, dont les moyens financiers et humains seraient renforcés.
Le Gouvernement a, pour sa part, mené une série de consultations auprès de différentes institutions. Ces débats n’ont donc pas été inutiles pour parvenir à l’élaboration d’un projet plus mature sur le fond.
Ce texte vise à clarifier l’organisation actuelle. Il s’inspire des préconisations de l’Opecst, qui recommandait de regrouper « des moyens humains et financiers actuellement alloués à la sûreté nucléaire et à la radioprotection » afin de « mettre fin à une certaine ambivalence en la matière et de faire face aux nouveaux défis qui s’annoncent ». Il s’agit aussi notamment de renforcer les capacités d’expertise de la nouvelle entité.
La future ASNR remplacera donc l’ASN et elle se verra attribuer les prérogatives de l’IRSN, qui est actuellement chargé d’effectuer des recherches sur les risques liés à la radioactivité.
Récemment, le président de l’ASN a apporté son soutien à cette fusion clarificatrice. Il a souligné que le dispositif actuel n’a pas été conçu pour faire face à un contrôle de sûreté dans le « contexte hors norme » lié à la relance de la filière nucléaire française, qui est marqué notamment par la poursuite de l’exploitation des réacteurs existants, la réalisation de nouveaux réacteurs, le stockage géologique ou sur site du combustible, et la création d’installations de fabrication et de retraitement du combustible.
Le texte vise ainsi à créer une organisation resserrée : institution d’un interlocuteur unique, unification du pilotage des priorités, regroupement des compétences, fluidité des processus d’instruction.
D’un point de vue juridique, le projet de loi prévoit que la future entité conservera le statut d’autorité administrative indépendante. C’est essentiel. Il est cependant regrettable que la mention « indépendante » ne figure pas dans sa dénomination.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. C’est vrai !
M. François Bonhomme. Notre collègue et rapporteur Patrick Chaize a ainsi déposé un amendement en ce sens, conformément d’ailleurs aux recommandations de l’Opecst.
La question centrale que nous devons nous poser à propos de ce texte est la suivante : la nouvelle organisation permettra-t-elle, comme l’affirme le Gouvernement, de concilier efficacement le niveau de sûreté avec la montée en charge de l’entretien ou de la construction des centrales nucléaires de production d’électricité (CNPE) existantes ou futures ?
Le niveau de sûreté dépendra bien évidemment de l’efficience des procédures de contrôle.
Comme le souligne le président de l’ASN, la réalisation de six EPR2 ainsi que le développement des réacteurs SMR (Small Modular Reactors) ou AMR (Advanced Modular Reactors) pourraient mettre en tension la chaîne d’approvisionnement de la filière nucléaire. Dans ce contexte, une multiplication de contrefaçons, d’irrégularités ou de fraudes est alors à redouter.
Il a rappelé aussi que le contrôle, à tous les niveaux de la chaîne, doit rester un point majeur de vigilance pour toute la filière.
L’ASN possède aussi ses propres compétences techniques et d’expertise.
En revanche, il est vrai que le projet de loi prévoit, comme cela est expliqué dans l’étude d’impact, que la nature des avis techniques publiés et les modalités de publication seront définies par le règlement intérieur, « en fonction de la nature des dossiers et des décisions traitées par l’ASNR »…
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. François Bonhomme. À ce sujet, l’Anccli demandait que « le contenu du règlement intérieur de l’ASNR réponde aux principes de transparence tels qu’ils sont précisés dans la Charte de l’environnement ». (Marques d’impatience sur les travées du groupe GEST. – Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Il faut conclure !
M. François Bonhomme. Je partage ce point de vue. La transparence publique de l’expertise est la garante de la sûreté nucléaire… (Marques d’impatience et début de chahut sur les travées des groupes GEST et Les Républicains.)
Mme la présidente. Vous avez largement dépassé votre temps de parole, mon cher collègue !
La discussion générale commune est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)
PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.
Je vous rappelle que la discussion générale commune est close.
Organisation des travaux
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pourrions achever l’examen de ces deux textes ce soir, à la condition de terminer à une heure raisonnable – vers une heure du matin, si cela est possible.
En accord avec les commissions et le Gouvernement, je vous invite ainsi à faire preuve, autant que possible, de la plus grande concision dans vos interventions. Je ne manquerai d’ailleurs pas de vous le rappeler le cas échéant au cours de la discussion. (Mme Sophie Primas applaudit.)
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Très bien !
M. Fabien Gay. On peut partir maintenant ! (Sourires.)
M. le président. Nous passons à la discussion, dans le texte de la commission, du projet de loi ordinaire.
projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire
TITRE Ier
L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE RADIOPROTECTION
Chapitre Ier
Missions et fonctionnement de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection
Section 1
Dispositions modifiant le code de l’environnement
Article 1er
Le livre V du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 591-1 est complété par les mots : « , et, plus généralement, de protéger la santé publique ainsi que l’environnement » ;
2° À l’intitulé du chapitre II du titre IX, les mots : « et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire » sont remplacés par les mots : « et de radioprotection » ;
3° L’intitulé de la section 1 du même chapitre II est ainsi rédigé : « Missions de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection » ;
4° Le second alinéa de l’article L. 592-1 est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Elle est investie d’une mission générale d’expertise, de recherche et de formation dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
« En relation avec des organismes publics ou privés, français ou étrangers, elle contribue, par ses travaux d’analyse, de mesurage et de dosage ainsi que par ses activités d’expertise, de recherche et de formation, au maintien d’un haut niveau de compétences en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection et concourt à l’amélioration constante des connaissances, scientifiques et techniques, dans ces domaines.
« Elle assure une veille permanente en matière de radioprotection sur le territoire national.
« Elle contribue à la surveillance radiologique de l’environnement et des personnes exposées aux rayonnements ionisants, au recueil et à l’analyse de données dosimétriques concernant la population générale, les travailleurs et les patients, y compris en cas d’accident nucléaire.
« Elle contribue aux travaux et à l’information du Parlement, dont l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et les différentes commissions parlementaires compétentes, en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.
« Elle participe, dans ses domaines de compétence, à l’information du public et à la mise en œuvre de la transparence. » ;
5° L’intitulé de la section 2 dudit chapitre II est ainsi rédigé : « Collège de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ».
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, je tiens tout d’abord à saluer sincèrement l’important travail de fond réalisé sur ces textes par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques – je pense en particulier à leurs présidents et à leurs rapporteurs –, mais aussi par l’Opecst.
Je prendrai aussi la parole sur l’article 4 et je vais tenter, monsieur le président, de réaliser une synthèse de mes interventions.
Je veux quand même rappeler que cet article vise à créer une nouvelle autorité : l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).
En France, nous avons cent vingt-quatre installations nucléaires de base. Les exploitants en sont les premiers responsables en termes de sûreté, mais l’ASN et l’IRSN jouent aussi un rôle en la matière.
La création d’une nouvelle structure vise à renforcer l’attractivité du secteur de la sûreté nucléaire. La commission des affaires économiques a souhaité conforter la sécurité juridique de cet article et lever toute ambiguïté sur le champ de la mission d’information du public et de transparence de l’ASNR.
Je fais confiance aux membres des deux commissions, qui ont fait un travail approfondi et qui ont aussi su préserver la diversité des statuts des personnels des entités concernées. C’est pourquoi je soutiendrai cet article.
M. le président. L’amendement n° 21, présenté par MM. Salmon et Dantec, Mme Guhl, MM. Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, nous engageons avec ce texte la sécurité de notre parc nucléaire pour quelques siècles. Par conséquent, je pense que nous devons prendre le temps qu’il faut !
Cet amendement vise à supprimer l’article 1er du projet de loi ; il s’inscrit évidemment dans la lignée de la motion tendant à opposer la question préalable que nous avons déposée. Nous voulons ainsi réaffirmer notre opposition à ce texte.
L’article 1er organise le démantèlement de l’IRSN aux dépens de l’indépendance et de la crédibilité des expertises. Notre système dual a pourtant fait ses preuves et cette indépendance de l’expertise, loin de la pression de l’autorité de contrôle ou des exploitants, est aujourd’hui un atout indéniable.
Alors que nous avons déjà dressé, lors de la discussion générale, la longue liste de tous les risques posés par cette réforme, nous attendons toujours, après plus d’une heure de débat, de comprendre ses avantages – nous ne les avons toujours pas entendus, monsieur le ministre !
Nous voulons citer ici l’ensemble des organisations ayant émis des interrogations, des doutes ou leur opposition à ce projet.
Ainsi, dans son avis de mars 2023, la CNDASPE relève que renoncer au système dual expose à ce que les fonctions de gestion confiées à l’entité pèsent sur l’expertise et la recherche au risque d’en affecter la qualité.
La Cour des comptes, le Conseil d’État, l’Opecst comme nos propres débats en commission ont montré la complexité de cette réforme.
La plupart des organismes consultés sur le projet de loi – HCTISN, Anccli, CNTE, organisation syndicale des salariés de l’ASN… – ont émis de fortes réserves sur ce projet de loi.
L’intersyndicale de l’IRSN a, quant à elle, affiché très clairement son refus de ce projet de loi. D’ailleurs, elle a appelé à manifester de nouveau demain. Le Sénat aura peut-être déjà terminé son examen, mais je pense qu’elle maintiendra de toute façon son appel.
La société civile, notamment via le collège des associations membres du HCTSIN, s’oppose fermement à ce projet, dénonçant un recul de la démocratie environnementale.
Enfin, lors des auditions, on nous a indiqué que 80 % des fusions d’organisations se soldaient par un échec.
On sait que l’IRSN est farouchement opposé à ce projet, ce qui constitue évidemment un très mauvais signal pour cette fusion-démantèlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Martin, rapporteur. Cet amendement vise à annuler le projet de réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire. Cette réforme est certes perfectible, mais elle est souhaitable.
Pour les raisons que j’ai développées pendant la discussion générale et en réponse à la question préalable, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Je ne peux pas croire que M. Salmon considère que la discussion générale a commencé quand le Gouvernement a fini de parler ! J’ai précisément utilisé les dix minutes dont je disposais alors pour vous expliquer les raisons pour lesquelles il était souhaitable de faire cette fusion et pour vous présenter l’ensemble des garanties qui étaient apportées.
Ne pas vous avoir convaincu n’est qu’une demi-surprise, mais cela ne me semble pas devoir justifier un tel amendement de suppression.
L’avis est défavorable.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 91 rectifié, présenté par MM. Chaize et Gremillet, Mme Belrhiti, MM. Reichardt, Sautarel, Daubresse, Piednoir, Burgoa, Khalifé et Hugonet, Mme M. Mercier, MM. Milon et Klinger, Mme Dumont, M. Bonhomme, Mmes Gosselin, Richer et Lassarade, MM. Bouchet, D. Laurent, Somon et Brisson, Mmes Primas, Puissat et Di Folco, MM. J.B. Blanc et Favreau, Mmes Gruny et Estrosi Sassone, MM. Pellevat, Savin, Belin, Mouiller et Laménie, Mme Berthet et MM. Michallet, Bruyen et Meignen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Après le mot :
Autorité
insérer le mot :
indépendante
II. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa de l’article L. 592-1, après les mots : « L’Autorité de sûreté nucléaire » sont insérés les mots : « , dénommée “Autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection” , ;»
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement vise à renforcer la notion d’indépendance dans le nom même de la nouvelle autorité.
Je vous rappelle que, en 2023, lors de l’examen du projet de loi d’accélération du nucléaire, le Sénat avait identifié un certain nombre de secteurs – le cyber, le dérèglement climatique, etc. – où cette autorité aurait à remplir des missions nouvelles.
Notre amendement vise à dénommer cette autorité : Autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection. Il nous semble que ce changement est important tant pour le collège et les personnels que pour les pouvoirs publics et les citoyens.
Le rapport de l’Opecst du 11 juillet 2023 rappelait aussi l’importance de cette notion d’indépendance.
Cet amendement a tout simplement pour but de changer la dénomination de la nouvelle autorité pour renforcer la notion d’indépendance. En effet, le Sénat ne veut absolument pas transiger sur la question de la sécurité nucléaire.
M. le président. L’amendement n° 87, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa de l’article L. 592-1, les mots : « L’Autorité de sûreté nucléaire est une autorité administrative » sont remplacés par les mots : « L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection est une autorité publique » ;
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement, qui a été rédigé avec l’intersyndicale de l’IRSN – je veux d’ailleurs saluer ses représentants qui sont en tribune et écoutent nos débats –, concerne le statut de la nouvelle autorité : faut-il une autorité administrative indépendante (AAI) ou une autorité publique indépendante (API) ?
Nous penchons plutôt pour une autorité publique indépendante et quatre arguments plaident en ce sens.
D’abord, une API est une institution dotée de la personnalité morale qui veille à protéger les droits des citoyens sans être soumise à l’autorité de l’État, ce qui lui permet d’exercer ses missions de manière impartiale et libre de tout conflit d’intérêts.
Ensuite, le statut d’API permet une indépendance financière – or c’est le nerf de la guerre.
Enfin, divers autres éléments plaident en ce sens, par exemple : la reprise des brevets et des engagements contractuels, la possibilité de disposer de flux financiers ou encore le maintien, dans des conditions optimales, des collaborations de recherche tant en France qu’à l’international.
Il y a un dernier point, monsieur le ministre, qui nous est cher, vous le savez : le devenir des salariés qui exercent dans l’activité de dosimétrie. Si nous adoptons votre projet de fusion, ils ne pourront pas intégrer la future ASNR, parce que le statut d’AAI ne permet pas de développer des activités commerciales. Or le statut d’API le permettrait.
Pour toutes ces raisons et dans le cas où le projet de fusion serait adopté, nous préférons que la future autorité soit une autorité publique indépendante.
M. le président. L’amendement n° 90, présenté par Mme Guhl, MM. Dantec, Salmon, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Jadot et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa de l’article L. 592-1, le mot : « administrative » est remplacée par le mot : « publique » ;
La parole est à Mme Antoinette Guhl.