M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Solanges Nadille. Sur le grand âge, beaucoup reste à faire, mais cette proposition de loi comporte déjà de nombreux éléments.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Corinne Féret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, six ans ! Oui, cela fait maintenant six ans que nous attendons que le président Macron tienne sa promesse : annoncer enfin le dépôt d’un projet de loi pour répondre au défi du vieillissement, texte attendu par toutes les parties prenantes, les Français et leurs familles comme les professionnels des secteurs de la santé, du social et du médico-social.
Six ans que les gouvernements successifs nous présentent des écrans de fumée, entraînant légitimement frustration et colère.
Six longues années qui soulignent l’absence de volonté et de courage politique de l’exécutif, alors que la transition démographique est un sujet central qui devrait nous mobiliser.
En ce début 2024, les seniors de plus de 75 ans représentent 10 % de la population française. Dans les vingt prochaines années, leur nombre va quasiment doubler pour atteindre près de 11 millions. Au-delà des chiffres, nous parlons ici de notre capacité à prendre soin de nos proches.
Le texte qui nous occupe aujourd’hui, d’initiative parlementaire, possède un titre prometteur : « bâtir la société du bien-vieillir ». Il devient en effet urgent de bâtir, c’est-à-dire de poser des fondements solides et durables pour un système de prise en charge des personnes âgées.
Malheureusement, cette proposition de loi est surtout une accumulation de dispositions inégales, qui ne dessinent ni unité intellectuelle ni unité d’action. Parce qu’il y manque une orientation politique, ces mesures ne bâtissent pas grand-chose. Elles tentent tout juste de colmater quelques brèches et traitent de la forme plus souvent que du fond, le texte contournant l’essentiel des problèmes structurels liés au grand âge.
Composée d’une quinzaine d’articles lors de son dépôt à l’Assemblée nationale au mois de décembre 2022, la proposition de loi a plus que quadruplé, sans que se précise davantage la société du bien-vieillir que nous entendons bâtir.
Permettez-moi donc de m’interroger.
Quelles orientations et quels financements assignons-nous à la cinquième branche de la sécurité sociale dédiée à l’autonomie pour qu’elle soit le cadre et l’outil d’une réforme structurelle du grand âge ?
Comment rendre accessibles les Ehpad et réduire drastiquement le reste à charge ?
Comment revaloriser les métiers liés au grand âge ?
Comment donnerons-nous à ces professionnels qualifiés et dévoués les moyens d’exercer correctement leurs missions ?
Quand définirons-nous une politique du logement ambitieuse, permettant aux personnes vieillissantes de demeurer chez elles, grâce aux adaptations nécessaires ? L’accomplissement de ce virage domiciliaire est attendu par les Français, qui, dans leur grande majorité, veulent rester chez eux, là où ils ont construit leur vie et ont leurs souvenirs.
À toutes ces questions, nulle réponse. Sans volonté politique forte et moyens associés, comment ferons-nous, madame la ministre ?
La question des moyens est centrale. Nos collègues députés socialistes ont tenté d’y répondre, soutenus par d’autres élus, y compris de la majorité, en insérant par voie d’amendement le nouvel article 2 bis B, qui prévoit l’adoption avant le 31 décembre 2024, puis tous les cinq ans, d’une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge. Il nous faut en effet définir les objectifs de financement public nécessaires pour assurer le bien-vieillir des personnes âgées à domicile comme en établissement et le recrutement des professionnels, ainsi que les moyens mis en œuvre par l’État pour les atteindre.
En 2019, le rapport Libault estimait les besoins entre 9 et 10 milliards d’euros. On ne les voit toujours pas. Les objectifs et décisions sont sans cesse repoussés – à l’image des 50 000 emplois, un engagement présidentiel, qui devaient être créés pour le grand âge à horizon 2027 et qui sont désormais prévus pour 2030…
Cette loi de programmation pluriannuelle a été promise le 22 novembre dernier par Élisabeth Borne, alors Première ministre, pour répondre aux « enjeux centraux pour l’avenir de notre société » que sont l’autonomie et le grand âge.
La ministre Aurore Bergé, auteure de la proposition de loi lorsqu’elle était députée, s’était elle-même moralement engagée à la présentation d’un texte d’ici à l’été, pour un examen et une adoption au second semestre 2024. Des concertations avec les parlementaires de tous les groupes, les conseils départementaux et les représentants des professionnels du secteur pour se doter d’une vision partagée des besoins, des financements et des responsabilités, devaient même voir le jour.
Que reste-t-il aujourd’hui des engagements pris ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on s’interroge. Vos propos ne sont guère rassurants, madame la ministre. Vous restez bien trop évasive, indiquant à présent que l’agenda reste à définir. Vous n’évoquez pas davantage de loi de programmation et indiquez même souhaiter faire passer un maximum de réponses – lesquelles ? – par voie réglementaire.
C’est plus qu’inquiétant à l’heure où, dans nos Ehpad, des milliers de professionnels expriment leur désarroi face à l’impossibilité d’exercer dans des conditions humaines et décentes le métier qu’ils ont choisi et qu’ils aiment. Partout sur le territoire national, leurs directions les soutiennent, estimant ne plus avoir les moyens de gérer leurs établissements avec la qualité de prise en charge et la capacité d’innovation organisationnelle et technologique que réclame un public malade et dépendant.
Les élus locaux se mobilisent, car ils sont très inquiets de la situation financière de ces établissements. Ils lancent un véritable appel à l’aide.
Quant aux familles, elles s’interrogent légitimement sur ces institutions dans lesquelles leurs proches vont finir leurs jours. Surtout, elles doutent de leur capacité à pouvoir financer sur leurs deniers les soins dont ils auront besoin au soir de leur vie et éprouvent souvent une immense culpabilité vis-à-vis des solutions qu’ils retiennent pour leurs parents âgés.
Je vous le dis, madame la ministre, les réponses réglementaires ne vont pas suffire !
Beaucoup trop nombreuses sont les familles en détresse quand il faut organiser la prise en charge d’un proche.
Beaucoup trop nombreuses sont les personnes vieillissantes qui ne peuvent toujours pas choisir où elles finiront leurs vieux jours.
Beaucoup trop d’inégalités sociales et territoriales persistent jusque dans la vieillesse.
Beaucoup trop nombreux, enfin, sont les professionnels qui souffrent du manque de reconnaissance de leur métier.
Bien évidemment, la proposition de loi contient tout de même quelques avancées, comme la création du service public départemental de l’autonomie qui poursuit le double objectif de décloisonnement des politiques sanitaires et médico-sociales, comme de rapprochement des politiques en faveur des personnes âgées et de celles qui sont en situation de handicap.
On ne peut également que se féliciter de la généralisation du dépistage précoce, systématique et multidimensionnel de la perte d’autonomie, une mesure de prévention nécessaire.
Il en va de même pour les réponses apportées à quelques demandes émanant du terrain, notamment la délivrance d’une carte professionnelle aux personnes travaillant dans les métiers de l’aide et de l’accompagnement à domicile, ainsi que le soutien à leur mobilité, bien que cela ne soit évidemment pas suffisant.
Sur la question de la maltraitance, nos auditions ont confirmé la nécessité d’améliorer les dispositifs de repérage, de remontée et de traitement des cas de maltraitance envers les personnes âgées vulnérables. Les insuffisances des circuits actuels ne sont pas acceptables et il nous appartient d’y remédier.
Enfin, dans une logique de soutien au virage domiciliaire, la proposition de loi comporte plusieurs articles consacrés au logement, certains spécifiquement à l’habitat inclusif, assorti d’un projet de vie sociale et partagée. Là encore, les quelques réponses pragmatiques apportées aux acteurs de terrain vont dans le bon sens, sans instaurer l’essentiel des mesures attendues par nos concitoyens.
Les ajustements opérationnels, pratico-pratiques, sont une chose, mais reconnaissons que nous ne pouvons plus nous contenter de petits pas. Il faut avoir le courage de légiférer en grand sur la base d’un véritable projet de loi de programmation.
En tant que parlementaires, nous sommes en droit de l’exiger aujourd’hui, puisque nous avons accompli notre travail en multipliant les auditions, les déplacements, les rapports, donc les propositions pour améliorer la situation dans chacun de nos territoires, ruraux comme urbains.
Gardons tous à l’esprit que le vieillissement ne signifie pas la fin de la vie : les personnes âgées ont naturellement des projets, des envies. Elles ont besoin d’un accompagnement adapté pour vieillir dignement. En d’autres termes, elles doivent rester des citoyens à part entière et demeurer acteurs de leur vie.
En somme, nous sommes face à un défi majeur, auquel notre société doit répondre. C’est le sens du travail des sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, qui formuleront des propositions constructives par voie d’amendement et espèrent évidemment être entendus. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons à la demande du Gouvernement et sur laquelle la procédure accélérée a été engagée, soulève des questions qui se posent avec une intensité croissante en raison du vieillissement de la population et auxquelles la commission des affaires sociales attache la plus grande importance : la prévention de la perte d’autonomie, le pilotage et l’organisation de la prise en charge des personnes dépendantes, la promotion de la bientraitance, la situation des professionnels de l’accompagnement et du soin, les conditions d’hébergement et d’habitat des personnes âgées et en situation de handicap ou encore la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Vaste sujet…
Malheureusement, si ce texte a pris de l’épaisseur au cours de son examen à l’Assemblée nationale, son contenu relève davantage du catalogue de mesures sans grande portée que d’un grand texte relatif à l’autonomie. Les annonces ont peut-être été trop ambitieuses pour que nous croyions que ce texte répondrait en partie aux enjeux du secteur…
Je tiens à saluer l’important travail fourni par Jocelyne Guidez et Jean Sol, rapporteurs de la commission des affaires sociales, ainsi que par Elsa Schalck, rapporteure pour avis de la commission des lois.
La commission des affaires sociales, saisie au fond, a réalisé un travail de recentrage et d’amélioration du texte qui a permis de mettre en évidence ses quelques mesures structurantes, comme la création du service public départemental de l’autonomie ou la généralisation du programme Icope.
Je m’arrêterai en particulier sur les mesures proposées en matière de groupements d’établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Le texte vise à remédier au morcellement du secteur public en amenant les établissements et services pour personnes âgées à se regrouper en adhérant soit à un groupement hospitalier de territoire soit à un nouveau type de groupement dénommé « groupement territorial social et médico-social pour personnes âgées ».
Cette évolution, qui a d’abord pu étonner, est soutenue par les représentants du secteur et est de nature à renforcer la structuration de l’offre dans les territoires.
La commission a considéré que ce nouveau type de groupement pourrait également, dans une perspective de décloisonnement, investir le champ du handicap. Aussi a-t-elle souhaité que le projet d’accompagnement partagé du groupement comporte un volet relatif à l’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes. Je m’en félicite, car un récent rapport de la Cour des comptes souligne les lacunes dans leur prise en charge.
Cette proposition de loi, qui n’entraînera sans doute pas de bouleversement des politiques de soutien à l’autonomie, a été renommée par la commission « proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie », ce qui me semble mieux rendre compte de son contenu.
Le principal défi, au-delà des ajustements qui nous sont ici proposés, est d’ordre financier. Que ce soit pour réussir le virage domiciliaire ou améliorer les conditions d’hébergement en Ehpad, la question du financement du soutien à l’autonomie des personnes âgées, des personnes en situation de handicap et de l’accompagnement de leurs aidants ne cessera pas de se poser sans réformes structurelles ni création de ressources nouvelles.
Les attentes des acteurs sont désormais tournées vers la future loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge promise par le précédent gouvernement. L’annonce, à l’article 2 bis B, de l’adoption d’une telle loi de programmation avant le 31 décembre 2024 – j’insiste sur cette date –, qui n’a qu’une portée morale et symbolique et – je tiens à le rappeler – aucune portée juridique, a ainsi focalisé l’attention de tout le secteur, ce qui donne une idée de l’importance des mesures contenues dans le texte que nous examinons aujourd’hui.
La commission n’a pas souhaité remettre en cause cet engagement. En effet, nous savons tous que l’essentiel est de donner une vision à moyen et long termes au secteur sur ses sources de financement, et, plus largement, de repenser les différents modèles de partenariats, ainsi que l’équilibre entre l’État et les départements. Il s’agit du point de départ nécessaire au Gouvernement pour poser les fondements d’une restructuration complète du secteur.
Cet élément est important. Dans beaucoup de secteurs publics, notamment la santé, si les enjeux financiers sont essentiels, la réorganisation et la répartition des compétences représentent également une dimension importante, que nous devrons traiter au travers des travaux proposés par le Gouvernement, qui seront examinés par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. « Liberté, Égalité, Fraternité » : que faisons-nous de la fraternité française entre générations ?
Au mois de janvier 2023, la France comptait 14 millions de personnes âgées, parmi lesquels 4 millions avaient plus de 85 ans.
Malheureusement, selon l’étude CSA pour les Petits Frères des pauvres, en 2021, 530 000 personnes âgées se trouvaient en situation de « mort sociale », c’est-à-dire sans contact avec les différents cercles familial, amical et de voisinage.
Selon les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) de 2020, les personnes de plus de 75 ans se suicident deux fois plus que le reste de la population, ce qui concerne 20 % des suicides dans notre pays.
Cet abandon et cette souffrance de nos anciens sont une intolérable euthanasie cachée.
Tout cela est d’autant plus préoccupant quand on connaît la dynamique de vieillissement de la population de notre pays.
Dans les dix prochaines années, le nombre des Français âgés de 75 à 84 ans va augmenter de 50 %, passant de 4 millions en 2020 à 6 millions en 2030. Entre 2030 et 2040, la population des plus de 85 ans augmentera, elle, de plus de 50 %.
En 2030, les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 20 ans. Le vieillissement est pourtant quelque chose de progressif, donc, par excellence, un nouvel état de fait que l’on peut prévoir et que l’on doit anticiper.
La première nécessité, pour que les personnes âgées ne soient pas abandonnées, est de garantir l’équilibre démographique et le renouvellement des générations par une politique familiale ambitieuse. Elle a été abandonnée depuis longtemps.
Y aura-t-il assez d’actifs pour assurer les services à la personne et « bâtir la société du bien-vieillir » ?
Avec une telle dénatalité, nous ne préviendrons pas la perte d’autonomie, pas plus que nous ne parviendrons à privilégier le maintien à domicile des personnes âgées. Les mesures techniques les plus inventives ne remplaceront pas la présence humaine et l’échange entre générations.
Sur le volet de la lutte contre la maltraitance, les scandales répétés et avérés appellent à une prise de conscience générale sur les dérives de certains groupes privés, mais il ne faut pas oublier la responsabilité du Gouvernement qui a aggravé l’enfermement des personnes âgées durant la période du covid-19.
Je n’oublie pas que M. Véran et le conseil scientifique ont interdit les promenades, empêchant même les familles de rendre visite aux parents et grands-parents ou de les accompagner vers la mort. Ils leur ont même refusé « l’adieu au visage » avant la mise en bière. Même le milieu carcéral n’a pas connu une telle infamie.
Dans son rapport de mission auprès du ministre des solidarités, Laurent Frémont parle de « ruptures anthropologiques inédites […] dont on a peine à imaginer l’ampleur ». Je partage totalement ce constat. Voilà le vrai visage des progressistes !
C’est pourquoi je salue l’avancée de la commission renforçant le droit de visite en Ehpad pour en faire un droit absolu, même en période de crise sanitaire.
Pour finir, la problématique des déserts médicaux est également très liée à l’abandon des personnes âgées et doit aussi être intégrée dans les objectifs de la prochaine loi de programmation financière du grand âge, dont on espère qu’elle n’est pas passée à la trappe avec la ministre qui l’avait engagée.
Bâtir une société, c’est d’abord ne pas se couper de ses racines et de sa mémoire. N’oublions jamais, mes chers collègues, que notre avenir réside dans le respect des personnes qui nous ont certes transmis le passé, mais qui nous ont d’abord donné la vie.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Mme Corinne Bourcier applaudit.)
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par féliciter les rapporteurs qui ont réalisé un excellent travail sur ce texte. Ils ont notamment permis de supprimer de nombreux articles redondants et proposé un intitulé plus modeste, puisqu’il s’agit désormais d’une « proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie ».
Nombre de rapports existants – celui de Philippe Bas, qui n’a pas pris une ride, en 2007, alors qu’il était ministre de Jacques Chirac, celui des députées Monique Iborra et Caroline Fiat en 2018 et enfin celui de Dominique Libault en 2019 – nous indiquent la marche à suivre pour l’amélioration du maintien à domicile et de l’accueil en établissement des personnes en situation de handicap et âgées : cela passe d’abord par davantage de personnel.
Nous savons que le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans doublera entre 2020 et 2040, avec 400 000 personnes dépendantes supplémentaires.
L’action du gouvernement a eu des effets bénéfiques grâce au Ségur de la santé et à la revalorisation des salaires pour le personnel soignant. Cette proposition de loi contient quelques avancées, mais elle ne traite malheureusement pas le fond du problème : le besoin urgent de davantage d’emplois pour prendre en charge la dépendance à domicile comme en Ehpad.
Bien sûr, nous devons surveiller la maîtrise des dépenses de la sécurité sociale. Reste que, sur le sujet de la dépendance, certains besoins minimaux doivent trouver une réponse. Je continue d’appeler de mes vœux la réalisation de la promesse du Président de la République : la création de 50 000 emplois dans le secteur avant 2027. Cela pourrait se traduire par 36 000 emplois en Ehpad, soit cinq postes supplémentaires par établissement sur trois ans, ce qui permettrait d’augmenter le temps consacré à chaque résident par un aide-soignant de trente-cinq à cinquante minutes.
Madame la ministre, comme tout le secteur, nous espérons que le projet de loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge inscrit à l’article 2 bis B verra le jour avant la fin de l’année.
L’article 1er bis A crée un service public départemental de l’autonomie, reprenant en cela une proposition du rapport Libault pour une prise en charge efficace et cohérente de la dépendance sur l’ensemble du département. Cela doit absolument s’accompagner d’un accueil téléphonique unique, spécialement dédié et accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, comme cela a été instauré dans mon département de la Corrèze. Cette ligne a vocation à traiter les demandes reçues et à les rebasculer vers le service local compétent, qui se rend au domicile de l’appelant et organise avec celui-ci, un membre de la famille ou le médecin traitant un maintien à domicile renforcé ou une entrée en établissement. C’est simple et efficace.
Il faut que le département soit déclaré chef de file pour tout le volet relatif au maintien à domicile, grâce à un transfert de compétences et des budgets notamment des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), complétés par ceux des services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), pour assurer une cohérence et une coordination efficaces. L’agence régionale de santé aurait compétence sur le budget soins et dépendance fusionné en établissement.
J’ai proposé un amendement en ce sens. Actuellement, la fusion préconisée entre les Ssiad et les Saad, qui relèvent de financeurs, de statuts et de périmètres géographiques différents, pose de réelles difficultés. Je propose que cette fusion soit facultative.
Cette proposition de loi soutient les intervenants à domicile avec la mise en place d’une carte professionnelle, à l’article 6 et, surtout, d’une aide financière au département nécessaire à la mobilité, à l’article 7.
Ce texte contient aussi des mesures relatives à la prévention de la maltraitance, notamment avec la création d’une cellule départementale dédiée au traitement des signalements.
Madame la ministre, pourquoi cela ne serait-il pas traité par le service autonomie à domicile, dans le cadre de la ligne téléphonique que j’ai mentionnée ? Pourquoi créer une nouvelle entité ?
La prévention de la maltraitance passe aussi par un personnel suffisant. L’article 11 permettra d’utiliser le forfait soins pour des actions de prévention, ce qui est une bonne chose, car la prévention en Ehpad entraîne une diminution du pathos.
Nous sommes aussi favorables au développement de l’habitat inclusif et des résidences autonomie.
J’en viens à l’article 11 bis E. Si nous sommes bien entendu favorables à la présence d’un animal de compagnie en collectivité, il nous paraît exagéré de garantir à chaque résident un droit opposable à accueillir un animal domestique. Cela risquerait d’être très difficilement gérable !
Le groupe Les Indépendants soutient les petites avancées de ce texte, mais attend surtout, madame la ministre, le projet de loi de programmation sur le grand âge pour une prise en charge décente à domicile et en établissement. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi qui n’est pas l’alpha et l’oméga de la dépendance et de l’autonomie pour les années à venir. Toutefois, on peut saluer quelques avancées, notamment grâce au travail de nos rapporteurs, que je remercie, et aux modifications apportées par certains d’entre nous.
Saluons déjà l’œuvre de simplification et de déflation normative entreprise par les rapporteurs, avec la suppression de trente et un articles. Gageons que cela accroîtra l’efficacité et la lisibilité de cette proposition de loi et que les textes réglementaires viseront le même objectif.
Permettez-moi de citer quelques nouveautés de ce texte, sans en faire le répertoire exhaustif.
Je salue d’abord la création d’un service public départemental de l’autonomie et l’institution d’une carte professionnelle d’accompagnant de personnes à domicile. Je suis également satisfaite de la généralisation du programme Icope, visant à prévenir la perte d’autonomie, et de la garantie du droit des résidents-patients à recevoir de la visite – nous nous souvenons encore des situations difficiles vécues en 2020…
Mon propos s’attardera principalement sur l’hébergement des personnes âgées, naturellement abordé dans cette proposition de loi.
Pour ce qui concerne les Ehpad, le texte contraint les établissements et services publics pour personnes âgées à se regrouper, au travers de l’adhésion soit à un groupement hospitalier de territoire (GHT), soit à un groupement territorial de coopération sociale et médico-sociale (GTSMS), institué par ce texte. Cela permettra de mettre en œuvre une stratégie commune d’accompagnement dans une logique de parcours, de rationaliser les modes de gestion, de mettre en commun les fonctions et les expertises et de former des partenariats et des synergies. Cette mesure est d’ailleurs soutenue par les représentants du secteur.
L’habitat inclusif, instauré par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Élan), est conforté par cette proposition de loi. Il me semble pertinent de faire en sorte que ce type d’habitat ne soit assimilé à un établissement recevant du public (ERP), afin d’éviter de lui imposer des contraintes supplémentaires.
Ce texte traite également des conditions d’accueil et de prise en charge des résidents en Ehpad, mais sans approfondir le sujet.
La commission a maintenu dans le texte l’article 11 bis F, qui prévoit une expérimentation consistant à imposer l’ouverture de places consacrées à l’accueil de nuit dans les Ehpad. L’offre de solutions de répit pour les proches aidants étant très faible, les rapporteurs ont proposé d’étendre cette expérimentation aux résidences autonomie.
En revanche, cette proposition de loi souffre de nombreux manques, qui seront, je l’espère, comblés dans le projet de loi Grand Âge que vous avez annoncé la semaine dernière en commission des affaires sociales, madame la ministre, et qui doit être présenté au Parlement d’ici à l’été prochain. Nous attendons ce texte de pied ferme, l’urgence en la matière a été soulignée par mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe. Au-delà de la question du financement, très peu abordée dans ce texte, plusieurs enjeux devront donner lieu, sinon à une résolution, du moins à une orientation.
Je pense d’abord à la place des résidences pour seniors et des résidences services dans l’architecture de l’hébergement des personnes âgées, à leur financement et à la péréquation avec les Ehpad.
Ensuite, il conviendra de dresser un véritable bilan financier comparatif de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) versée en établissement et de l’APA versée à domicile.
Enfin, si le maintien à domicile est plébiscité par les personnes âgées et leur famille, son coût est-il supportable ? En outre – autre problème récurrent –, eu égard à la pénurie de main-d’œuvre, que l’on ne pourra pas remplacer par une intelligence artificielle – pour faire la toilette par exemple –, on peut comprendre que les intervenants déplorent le nombre de kilomètres à parcourir entre les patients, notamment en zone rurale. Ce temps de déplacement est perdu pour le soin, l’accompagnement et le partage. Quelle sera donc l’orientation du Gouvernement en matière de maintien à domicile ? Recruter, c’est bien, mais revaloriser ces métiers – tant le revenu qui leur est associé que l’image qu’ils véhiculent – est indispensable pour renforcer l’attractivité de la profession.
Toutes ces questions devront être traitées main dans la main avec les conseils départementaux et, plus largement, avec l’ensemble des partenaires du secteur, des bénéficiaires et de leurs familles. Ces acteurs de terrain auront des solutions de proximité à proposer, car ils connaissent par cœur les écueils auxquels se heurtent les politiques existantes. Écoutons les expériences du quotidien ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)