M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour la réplique.

Mme Brigitte Devésa. Nul n’est dupe ici : la Chine, irritée par le résultat de la présidentielle à Taïwan, cherche désormais à instrumentaliser l’aviation civile pour des considérations politiques et militaires.

La France doit appeler à l’ouverture de négociations pour sauvegarder le statu quo dans le détroit de Taïwan, fondé sur la paix, la sécurité dans le respect mutuel et l’application des règles de droit. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 14 février 2024, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Candidature à une éventuelle commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

Interdiction des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique (proposition n° 161, texte de la commission n° 305, rapport n° 304).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, la France paie chaque année un lourd tribut au tabagisme.

C’est la première cause de mortalité évitable avec 75 000 décès par an, soit 200 morts par jour. Selon l’Institut Curie, si tous les moins de 20 ans arrêtaient de fumer demain, la mortalité par cancer diminuerait de 40 % dans les cinquante ans.

La lutte contre le tabagisme, fermement ancrée dans les priorités du ministère de la santé, est faite d’une succession de politiques de santé publique volontaristes.

La loi du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme, dite loi Veil, comme la loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite loi Évin, ont permis de modifier en profondeur la représentation du tabac dans notre société.

Nous portons depuis plusieurs années une attention particulière à l’entrée des jeunes dans le tabagisme. Nous allons dans le bon sens : chez les jeunes de 17 ans, la prévalence du tabagisme quotidien a baissé significativement entre 2017 et 2022 de 25,1 % à 15,6 %.

Cependant, les jeunes générations demeurent la cible prioritaire de l’industrie du tabac. L’addiction nicotinique est d’autant plus forte qu’elle est initiée précocement. En France, l’âge moyen de la première cigarette se situe aujourd’hui aux alentours de 14 ans.

Il est particulièrement important d’agir résolument face aux nouvelles tendances, dont font partie les produits de vapotage. Ils posent des risques importants d’entrée dans la dépendance à la nicotine.

Je veux donc saluer ce texte, qui vise à l’interdiction des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique. Le marketing de ces produits est conçu pour attirer les jeunes, avec ses couleurs, ses parfums et ses prix bas.

Nous voyons des dispositifs arriver sur le marché dont le contenu équivaut à dix-huit paquets de cigarettes. C’est un danger sanitaire pour les plus jeunes. Chez les 13-16 ans, on estime qu’un jeune sur dix a déjà essayé la « puff ».

La puff n’est pas un dispositif de sevrage. Son taux de nicotine pouvant aller jusqu’à 20 milligrammes par millilitre ouvre la voie à une forte dépendance. Elle apprend aussi le geste de fumer. Tous ces éléments facilitent l’effet passerelle vers le tabagisme.

Nous allons mettre en place une veille sur tous les nouveaux produits du tabac et du vapotage. Je pense aux sachets de nicotine, arrivés récemment.

Ce combat nécessite de l’engagement et de la ténacité, nous en avons !

Je veux aussi souligner que la puff constitue un fléau environnemental. C’est un dispositif non rechargeable, non recyclable et dont le mode de production est très consommateur de pétrole et d’eau.

Un territoire de la République en a déjà interdit l’importation : la Nouvelle-Calédonie. Nos voisins belges, allemands ou irlandais sont en train de mettre en place des interdictions similaires à celle que nous examinons aujourd’hui. C’est une politique de prévention indispensable face aux enjeux que j’évoquais.

Le 22 juin 1976, dans cet hémicycle, Simone Veil défendait le projet de loi de lutte contre le tabagisme, en évoquant l’importance de combler notre « retard sensible en ce qui concerne la prévention et, tout particulièrement, l’information et l’éducation sanitaires ».

Elle ajoutait que « limiter la politique de santé à la seule médecine de soins – si essentiel que soit son rôle – en s’abstenant de remédier, lorsque c’est possible, aux causes mêmes des maladies, serait à la fois illogique et injustifié aussi bien sur le plan humain que du point de vue économique ». Tout était dit, mesdames, messieurs les sénateurs.

Ce combat pour la prévention, nous le poursuivons aujourd’hui.

En matière de prévention du tabac, nous avons tout un arsenal de mesures, détaillé dans le plan national de novembre 2023.

Pour protéger les jeunes du tabagisme, nous avons pris des mesures fortes afin de rendre le tabac moins accessible, moins attractif et moins abordable.

Pour accompagner les fumeurs, en particulier les plus vulnérables, nous renforçons les mesures de repérage, d’information et d’accès aux traitements de substitution.

Pour protéger notre environnement, nous instaurons de nouveaux espaces extérieurs à usage collectif sans tabac.

Pour transformer les métiers du tabac et lutter contre les trafics, nous soutenons les buralistes face aux évolutions de leur métier et nous renforçons notre lutte contre le marché parallèle.

Enfin, pour améliorer la connaissance sur les dangers liés au tabac et les interventions pertinentes, nous renforçons activement le domaine de la recherche.

Le Président de la République l’avait annoncé lors de la journée mondiale contre le cancer de 2021 : nous visons une génération sans tabac dans les années 2030.

Soyez assurés que je mettrai toute mon énergie et toute celle de mon ministère au service de cet objectif. C’est un défi de santé publique, mais plus largement un défi sociétal. Nous devons être à la hauteur : en adoptant cette proposition de loi, vous le serez.

Je tiens à saluer le formidable travail législatif transpartisan, avec une proposition de loi signée par huit groupes politiques différents, et le travail remarquable du rapporteur Khalifé Khalifé, que je remercie. (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Médevielle applaudit également.)

M. Khalifé Khalifé, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout a été dit ou presque.

La proposition de loi qu’il nous revient d’examiner a été votée à l’Assemblée nationale à l’unanimité le 4 décembre dernier. Composée d’un article unique, elle n’en est pas moins porteuse d’enjeux sensibles et mérite toute notre attention.

La France est le troisième marché mondial de la cigarette électronique : il représente un chiffre d’affaires de près d’un milliard d’euros et compte plus de 3 millions de vapoteurs. Les cigarettes électroniques jetables, ou puffs, représentent un nouveau segment de ce vaste marché. Elles connaissent en France un succès grandissant depuis 2021. Le développement de ces produits concentre aujourd’hui notre attention. Il était temps, car le sujet, qui avait été évoqué en 2021, avait été classé sans suite.

Sous une apparence inoffensive, les puffs dissimulent pourtant un produit loin d’être anodin et des stratégies commerciales très offensives. Avec ces dispositifs, les industriels cherchent non pas à convertir des fumeurs traditionnels à un autre produit, mais bien à capter de nouveaux consommateurs de nicotine. Nous ne devons donc pas nous laisser berner par le discours fallacieux de la réduction des risques qu’ils ont élaboré : 80 % des puffs vendues en France contiennent de la nicotine.

Dans la tranche des 13-16 ans, 15 % déclarent avoir déjà utilisé une puff et 47 % d’entre eux disent avoir commencé leur initiation à la nicotine avec ce produit. La nicotine est une drogue dure et une drogue triste. Dure, parce qu’elle induit une dépendance très forte et une dégradation de la santé mentale de ses usagers. Triste, parce qu’elle n’a pas d’effet euphorisant, bien au contraire.

Les jeunes, dont le développement cérébral n’est pas encore à maturité, sont particulièrement vulnérables à ces effets. Contenue sous forme de sels dans les puffs, l’inhalation de la nicotine se trouve facilitée, ce qui peut conduire à en absorber des quantités plus importantes qu’avec le tabac.

De plus, les aldéhydes, ces substances néo-chauffées issues de la combustion partielle du liquide, sont probablement toxiques et cancérigènes, mais nous manquons de recul à ce jour pour consolider les données scientifiques existantes.

Les puffs s’achètent partout. Peu onéreuses, elles sont un produit accessible aux adolescents. Les modèles les plus récents, qui se retrouvent aussi sur le marché français, ne respectent pas tous les normes en vigueur, qu’il s’agisse du format du réservoir, limité à 2 millilitres, ou du taux maximal de nicotine, fixé à 20 milligrammes par millilitre.

Nos législations nationales sont mises à l’épreuve, car elles peinent à suivre les évolutions du marché. C’est pourquoi il nous incombe d’être vigilants pour proposer un texte suffisamment agile et englobant.

Vous l’aurez noté, l’interdiction porte à la fois sur la fabrication, la vente et la distribution ou l’offre à titre gratuit. Si la question d’une éventuelle interdiction d’importation des puffs a été soulevée, il est rapidement apparu que cela exposerait le texte à un risque de non-conformité au droit de l’Union européenne, en portant une atteinte supplémentaire à la libre circulation des marchandises.

D’ailleurs, dès lors que la fabrication et la vente ou la cession de ces produits sont interdites, l’intérêt de les importer ne pourrait recouvrir que des hypothèses très limitées, voire théoriques. Je rappelle que les puffs sont aujourd’hui fabriquées en Chine et qu’il n’existe pas de filière de production en France.

On peut regretter que l’interdiction de vente aux mineurs des produits du tabac et du vapotage ne soit que très imparfaitement respectée. Pourtant, cette proposition de loi n’est pas un aveu d’échec et constitue une réelle avancée.

En effet, l’interdiction générale des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique sera plus aisée à contrôler qu’une interdiction circonscrite aux seuls mineurs ; l’amende de 100 000 euros qui sanctionne le non-respect de l’interdiction est véritablement dissuasive.

Il n’en demeure pas moins indispensable d’accompagner la mise en œuvre du texte de moyens de contrôle appropriés, pour garantir son effectivité. Ces moyens apparaissent notoirement insuffisants aujourd’hui. La vente sur les réseaux sociaux et l’ubérisation du commerce ont rendu tout produit aisément accessible.

En tant que membre de la commission d’enquête sur le narcotrafic, je suis particulièrement sensibilisé à ces questions et soucieux de réfléchir aux moyens les plus efficaces pour empêcher les contournements de la loi.

À ce titre, je crois que nous pourrions envisager une mesure de contrôle de la majorité lors de l’achat en ligne des produits du tabac ou du vapotage, même si le sujet est complexe, j’en ai conscience.

L’impact environnemental de ces dispositifs n’est pas le moindre enjeu de cette proposition de loi. Il faut savoir que 5 millions de puffs sont jetées chaque semaine au Royaume-Uni, contre 1,3 million voilà un an. Le volume a donc été multiplié par quatre en une année. Cette accumulation de nouveaux déchets, qui ne répond à aucun besoin essentiel, doit nous interpeller. Ces cigarettes électroniques jetables sont composées d’une batterie de lithium non amovible. Nous épuisons donc consciemment des ressources naturelles sensibles pour créer des produits nocifs, à la durée de vie excessivement courte. L’indécence de ce modèle doit nous amener à nous questionner.

Pis : ces déchets, qui s’amoncellent, sont en pratique presque impossibles à recycler, principalement du fait de l’inamovibilité de leur batterie. Quant au lithium, il est à la source de départs d’incendies réguliers dans les centres de tri et de traitement des déchets et expose les biens et les personnes à des risques importants. Ce risque se trouve donc démultiplié avec les puffs.

Pour finir, j’évoquerai l’enjeu que représente cette proposition de loi au regard de l’Union européenne. Cette interdiction des dispositifs de vapotage à usage unique ne pourra entrer en vigueur que si la Commission européenne l’approuve. En effet, en application du principe de libre circulation des marchandises, un État membre de l’Union n’est fondé à interdire un produit conforme à la réglementation européenne qu’en raison de motifs spécifiques à la situation du pays et à la condition de poursuivre un objectif de protection de la santé publique.

Alors que la Commission européenne rendra son verdict pour la Belgique au mois de mars, la position de la France est scrutée par les institutions européennes. D’autres pays envisagent une interdiction similaire en Europe. Il est donc essentiel que la France affirme une volonté politique forte en faveur de l’interdiction des puffs. Au moment où des travaux sont engagés pour actualiser la directive européenne sur les produits du tabac, sa voix doit porter pour être entendue.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, l’article unique de cette proposition de loi est lourd d’enjeux. Les auditions menées et l’instruction du texte ont renforcé ma conviction et ma détermination à vous convaincre de l’intérêt d’adopter cette proposition de loi.

Pour finir, à ceux qui invoqueraient un risque de report des usagers de la cigarette électronique jetable vers le tabac, je souhaite répondre qu’il est de notre responsabilité – vous l’avez rappelé, madame la ministre – de poursuivre et d’accentuer nos efforts en faveur de la lutte contre toutes les formes de tabagisme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après des années de politique de santé publique volontariste, la consommation de tabac est enfin en baisse chez les jeunes : depuis 2017, la prévalence tabagique est passée, chez ces derniers, de 25 % à 16 %.

Si nous pouvons nous satisfaire de cette amélioration, nous devons rester vigilants et agiles. L’industrie du tabac ne cesse, en effet, de multiplier les innovations pour attirer les plus jeunes de nos concitoyens dans les filets du tabagisme.

L’objet du débat qui s’ouvre en est un exemple frappant. Les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique, dits puffs, se sont imposés dans notre société à une vitesse grand V, en particulier chez nos jeunes : 15 % des adolescents de 13 à 16 ans auraient déjà utilisé une puff, et 47 % de ces jeunes usagers déclarent avoir commencé leur initiation à la nicotine avec ce produit.

Par ailleurs, en novembre dernier, les cigarettes électroniques jetables représentaient près de 30 % des références notifiées à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, contre moins de 4 % à la fin de l’année 2021. Il nous faut le dire haut et fort : oui, la puff est en train de devenir un fléau pour nos jeunes ! Elle explique l’importance de la proposition de loi que nous examinons.

En interdisant la fabrication, la vente, la distribution et l’offre gratuite des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique en France, nous répondrons à une double préoccupation, à la fois sanitaire et environnementale.

Premièrement, sur le plan sanitaire, l’utilisation des dispositifs à cartouche chargée a un effet contraire à l’objectif de la politique de lutte contre le tabagisme.

Diverses études démontrent le caractère fortement addictif de la nicotine et l’associent à des troubles anxiodépressifs et à une dégradation de la santé mentale chez ses usagers.

Sa présence sous forme de sels dans les puffs facilite l’inhalation de nicotine, ce qui tend à augmenter les quantités absorbées par les utilisateurs, lesquelles peuvent atteindre jusqu’à 20 milligrammes par millilitre. Cela ouvre la voie à une forte dépendance et crée une accoutumance au geste de fumer, ce qui facilite l’effet passerelle vers le tabagisme.

La puff constitue aussi un modèle commercial décomplexé et agressif, qui cherche à recruter de nouveaux consommateurs chez les adolescents.

Elle est très accessible, étant à la fois facile à utiliser et peu onéreuse, avec un prix variant entre 8 euros et 12 euros pour 600 à 2 000 bouffées. Colorées et ludiques, les puffs ont des saveurs sucrées et fruitées, qui ciblent clairement les jeunes. Les réseaux sociaux, notamment TikTok et Instagram, en font une promotion active, malgré l’interdiction de toute publicité en faveur des produits du vapotage.

Deuxièmement, la puff est à contre-courant des enjeux de transition écologique.

La composition des puffs, fabriquées avec des plastiques et métaux lourds, en fait des déchets particulièrement polluants.

Bien qu’ils soient le plus souvent jetés avec les ordures ménagères, ils constituent des équipements électriques et électroniques, qui relèvent d’une filière spécifique de tri et de traitement des déchets. Difficiles à collecter, ils se révèlent également presque impossibles à recycler, en raison de l’inamovibilité de leur batterie, alors même que la réglementation européenne obligera les entreprises, à partir de 2027, à s’assurer que les produits disposent de batteries facilement amovibles.

Par ailleurs, le traitement du lithium dans les centres de tri et de recyclage comporte des risques d’incendie importants, qui menacent la sécurité des travailleurs : en moyenne, un centre de tri est détruit chaque année en France !

Nous devons aussi constater que la législation en vigueur est plutôt un échec. Je rappelle que la publicité sur les produits du vapotage, qu’ils soient jetables ou rechargeables, est interdite, et qu’elle est assortie d’une interdiction de vente aux mineurs et d’une interdiction de vapoter dans certains espaces, dont les établissements scolaires.

Pourtant, les enquêtes démontrent que l’interdiction de vente aux mineurs est régulièrement enfreinte. Plus d’un quart des adolescents mineurs estiment qu’il est facile d’acheter et de se procurer des puffs.

Cette difficulté manifeste à opérer des contrôles et à réaliser des constats de flagrance pour sanctionner le non-respect de la loi pose, in fine, la question des moyens et du caractère dissuasif des sanctions. Il est donc essentiel de se doter d’un cadre législatif englobant et agile face à l’émergence de nouveaux usages, dont la puff fait partie.

Tel sera le cas si nous adoptons cette proposition de loi, notamment grâce aux avancées obtenues en commission sur la définition du dispositif électronique jetable à usage unique ou encore sur la sanction du non-respect de l’interdiction de fabriquer des puffs.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe RDPI se positionne clairement en faveur de ce texte.

Néanmoins, la seule interdiction des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique ne résoudra pas tous les problèmes liés au tabagisme en France.

Le précédent ministre de la santé et de la prévention, Aurélien Rousseau, avait annoncé un double objectif dans le cadre du programme national de lutte contre le tabac (PNLT) : faire apparaître une génération sans tabac d’ici à 2032 et accompagner les fumeurs dans l’arrêt du tabac.

Ce sujet de société nous concernant tous, il est essentiel de mener un travail collectif, pour avancer au-delà de nos clivages.

Nous devons aussi mieux anticiper l’avènement de nouveaux produits, comme le tabac à chauffer, le tabac à mâcher ou les sachets de nicotine.

Renforçons notre action à destination des fumeurs pour les aider à arrêter le tabac et mieux les accompagner, car, ne l’oublions pas, ce sont encore 200 Français qui meurent chaque jour à cause du tabac.

Les mots de Claude Évin sont plus que jamais d’actualité : la lutte contre le tabagisme « a toujours eu dans nos institutions une valeur symbolique. Sans doute parce qu’il s’agit de légiférer sur des comportements, des activités et des habitudes de vie qui conduisent à la mort ou à la souffrance physique et psychologique. »

À cet égard, si la présente proposition de loi est indispensable, elle ne constitue qu’une étape de la lutte contre le tabagisme. Dès lors, continuons de prendre ce sujet à bras-le-corps, tous ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui dans cet hémicycle pour examiner la proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique.

Cette proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée nationale, en première lecture, le 4 décembre dernier. Elle résulte d’une initiative de Mme Francesca Pasquini, députée écologiste des Hauts-de-Seine.

Ce texte est transpartisan, puisqu’il a recueilli, à l’Assemblée nationale, la signature de députés venant de huit groupes politiques. À notre Haute Assemblée, maintenant, de se prononcer !

Je veux, pour commencer, saluer la qualité du travail du rapporteur de notre commission des affaires sociales, M. Khalifé.

La proposition de loi entend interdire les cigarettes électroniques jetables ou à usage unique, les puffs, puff signifiant « bouffée » en anglais. Ces cigarettes ne contiennent pas de tabac, mais peuvent renfermer de la nicotine, substance au double effet psychotrope et addictif.

Bien évidemment, cette proposition de loi ne s’attaque pas aux produits de vapotage rechargeables qui servent à sortir de la consommation de tabac ni aux nouvelles formes de délivrance nicotinique.

Il est urgent d’interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique, car ce sont les adolescents qui sont visés par de tels produits, alors même que leur vente est interdite aux mineurs. Format minimaliste, facilement dissimulable aux parents, multitude de goûts disponibles : le gabarit des puffs et leur design ludique plaisent beaucoup, avec un très fort risque d’addiction.

Les puffs, apparues en 2021, sont moins chères qu’un paquet de cigarettes : elles offrent 300 à 600 bouffées pour quelques euros.

Les industriels du tabac mettent en quelque sorte les bouffées doubles (Sourires.), afin d’attirer les jeunes et, ainsi, de compenser la diminution de la consommation de tabac chez les jeunes générations.

Selon Alliance contre le tabac, 28 % des adolescents utilisant la puff ont commencé leur initiation à la nicotine à travers ce produit, et 17 % d’entre eux se sont ensuite tournés vers une autre forme de produit de la nicotine ou du tabac.

Il est urgent d’agir, car 15 % des jeunes âgés de 13 à 16 ans ont déjà utilisé une puff.

Or, comme le souligne M. Frédéric Le Guillou, pneumologue et président de l’association Santé respiratoire France, les puffs sont « une porte d’entrée dans l’addiction à la nicotine dans un premier temps, et dans l’addiction au tabac dans un second temps. La gestuelle est également responsable d’une dépendance comportementale. »

Il est d’autant plus urgent d’agir que les industriels du tabac rivalisent d’inventivité pour tenter de préserver leurs profits mortifères. J’insiste sur le terrible chiffre de 200 morts par jour en France à cause du tabac !

La dernière invention en date est la 9K, une nouvelle puff ultrapuissante qui contient 9 000 bouffées, ce qui équivaut à 18 paquets de cigarettes à 2 % de nicotine ; le packaging est là encore attrayant pour les jeunes, avec des vapoteuses colorées et parfois clignotantes.

La démarche des industriels du tabac est extrêmement perverse, comme le souligne l’Académie nationale de médecine : les puffs sont des pièges particulièrement sournois pour les enfants et les adolescents.

L’objectif est clair : il s’agit de rendre nos jeunes addicts aux produits du tabac, alors même que les irritants présents dans les puffs peuvent aggraver les maladies préexistantes dont ils souffriraient, comme l’asthme ou l’hyperréactivité bronchique.

Cette démarche des industriels du tabac n’est pas sans rappeler celle de certains fabricants d’alcool, qui visent les jeunes avec les prémix, boissons contenant de l’alcool masqué par un mélange de jus de fruits très sucré. Quel cynisme, là aussi, pour tenter d’augmenter encore et toujours les profits !

Les buralistes n’ont pas le droit de vendre des puffs 9K, encore moins à des mineurs. Je tiens, d’ailleurs, à souligner la position très responsable des buralistes, qui sont favorables à l’interdiction des puffs. Ces professionnels jouent un rôle primordial dans le maintien du lien social, en particulier dans nos bourgs et nos villages.

Si la vente des puffs est interdite aux mineurs, comment ceux-ci font-ils pour s’en procurer ? Ils passent malheureusement par la voie des réseaux sociaux, où les influenceurs qui font la promotion de tels produits auprès de la jeunesse – moyennant rémunération, bien sûr ! –, jouent un rôle très néfaste, alors même que la publicité pour les puffs est strictement interdite.

Je souligne, à cet égard, l’importance de la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, texte dont les députés socialistes sont à l’origine et qui a interdit la promotion de tels dispositifs sur les réseaux sociaux.

Si les puffs ont un coût moral, affectif et humain, elles ont aussi un coût potentiel pour notre sécurité sociale, puisqu’elles peuvent être à l’origine de maladies, dont des cancers. Rappelons que le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France : il a été responsable de la mort de 75 000 personnes en 2015.

Les puffs ont également un coût environnemental très fort : le plastique et le lithium qui les composent sont très consommateurs de pétrole et d’eau, extraits à l’autre bout du monde, bien souvent en Chine.

Les puffs sont donc ultratoxiques pour l’environnement. Jetables, elles sont en plastique et contiennent une batterie au lithium non recyclable.

Les cigarettes électroniques à usage unique sont facilement inflammables et constituent des déchets complexes, mal collectés, mal recyclés, présents dans les sols, les nappes phréatiques et les océans. C’est un véritable contresens écologique.

L’usage et la durée de vie de ces produits vont à l’encontre des actions et des mesures pour lutter contre le gaspillage, la surconsommation et le réchauffement climatique.

En conséquence, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat est tout à fait favorable à cette proposition de loi. Nous voterons pour interdire la fabrication, la vente, la distribution et l’offre à titre gratuit des dispositifs électroniques à usage unique, en y incluant les dispositifs rechargeables susceptibles d’être réutilisés jusqu’à épuisement du liquide prérempli dans le réservoir au moment de l’achat.

J’espère que ce texte sera adopté à une très forte majorité, voire à l’unanimité de notre hémicycle, pour envoyer un signal fort aux industriels du tabac.

L’interdiction des puffs est soutenue par une multitude d’acteurs : citoyens, scientifiques, associations, entreprises de vapotage et buralistes. Il faut faire cesser ces scandales sanitaires et environnementaux que sont les puffs.

Une fois la proposition de loi définitivement adoptée par le Parlement, il appartiendra au Gouvernement, madame la ministre, de notifier à la Commission européenne la mesure d’interdiction des dispositifs électroniques de vapotage à usage unique.

Cette notification est nécessaire, puisque les biens et les services circulent librement dans le marché commun. Une interdiction est possible au niveau européen, sous réserve qu’elle réponde à des motifs relatifs à la situation spécifique de l’État concerné et à condition d’être justifiée par la nécessité de protéger la santé publique.

Nous comptons donc sur la mobilisation sans faille du Gouvernement sur ce dossier très sensible, qui nous mobilise tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.