Sommaire

Présidence de M. Dominique Théophile

Secrétaires :

Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

réforme des redevances des agences de l’eau

Question n° 998 de Mme Marion Canalès. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

projet de prolongement du téléphérique de la grave – la meije

Question n° 1009 de M. Jean-Michel Arnaud. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Jean-Michel Arnaud.

inadéquation du projet de liaison routière entre la rd 30 au niveau d’achères et la rd 90 au niveau de triel-sur-seine avec divers engagements écologiques de la france

Question n° 974 de Mme Ghislaine Senée. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

graves difficultés des communes pour s’assurer

Question n° 1012 de M. Mathieu Darnaud. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Mathieu Darnaud.

mode de financement des tiny houses en tant que nouvelles formes de logement

Question n° 1016 de M. Yves Bleunven. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Yves Bleunven.

situation des apprentis en essonne

Question n° 854 de Mme Laure Darcos. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Laure Darcos.

accueil des français en situation de handicap dans les établissements belges

Question n° 740 de Mme Jocelyne Guidez. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Jocelyne Guidez.

avenir des centres sociaux associatifs

Question n° 924 de M. Stéphane Sautarel. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Stéphane Sautarel.

application de l’augmentation de la valeur du point aux personnels des aides à domicile en milieu rural (admr) en congés maladie

Question n° 1005 de Mme Monique Lubin. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Monique Lubin.

nouvelles mobilités à paris et partage de l’espace public

Question n° 1004 de Mme Agnès Evren. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

mobilisation des forces armées pour les jeux olympiques de paris 2024

Question n° 1002 de M. Pierre-Antoine Levi. – M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

modalités d’inscription des électeurs du collège des propriétaires fonciers et usufruitiers pour les élections aux chambres d’agriculture

Question n° 892 de Mme Nathalie Goulet. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Nathalie Goulet.

assouplissement des règles d’octroi de crédit immobilier

Question n° 925 de M. Cyril Pellevat. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Cyril Pellevat.

avenir de l’aéroport d’orly et retrait d’air france de la plateforme aéroportuaire

Question n° 939 de M Pascal Savoldelli. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M Pascal Savoldelli.

respect par le groupe technip energies des sanctions européennes contre la russie

Question n° 944 de Mme Mathilde Ollivier. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

situation de la fibre optique dans plusieurs communes des yvelines

Question n° 993 de Mme Marta de Cidrac. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Marta de Cidrac.

répartition de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux dans le cadre d’une installation de production d’électricité d’origine nucléaire

Question n° 981 de Mme Catherine Morin-Desailly. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Catherine Morin-Desailly.

absences de professeurs dans certains établissements scolaires situés dans des communes rurales

Question n° 958 de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

distinction entre les enseignants du public et ceux du privé pour le recrutement des professeurs agrégés et certifiés

Question n° 990 de Mme Nicole Duranton. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Nicole Duranton.

formation des enseignants au maniement des extincteurs

Question n° 996 de M. Philippe Grosvalet. – M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Philippe Grosvalet.

projet de loi sur le modèle français de la fin de vie

Question n° 995 de M. Stéphane Demilly. – Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement ; M. Stéphane Demilly.

généralisation de l’expérimentation de la réalisation des interruptions volontaires de grossesse instrumentales par les sages-femmes

Question n° 959 de Mme Laurence Rossignol. – Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement ; Mme Laurence Rossignol.

meilleure prévention de l’arrêt cardiaque extra-hospitalier en france

Question n° 992 de M. Bernard Jomier. – Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

décret relatif à l’installation d’officines de pharmacie dans les communes de moins de 2 500 habitants

Question n° 1014 de M. Cédric Vial. – Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement ; M. Cédric Vial.

fermeture de l’hôpital bichat

Question n° 909 de M. Ian Brossat. – Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement ; M. Ian Brossat.

avenir de la filière hydrolienne

Question n° 1003 de M. Sébastien Fagnen. – Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

difficultés de la filière industrielle des chaudiéristes biomasse français

Question n° 1006 de Mme Audrey Linkenheld. – Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement ; Mme Audrey Linkenheld.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

3. Mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et renforcement de l’accompagnement des élus locaux. – Débat organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky

Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

M. Bernard Pillefer

M. Ronan Dantec

M. Pierre Barros

M. Christian Bilhac

M. Frédéric Buval

M. Christian Redon-Sarrazy

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Pierre Médevielle

M. Guislain Cambier

M. Sébastien Fagnen

Mme Anne-Marie Nédélec

M. Jean-Claude Anglars

Conclusion du débat

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky

4. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Dominique Théophile

vice-président

Secrétaires :

Mme Véronique Guillotin,

M. Philippe Tabarot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

réforme des redevances des agences de l’eau

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, auteure de la question n° 998, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Marion Canalès. Dans un contexte de réchauffement climatique ayant pour conséquence directe une multiplication des périodes de stress hydrique à l’échelon national et une raréfaction de cette ressource essentielle, une réflexion globale doit être menée avec tous les acteurs concernés autour des enjeux de gestion, de préservation, mais aussi de financement des politiques dédiées à l’eau. Il s’agit de penser global et d’agir local.

C’est ainsi qu’en conclusion des Assises de l’eau organisées en 2019 a été annoncée une réforme des redevances des agences de l’eau. Cette réforme s’est fait attendre jusqu’à l’adoption de la loi de finances pour 2024, qui renforce les principes préleveur-payeur et pollueur-payeur au travers de deux mesures.

Tout d’abord, il s’est agi d’augmenter de 10 millions d’euros le montant de la redevance pour le prélèvement de l’eau due par les agriculteurs irrigants, afin de tendre vers un système plus sobre, plus résilient et plus concerté.

Ensuite a été prévue une augmentation de 20 % de la redevance pour pollutions diffuses (RPD). Cette taxe, perçue sur les ventes de pesticides, finance directement les programmes de traitement des eaux des agences de l’eau, ainsi que les mesures du plan Écophyto, qui prévoit de réduire de moitié l’usage des pesticides d’ici à 2030. Cette mesure n’a pas été tout à fait à la hauteur. Pourtant, il serait moins coûteux de lutter contre la pollution avant qu’elle ne survienne, plutôt que de traiter l’eau a posteriori pour l’alimentation en eau potable.

Cela représente une diminution de 47 millions d’euros pour le financement d’un plan Eau qui prévoit de doter les agences de l’eau de 475 millions d’euros supplémentaires chaque année. Cette hausse annuelle du financement se révèle nécessaire au regard des enjeux, mais aussi des efforts très importants que doivent supporter les collectivités territoriales pour le traitement de cette ressource rare.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour tenir les engagements financiers annoncés ? Selon vous, qui assumera les deltas et compensera les millions d’euros qui manqueront, afin de garantir la mise en œuvre pleine et entière du plan Eau ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Marion Canalès, vous l’avez précisé, la loi de finances pour 2024 comporte des évolutions significatives en matière fiscale, qui concourent au financement du plan Eau et renforcent les incitations concernant le comptage de l’eau prélevée, la sobriété de son usage – un enjeu majeur, comme nous le voyons de plus en plus chaque jour – et la performance des services d’eau potable et d’assainissement.

Ainsi, les redevances qui s’appliquent aux usagers raccordés aux réseaux d’eau potable et d’assainissement sont réformées en profondeur afin de donner aux instances des agences de l’eau davantage de latitude pour inciter financièrement ces services publics à accroître leur performance, en particulier pour réduire les fuites des réseaux et améliorer la qualité des rejets.

Tous les usagers, domestiques ou industriels, à l’exception des éleveurs pour l’abreuvement des animaux, seront également assujettis sur des bases identiques.

La redevance de prélèvement est également modifiée en profondeur, avec un relèvement des taux plafonds pour les différentes catégories d’usage afin de tenir compte de l’inflation intervenue depuis sa création. Un taux plancher est également introduit en métropole pour chaque usage, à l’instar de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau qui s’applique dans les outre-mer, ce qui a une conséquence pour les énergéticiens.

Ces taux planchers ont pour conséquence une augmentation des rendements de 120 millions d’euros – 100 millions d’euros pour l’énergie nucléaire et 20 millions d’euros pour l’industrie. Ces taux sont nuls à ce stade pour l’irrigation gravitaire et non gravitaire, avec la perspective de déterminer une trajectoire pluriannuelle d’évolution de ces planchers à compter de l’an prochain.

Par ailleurs, des dispositions sont introduites pour inciter au comptage de l’eau, avec la majoration de la redevance en cas d’absence ou de défaillance du système de comptage et l’augmentation progressive du forfait retenu pour l’irrigation gravitaire à défaut de dispositif de comptage.

Enfin, si les taux de la redevance pour pollutions diffuses sont inchangés pour l’année 2024, le principe d’une trajectoire pluriannuelle de hausse a été acté à partir de 2025 ; son ampleur et son rythme feront l’objet de discussions qui vont s’engager dès maintenant. Ce sont bien 475 millions d’euros supplémentaires par an que nous devons globalement apporter aux acteurs de l’eau.

projet de prolongement du téléphérique de la grave – la meije

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 1009, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre, un vieux téléski permet actuellement aux skieurs de se rendre au sommet du glacier de la Girose, situé sur la commune de La Grave, dans les Hautes-Alpes, au pied du massif de La Meije. Ce dernier fonctionne depuis des années au fioul ; un petit tracteur sert également à transporter les skieurs jusqu’à la remontée mécanique, laquelle doit être démontée.

Le futur aménagement, plus respectueux de l’environnement que le système actuel, a trois objectifs majeurs : préserver le glacier, grâce au démontage de l’installation existante et à l’installation d’un unique pylône ; sauvegarder une trentaine d’emplois dans un petit territoire de haute montagne ; maintenir une activité économique dans ce bassin de vie et d’emploi.

Comme tout projet d’aménagement, celui-ci a suivi le parcours classique : dépôt de permis de construire, lequel a été obtenu, réalisation d’études d’impact, respect des procédures de recours. Le maire de La Grave, Jean-Pierre Pic, que je salue amicalement, a bien sûr lancé les habituelles procédures de consultation des entreprises et attribué les marchés.

Il se trouve qu’une zone à défendre (ZAD) a été créée par quelques mouvements radicaux, opposés à tout aménagement en montagne – on les voit d’ailleurs agir dans d’autres contextes. Le ministre, qui a été interpellé sur ce sujet, dans cet hémicycle, par le président du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires au Sénat, a fait part de la volonté gouvernementale de lancer une mission d’appui, à l’échelon local, en vue « d’interroger le modèle touristique proposé au regard de la protection forte qu’il convient d’instaurer et, le cas échéant, de faire évoluer le projet afin d’en réduire l’impact, voire de lui substituer un projet alternatif durable ». Quels sont les objectifs de cette mission d’appui ?

Je souhaite que « l’écologie à la française » qu’appelle de ses vœux le Président de la République s’applique à ce projet et que celui-ci soit réalisé, car il aura un impact globalement positif pour le territoire concerné.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Jean-Michel Arnaud, le projet auquel vous faites référence consiste en la prolongation d’un téléphérique dans la station de La Grave. Il a été autorisé par la commune, qui a instruit et délivré un permis de construire le 3 avril 2023.

Les glaciers représentent environ 10 % de la surface des terres émergées. Ils remplissent des rôles majeurs dans le fonctionnement des différents cycles structurants, tels que la séquestration du carbone, le cycle de l’eau ou les habitats du vivant, essentiels à la vie sur terre. L’accélération du réchauffement et du dérèglement climatique menace en premier lieu ces territoires.

Le Président de la République a insisté, à l’occasion du One Planet  Polar Summit, qui a réuni une quarantaine de représentants d’États à Paris au mois de novembre dernier, sur la nécessité de renforcer la protection des glaciers et de la cryosphère à l’échelle mondiale et à celle de la France.

À ce jour, près de 60 % des glaciers de l’Hexagone sont sous régime de protection forte, de même que tous les glaciers ultramarins. L’enjeu est que tous nos glaciers relèvent, à terme, de ce régime.

Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement prépare une initiative copilotée par les préfets de région et les présidents de région concernés, et ancrée dans les territoires, pour que chacun s’approprie ces nouveaux espaces à haute valeur ajoutée de biodiversité. Il s’agit d’accompagner les élus pour coconstruire leur protection avec l’ensemble des citoyens et des acteurs locaux.

Dans ce contexte, le Gouvernement a indiqué le 7 décembre dernier que, s’agissant particulièrement du glacier de la Girose, une mission d’appui serait lancée, en lien avec le préfet : il s’agit de poser clairement les enjeux, les perspectives, les atouts et les limites relatifs à la fréquentation touristique et sportive du glacier, ainsi que d’envisager les leviers pour améliorer sa protection et conforter un projet de territoire durable au service de la qualité de vie des habitants.

Ces principes génériques permettront d’ouvrir les espaces. Il va de soi que les parlementaires seront étroitement associés à cette réflexion.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre. J’en déduis que le projet pourra être mis en œuvre et qu’un travail sera engagé, dans une logique de développement plus durable, avec l’ensemble des acteurs concernés.

Cela me convient, puisque l’objectif même dudit projet est de réduire l’impact de l’installation existante sur le glacier.

inadéquation du projet de liaison routière entre la rd 30 au niveau d’achères et la rd 90 au niveau de triel-sur-seine avec divers engagements écologiques de la france

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, auteure de la question n° 974, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Ghislaine Senée. Lundi prochain, nous serons un certain nombre de parlementaires à assister au lancement de la COP Région Île-de-France, aux côtés du Gouvernement. L’objectif de cette conférence régionale des parties est de travailler collectivement pour permettre à la région d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de mise en œuvre de la trajectoire « zéro artificialisation nette », et de protection de la biodiversité et des écosystèmes.

Dans ce contexte, le projet routier de pont d’Achères, appelé A104 bis et défendu par le département des Yvelines, avance à grand bruit avec le démarrage des travaux préparatoires, notamment de nombreux défrichements, malgré l’opposition unanime des associations locales et des populations qui en subiront les nuisances.

Ce projet vieux de 40 ans, fruit d’une vision obsolète de l’aménagement, induira une hausse du trafic de 114 % dans une boucle enclavée de la Seine, entraînera nuisances et pollutions, affectera la santé des riverains et provoquera la destruction d’écosystèmes précieux dans mon département – sans parler des coûts d’entretien dans les années à venir, dont on sait aujourd’hui qu’ils seront difficilement supportables. Pour quels bénéfices ?

Monsieur le ministre, que compte faire concrètement le Gouvernement face à ce projet, source d’une profonde incompréhension chez une grande partie de nos concitoyens, tant il entre en contradiction avec les engagements et les objectifs que s’est fixés la France à l’heure du tournant écologique ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Ghislaine Senée, je ne pourrai pas – et je le regrette – participer lundi prochain à la COP Région Île-de-France, car je représenterai le Gouvernement – « resserré », comme vous le savez – au même moment à l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé des grandes opérations d’aménagement les copropriétés dégradées.

Je tiens néanmoins à vous confirmer qu’est bien inscrite dans l’orientation globale que nous défendons, conformément à nos ambitions en termes de planification écologique, une massification des transports en commun et du ferroviaire, plutôt que de la route. Les contrats de plan État-région (CPER) proposés prévoient en effet une diminution de 80 % des crédits consacrés à la route par rapport aux années 2000 et de 40 % par rapport aux années 2010.

Cela ne signifie pas que tous les projets sont arrêtés. Il s’agit, pour chacun d’entre eux, de faire l’analyse la plus pertinente possible, au regard tant de son impact immédiat que de ses conséquences.

Le projet que vous évoquez a fait l’objet voilà tout juste dix ans d’une déclaration d’utilité publique (DUP), laquelle a été prorogée en 2017. Comme vous l’avez rappelé, il est promu non par l’État, mais par le département des Yvelines.

L’élément nouveau de ce dossier est la décision de justice qui est intervenue le 4 décembre dernier, par laquelle le tribunal administratif de Versailles a rejeté toutes les demandes des associations, considérant que leurs inquiétudes ou leurs alarmes n’étaient pas fondées.

Le tribunal administratif a ainsi fait valoir, d’une part, que, les opérations de défrichement étant pour l’essentiel déjà réalisées, pointer le risque que celles-ci pourraient provoquer revenait à évoquer un sujet qui aujourd’hui n’existe pas ou n’existe plus, d’autre part, que l’arrêté préfectoral ne portait pas une atteinte grave et immédiate aux espèces protégées, en particulier l’œudicnème criard, espèce d’oiseau – toujours d’après le juge – qui ne niche pas sur le site du projet routier proprement dit.

Tels sont les éléments en ma possession au sujet de ce projet engagé, je le répète, par une collectivité territoriale et non par le Gouvernement.

graves difficultés des communes pour s’assurer

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, auteur de la question n° 1012, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le ministre, aujourd’hui, l’essentiel de nos équipements et de nos services publics reposent sur les communes. C’est ainsi que fonctionne notre société, laquelle dépend donc de la vitalité desdites communes. Malgré cela, plus personne ne veut les assurer !

Ainsi, de nombreuses collectivités territoriales touchées par des sinistres naturels ou par des émeutes, notamment celles qui sont survenues au mois de juin 2023, se voient opposer par leur assureur les dispositions du code des assurances relatives aux « circonstances nouvelles » intervenues au cours de l’exécution du contrat. Il en résulte des hausses très importantes des primes d’assurance et du montant des franchises, mais surtout de nombreux refus d’assurer.

En effet, lors du renouvellement de leur marché, de nombreuses communes n’ont reçu aucune candidature à leur appel d’offres.

L’augmentation des épisodes climatiques violents fait peser des risques accrus sur les communes, notamment rurales. La question de leur couverture, même partielle, est donc devenue urgente. Même la commune ardéchoise dont je suis l’élu, Guilherand-Granges, connaît ce problème, alors qu’elle n’a pas connu les événements que j’ai cités.

Nous souhaitons tirer la sonnette d’alarme, car, pour les élus de nos territoires, l’inquiétude est croissante. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre à cet égard ? Je sais qu’une mission est en cours sur ce sujet…

Il est urgent d’agir. J’aimerais donc connaître la position du Gouvernement et savoir quelles dispositions pourraient être mises en œuvre le plus rapidement possible.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Darnaud, votre question est légitime à beaucoup d’égards. Si le sujet n’est pas nouveau, ces difficultés et ces préoccupations augmentent au fur et à mesure que les risques s’accroissent. Par exemple, le risque cyber, qui n’existait pas voilà quelques années, occupe actuellement une place importante dans la sphère publique. Par ailleurs, les images qui nous parviennent de certains territoires français ou encore les problèmes qu’il nous revient de régler permettent de mesurer à quel point le dérèglement climatique est une question d’actualité.

En quoi consiste la difficulté que vous évoquez ?

Tout d’abord, l’écosystème du marché de l’assurance des collectivités est essentiellement appuyé sur deux acteurs, qui ont eux-mêmes du mal à se réassurer. Une analyse est d’ailleurs actuellement réalisée sur la fréquence de la survenance de ces risques qui bousculent une partie des modèles.

Nous sommes absolument déterminés à accompagner les élus locaux, non pas seulement parce qu’ils participent à l’action publique, mais parce qu’ils constituent le levier essentiel, au quotidien, des politiques destinées à nos concitoyens.

Nous agissons à court terme. Avec l’appui de la direction générale du Trésor, nous avons étendu la compétence du médiateur de l’assurance au champ des assurances des collectivités locales. En effet, nous avons constaté à l’issue des émeutes du mois de juin dernier que ces difficultés s’étaient accrues. Or, jusqu’à présent, ce médiateur pouvait intervenir pour aider une personne privée à trouver un assureur, mais non pas une personne publique.

Nous avons lancé avec les assureurs un groupe de travail visant à suivre le rythme des dédommagements et à éviter les résiliations sèches. Premier effet de cette mission : en 2023, le taux de résiliation a diminué d’environ 20 % par rapport à 2022.

Alain Chrétien, maire de Vesoul, et Jean-Yves Dagès, ancien président de la Fédération nationale Groupama, conduisent une mission sur l’assurabilité des collectivités territoriales, laquelle est attendue par tous et vise à proposer des pistes sur ce sujet très sensible. Nous attendons le résultat de leur travail – état des lieux détaillés des difficultés, propositions concrètes, etc. – pour le printemps prochain. Nous pourrons alors, notamment avec le Sénat, examiner quelles propositions pourraient être mises en œuvre dans le courant de l’année 2024. En effet, on ne pourra pas attendre !

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.

M. Mathieu Darnaud. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

Je tiens à insister sur la nécessité de prendre des dispositions, y compris transitoires, car il y a urgence à agir. Au moment où le Sénat vient de rendre public un rapport d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France, nous ne voudrions pas que cet écueil soit une source supplémentaire de démotivation pour les élus, notamment dans la perspective des prochaines élections municipales.

mode de financement des tiny houses en tant que nouvelles formes de logement

M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven, auteur de la question n° 1016, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Yves Bleunven. Monsieur le ministre, ma question est toute simple, mais très importante dans la période actuelle qui exige de trouver des solutions rapides pour loger nos concitoyens.

Le nombre de primo-accédants a largement chuté au cours des dernières années et, depuis l’automne 2021, les flux d’accession à la propriété reculent très fortement. L’une des solutions pour répondre à cette crise du logement consiste à élargir la segmentation du parcours résidentiel.

Les tiny houses font partie intégrante de cette nouvelle segmentation, comme l’ensemble des habitats légers. Néanmoins, leur acquisition ne peut être financée que par des prêts à la consommation dont la durée de remboursement et les taux sont moins intéressants que ceux des crédits immobiliers classiques.

Ces petites maisons disposent pourtant de nombreux avantages : coût faible, délai de construction rapide, très bonne performance énergétique. Elles représentent une véritable solution de logement de transition pour une large frange de la population, notamment les saisonniers, les étudiants et les jeunes couples d’actifs.

À l’heure actuelle, l’impossibilité d’avoir recours à un crédit immobilier pour les financer freine leur développement et empêche l’amélioration de cette segmentation du parcours résidentiel, qui devient de plus en plus nécessaire.

À ce titre, monsieur le ministre, je vous demande d’étudier des formes de financement pérenne pour ce type de logement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Bleunven, je vous remercie de braquer les projecteurs sur un objet qui n’est pas connu, alors qu’il est susceptible d’apporter des réponses en termes de rapidité et de modularité dans le cadre de l’offre de logement.

En bon français, car il convient de défendre la francophonie, les tiny houses sont « des résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs », aux termes de l’article R. 111-51 du code de l’urbanisme, puisque c’est ainsi qu’elles y sont définies. Il s’agit en outre d’« installations sans fondation disposant d’équipements intérieurs ou extérieurs et pouvant être autonomes vis-à-vis des réseaux publics ».

Or l’article L. 313-1 du code de la consommation prévoit explicitement qu’il n’est pas possible de solliciter des crédits immobiliers pour financer l’acquisition de biens qui sont mobiles et potentiellement détachables. Le financement de l’achat d’une tiny house est aujourd’hui possible via un crédit à la consommation, qui présente des avantages en termes de modularité même s’il est souvent désavantageux en termes de taux.

J’insisterai sur les avantages en termes de modularité : il est possible de contracter des emprunts de manière plus souple que dans le cadre d’un prêt immobilier, notamment parce qu’il s’agit d’engagements financiers nettement moins importants. Ce type de crédit, qui ne nécessite ni justificatif portant sur le projet ou l’usage des fonds ni pourcentage d’apport, peut être échelonné sur plusieurs années et prévoit des modulations éventuelles de mensualités. Ce type de crédit présente donc des souplesses.

Faut-il élargir cette flexibilité ? Il ne vous aura pas échappé que nous présenterons de nombreuses propositions sur le logement en 2024, dans un contexte où la hausse simultanée du prix des matériaux et des taux d’intérêt a entraîné une contraction du pouvoir d’achat immobilier. Face à l’accroissement des besoins, il est nécessaire d’innover.

Monsieur le sénateur, votre proposition pourrait faire partie des axes d’innovation. Je retiens en tout cas de votre question orale le principe et l’objet.

M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven, pour la réplique.

M. Yves Bleunven. Je crois que vous avez bien compris quels étaient les enjeux, monsieur le ministre.

Une fois réglé ce problème de financement, nous aurons l’occasion d’évoquer un autre sujet. Cette filière doit en effet faire face à deux difficultés : son financement et son agrément en matière d’urbanisme, puisqu’elle non plus n’entre dans aucune case… Je vous remercie de votre écoute.

situation des apprentis en essonne

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 854, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Laure Darcos. Monsieur le ministre, permettez-moi d’appeler votre attention sur une situation préoccupante dont j’ai été informée par plusieurs élus et responsables de centres de formation d’apprentis (CFA) de l’Essonne : certains jeunes en alternance renoncent à suivre leur formation théorique en CFA et se consacrent uniquement à l’acquisition des savoir-faire en entreprise.

Ce renoncement peut être lié à un manque de motivation pour la formation dans laquelle ils se sont engagés. Il peut également être la conséquence de difficultés particulières en matière d’acquisition des connaissances : le jeune estime ne pas avoir le niveau scolaire suffisant et baisse rapidement les bras.

En entreprise, en revanche, ces jeunes sont souvent appréciés pour leur motivation et la qualité de leur travail et peuvent être incités à quitter l’alternance pour conclure un CDI. Chacun est a priori gagnant dans cette relation : l’entreprise, d’une part, qui attire une main-d’œuvre parfois excellente dans des secteurs d’activité faisant face à de sérieuses difficultés de recrutement ; le jeune, d’autre part, qui perçoit une rémunération et ne reste pas inactif.

Pourtant, cette situation se révèle finalement pénalisante pour les jeunes concernés, qui perdent le bénéfice de leur formation et se retrouvent sans diplôme au terme de leur parcours en CFA. En outre, l’absence de diplôme leur interdira d’évoluer ultérieurement dans le domaine professionnel.

J’ajoute que le CFA ne dispose d’aucun moyen d’action propre permettant d’influer sur la décision des alternants de céder à une proposition d’embauche avant d’avoir finalisé leur cursus.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaite connaître vos propositions en faveur du renforcement des dispositifs d’accompagnement des élèves et de la prévention du décrochage.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Darcos, je ne suis pas surpris que vous interveniez sur ce sujet. Je sais en effet l’attention que vous portez aux politiques consacrées à la jeunesse et je connais en particulier votre soutien à l’apprentissage.

Personne ne pourra nier ici que, depuis quelques années, la politique de l’apprentissage a connu un succès spectaculaire du fait, à la fois, des mesures qui ont été prises et de l’adhésion des jeunes et de leurs familles. Le nombre d’apprentis a ainsi atteint le million, un horizon qui paraissait inatteignable voilà quelques années, lorsque l’on en comptait environ 300 000.

Pour autant, vous avez raison, il convient d’être extrêmement attentif aux signaux qui pourraient entraver cette dynamique, laquelle est de nature à renforcer la confiance en eux des jeunes et permet d’avoir un modèle plébiscité par les entreprises ainsi que des taux d’employabilité absolument exceptionnels.

Nous constatons, en effet, que certains jeunes qui se forment dans les métiers en tension rompent leur contrat de formation et trouvent immédiatement un contrat de travail, tant les besoins en personnels sont importants dans certains domaines ; ils peuvent aussi rechercher des niveaux de rémunération supérieurs à ceux de l’apprentissage.

À notre connaissance – je parle au nom du Gouvernement puisque ce sujet ne concerne pas directement le champ de mon ministère –, ce phénomène reste marginal. Néanmoins, à la suite notamment de l’interpellation que vous avez adressée, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) a été officiellement missionnée pour objectiver le phénomène.

De quoi parlons-nous ? S’agit-il de la somme de bruits individuels ou d’un phénomène qui s’accentue dans le contexte d’accroissement des tensions dans un certain nombre de métiers ? Nous avons d’abord besoin de disposer de chiffres pour savoir quel type de « filet » prévoir.

Nous avons pris sans attendre nos responsabilités pour sécuriser les parcours en apprentissage des jeunes les plus fragiles avec le dispositif prépa-apprentissage, qui vise à souligner et à faire reconnaître l’importance du diplôme, lequel protège pour l’avenir. Il s’agit de permettre aux jeunes peu ou pas qualifiés de renforcer leurs savoirs fondamentaux et de mieux appréhender les codes de l’entreprise, afin de préparer efficacement l’entrée en apprentissage et de sécuriser un contrat. C’est aussi un moyen de leur faire savoir exactement à quoi ils doivent s’attendre et de leur éviter de bifurquer.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.

Mme Laure Darcos. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

Je souhaite aussi vous alerter sur les niveaux de financement nécessaires à chaque CFA. Le Gouvernement a reconnu que la méthode de détermination des niveaux de prise en charge (NPEC) devait être modifiée. Cet objectif fera a priori l’objet de travaux auxquels sera conviée notamment la Fédération nationale des directeurs de centres de formation d’apprentis (Fnadir), qui veillera à ce que le mode de calcul des NPEC aboutisse à un juste prix pour chaque CFA.

accueil des français en situation de handicap dans les établissements belges

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteure de la question n° 740, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur Béchu, je constate que vous êtes le ministre de toutes les situations… Belle promotion ! (Sourires.)

Je souhaite appeler votre attention sur l’accueil des Français en situation de handicap dans les établissements belges. Force est de constater que, depuis 2006, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) n’a quasiment pas fait évoluer le montant alloué aux résidents des maisons d’accueil spécialisées (MAS) accueillis en Belgique.

Pourtant, le coût de la prise en charge des résidents n’a fait qu’augmenter, en raison non seulement de la croissance des salaires du personnel encadrant, mais également de l’inflation du coût des biens et des services. Les institutions belges sont désormais à l’os.

À la fin de 2023, celles-ci ont enfin aperçu une mince lueur d’espoir, car le prix de journée des résidents des MAS a été augmenté de 4 %, ce qui est malheureusement bien loin d’équilibrer l’augmentation des coûts subie par ces établissements, de l’ordre de 15 % à 17 %.

De plus, il est à noter que la CNSA a régulièrement revalorisé le montant alloué pour les résidents des MAS accompagnés en France, au point que les résidents français hébergés en Belgique ont un forfait journalier inférieur de plus de 20 % avec la médiane des Français hébergés en France !

Monsieur le ministre, pourriez-vous clarifier la position de la CNSA sur cette discrimination ?

Serait-il envisageable que le prix de journée octroyé par la CNSA aux résidents des MAS séjournant en Belgique soit aligné sur la médiane de celui des résidents des MAS accueillis en France ?

Enfin, serait-il possible que les établissements belges bénéficient d’un mécanisme de revalorisation annuelle du prix de journée, à l’instar des établissements français ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Guidez, votre question témoigne de votre souci de la situation de nos concitoyens les plus fragiles et des difficultés que nous rencontrons.

Faute de place dans les établissements français, des résidents en situation de handicap partent en Belgique. Si certains de ces départs sont souhaités, ce n’est pas le cas de tous. J’y reviendrai dans un instant.

Vous avez raison de souligner que la tarification des maisons d’accueil spécialisées relève de la CNSA. Il s’est produit au cours des dernières années un décrochage entre le tarif pratiqué et les coûts, en particulier les charges de personnels, auxquels ces structures doivent faire face. Pour autant, la situation n’est pas restée inchangée.

Vous avez ainsi évoqué la revalorisation tarifaire à hauteur de 4 % qui est intervenue récemment. Il est vrai que cela ne suffit pas, et ce d’autant moins que l’inflation en Belgique était significativement plus forte qu’en France ; il y avait par ailleurs, dans ce contexte inflationniste, moins de mesures pour protéger le pays et ses structures.

Voilà quelques mois, la septième commission mixte paritaire franco-wallonne s’est réunie et a lancé une évaluation conjointe sur le sujet, associant l’agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France et l’Agence wallonne pour une vie de qualité (AViQ). Nous attendons les conclusions de ce travail pour en tirer les conséquences adéquates. Sur ce sujet, la discussion avec nos amis belges est absolument essentielle.

Notre priorité est claire – elle a du reste été rappelée lors de la dernière Conférence nationale du handicap : nous entendons lutter contre les départs non souhaités à l’étranger, car, dans un certain nombre de cas, ces derniers tiennent, non pas à la qualité d’accueil qui serait supérieure à l’étranger, mais au manque de places disponibles dans notre pays.

Notre priorité est donc le déploiement, qui est en cours, de 50 000 nouvelles solutions, parmi lesquelles 1 000 sont fléchées uniquement dans le nord et le nord-est du pays, de manière à prévenir ces départs non souhaités. Telle est notre orientation principale.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.

Mme Jocelyne Guidez. Je vous remercie de reconnaître que la non-revalorisation du prix de journée alloué par les autorités françaises a conduit à une rationalisation drastique des conditions de prise en charge des personnes françaises accueillies dans les institutions belges, monsieur le ministre.

Si l’on peut estimer que la contribution au financement de ces centres d’accueil coûte cher, il serait peut-être préférable, comme vous l’avez du reste souligné, de construire davantage de MAS en France. Les personnes en situation de handicap qui rencontrent des difficultés d’accueil l’attendent. On ne peut pas les laisser sans solution.

avenir des centres sociaux associatifs

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, auteur de la question n° 924, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

M. Stéphane Sautarel. Comme vous le savez, monsieur le ministre, les centres sociaux associatifs sont des structures de proximité importantes pour la cohésion de nos territoires. Ils créent et nourrissent le lien social, mettent en œuvre des politiques publiques, participent à l’amélioration des conditions de vie, proposent des activités sociales, culturelles et familiales et contribuent à l’attractivité de nos territoires.

Dans le Cantal, près de 8 000 usagers sont ainsi accueillis dans des centres animés par plus de 125 associations et employant 400 salariés permanents.

Depuis le 1er janvier 2024, la convention collective nationale des acteurs du lien social et familial, dite convention Alisfa, à laquelle sont rattachés les centres sociaux associatifs, a évolué dans le sens d’une amélioration de la reconnaissance des métiers de l’animation.

Si cet avenant était nécessaire, il entraîne une hausse significative de la masse salariale qui s’ajoute à l’inflation actuelle et qui aura des répercussions notables sur les budgets de ces structures.

Cette augmentation fait peser des interrogations sur l’avenir même de ces centres sociaux associatifs. Des choix risquent d’être faits, au détriment des habitants de nos territoires, et, au final, peut-être même des salariés, faute de moyens.

Monsieur le ministre, avez-vous prévu des soutiens financiers supplémentaires afin de pallier la hausse de la masse salariale par la convention collective Alisfa pour ces centres sociaux associatifs ? Si tel n’est pas le cas, envisagez-vous de proposer une autre forme d’accompagnement pour permettre à ces structures d’assurer leurs missions, sachant que les collectivités territoriales ne peuvent pour leur part aller au-delà de la large contribution qu’elles leur allouent déjà ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France (FCSF) a alerté sur l’impact des revalorisations découlant notamment du dernier avenant à la convention collective nationale Alisfa qui a été signé et que vous citez pour les trois étages de rémunération des salariés.

Le coût induit par l’application de cet avenant est estimé pour la branche à 108 millions d’euros brut, soit 153 millions d’euros chargés pour l’année 2024, ce qui représente une augmentation de près de 8,2 % de la masse salariale par rapport aux données de 2022.

J’appelle votre attention sur le fait que l’augmentation de la masse salariale pour les structures couvertes par d’autres conventions collectives est, non pas de 8 %, mais de 4 %.

Le problème est que nous ne connaissons pas précisément la composition de la masse salariale du secteur, qui dépend notamment du niveau de diplômes et du nombre d’équivalents temps plein (ETP). De fait, les effets de la revalorisation varieront grandement d’un centre social à l’autre. Pour rappel, les centres sociaux, qui sont au nombre de 2 373, et les espaces de vie sociale, qui sont au nombre de 1 668, emploient près de 60 000 salariés, dont un peu moins de 9 000 dans les espaces de vie sociale.

Dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion (COG), afin de tenir compte de ces revalorisations salariales dans le domaine de l’animation de la vie sociale, une mesure de hausse de 6 % sera mise en œuvre par le relèvement du taux de prise en charge des prestations de service, celui-ci étant porté à 42,4 % pour l’animation globale et la coordination, qui sont les fonctions de base d’un centre social, et par le relèvement à 63,6 %, contre 60 % auparavant, pour les prestations de services d’animation locale – le financement des espaces de vie sociale – et d’animation collective famille.

Je tiens toutefois à souligner que ces prestations de service ne représentent que 30 % du financement des centres sociaux, le reste de ce financement étant assuré par l’État et par les collectivités, à raison respectivement de 10 % et de 60 %.

L’on comprend qu’au vu de son ampleur cette hausse suscite l’inquiétude d’un certain nombre de partenaires quant à un éventuel recul de la part de financement assurée par les collectivités.

Nous avons donc demandé à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) de mener une enquête flash auprès des caisses d’allocations familiales (CAF) de manière à consolider les situations locales en tenant compte des disparités très fortes qui peuvent découler, d’un centre social à l’autre, de l’application d’un nouveau niveau de rémunération national.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.

M. Stéphane Sautarel. Je vous remercie de ces réponses, monsieur le ministre.

Je n’ignore rien de la diversité des situations que vous soulignez. J’espère que l’enquête flash qui a été demandée permettra d’apporter des clarifications.

J’appelle toutefois votre attention – même si, compte tenu de votre portefeuille, vous connaissez cela – sur la situation des collectivités qui, subissant pour leur compte la hausse des masses salariales, ne pourront pas accompagner les centres sociaux face à ces hausses supplémentaires.

J’attends donc les résultats de cette enquête flash, ainsi que les réponses qui seront conjointement apportées par l’État, les CAF et les collectivités territoriales aux centres sociaux.

application de l’augmentation de la valeur du point aux personnels des aides à domicile en milieu rural (admr) en congés maladie

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, auteure de la question n° 1005, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger aujourd’hui sur les revendications relatives à l’application de l’augmentation de la valeur du point des personnels des réseaux associatifs d’aide à la personne pour les salariés qui auraient été en congé maladie avant l’application rétroactive de cette augmentation. Il s’agit donc d’un point très précis !

J’ai en effet été alertée par une association sur l’application de l’augmentation de la valeur du point actée par la signature, avec effet rétroactif, le 5 octobre 2022, par les partenaires sociaux de la branche de l’aide à domicile, de l’avenant n° 54-2022 à leur convention collective, qui porte la valeur du point de 5,62 euros à 5,77 euros.

Lorsque les salariés sont malades, ils perçoivent des indemnités journalières de la sécurité sociale et un complément de l’AG2R.

Une salariée de cette association s’est adressée à la sécurité sociale pour savoir comment ses indemnités journalières, payées sur la base d’un point d’une valeur de 5,62 euros alors que celui-ci avait rétroactivement été porté à 5,77 euros, seraient régularisées.

Si, dans un premier temps, la sécurité sociale a demandé à cette salariée de retourner une attestation de salaire rectificative de manière à procéder au rappel, dans un second temps, elle a répondu à la Fédération des aides à domicile en milieu rural (ADMR) qu’il lui était impossible d’accéder à cette demande, les rappels de salaire étant pris en compte en fonction de leur date de paiement, et non de la période à laquelle ils se rapportent.

Confirmez-vous cette information, monsieur le ministre ? Si oui, quelles mesures prendrez-vous pour mettre fin à cette situation d’injustice inacceptable ? Les salariés ne peuvent pas être financièrement sanctionnés au prétexte qu’ils sont malades. Cela relèverait d’une double sanction assez inadmissible.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Lubin, le Gouvernement a pleinement conscience des difficultés du secteur de l’aide à domicile. Ce n’est pas à vous, ici même, au Sénat, que je rappellerai qu’il s’agit d’un maillon ô combien essentiel pour préserver l’autonomie des personnes âgées et handicapées, d’autant que beaucoup de ceux qui s’engagent dans cette voie le font presque par vocation, parce qu’ils aiment les gens, indépendamment de leurs conditions de travail.

Il nous revient toutefois de ne pas décourager ces bonnes volontés, notamment en rémunérant correctement leur travail, et de les accompagner dans le rôle crucial, mais trop souvent tu par la sphère médiatique, qu’ils jouent dans notre société.

Madame la sénatrice, vous évoquez le cas très particulier du calcul des indemnités journalières, qui, en l’espèce, est fondé sur la réglementation applicable. Compte tenu de la date d’arrêt maladie, les indemnités journalières devaient bien être payées sur la base d’un point à 5,62 euros, et non pas reprises rétroactivement sur la base d’un point majoré à 5,77 euros.

Il est en effet impossible d’envisager une régularisation, puisque les rappels de salaire sont pris en compte en fonction de leur date de paiement, et non de la période à laquelle ils se rapportent. En d’autres termes, le droit applicable ne permet pas de remédier à la difficulté que vous soulevez.

La Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) a toutefois pris note attentivement de ce cas d’espèce et, consciente de l’émotion qu’il peut susciter, mène une réflexion sur les évolutions réglementaires envisageables. La ministre du travail, de la santé et de la solidarité et son cabinet se tiendront donc à votre disposition, madame la sénatrice, dès lors que la Cnam aura répondu, pour étudier les possibilités d’évolution.

En tout état de cause, soyez assurée que votre interpellation ne sera pas vaine.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.

Mme Monique Lubin. Je vous remercie, monsieur le ministre. Je suivrai donc ce dossier.

nouvelles mobilités à paris et partage de l’espace public

M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, auteure de la question n° 1004, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Mme Agnès Evren. Monsieur le ministre, en 2022, à Paris, 3 personnes sont mortes et 4 459 personnes ont été blessées par des trottinettes électriques et autres engins motorisés individuels.

Ce bilan, déjà inquiétant, est de plus en très forte hausse chaque année, conséquence directe de l’explosion de ces circulations douces. Chaque mois, chaque semaine, la presse relate de nouveaux accidents graves.

Paris – c’est peu de le dire – est devenu anxiogène. La politique de la municipalité aggrave les embouteillages et les mobilités douces causent la frayeur des poussettes, quand elles ne renversent pas des passants, qui sont parfois des personnes âgées.

S’il est essentiel d’encourager les nouvelles mobilités, il faut également réglementer leur usage. Or le partage de l’espace public, mal pensé et plus mal exécuté encore par la majorité municipale, entraîne des conflits entre les usagers, notamment dans les zones piétonnes que crée la Ville de Paris.

Organisées de façon anarchique, ces mobilités provoquent de nombreux accidents, mais aussi beaucoup d’incivilités et de tensions entre les usagers de la route. Qu’a fait la Ville de Paris pour remédier à ce problème ? Rien, ou si peu.

Ainsi, la consultation organisée au mois d’avril dernier a abouti à l’interdiction de la mise à disposition de trottinettes en libre-service. Hélas, cela n’a pas permis de sécuriser la circulation. Cette interdiction n’a même servi à rien, puisqu’elle s’est traduite par un report vers l’achat ou la location de trottinettes.

Si la majorité municipale de Mme Hidalgo s’est révélée incapable d’entretenir et de réguler l’espace public, l’État peut en revanche agir, monsieur le ministre.

Il peut par exemple faire respecter le code de la route en accroissant le nombre de contrôles sur ces nouveaux moyens de transport et engager une réflexion sur l’immatriculation des vélos à assistance électrique et des trottinettes électriques, comme ma collègue Dominique Estrosi Sassone l’a d’ailleurs suggéré dans une proposition de loi.

À la veille des jeux Olympiques, lors desquels les touristes du monde entier partageront notre espace public parisien, il est urgent d’agir.

Pouvez-vous donc nous préciser, monsieur le ministre, quelles politiques vous comptez mettre en place pour faire baisser le nombre d’accidents et d’incivilités sur la voie publique à Paris ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, personne ne sera surpris de votre implication sur ce sujet, tant chacun connaît votre attachement à Paris, à son attractivité, à son rayonnement, mais aussi à la sécurité et à la santé de ceux qui y résident.

La compétence de droit commun en matière de police de la circulation et du stationnement – vous l’avez d’ailleurs rappelé, madame la sénatrice – relève d’abord, non pas de l’État, mais bien de la mairie et de la maire de Paris.

Le préfet de police a pour sa part des compétences d’attribution sur le fondement de la sécurité des personnes et des biens et de la protection des institutions, en particulier pour les sites sensibles. Il dispose également d’un rôle prescriptif pour les aménagements qui sont projetés par la commune sur les axes structurants ou sur les axes qui sont empruntés dans le cadre du déclenchement des plans de secours.

Beaucoup a été fait durant l’année écoulée : les contrôles ont été renforcés, les opérations de lutte contre l’alcoolémie et les stupéfiants ont plus que doublé, entraînant, hélas ! une augmentation de 58 % du nombre d’amendes forfaitaires délictuelles pour usage illicite de stupéfiants à Paris, passé de 1 099 en 2022 à 1 739 en 2023.

La lutte par le biais de la vidéoverbalisation pour les infractions liées au comportement des conducteurs a pour sa part enregistré une hausse de 11,4 %, soit près de 5 000 verbalisations, contre 4 400 l’année précédente.

De manière plus générale, la politique de sécurité routière qui est menée par la préfecture de police s’inscrit dans le prolongement du document général d’orientation (DGO). Ce document, qui est cosigné par le préfet de police, la procureure de la République, la maire de Paris et les services de secours, a été renouvelé l’an passé pour la période 2023-2027.

Dans le cadre des axes définis dans ce DGO, en 2024, la préfecture de police sera plus particulièrement attentive aux infractions commises par les conducteurs d’engins de déplacement de mobilité douce, en ciblant à la fois les infractions relatives à la signalisation, au non-respect des passages piétons et des feux tricolores qui, dans beaucoup de cas, provoquent ou augmentent ce nombre d’accidents.

mobilisation des forces armées pour les jeux olympiques de paris 2024

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la question n° 1002, adressée à M. le ministre des armées.

M. Pierre-Antoine Levi. Monsieur le ministre, dans la perspective des jeux Olympiques de Paris 2024, la France envisage de mobiliser ses forces armées de manière significative, à hauteur de 15 000 soldats environ. Les derniers articles parus dans les médias nationaux et spécialisés indiquent qu’il s’agira du format le plus élevé connu à ce jour.

Cette mobilisation représentant près d’un quart de nos forces opérationnelles soulève des questions importantes sur la planification et la gestion de cette opération d’envergure. Ce format maximal est-il arrêté, définitif, réalisable et tenable dans la durée pour nos forces armées ?

L’incertitude actuelle quant à l’ampleur exacte de la mobilisation et le manque d’informations précises posent des défis non seulement opérationnels, mais aussi logistiques et humains.

La gestion du personnel, la préparation des infrastructures et le soutien logistique nécessitent une attention particulière. Ces préoccupations s’étendent aux conditions d’hébergement des soldats, aux indemnités allouées et à l’organisation des permissions.

Il est essentiel que nos militaires mobilisés sur le territoire national bénéficient de conditions de vie et de travail décentes, que leur rôle soit valorisé au même titre que celui de leurs camarades des forces de sécurité intérieures, gendarmes, et policiers, et qu’ils n’aient pas le sentiment d’être déclassés.

Comment le ministère compte-t-il garantir des conditions d’accueil dignes, une rémunération adéquate et une gestion humaine des permissions pour ces hommes et ces femmes dévoués à la sécurité de notre Nation ?

De plus, quelle stratégie est envisagée pour minimiser les conséquences de cette mobilisation sur les missions et les formations programmées ?

Comment nous assurerons-nous que cette opération cruciale pour la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques ne se fasse pas au détriment de la préparation et de la disponibilité opérationnelle de nos forces pour d’autres engagements essentiels ?

Monsieur le ministre, ces clarifications sont vitales pour le moral des troupes, la gestion efficace de nos forces armées et le succès des jeux Olympiques, qui constituent un événement d’importance planétaire.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Levi, vous avez tout à fait raison de rappeler que les jeux Olympiques et Paralympiques sont un événement de portée mondiale. La France ne les accueille qu’une fois par siècle – et encore, il s’agit là d’une jurisprudence récente qui ne nous garantit pas que cela se produira de nouveau dans un siècle. (Sourires.) Quoi qu’il en soit, nous n’avions pas accueilli les jeux Olympiques depuis fort longtemps.

Tout le monde est donc naturellement mobilisé pour le succès de cet événement.

Vous m’interrogez légitimement sur le volet sécuritaire, monsieur le sénateur. Le ministère de l’intérieur et des outre-mer, dont c’est la responsabilité, planifie et prépare depuis de nombreux mois la sécurisation de ces Jeux qui interviendront dans un contexte stratégique très incertain compte tenu de l’état du monde et de la situation géopolitique.

La nature des menaces auxquelles notre pays doit faire face et l’ampleur des moyens nécessaires pour s’y opposer imposent que les armées se joignent à cet effort en apportant leur appui au ministère de l’intérieur. Cet appui sera réalisé dans les conditions prévues par le code de la défense, c’est-à-dire sur réquisition et dans le cadre de la lutte contre le terrorisme militarisé, pour assurer les postures permanentes de sauvegarde maritime et de sûreté aérienne.

Le nombre de 15 000 militaires que vous évoquez, monsieur le sénateur, correspond au volume de forces estimé à ce stade de la planification réalisée conjointement par le ministère de l’intérieur et le ministère des armées. Ce volume, qui inclut les forces Sentinelle, concerne l’ensemble du territoire national, tant l’Hexagone que les outre-mer, avec un engagement dès le printemps, dès l’arrivée de la flamme olympique et jusqu’à la fin des jeux Paralympiques au mois de septembre prochain.

Pendant ces quatre mois, les armées continueront à remplir les autres missions de leur contrat opérationnel. Le Président de la République a particulièrement insisté pour qu’elles soient capables de réagir à tout scénario d’attaque contre les intérêts de la France pendant cette période. Il aura certainement l’occasion de revenir sur ce sujet dès demain, lorsqu’il présentera ses vœux aux armées à Cherbourg-en-Cotentin.

Cette grande réactivité, qui a par exemple permis au mois d’octobre dernier d’augmenter le nombre de militaires mobilisés dans le cadre de l’opération Sentinelle de 3 000 à 7 000 en quelques jours après les attaques terroristes du Hamas, repose sur un dispositif d’alerte qui sera sanctuarisé.

L’engagement d’une telle force constitue également un défi en termes de soutien. Il s’agit en effet de positionner correctement les forces pour qu’elles puissent réaliser leurs missions au profit des forces de sécurité intérieure, dans un contexte où la mobilité en région parisienne sera contrainte.

Un camp militaire pouvant héberger 4 500 soldats sera donc installé sur la pelouse de Reuilly par l’économat des armées et tous les sites militaires d’Île-de-France seront exploités. Tout est mis en œuvre pour que nos soldats, qui seront essentiels tout au long de cette mission, puissent être accompagnés au mieux.

En ce qui concerne enfin la rémunération, les militaires qui seront engagés dans le cadre de l’opération Sentinelle bénéficieront à ce titre de l’indemnité d’absence opérationnelle au taux maximum.

modalités d’inscription des électeurs du collège des propriétaires fonciers et usufruitiers pour les élections aux chambres d’agriculture

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 892, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre de l’agriculture, ma question a trait aux propriétaires fonciers et usufruitiers.

En effet, rien ne va plus pour les propriétaires. Ils déplorent une perte de représentativité au sein des chambres d’agriculture et font les frais de difficultés d’inscription sur les listes électorales et de tracasseries administratives.

Depuis le décret du 19 juillet 2018 relatif à l’organisation des élections des membres des chambres d’agriculture, les propriétaires usufruitiers, qui assurent 37 % des ressources des chambres, ont vu leur représentation diminuer de deux à un siège. Ils sont donc doublement pénalisés, financièrement et politiquement.

Par ailleurs, lors des dernières élections aux chambres en 2019, le retard de publication du décret susvisé a réduit drastiquement la période d’inscription sur les listes électorales, puisque celle-ci aurait dû commencer dès le 1er juillet 2018.

Les prochaines élections sont prévues entre le 15 janvier et le 28 février 2025. Il faudrait donc que la période d’ouverture des listes électorales commence au mois de juillet prochain, voire un peu avant si possible.

Enfin, monsieur le ministre, je suis porteur d’un message qui s’inscrit dans le droit fil des propos du Président de la République sur la simplification. Une instruction technique rend nécessaires un nombre invraisemblable de documents pour justifier de l’inscription sur les listes électorales : avis d’imposition foncière, copie du bail pour les baux écrits, baux verbaux, attestation sur l’honneur consignée du bailleur et du fermier. Dans un souci de simplification, il faudrait que cette procédure soit numérisée, ou du moins allégée.

En somme, mes questions portent sur les trois points suivants, monsieur le ministre : représentativité, ouverture des listes électorales en temps et en heure, si possible dès le mois d’avril 2024, et simplification administrative.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice, les élections des chambres d’agriculture sont un moment important de mobilisation du monde agricole dans l’ensemble de ses composantes. Mon ministère y veille donc tout particulièrement.

J’ai demandé à mes services d’organiser les prochaines élections dans la continuité du précédent scrutin, notamment en termes de collège, afin d’assurer une forme de stabilité, tout en veillant à la stricte observation des échéances prévues par les textes applicables, notamment les délais d’inscription, pour que chacun ait le temps.

Comme vous le relevez, madame la sénatrice, lors des élections de 2019, la charge de travail, induite notamment par les consultations des différents acteurs impliqués, a eu pour conséquence un glissement de calendrier d’un mois, amenuisant mécaniquement la période d’inscription sur les listes électorales.

Dans le cadre de la préparation du prochain scrutin, les préfets feront afficher dès que possible, mais au plus tard le 1er juillet 2024, les avis annonçant l’établissement des listes électorales pour l’ensemble des collèges d’électeurs. Ainsi les intéressés pourront-ils faire connaître leur demande d’inscription sur les listes électorales durant une période minimale de deux mois et demi.

J’ai en outre demandé à mes services de me tenir informé de toute difficulté qui serait relevée ou qui pourrait ressortir des travaux du comité de pilotage national de ces élections. Cette instance, qui est en cours d’installation, nous permettra de disposer d’un certain nombre d’éléments.

En ce qui concerne l’organisation matérielle du scrutin, qui fera l’objet d’une instruction technique, la direction de l’administration centrale compétente organisera très prochainement un retour d’expérience sur les conditions matérielles du précédent scrutin, madame la sénatrice.

Il nous faut enfin remettre chaque jour sur le métier l’œuvre de simplification. Nous allons donc nous pencher sur la liste des pièces justificatives, afin de supprimer les pièces inutiles, ou même de trouver une pièce qui permettrait à elle seule de justifier de la capacité d’inscription sur les listes électorales.

Soyez assurée que nous y travaillons, madame la sénatrice, et que nous serons au rendez-vous de la plus forte simplification possible, car c’est d’elle que dépend la participation, qui constitue un élément majeur ; à tout le moins la favorise-t-elle.

Tels sont les éléments que je peux apporter en réponse à vos questions, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Je reviens sur la représentativité, monsieur le ministre, car je sais votre attachement à cette question : les propriétaires, c’est 37 % du budget, mais un siège au lieu de deux. J’estime que c’est un élément auquel il conviendra de réfléchir. Sans propriétaires, il ne peut y avoir ni agriculteurs, ni fermiers, ni vie rurale. Il s’agit donc d’un enjeu important.

En tout état de cause, je vous remercie de votre réponse.

assouplissement des règles d’octroi de crédit immobilier

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 925, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le ministre, ma question porte sur la situation du marché du crédit immobilier.

Depuis plusieurs mois, le secteur immobilier subit une crise d’ampleur qui touche à la fois tout Français souhaitant se loger et tous les secteurs qui dépendent du marché du crédit immobilier. Cela affecte également les collectivités territoriales, qui ont vu baisser leurs recettes liées aux droits de mutation.

Si cette crise résulte en grande partie de la hausse des taux d’intérêt, un facteur aggrave la crise actuelle, à savoir les nouveaux critères décidés par le Haut Conseil de stabilité financière. Ces critères obligatoires plafonnent le taux d’endettement à 35 % sans tenir compte du reste à vivre des ménages. La durée d’emprunt ne peut, quant à elle, excéder vingt-cinq ans pour l’ancien et vingt-sept ans pour le neuf.

Les principales conséquences de cette nouvelle réglementation sont les refus de plus en plus nombreux de crédits et des allongements de durée non nécessaires et coûteux pour les emprunteurs.

Les règles du Haut Conseil de stabilité financière bloquent des Français pourtant solvables et finançables. Face à la crise actuelle et à ces nouvelles règles contraignantes, c’est tout le marché immobilier qui est fragilisé.

Les acteurs du marché immobilier demandent plus de flexibilité dans l’application des règles établies par le Haut Conseil de stabilité financière, notamment une meilleure prise en compte du reste à vivre des foyers. Une telle mesure ne coûterait rien aux finances publiques.

Monsieur le ministre, vous paraît-il envisageable de modifier la réglementation en vigueur pour rendre plus flexibles les règles du Haut Conseil de stabilité financière et ainsi relancer le secteur de l’immobilier qui en a tant besoin ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Cyril Pellevat, comme vous le savez, le ralentissement de la production de crédit est suivi de très près par le Gouvernement.

Votre question est juste, tant il est vrai que ce ralentissement résulte principalement, et en pratique quasi uniquement, du resserrement de la politique monétaire.

La baisse de la demande des ménages est en effet causée par la hausse rapide des taux d’intérêt immobiliers et constitue la raison principale de la baisse de production de crédit. Récemment, les taux d’intérêt tendent toutefois vers une stabilisation qui pourrait ralentir la dégradation des conditions de financement.

Vous mettez en exergue les positions du Haut Conseil de stabilité financière, notamment l’une des mesures qui ciblent l’offre de crédits en encadrant les conditions d’octroi, sur le fondement des bonnes pratiques que constituent en particulier la maîtrise du taux d’effort des emprunteurs et le caractère raisonnable de la maturité maximale du crédit.

Cette décision a été prise par le Haut Conseil de stabilité financière, institution collégiale qui ne dépend pas du Gouvernement et au sein de laquelle siègent des représentants de la Banque de France, de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou encore de l’Autorité des marchés financiers.

Dans ce contexte, le Haut Conseil a déjà adapté sa norme au nouveau contexte financier, dans l’objectif – qui est aussi le vôtre, monsieur le sénateur, et que nous partageons – de ne pas freiner l’offre de crédit, tout en respectant les grands principes.

Premièrement, la marge de flexibilité de la mesure a été élargie s’agissant de la partie libre d’utilisation, par exemple pour soutenir l’investissement locatif.

Deuxièmement, le respect de la marge de flexibilité sera désormais apprécié par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sur trois trimestres glissants, ce qui permet aux banques un ajustement plus souple, notamment pour tenir compte des pics de saisonnalité.

Troisièmement, les prêts-relais sont désormais exclus du calcul du taux d’effort, sous condition de quotités de financement de 80 % au maximum, afin de fluidifier le marché.

Parallèlement, la possibilité d’allonger la maturité des prêts avec un différé d’amortissement est facilitée dans le cas de la construction d’un logement neuf ou dans le cas de travaux dont le montant s’élève à moins de 10 % du coût total de l’opération.

Le Gouvernement soutient enfin la mise en place par la Fédération bancaire française d’un dispositif offrant la possibilité d’un réexamen pour les ménages solvables dont la demande de crédit immobilier aurait été refusée.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.

M. Cyril Pellevat. Je vous remercie de tous ces éléments, monsieur le ministre.

Si le Haut Conseil de stabilité financière ne dépend pas du Gouvernement, le Gouvernement peut tout de même influencer ses décisions. (M. le ministre en convient.)

Des solutions sont attendues sur le terrain, car, pour les élus locaux, il ne se passe pas un jour sans qu’ils soient sollicités par une entreprise du bâtiment ou un emprunteur potentiel qui se retrouve dans une situation de blocage. De plus, dans les départements qui ont l’habitude d’enregistrer des taux de mutations élevés, comme c’est le cas pour la Haute-Savoie, les budgets des collectivités s’en ressentent.

avenir de l’aéroport d’orly et retrait d’air france de la plateforme aéroportuaire

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, auteur de la question n° 939, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, le 18 octobre dernier, la direction du groupe Air France annonçait son retrait total de l’aéroport d’Orly, un choix qui profiterait à Transavia, filiale low cost du groupe.

Ce transfert aurait pour conséquence le départ de 600 à 1 000 emplois d’Orly, sans compter les emplois induits, estimés à 1 pour 5. Cela conduirait – permettez-moi l’expression, monsieur le ministre – à un véritable « désarmement économique » du Val-de-Marne et du sud francilien.

L’État est le premier actionnaire d’Air France. Il lui alloue en outre des subventions au titre de sa mission de continuité territoriale. Pourtant, pas une seule fois le Gouvernement ne s’est exprimé.

Deuxième aéroport français et douzième aéroport européen, Orly est l’aéroport le plus dynamique d’Île-de-France et la passerelle avec les outre-mer. Cette dynamique fragile repose sur une diversité d’activités : présence d’Air France, industries à proximité, croissance des vols à bas coût et développement des longs courriers.

L’argument des économies après regroupement d’activité ne tient pas. Le potentiel d’Orly continue de s’accroître. Des compagnies privées sans mission de service public sont avides de récupérer des lignes, y compris pour la Corse.

J’en viens donc à mes deux questions, monsieur le ministre.

Le Gouvernement entend-il maintenir les emplois et les lignes d’Air France à Orly ?

Quelle est la vision stratégique du Gouvernement pour l’avenir de l’aéroport d’Orly ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Savoldelli, je vous remercie de votre question qui me permettra d’apporter un certain nombre d’éclairages au sujet du groupe Air France-KLM, qui est un opérateur important de l’aéroport d’Orly.

Ce projet se fonde d’abord sur un constat simple : la demande des vols sur le réseau national s’est effondrée depuis la crise sanitaire, du fait principalement de l’attractivité du train et du développement du travail en distanciel, ce qui entraîne des pertes importantes pour Air France, alors même qu’Orly, et c’est un atout, sera relié au centre de Paris grâce au prolongement de la ligne 14 du métro, qui sera inauguré en juin.

Basculer les vols interrégionaux opérés par Air France d’Orly vers Roissy présente également l’intérêt d’offrir un meilleur accès au réseau international à un certain nombre de nos concitoyens qui ne résident pas en Île-de-France.

Pour autant, comme vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur, l’ensemble des créneaux aujourd’hui opérés par Air France seront repris par Transavia.

Je souhaite par ailleurs au nom du Gouvernement vous apporter trois garanties.

D’abord sur l’emploi, car 500 emplois étant concernés, y compris au sol, ce sujet est absolument crucial. Ce projet ne prévoit aucun licenciement et l’État sera très attentif aux solutions de reclassement offertes à l’ensemble de ces salariés franciliens.

Ensuite, l’activité à Orly continuera de bénéficier de la croissance de Transavia, qui a annoncé l’ouverture de quatorze nouvelles lignes en 2024, ainsi que du remplacement intégral de la flotte par de nouveaux appareils A320neo de dernière génération, qui présentent l’avantage non négligeable d’être plus propres et plus silencieux, et dont le premier exemplaire été livré à Orly il y a tout juste une semaine.

Enfin, pour ce qui est de la desserte du territoire, la direction d’Air France s’est engagée à maintenir 90 % de l’offre existante sur le réseau national et le groupe continue d’avoir des discussions avec les élus locaux sur les modalités précises de mise en œuvre de cet engagement pour prendre en compte au mieux la situation difficile de certaines destinations.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, vous nous dites que le réseau national s’est effondré. Je conteste cette affirmation, car chacun sait qu’il faut tenir compte de la période de la crise de la covid-19 ; or votre raisonnement – du moins celui d’Air France – s’appuie sur les chiffres de 2019.

J’ai bien noté votre engagement en matière d’emploi et le fait que le projet ne prévoyait aucun licenciement. Toutefois, on mesure d’emblée les nombreux problèmes qui se poseront et qui porteront notamment sur les trajets ou sur le transport vers l’aéroport.

Vous mentionnez à juste titre, la ligne 14, monsieur le ministre. L’État vient d’y investir 400 millions d’euros, sans compter les 3 milliards d’euros pour l’arrivée du métro au mois de juin 2024.

Je vous avoue que je suis très inquiet face à la concurrence que risque de subir Air France de la part d’autres compagnies, y compris sa filiale Transavia, qui chercheront à prendre sa place et à bénéficier du réseau de transport exceptionnel, financé par l’argent public, qui permettra de relier l’aéroport au centre de Paris.

J’ai une pensée pour les populations ultramarines, qui ont une histoire avec Orly. Celle-ci n’est pas seulement liée aux lignes aériennes, mais elle a aussi une dimension sociale et humaine.

Monsieur le ministre, je vous invite à traiter le sujet avec la plus grande attention, de manière que l’on ne vienne pas nous dire, dans plusieurs années, que l’aéroport d’Orly a été vendu au secteur privé comme un aéroport low cost.

respect par le groupe technip energies des sanctions européennes contre la russie

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, auteure de la question n° 944, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le ministre, en 2019, le groupe russe Novatek annonçait le lancement du projet Arctic LNG 2 de gaz naturel liquéfié en Arctique. Ce chantier, très stratégique pour la Russie, devait lui permettre de produire et d’exporter 20 millions de tonnes de gaz liquéfié par an vers l’Europe et l’Asie. La filiale française était liée contractuellement au groupe russe à hauteur de 7 milliards d’euros pour assurer l’ingénierie et la construction du projet.

La guerre en Ukraine a entraîné la mise en application de sanctions à l’échelon européen, interdisant « explicitement les exportations vers la Russie de produits et de technologies utilisés dans la liquéfaction de gaz naturel, et proscrit toute assistance technique, financière ou logistique à leur utilisation ».

À la suite d’une enquête du journal Le Monde, de sérieux doutes sont apparus sur les activités du groupe Technip Energies en Russie. En effet, il semblerait que la société soit parvenue à retarder sa sortie du mégaprojet, notamment avec la poursuite de la livraison de pièces jusqu’au mois d’octobre 2022 et le transfert d’entités aux Émirats arabes unis. Le cabinet Brunswick, qui travaille pour Technip Energies, a déclaré sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avoir rencontré, en 2022, plusieurs membres du Gouvernement ou de cabinets ministériels pour qu’ils soutiennent Technip Energies dans le cadre de sa sortie ordonnée du projet.

Monsieur le ministre, étiez-vous au courant d’un quelconque contournement des sanctions par le groupe Technip Energies pour répondre aux exigences contractuelles du client russe Novatek ? Cette potentielle violation du régime de sanctions fera-t-elle l’objet d’une enquête ?

À la suite des révélations du journal Le Monde, avez-vous exigé la liste des composants de tous les équipements livrés par Technip Energies après la mise en application des sanctions européennes ? Quelles sont les conséquences pour l’État, comme actionnaire, après la chute du cours de l’action de Technip Energies à la suite de la parution de l’enquête du journal Le Monde ?

Enfin, pourquoi la France et l’Union européenne ne mettent-elles pas tout en œuvre – comme le font les États-Unis qui ont pris des sanctions – pour empêcher que ce projet ne voie le jour, ce qui contribuerait à assécher les ressources de la machine de guerre russe ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Ollivier, le Gouvernement tient à réaffirmer qu’il est pleinement mobilisé pour soutenir l’Ukraine, notamment en faisant adopter au sein du G7 et de l’Union européenne la mise en place de sanctions économiques contre la Russie. Certains nous reprochent d’ailleurs d’aller trop loin en ce sens.

Dans ce cadre, la France demeure particulièrement attentive au strict respect des sanctions européennes. C’est une question non seulement de crédibilité, mais aussi d’équité entre les entreprises.

Pour ce qui est du secteur de l’énergie et du cas particulier du groupe Technip Energies, les sanctions européennes contre la Russie comprennent une interdiction de fourniture de biens utilisés dans le raffinage et la liquéfaction de gaz naturel, conformément au règlement de l’Union européenne n° 833/2014.

Ce règlement est d’application directe et il est de la responsabilité des entreprises concernées de s’y conformer, en sollicitant les autorisations nécessaires auprès du service des biens à double usage et de la direction générale du Trésor.

Vous évoquez des échanges entre le groupe Technip Energies et les services de l’État. L’administration de mon collègue Bruno Le Maire se tient en effet à la disposition de toutes les entreprises françaises sur ce sujet, y compris pour les aider dans leurs démarches de retrait du marché russe. Elle applique dans ses réponses une politique claire de strict respect des sanctions européennes.

Quant à la qualification du contournement de sanction, elle ne peut s’apprécier que par une analyse fine et au cas par cas. Elle relève des prérogatives d’enquête du service des douanes et doit s’exercer sur la base d’éléments précis, qu’il s’agisse de la liste des types de biens concernés, de l’applicabilité ou non d’exemptions ou de dérogations prévues par les textes européens, ou bien encore des pays d’exportation. Ce travail est en cours dans le cas qui nous occupe.

situation de la fibre optique dans plusieurs communes des yvelines

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, auteure de la question n° 993, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Marta de Cidrac. Monsieur le ministre, certaines communes de mon département des Yvelines m’ont fait part de l’intensification des difficultés qu’elles rencontrent dans l’utilisation de leur réseau de fibre optique. En effet, Carrières-sous-Poissy, Achères ou Conflans-Sainte-Honorine, pour ne citer que ces trois exemples, font face à une forte dégradation de la qualité du service opéré par SFR, agissant en tant qu’opérateur d’infrastructure.

Le recours accru à la sous-traitance pour les raccordements de nouveaux clients a endommagé le réseau, de sorte que des remises en état sont nécessaires. Reste que les différents opérateurs commerciaux se renvoient la balle.

La confusion totale qui découle de cette situation a durablement dégradé le réseau de fibre optique de ces communes, ce qui n’est pas sans conséquence sur la qualité de vie de leurs habitants.

Cela contraste avec le déploiement du programme New Deal mobile dans les Yvelines dont je salue les progrès. Cependant, n’oublions pas le problème posé par la fibre optique qui se dégrade très fortement à plusieurs endroits dans le territoire.

Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour mettre fin à l’anarchie entre les différentes parties prenantes du dossier et quels moyens allez-vous engager pour que toutes les communes qui connaissent ces difficultés retrouvent un réseau de fibre optique digne de ce nom ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice, certains territoires souffrent en effet de dysfonctionnements particulièrement forts en matière de qualité d’exploitation de leur réseau de fibre optique.

Ces difficultés qui pénalisent les usagers sont le fruit de plusieurs facteurs.

Tout d’abord le rythme annuel des raccordements est très élevé.

Ensuite, certains réseaux FttH (Fiber to the Home) sont historiquement mal dimensionnés, ce qui est le cas dans votre département des Yvelines.

Enfin, il faut déplorer le recours à un trop grand nombre de sous-traitants peu ou mal formés.

Face à l’accroissement des difficultés et des signalements sur les réseaux de fibre optique, le Gouvernement et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ont saisi la filière afin qu’elle formule rapidement des propositions d’amélioration. Celles-ci s’articulent autour de trois axes.

Le premier axe porte sur le renforcement de la qualité des interventions. Les opérateurs ont établi un cahier des charges, définissant une certification et les compétences minimales requises sur le raccordement final.

Le deuxième axe a trait au renforcement des contrôles, grâce à la transmission par les opérateurs commerciaux de leurs plannings d’intervention et grâce à la réalisation de comptes rendus d’intervention permettant le contrôle mutuel entre opérateurs, pour éviter que chacun échappe à sa propre responsabilité.

Le troisième axe concerne la reprise des infrastructures dégradées, que ce soit au niveau des points de mutualisation ou des réseaux vieillissants ou mal dimensionnés qui nécessitent une reprise globale de l’infrastructure.

Plusieurs opérateurs ont déjà notifié un plan de reprise de 1 000 points de mutualisation à l’Arcep, ce qui correspond à 450 000 locaux.

D’autres reprises sont à prévoir. Ainsi, dans la commune de Conflans-Sainte-Honorine, pour reprendre l’un des exemples que vous avez cités, l’opérateur d’infrastructure a prévu la reprise de huit points de mutualisation qui permettront de résorber un certain nombre des difficultés que vous avez évoquées.

Le Gouvernement veille à la mise en place effective par les opérateurs des trois axes que j’ai mentionnés et en a confié le contrôle à l’Arcep. C’est un travail de contrôle continu – si vous me permettez l’expression – qu’il nous faut accomplir pour faire en sorte de rétablir enfin la situation.

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.

Mme Marta de Cidrac. Monsieur le ministre, nous connaissons les arguments que vous venez d’exposer.

J’aurais souhaité que le Gouvernement tape du poing sur la table et se montre plus efficace. La situation dure depuis des mois, voire plusieurs années dans certaines communes. Cela devient d’autant plus insupportable que la pratique du télétravail se déploie de plus en plus dans les Yvelines ; or elle nécessite une connexion sans faille.

répartition de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux dans le cadre d’une installation de production d’électricité d’origine nucléaire

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la question n° 981, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le ministre, ma question, à laquelle j’associe mes collègues élus de la Seine-Maritime Pascal Martin, Agnès Canayer et Patrick Chauvet élus de la Seine-Maritime, porte sur la répartition de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) dans le cadre d’une installation de production d’électricité d’origine nucléaire.

Interpellée par des élus de mon territoire qui sont concernés par la construction de deux nouveaux EPR2 (Evolutionary Power Reactor) à Penly – le début des travaux est prévu en 2027 –, je me fais le relais d’un sentiment d’incompréhension légitime vis-à-vis de la redistribution fiscale de l’Ifer.

En effet, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) voisins de la centrale nucléaire de production d’électricité (CNPE) de Penly, concernés par la nouvelle zone-cadre du plan particulier d’intervention, doivent faire face à une double problématique. Celle-ci est liée, d’une part, à l’acceptabilité du projet qui nécessite des mesures d’information, de sensibilisation et de préparation de la population, notamment en cas d’alerte ; elle tient, d’autre part, au fait que ces collectivités et EPCI sont prioritaires dans l’accueil des nouveaux employés et de leurs familles en matière de logement et d’accès aux services.

Ces contraintes et obligations justifieraient que les communes et EPCI concernés obtiennent en contrepartie une compensation fiscale. Or il n’en est rien : ils ne bénéficient pas des recettes liées à l’Ifer, qui ne sont reversées qu’à l’EPCI à fiscalité professionnelle unique d’implantation, en l’espèce la communauté de communes de Falaises du Talou.

Cette exclusivité est prévue par le code général des impôts et s’applique à d’autres cas d’installation de production d’électricité. Le sénateur Hervé Maurey l’a déjà souligné dans sa question écrite du 19 décembre 2019 : cette privation des bénéfices fiscaux légitimes liés à ces installations est injustement perçue par les collectivités.

Monsieur le ministre, afin de garantir une véritable équité territoriale et d’impliquer activement les communes, ne serait-il pas préférable d’ajuster la répartition des recettes fiscales en fonction du nouveau périmètre ? Le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a répondu à mon collègue Hervé Maurey que les communes avoisinantes pouvaient « toujours bénéficier de la dotation au titre du FDPTP (fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle) » et qu’il n’était pas possible de revoir la répartition de l’Ifer.

J’insiste donc, monsieur le ministre, en vous demandant s’il ne serait tout de même pas utile d’envisager une modification de la répartition de l’Ifer au regard du nouveau périmètre de la CNPE de Penly. Qui plus est, je doute qu’il s’agisse d’un cas isolé.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Morin-Desailly, vous appelez l’attention du Gouvernement sur la répartition du produit de l’Ifer. Le sujet, reconnaissons-le, est assez ancien et les mécanismes sont en place depuis un certain temps. Vous mentionnez notamment la centrale de Penly qui est située sur le territoire de la commune de Petit-Caux et qui est rattachée à la communauté de communes de Falaises du Talou. Cette centrale doit en effet bénéficier de la construction de deux réacteurs supplémentaires à compter de 2027.

Comme vous le savez, le produit de l’Ifer est réparti entre le bloc communal et le département, au sens général du terme, en fonction du lieu d’implantation. Au sein du bloc communal, la répartition varie en fonction du régime fiscal. Si l’EPCI est à fiscalité professionnelle unique, le produit de la composante de l’Ifer est réparti entre l’EPCI et le département.

Il est en effet possible – je l’ai constaté dans mon département – de demander une dotation au titre du FDPTP pour les communes voisines de l’EPCI. Dans les autres cas, c’est-à-dire en l’absence d’EPCI, la répartition se fait par moitié entre la commune et le département.

Ce système est cohérent, d’une part, avec la logique de l’intégration fiscale, d’autre part, avec la prise en compte des externalités des communes avoisinantes, considérées à l’échelle du département compétent en matière de cohésion territoriale. C’est sans doute la cohésion territoriale qui pourrait justifier la compensation des communes qui ne seraient pas dans l’EPCI d’implantation.

Dans ces conditions, le Gouvernement ne souhaite pas opérer la modification du régime actuel comme vous le demandez. Peut-être faudrait-il plutôt envisager à l’échelle du territoire la possibilité d’assurer une meilleure répartition de l’Ifer pour les communes avoisinantes de l’EPCI d’implantation.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Mme Catherine Morin-Desailly. Nous aurons l’occasion de poursuivre cet échange, car le sujet est important.

absences de professeurs dans certains établissements scolaires situés dans des communes rurales

M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, auteure de la question n° 958, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.

Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le ministre, je vous parlerai d’un problème récurrent et plus que jamais d’actualité. En effet, l’absence d’enseignants dans plusieurs établissements scolaires situés dans des zones rurales s’impose encore et toujours dans le débat.

L’éducation nationale souffre, c’est indéniable, et nos enfants sont les premières victimes. Si certaines familles font le choix de l’enseignement privé comme solution de remplacement, tout le monde n’y a pas forcément accès, quelles qu’en soient les raisons.

La nouvelle ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques dit d’ailleurs avoir été confrontée à des absences répétées d’enseignants et, pourtant, elle vit en plein centre de Paris. Je vous laisse imaginer la situation dans la ruralité…

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement n’a pas réussi à tenir sa promesse de mettre « un professeur devant chaque classe ». Vivre dans une zone rurale ne doit pas rimer avec subir une inégalité d’accès à l’école.

Dans mon département des Alpes-Maritimes, par exemple, plusieurs établissements du haut et du moyen pays peinent à recruter des professeurs titulaires. Que ce soit au collège Jean-Franco à Saint-Étienne-de-Tinée ou au lycée de la Montagne à Valdeblore, le problème est le même : le recrutement d’enseignants relève du parcours du combattant. Nos enfants ne peuvent pas continuer de pâtir plus longtemps de ces difficultés.

Que le problème soit lié à la situation géographique ou au temps de transport, les propositions d’augmentation de salaire ou les offres de logement ne suffisent plus pour attirer les professeurs. Les chefs d’établissement et les maires rivalisent d’imagination pour rendre ces postes attractifs, mais sans succès.

Lorsque le Premier ministre était encore à la tête du ministère de l’éducation nationale, il parlait de « choc des savoirs » et assurait vouloir « élever le niveau de l’école », ce qui est un objectif tout à fait louable. Encore faudrait-il pour cela que des enseignants soient présents dans chaque classe de France.

La ruralité ne peut pas être sacrifiée. Elle doit redevenir une priorité de l’éducation nationale. Au-delà de la pénurie d’enseignants à l’échelle nationale, il faut impérativement travailler sur la situation particulière de la ruralité.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je souhaite connaître les mesures supplémentaires que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour pallier le manque d’enseignants dans les établissements scolaires situés dans nos belles communes rurales.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice, comme élu du département rural du Loir-et-Cher, je ne peux qu’être sensible à la question que vous posez. Celle-ci porte en réalité sur l’attractivité du métier d’enseignant pour permettre le remplacement de ceux qui sont absents dans certains établissements scolaires. Comme vous l’avez dit, le problème se pose non seulement dans les territoires ruraux, mais parfois aussi dans les territoires urbains.

Le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques est pleinement mobilisé pour renforcer son action. Le 31 mars dernier, la Première ministre Élisabeth Borne et Gabriel Attal, alors ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, ont annoncé l’élargissement du programme Territoires éducatifs ruraux à l’ensemble des départements ruraux. Cette extension s’inscrit au sein du plan France ruralités qui vise à garantir l’amélioration durable de la qualité des services publics dans les territoires ruraux.

Le remplacement des professeurs absents est une priorité du service public de l’éducation nationale. À ce titre, les territoires ruraux isolés font l’objet d’un pilotage spécifique des services académiques.

Depuis 2017, le ministère prend des mesures concrètes afin de renforcer l’attractivité du métier d’enseignant. Au terme d’un cycle de concertations et de négociations avec les organisations syndicales, des mesures de revalorisation des rémunérations sont entrées en vigueur au 1er septembre 2023, qui ont concerné tout le personnel enseignant.

Ainsi, le montant de la part fixe de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves a été augmenté. La prime d’attractivité a été étendue et revalorisée pour les professeurs stagiaires. Par ailleurs, les professeurs effectuant des missions complémentaires sur la base du volontariat peuvent bénéficier d’une rémunération complémentaire au travers du pacte enseignant. Les perspectives d’évolution professionnelle ont été améliorées pour un accès facilité au grade supérieur, ce qui constitue également un élément qui favorise l’attractivité du métier.

En complément, d’autres leviers sont mobilisés à l’échelon académique pour favoriser les carrières dans l’enseignement.

J’ajoute que nous travaillons également à fidéliser les contractuels de manière qu’ils puissent mieux œuvrer.

Le Président de la République l’a affirmé lors de la conférence de presse qui s’est tenue voilà deux jours : il y a eu des avancées sur la question du remplacement des enseignants en arrêt de travail de longue durée. En revanche, il faut faire porter l’effort sur les arrêts plus ponctuels. La question est non seulement d’attractivité, mais aussi d’organisation.

distinction entre les enseignants du public et ceux du privé pour le recrutement des professeurs agrégés et certifiés

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, auteur de la question n° 990, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le ministre, les professeurs apprennent à nos enfants et à nos jeunes des savoirs essentiels. Qu’ils exercent dans le privé ou dans le public, ils rendent le même service public d’éducation et de formation des citoyens de demain.

Pourtant, des disparités existent entre les professeurs exerçant dans le public et les professeurs des établissements privés sous contrat. En effet, ces derniers se retrouvent écartés des concours de recrutement des professeurs agrégés (Prag) et des professeurs certifiés (PRCE).

Aujourd’hui, seuls les professeurs titulaires de la fonction publique peuvent être affectés comme enseignants dans le supérieur. Pour y prétendre, les enseignants du privé ont deux options : être lauréats d’un concours de l’enseignement public ou demander leur intégration dans le corps des professeurs agrégés ou des professeurs certifiés.

Ces étapes supplémentaires sont vécues comme une injustice pour les professeurs des établissements privés sous contrat. Certains interviennent régulièrement dans le supérieur, mais seulement en tant que vacataires. Ils sont en effet privés du statut de titulaire.

Monsieur le ministre, la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques envisage-t-elle de remédier à ces inégalités et de permettre aux professeurs du privé d’accéder aux concours des professeurs agrégés et des professeurs certifiés dans les mêmes conditions que les enseignants du public ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Duranton, les maîtres des établissements d’enseignement privé sous contrat d’association ont la qualité d’agent public, mais ne sont pas fonctionnaires, comme vous l’avez rappelé.

En application de l’article L. 442-5 du code de l’éducation, ils sont détenteurs d’un contrat pour enseigner en classe, fonction pour laquelle ils sont employés et rémunérés par l’État. S’ils bénéficient, en application du principe de parité posé à l’article L. 914-1 du code de l’éducation, des dispositions applicables aux enseignants du public, en revanche, les modalités de recrutement et concours sont spécifiques, ainsi que vous l’avez souligné. De même, étant recrutés sur contrat, ils ne peuvent pas non plus être détachés, en application de l’article L. 513-1 du code général de la fonction publique, car cette position administrative est réservée aux seuls fonctionnaires.

Le recrutement de professeurs agrégés et de professeurs certifiés dans l’enseignement supérieur se fait par la voie du détachement ou de l’affectation des membres des corps des professeurs titulaires de l’enseignement public. À ce jour, cette voie est donc fermée aux enseignants du privé.

Toutefois, les maîtres contractuels ou agréés de l’enseignement privé, lauréats d’un concours de l’enseignement public, qui avaient opté pour leur maintien dans l’enseignement privé, peuvent accéder au recrutement de professeurs agrégés ou de professeurs certifiés affectés dans l’enseignement supérieur en demandant leur intégration dans le corps des personnels enseignants du second degré auquel ce concours donne accès.

Par ailleurs et pour prolonger la question que vous posez, une concertation est en cours avec les organisations syndicales des enseignants du privé pour réfléchir aux mobilités nouvelles qui pourraient leur être proposées afin de mieux répondre à leurs attentes.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour la réplique.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le ministre, je ne manquerai pas de faire part aux professeurs qui m’ont interpellée sur cette question de la concertation qui est en cours et j’espère qu’elle aboutira.

formation des enseignants au maniement des extincteurs

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, auteur de la question n° 996, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.

M. Philippe Grosvalet. Monsieur le ministre, comme tous les établissements recevant du public, les écoles doivent respecter des normes relatives à la prévention des incendies. Ainsi, les directeurs d’école doivent être formés à la manipulation des extincteurs.

Pourtant, le 4 septembre dernier, au cours de son inspection de l’école Jean-de-La-Fontaine, située à Saint-Lyphard, en Loire-Atlantique, la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité a remarqué l’absence d’une telle formation. Ce défaut avait déjà été signalé lors des visites précédentes en 2010, 2015 et 2018.

Tenu informé de l’avis défavorable à la poursuite de l’activité d’accueil du public qui s’est ensuivi, le maire s’est vu dans l’obligation morale de prendre un arrêté provisoire d’exploitation de six mois. Il faut saluer sa sagesse.

La situation de cette école n’est pas isolée. Ainsi, depuis 2011, plusieurs cas dans la Drôme, dans la Sarthe et ailleurs ont été signalés par des parlementaires. Ce constat est d’autant plus alarmant au vu de l’âge des élèves en école maternelle et primaire.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, je vous remercie de bien vouloir m’indiquer quelles sont les mesures envisagées pour assurer cette formation indispensable à la sécurité des élèves et du personnel de ces établissements.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Grosvalet, le Gouvernement, plus particulièrement la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, est très attentif à ce que la sécurité du personnel et des élèves soit garantie dans les écoles et les établissements scolaires.

Concernant la prévention du risque incendie, les académies sont chargées de mettre en œuvre l’ensemble des mesures prévues, d’une part, par la réglementation des établissements recevant du public, d’autre part, par le code du travail. Ces mesures comprennent la formation du personnel au risque incendie, à la manipulation des extincteurs, au déclenchement de l’alarme et, bien évidemment, à l’évacuation.

Le ministère rappelle régulièrement aux académies l’importance de la prévention du risque incendie et les actions de prévention à mettre en œuvre. L’importance de ses gestes justifie qu’on les rappelle régulièrement, même s’ils peuvent paraître répétitifs.

Ainsi, dans les orientations stratégiques ministérielles (OSM) en matière de politique de prévention des risques professionnels portant sur l’année 2023, publiées au bulletin officiel de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports n° 18 du 4 mai 2023, les académies sont invitées à porter une attention particulière à l’évaluation et à la prévention des risques bâtimentaires, notamment le risque incendie.

Ces OSM renvoient à un guide sur la sécurité incendie, élaboré et publié à la fin de 2022 par la cellule ministérielle chargée du bâti scolaire, qui présente de manière synthétique les obligations liées à la prévention du risque incendie, notamment en matière de formation à la manipulation des extincteurs.

Le ministère restera attentif à la mise en œuvre des formations incendie dans les académies et au suivi de la levée des prescriptions formulées par les commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité.

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour la réplique.

M. Philippe Grosvalet. Force est de constater que ces directives ne sont pas suivies et que l’on tend à considérer que le pire n’est jamais certain. J’invite donc la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques à s’inspirer de la morale de la fable de Jean de La Fontaine, Le Chat et le vieux rat, qui rappelle que « la méfiance est mère de la sûreté ».

projet de loi sur le modèle français de la fin de vie

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, auteur de la question n° 995, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

M. Stéphane Demilly. Devant les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie, le Président de la République s’est engagé à bâtir un projet de loi avant la fin de l’été 2023. Au début du mois de décembre dernier, le Gouvernement a annoncé que ce projet de loi sur le modèle français de la fin de vie serait présenté dans le courant du mois de février 2024, sans pour autant préciser quand débuterait son examen à l’Assemblée nationale.

Madame la ministre, il y a une réelle attente sur ce sujet, vous le savez. La question de la fin de vie mérite d’être débattue au Parlement au nom de nos malades français atteints de maladies graves et souvent incurables.

J’ai été particulièrement sensible au témoignage d’un père de famille de mon département qui souffre de la maladie de Charcot. Cette maladie touche environ 9 000 personnes en France et 1 500 nouveaux cas sont déclarés chaque année, soit près de 5 nouveaux cas par jour. Après l’apparition des premiers symptômes, l’espérance de vie des malades est en moyenne de deux à cinq ans. Aujourd’hui, ceux qui souffrent de cette maladie subissent une double peine : ils sont, d’une part, privés de traitement, d’autre part, dans l’impossibilité de demander à mourir dignement.

Or, comme ce père de famille me l’a lui-même écrit, « contrairement à d’autres maladies dégénératives, avec la maladie de Charcot, vos capacités cognitives ne sont pas touchées, vous permettant ainsi de profiter pleinement de votre propre déchéance ».

Devant des propos aussi poignants, vous comprendrez qu’il est urgent d’agir, madame la ministre. Cela est d’autant plus vrai que le nombre de cas de maladies neurodégénératives – Parkinson, Alzheimer, Charcot – a explosé ces dernières années et les prévisions des spécialistes pour les années à venir font vraiment frémir.

Madame la ministre, quel est le calendrier et quelle est la vision du Gouvernement sur ce sujet ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Demilly, je vous prie d’excuser l’absence de Mme Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, qui ne peut être présente ce matin et qui m’a chargée de vous répondre.

Sur la question de la fin de vie, depuis plusieurs années, les mentalités et les attentes de notre société évoluent. Vous l’avez souligné dans votre propos. L’allongement de l’espérance de vie, le nombre croissant de maladies – vous en avez cité certaines –, la dépendance et parfois la souffrance des malades soulèvent de nouvelles questions auxquelles il nous faut répondre.

S’il est indispensable d’œuvrer au renforcement de la prise en charge de la souffrance, notamment en soins palliatifs, nous ne pouvons pas ignorer la détresse de ceux qui demandent une aide active à la fin de vie.

Conformément aux engagements qu’il a pris, le Président de la République a souhaité que le Gouvernement lui présente un projet de loi sur l’accompagnement de la fin de vie.

La ministre du travail, de la santé et des solidarités présentera dans les prochaines semaines une stratégie décennale pour accélérer le développement des soins palliatifs et pour améliorer le droit des patients et la protection des personnes. Celle-ci comprendra notamment une réflexion sur l’accompagnement du deuil, sur les directives anticipées et sur l’accompagnement des aidants dans cette période difficile qu’est la fin de vie.

Un autre volet concernera l’introduction dans notre loi d’une aide active à mourir. Il nous faudra légiférer avec précaution et prudence, dans le dialogue et le respect des professionnels de santé et des familles.

Le travail de coconstruction que nous avons engagé sur ce sujet avec le Parlement depuis plus d’un an permettra de trouver un chemin – j’en suis certaine. La ministre du travail, de la santé et des solidarités ainsi que la ministre des relations avec le Parlement détailleront dans les semaines qui viennent le calendrier précis de l’examen parlementaire. Je suis certaine que nous réussirons à trouver ensemble un point d’équilibre pour répondre aux difficultés que rencontrent de nombreuses familles ainsi que les professionnels de santé.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour la réplique.

M. Stéphane Demilly. Madame la ministre, vous l’aurez compris, nous attendons ce projet de loi. Nous sommes impatients de connaître son contenu et de le voir inscrit à l’ordre du jour.

généralisation de l’expérimentation de la réalisation des interruptions volontaires de grossesse instrumentales par les sages-femmes

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 959, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, le Parlement a voté il y a quelque temps une loi autorisant les sages-femmes à réaliser des interruptions volontaires de grossesse (IVG) instrumentales. Originellement, je souhaitais vous interroger sur la date de publication du décret d’application de cette disposition, mais, celui-ci ayant depuis lors été pris, ma question portera sur le caractère extrêmement restrictif de sa portée.

D’une part, il prévoit un délai pendant lequel les sages-femmes peuvent pratiquer des IVG instrumentales qui diffère du délai légal.

D’autre part, ce décret exige la présence de trois médecins, dont, « sur site ou par convention avec un autre établissement de santé », celle d’un médecin à même de pratiquer des embolisations artérielles.

En réalité, cela signifie que les sages-femmes ne pourront que très rarement pratiquer des IVG instrumentales, tant les conditions exigées sont drastiques – bien plus que celles qui s’appliquent aux médecins.

Ainsi, la présence de ce fameux médecin capable de pratiquer des embolisations artérielles n’est jamais exigée auprès d’un médecin pratiquant une IVG instrumentale, pas plus que lors d’un accouchement, alors même que les risques hémorragiques sont plus importants.

Aussi, madame la ministre, je vous demande de revoir la rédaction de ce décret de façon que la volonté du Parlement soit respectée pleinement et non pas de manière partielle.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser ma collègue ministre du travail, de la santé et des solidarités, qui, ne pouvant être présente ce matin, m’a chargée de vous répondre en son nom.

Le Gouvernement est engagé dans l’amélioration et la protection de l’accès à l’interruption volontaire de grossesse. Il partage pleinement l’objectif de diversifier les professionnels susceptibles de réaliser des IVG par voie instrumentale, afin d’assurer l’accès des femmes aux différentes techniques d’IVG, médicamenteuses comme instrumentales.

La rédaction du décret du 16 décembre 2023 relatif à la pratique des interruptions volontaires de grossesse instrumentales par des sages-femmes en établissement de santé, pris par le ministre de la santé de la prévention, et faisant suite à une expérimentation porteuse de nombreux enseignements, a donné lieu à une large concertation avec les principaux acteurs impliqués, évoquant notamment la question du terme possible de réalisation des IVG dans le cadre de cette pratique.

Le décret dispose finalement que les sages-femmes pourront pratiquer ces IVG jusqu’au terme de seize semaines d’aménorrhée, soit jusqu’à la fin de la quatorzième semaine de grossesse, limite fixée par la loi pour la réalisation d’une IVG.

Par ailleurs, l’enjeu de sécurité et de qualité qui s’attache à ces actes – point qui mobilise toute l’attention du Gouvernement, et ce quel que soit le professionnel qui les réalise – a conduit à fixer des conditions d’expérience et de formation des sages-femmes pour autoriser celles-ci à les pratiquer. Ces conditions préexistaient dans le cadre expérimental et elles ont montré toute leur utilité.

Cette extension des compétences des sages-femmes est une avancée importante pour l’accès à l’IVG de toutes les femmes, en particulier dans des territoires où les contraintes liées à la démographie des professionnels de santé fragilisent celui-ci. Le Gouvernement sera particulièrement attentif à sa mise en place concrète dans le plus grand nombre possible d’établissements de santé sur le territoire.

C’est également une mesure importante en faveur de la diversification des compétences des sages-femmes et de l’attractivité de leur métier dans le cadre hospitalier.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, vous répondez, certes, à ma question, mais en partie seulement.

Je ferai plusieurs remarques.

Vous dites qu’une concertation a eu lieu avec les principaux acteurs impliqués. En tout cas, probablement pas avec les sages-femmes, ou du moins celle-ci n’a pas abouti positivement. J’imagine qu’ont été particulièrement écoutés – et entendus – les médecins qui s’opposaient à ce transfert d’activité aux sages-femmes. Celles-ci sont très mécontentes de ce décret, car elles s’estiment parfaitement à même de réaliser les IVG instrumentales.

De même, chacun convient sans aucun problème que des conditions d’expérience et de formation sont nécessaires pour réaliser de tels actes, comme c’était le cas pendant la phase expérimentale. Reste que vous ne répondez pas à ma question sur le point suivant : pourquoi exiger la présence, aux côtés des sages-femmes, de médecins spécialistes, alors que celle-ci n’est pas requise quand l’acte est effectué par un médecin ?

En réalité, le Gouvernement a beau dire qu’il veut faciliter l’accès à l’IVG, ce décret va à l’encontre de la volonté exprimée par le Parlement.

meilleure prévention de l’arrêt cardiaque extra-hospitalier en france

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, auteur de la question n° 992, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

M. Bernard Jomier. Madame la ministre, l’été prochain, à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques, des millions de personnes viendront célébrer les exploits des plus grands sportifs.

Les stades et les fan zones, particulièrement bondés et exposés à la chaleur estivale, pourront devenir des lieux propices aux situations stressantes et, par conséquent, accroître le risque d’arrêt cardiaque.

En France, plus de 40 000 personnes font face à cette situation chaque année, avec un taux de survie de seulement 6 %. Le manque de formation aux gestes qui sauvent persiste et la majorité des victimes succombent dans les dix minutes qui précèdent l’arrivée des secours.

Par comparaison, la Suède affiche un taux de survie de 40 %, principalement grâce à une population largement formée aux premiers secours, à un accès aisé aux défibrillateurs et à un entretien méticuleux de ces matériels.

Malgré des progrès ces dernières années, notre pays accuse un retard significatif dans ce domaine : les défibrillateurs automatisés externes (DAE) sont mal entretenus et insuffisamment déclarés aux associations de citoyens sauveteurs.

De plus, la fermeture d’établissements équipés de DAE rend ces équipements médicaux parfois inaccessibles, alors que le nombre de citoyens capables d’administrer les premiers secours demeure faible.

Madame la ministre, à l’approche des Jeux, je vous interpelle sur les mesures concrètes que le Gouvernement envisage de prendre pour assurer la protection des spectateurs et des visiteurs contre le risque d’arrêt cardiaque.

Plus généralement, comment comptez-vous renforcer la formation des citoyens aux gestes qui sauvent et améliorer l’accès aux DAE ?

Quel est le plan du Gouvernement pour que la France rattrape son retard dans la prévention et la prise en charge des arrêts cardiaques ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je porte à votre connaissance la réponse que m’a demandé de vous transmettre ma collègue chargée de ce dossier.

Le Président de la République a fixé comme objectif en 2017 de « former 80 % de la population aux gestes des premiers secours ».

La loi du 28 juin 2018 relative au défibrillateur cardiaque a imposé l’obligation d’équipement en DAE des établissements recevant du public (ERP), le renforcement de la signalétique relative à ces équipements, leur maintenance et, enfin, la création d’une base de données nationale Géo’DAE pour les recenser et, surtout, les géolocaliser.

L’enjeu est d’améliorer les chances de survie en permettant à une personne témoin d’un arrêt cardiaque de disposer très rapidement d’un DAE en complément de la réalisation des gestes de premiers secours.

La déclaration des informations relatives à ces dispositifs médicaux par leurs propriétaires ou par les professionnels assurant la maintenance des DAE sur le portail Géo’DAE intervient dans le respect du standard défini par l’arrêté du 29 octobre 2019 relatif aux défibrillateurs automatisés externes et à leurs modalités de signalisation dans les lieux publics et les établissements recevant du public.

Elle a pour objectif de faciliter leur géolocalisation par les services de secours et d’aide médicale urgente, ainsi que par des applications citoyennes diffusant les données relatives aux DAE.

Depuis la création de la base de données nationale au mois de mars 2020, on observe une augmentation croissante du nombre de déclarations. En effet, près de 112 000 DAE ont ainsi été déclarés. Ces données, disponibles en open data, sont, conformément à la loi, validées par les propriétaires de DAE eux-mêmes et constamment mises à jour.

Elles permettent aux services de secours et d’aide médicale urgente d’optimiser la prise en charge en facilitant l’utilisation des DAE par les témoins.

Elles permettent aussi à certaines applications disponibles sur les différentes plateformes de mobiliser des citoyens sauveteurs en cas d’arrêt cardiaque tout en géolocalisant les DAE et, ainsi, de sauver des vies.

Des actions de sensibilisation et de communication sont régulièrement assurées pour améliorer la déclaration des données relatives aux DAE installés et, ainsi, contribuer au déploiement de la base nationale Géo’DAE.

Des QR codes DAE ont été placés dans des endroits stratégiques des territoires pour maximiser la visibilité et l’accessibilité de ces instruments pour le grand public afin de les intégrer au mieux dans la chaîne de prise en charge de l’arrêt cardiaque.

décret relatif à l’installation d’officines de pharmacie dans les communes de moins de 2 500 habitants

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, auteur de la question n° 1014, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

M. Cédric Vial. Madame la ministre, en 2018, le Gouvernement a, par ordonnance, clarifié les dispositions relatives aux conditions d’autorisation d’ouverture des officines de pharmacie dans les communes de moins de 2 500 habitants, par voie de création, de transfert ou de regroupement.

Ce texte a prévu des dispositions en faveur des territoires au sein desquels l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante. Les critères d’éligibilité de ces territoires devaient être définis par décret.

Les communes rurales étaient en attente de ce texte, assouplissement nécessaire pour les territoires.

C’était en 2018… Depuis lors, rien ! Nous sommes toujours en attente de ce décret.

Le Gouvernement a été, à de nombreuses reprises, interrogé sur sa date de parution, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Malgré les changements de ministre chargé de la santé, la réponse restait la même : le décret doit paraître le trimestre ou le semestre suivant…

Voici quelques exemples des réponses que nous avons reçues, ici, au Sénat, par les ministres successifs.

En réponse à une question écrite du mois de janvier 2020, le ministre annonce « une publication au premier semestre 2021 ».

En réponse à une question orale du mois d’octobre 2021, il est indiqué que « la publication pourrait intervenir au cours du premier semestre 2022 ».

En réponse à une question écrite du mois de juillet 2022, il est indiqué que « la publication est prévue pour le début de l’année 2023 ».

En réponse à une question écrite du mois d’octobre 2022, la publication est annoncée « pour le premier trimestre 2023 ».

En réponse à une question écrite du mois de janvier 2023, il est annoncé que « la publication du décret est donc désormais prévue pour la fin d’année 2023 ».

Nous voilà en janvier 2024. Qu’en est-il, madame la ministre ? Vous semble-t-il normal que les parlementaires, comme l’ensemble des élus du territoire, aient l’impression que l’on se moque d’eux ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie de prendre connaissance de la réponse que ma collègue ministre de la santé, qui ne pouvait pas être présente ce matin, m’a chargée de vous transmettre.

Le code de la santé publique prévoit, en effet, qu’un décret doit déterminer les conditions de définition des territoires au sein desquels l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante.

Le maillage officinal est aujourd’hui globalement satisfaisant : au 1er janvier 2023, on comptait 20 142 officines sur l’ensemble du territoire, ce qui correspond à trente officines pour 100 000 habitants.

Au sein des territoires identifiés comme fragiles, le maillage des officines pourra être renforcé grâce à des aides financières en vue de favoriser le maintien ou l’installation d’une officine ou grâce à un assouplissement des règles encadrant les autorisations de transfert et de regroupement.

Cet aménagement contribuera notamment au renforcement du maillage des officines dans les communes de moins de 2 500 habitants, car elles auront la possibilité d’être regroupées avec des communes contiguës afin qu’une officine soit autorisée à y ouvrir.

Je sais combien cet assouplissement est attendu par les élus des communes rurales, ce que vous venez très justement et très légitimement de rappeler, monsieur le sénateur. Et j’entends votre impatience.

Le projet de décret que vous mentionnez dans votre question est en cours d’élaboration et a été soumis pour consultation aux représentants de la profession et des caisses de sécurité sociale. Ces consultations prennent du temps, mais elles sont essentielles. À cet égard, je veux vous assurer de la détermination de la ministre du travail, de la santé et des solidarités à publier le plus rapidement possible ces textes, une fois que celles-ci seront terminées.

Elle réunira d’ici à la fin du mois les agences régionales de santé (ARS) pour réaliser un point d’étape sur la rédaction de ce décret. L’objectif partagé est d’aboutir à une méthodologie plus claire et plus adaptée aux enjeux du maillage officinal.

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour la réplique.

M. Cédric Vial. Je constate, madame la ministre, que vous perpétuez la tradition des vœux pieux… Je crois donc comprendre que ce décret sera pris au cours du présent semestre.

Cela fait maintenant sept ans que ce texte est soumis à consultation ! Dans notre pays, c’est le Parlement qui fait la loi. Ce ne sont pas les lobbies ! Aujourd’hui, un lobby s’oppose à la sortie de ce décret. Il est là question non pas d’un pansement Urgo sur une jambe de bois, mais d’une attente de nos territoires. Madame la ministre, j’espère que ce gouvernement prendra la chose au sérieux.

Je le répète, dans notre pays, c’est le Parlement qui fait la loi.

fermeture de l’hôpital bichat

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, auteur de la question n° 909, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

M. Ian Brossat. Madame la ministre, ma question porte sur le projet d’hôpital Grand Paris Nord. Né en 2013, il vise en réalité à fusionner deux hôpitaux : l’hôpital Bichat, situé dans le XVIIIe arrondissement de Paris et l’hôpital Beaujon, situé dans les Hauts-de-Seine, votre terre d’élection.

Ce projet se présente comme une grande innovation. En réalité, il se traduira par la fermeture de 300 lits d’hospitalisation. Ce sont ainsi 30 % des capacités d’hospitalisation de ces deux hôpitaux, l’hôpital Bichat et l’hôpital Beaujon, qui seraient purement et simplement rayées de la carte.

Ce projet est d’autant plus inquiétant qu’il se situe dans le nord-est parisien, dans une des zones les plus carencées d’Île-de-France : on y compte trois lits pour mille habitants, contre, en moyenne, quatre lits pour mille habitants dans la région.

Par conséquent, ce projet a très légitimement suscité de nombreuses inquiétudes parmi les soignants et les patients, à tel point qu’il a maintenant du plomb dans l’aile. En effet, la cour administrative d’appel a décidé de le suspendre pour vice de procédure et que l’enquête publique a été relancée – elle reprendra le 29 janvier.

Ma question est simple : précisément parce qu’il se traduira par la perte de 300 lits d’hospitalisation, que rien ne justifie, allez-vous enfin remettre à plat ce projet ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser la ministre du travail, de la santé et des solidarités, qui, ne pouvant être présente ce matin, m’a chargée de vous répondre.

Ce nouvel hôpital représente un investissement de plus de 1,3 milliard d’euros. Il offrira des conditions d’accueil pour les patients et d’exercice pour les professionnels de santé sans commune mesure avec ce qu’elles sont aujourd’hui à Bichat et Beaujon.

La construction du campus hospitalo-universitaire Saint-Ouen Grand Paris Nord à l’horizon 2028 devrait permettre d’accueillir une maternité d’une capacité de 2 000 naissances par an, en remplacement des maternités de Bichat et de Beaujon.

Ce projet permettra de rééquilibrer géographiquement l’offre de maternité en faveur de la Seine-Saint-Denis, sans déstabiliser l’offre de soins du territoire.

Dans tous les cas, l’implantation de ce nouvel établissement ne déstabiliserait pas l’offre de soins en maternité, puisque les autres maternités du territoire seraient capables d’absorber le solde des naissances.

Sans même tenir compte des rehaussements capacitaires de la maternité de l’hôpital Lariboisière et du pôle femme-enfant de l’hôpital Avicenne, le solde des 1 373 accouchements résultant de ce projet de centre hospitalier universitaire serait absorbé sans trop d’impact pour les maternités, dont le taux d’occupation est de 75 %.

Pour toutes les questions relevant de la déclaration d’utilité publique, le ministère du travail, de la santé et des solidarités a bien entendu connaissance des démarches judiciaires en cours et les suit avec attention.

Nul doute que l’agence régionale de santé et l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) en tiendront compte dans la sécurisation juridique du projet.

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour la réplique.

M. Ian Brossat. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse ; pour autant, elle n’est pas satisfaisante.

Je le répète : ce projet de fusion se traduira par la suppression de 300 lits d’hospitalisation dans un territoire qui en manque cruellement, un territoire qui plus est populaire.

On ne peut pas, d’un côté, avoir un Président de la République qui déclare que la santé est une priorité pour lui et, d’un autre côté, supprimer 300 lits d’hospitalisation dans ces quartiers populaires.

avenir de la filière hydrolienne

M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen, auteur de la question n° 1003, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Sébastien Fagnen. Madame la ministre, à l’heure où l’énergie n’a plus de ministère de plein exercice et où le projet de loi sur la souveraineté énergétique ne donne malheureusement aucune visibilité de volume pour les énergies renouvelables, il est plus que jamais nécessaire de s’interroger sur le soutien de l’État à la filière hydrolienne et sur la traduction des annonces du Président de la République aux Assises de l’économie de la mer, à Nantes, le 28 novembre dernier.

Si le Gouvernement souhaite une relance forte du nucléaire, les nouvelles capacités nucléaires ne seront pas connectées avant 2035.

En parallèle du soutien à la filière électronucléaire et en vue de pleinement décarboner le mix énergétique, il est indispensable d’accélérer dès à présent le développement massif des énergies renouvelables, notamment marines, comme le recommande le rapport Futurs énergétiques 2050 de RTE (Réseau de transport d’électricité).

Après l’échec d’OpenHydro en 2018, faute d’un soutien clair et franc de l’État à la filière, l’annonce du soutien financier à hauteur de 65 millions d’euros à la ferme pilote hydrolienne manchoise FloWatt était inespérée. En effet, l’énergie hydrolienne était encore laissée pour compte dans le cadre de la précédente programmation pluriannuelle de l’énergie malgré les deux courants puissants et très prometteurs que l’on rencontre au raz Blanchard, à la pointe du Cotentin, et dans le passage du Fromveur, dans le Finistère.

La stratégie de développement de la filière hydrolienne repose sur la nécessaire visibilité de développement commercial à court terme, condition indispensable aux investissements, donc à la baisse des coûts de cette nouvelle filière industrielle française prometteuse.

Il s’agirait pour l’État de lancer dès à présent des appels d’offres commerciaux, sans attendre les mises en service des fermes pilotes. C’est d’ailleurs ainsi qu’a été appréhendé le développement de l’éolien flottant.

Attendre serait néfaste pour l’ensemble de la filière et pour la société HydroQuest elle-même, à l’origine de FloWatt. En effet, cela impliquerait une possible rupture d’activité et de charge de plusieurs années entre le moment de la livraison des hydroliennes de la ferme pilote en 2026 et le moment où la société serait susceptible d’être lauréate d’un projet commercial en France.

Ces défis et les difficultés rencontrées par la filière hydrolienne n’ont pas empêché la Grande-Bretagne de la développer de manière extrêmement volontariste.

Madame la ministre, le Gouvernement va-t-il s’engager à lancer rapidement des appels d’offres commerciaux, afin que la filière industrielle française de l’hydrolien devienne enfin une réalité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui, ne pouvant être présent ce matin, m’a chargée de vous répondre.

Les différentes sources d’énergies renouvelables sont complémentaires et ont vocation à contribuer, chacune selon son potentiel, à l’atteinte de nos objectifs de lutte contre le réchauffement climatique et de souveraineté énergétique.

À ce titre, les nouvelles énergies marines présentent un potentiel que nous intégrons pleinement dans nos réflexions sur notre prochaine stratégie énergétique.

La France a été pionnière dans l’exploitation de l’énergie des marées, avec l’usine marémotrice de la Rance, première installation au monde à produire de l’électricité à partir de l’énergie des marées à une échelle industrielle.

Cependant, une telle installation présente aussi des inconvénients, par exemple l’ensablement progressif de la Rance, qui nécessite des interventions et des travaux réguliers.

La stratégie offshore de la Commission européenne, publiée au mois de novembre 2020 a fixé l’objectif de 40 gigawatts de capacité d’énergie océanique hors éolien en mer et de 300 gigawatts d’éolien en mer dans l’Union européenne d’ici à 2050.

Concernant l’hydrolien en mer, la France, par ses courants marins, notamment ceux du raz Blanchard et du passage de Fromveur, présenterait un potentiel maximum estimé entre 3 et 5 gigawatts. Pour autant, par rapport à d’autres énergies comme le solaire ou l’éolien terrestre et en mer, cette technologie reste à un stade de développement amont et doit encore poursuivre sa montée en maturité, en particulier afin de réduire ses coûts par rapport à d’autres énergies renouvelables.

Le Gouvernement a décidé l’été dernier de soutenir la ferme pilote hydrolienne de 17,5 mégawatts de FloWatt, témoignant ainsi son soutien à la filière marine renouvelable et son souhait d’accompagner son développement.

Dans cette perspective, le Gouvernement travaille actuellement pour que la prochaine politique pluriannuelle de l’énergie intègre le lancement de premiers appels d’offres commerciaux hydroliens, sous réserve d’une baisse des coûts de la technologie.

Cette orientation figure dans le document mis en consultation à la fin de l’année dernière sur la stratégie française pour l’énergie et le climat.

difficultés de la filière industrielle des chaudiéristes biomasse français

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, auteure de la question n° 1006, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Audrey Linkenheld. Madame la ministre, ma question porte également sur une filière industrielle qui nous semble une composante importante de la décarbonation de notre économie : la filière industrielle biomasse, en particulier celle des chaudiéristes biomasse.

Cette filière, qui emploie, directement et indirectement, 450 000 personnes, est aujourd’hui fragilisée par les conséquences de la guerre en Ukraine, par exemple pour accéder à ses fournisseurs et aux routes commerciales.

Elle est également fragilisée par des difficultés d’accès à des dispositifs d’aide et d’accompagnement à la rénovation énergétique mis en place par l’État, rénovation énergétique elle-même évidemment indispensable face aux changements climatiques.

Au mois de décembre dernier, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) a en effet annoncé une baisse des financements pour l’installation de chauffages fonctionnant au bois et une baisse de 30 % du forfait MaPrimeRénov’, à partir du mois d’avril 2024. Or les systèmes de chauffage biomasse, notamment les chaudières, qui font office de chauffage principal, et non pas de chauffage d’appoint, sont une solution de remplacement intéressante pour certains ménages, contrairement au fioul ou à l’électricité. Pour autant, ils se trouvent aujourd’hui fragilisés.

J’interroge donc le Gouvernement sur les raisons de la baisse de ce financement pour les chauffages fonctionnant au bois et les mesures qu’il entend prendre pour soutenir une filière qui nous semble importante.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, je vous prie d’excuser le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui, ne pouvant être présent ce matin, m’a chargée de vous répondre.

Le chauffage domestique au bois constitue, d’une part, l’une des principales sources actuelles de chaleur renouvelable, d’autre part, la principale source d’émissions de particules fines.

Malgré une amélioration progressive depuis plusieurs décennies, la qualité de l’air en France reste un enjeu essentiel pour la santé publique.

C’est pour assurer son déploiement adapté, afin tant de développer une ressource énergétique renouvelable que d’encadrer une source majeure d’émission de particules fines, que le plan d’action pour un chauffage domestique au bois plus performant est en cours de déploiement depuis la fin de 2021.

Les aides au renouvellement des appareils de chauffage au bois déployées à l’échelon national sont maintenues en 2024.

Concernant les fonds air-bois, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a lancé un nouveau cycle d’appels à projets pour aider les collectivités à étudier, puis à mettre en place un fonds d’aide pour accélérer le renouvellement d’appareils de chauffage domestique au bois peu performants.

Les aides MaPrimeRénov’ sont maintenues en 2024, mais réduites de 30 % à compter du deuxième trimestre. L’objectif est de ne pas favoriser le chauffage au bois au détriment des pompes à chaleur.

Il est primordial que MaPrimeRénov’ puisse continuer à soutenir l’installation d’appareils très performants de chauffage aux granulés ou au bois. Cela permet de décarboner les bâtiments en remplaçant les équipements fioul ou gaz sans impact pour le système électrique.

Sous l’impulsion de la politique du Gouvernement, le marché des chaudières biomasse est passé de 10 000 chaudières par an en 2018 à 42 000 en 2022. Cela permet de réduire les émissions de particules grâce au remplacement d’appareils existants alimentés à la biomasse.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour la réplique.

Mme Audrey Linkenheld. Madame la ministre, je connais bien le dispositif du fond air-bois pour l’avoir moi-même instauré avec le soutien de l’Ademe dans la Métropole européenne de Lille, lorsque j’étais, voilà quelques mois encore, vice-présidente chargée du climat. J’y suis donc favorable.

Néanmoins, reconnaissez qu’il est paradoxal de développer, d’un côté, ces fonds air-bois pour le remplacement d’un certain nombre d’équipements, d’un autre côté, de réduire, comme vous l’avez reconnu, les aides MaPrimeRénov’ réservées aux chaudières à bois.

Les inquiétudes de la filière restent donc malheureusement entières.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et renforcement de l’accompagnement des élus locaux

Débat organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, sur la mise en application de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux.

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Monsieur le ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura regagné sa place dans l’hémicycle.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe auteur de la demande.

Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette nouvelle année, qui voit chacune et chacun d’entre nous sillonner son département pour honorer les invitations qu’il reçoit à l’occasion des vœux, nous sommes de plus en plus souvent interpellés à propos du « zéro artificialisation nette » (ZAN). C’est donc de ce sujet capital pour l’avenir de nos communes que les élus de notre groupe souhaitent débattre.

Sous cet acronyme – ZAN – qui s’impose à nous tous se cache en réalité l’avenir de la construction de logements et du développement économique dans la France rurale et périurbaine.

Sous cet acronyme, ce qui se joue, c’est l’attractivité de nos territoires et l’avenir de ceux qui y vivent.

Sous ce nom de « zéro artificialisation nette » s’impose aussi à nous l’impérieuse nécessité de préserver la biodiversité, nos espaces verts et nos espaces agricoles.

Mais une politique publique, particulièrement pour ce qui concerne la transition écologique et sociale, ne saurait être efficace en opposant l’impératif écologique au besoin de logements. L’un n’ira pas sans l’autre : c’est en se libérant de certains dogmatismes que nous réussirons à relever les défis de demain.

Mes chers collègues, ne l’oublions pas : au terme du processus législatif qui – j’y reviendrai – nous a conduits à voter, ici, à une quasi-unanimité, le texte que nous appelons communément loi ZAN, se trouvent les élus locaux. Ces derniers sont en effet chargés de mettre en application les objectifs de la loi Climat et résilience.

C’est à ces élus locaux que je pense. Lors du dernier congrès des maires, un point d’information visant à décrypter les modalités d’application de l’objectif de « zéro artificialisation nette » a fait salle comble. Nous le voyons bien : face à la complexité du dispositif, les élus continuent d’exprimer leur perplexité, alors même qu’ils devront très rapidement le décliner dans leurs documents de planification.

La loi du 20 juillet 2023, dont je salue le rapporteur au Sénat, Jean-Baptiste Blanc, apporte un certain nombre d’adaptations. Elle se fonde notamment sur les remontées de terrain – ceux qui ont siégé au sein de la commission spéciale chargée d’examiner ce texte sont bien placés pour le savoir.

Malgré tout, le ZAN continue d’effrayer dans nos territoires. Les échéances sont pourtant connues : il va falloir diviser par deux la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers (Enaf) sur la période 2021-2031 par rapport à la décennie précédente, avant l’atteinte du « zéro artificialisation nette » à l’horizon 2050.

Certes – nous en conviendrons tous ici –, la loi du 20 juillet dernier a apporté certains correctifs. Je pense à la valorisation des efforts de renaturation dès la décennie 2021-2031, ou encore à la définition d’un nouveau calendrier pour l’inscription des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme.

Permettez-moi de rappeler brièvement ces échéances : on a retenu la date du 22 novembre 2024 pour la déclinaison des objectifs et de la trajectoire ZAN dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) et autres schémas régionaux ; celle du 22 février 2027 pour la compatibilité des schémas de cohérence territoriale (Scot) aux objectifs régionaux ; et la date du 22 février 2028 pour la compatibilité des plans locaux d’urbanisme (PLU), plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) et cartes communales aux objectifs régionaux.

En outre, je ne saurais oublier l’apport de la garantie rurale, ou surface minimale d’un hectare pouvant être consommée par chaque commune dotée d’un document d’urbanisme avant le mois d’août 2026, dès lors que ce document est au moins prescrit.

On ne saurait en déduire que toutes les communes utiliseront ce droit et qu’elles artificialiseront demain ce qu’elles n’ont pas artificialisé hier. En revanche, elles garderont la possibilité et, donc, l’espoir d’accueillir un équipement, une construction nécessaire au dynamisme et à la vitalité du territoire.

Mes chers collègues, j’ai eu à cœur de le répéter pendant toute la période de la campagne sénatoriale : si elle demeure incomplète, la loi du 20 juillet 2023 a eu le mérite de ne pas laisser se refermer définitivement la porte.

Au cours des mois à venir, nous devrons retravailler ce sujet. Nous devrons ajuster les mesures prises, afin de répondre au mieux aux attentes de ceux qui font vivre la démocratie partout sur le territoire national.

Les élus locaux, tout particulièrement les maires des communes rurales, sont dans l’attente : ils voient bien que les dispositifs en vigueur ne prennent pas suffisamment en compte leurs spécificités et les aspirations des habitants.

Ne laissons pas croire à ces élus qu’il existe une France à deux vitesses, la France urbaine, dotée d’une ingénierie suffisante, et la France rurale, qui n’en dispose pas – c’est aussi cela, la réalité.

Monsieur le ministre, votre gouvernement doit entendre cette inquiétude. Ce que demandent les maires, que nous rencontrons tous ici, c’est de l’ingénierie, des moyens pour concevoir et mettre en œuvre tout ce qui découle des nouvelles directives. Ils ne souhaitent en aucun cas que l’État agisse à la place des élus.

Les intercommunalités et les communes ont aujourd’hui le sentiment d’être éloignées de ce qui se passe. Or il est illusoire de croire que nous pourrons répondre aux besoins par la seule réhabilitation du bâti existant. Nous aurons besoin de construire demain encore, mais pas n’importe comment ou n’importe où.

Dans les années à venir, nous devrons encore travailler, pour faire face à la nécessité d’adapter nos territoires au changement climatique et aux besoins de création d’emplois et de logement dans les communes, petites ou moyennes, situées loin des métropoles.

À ce titre, les friches représentent un potentiel considérable : si, dans les grandes agglomérations, la densité impose déjà une reconstruction de la ville sur elle-même, dans la France périurbaine et rurale, les sites en perdition ne demandent qu’à être recyclés.

Nous en sommes convaincus : s’atteler à la mutation de ces friches, c’est satisfaire des besoins en matière de foncier. Réemployer les surfaces déjà artificialisées, c’est aussi écouter, considérer et respecter ces territoires et leurs habitants ; et, en matière d’écologie, c’est tout simplement faire preuve de bon sens.

Pour que nous soyons à la hauteur de nos ambitions, monsieur le ministre, il faut que l’État s’engage davantage aux côtés des communes et intercommunalités, tout en leur laissant de la place : les acteurs territoriaux doivent avoir le droit de décider, d’aménager et d’ajuster. Ils ne sauraient se contenter de subir des directives venues de Paris, sans prise en compte des réalités du terrain. Laissons faire le bon sens, et évitons de provoquer une avalanche normative, à l’opposé même de l’initiative locale.

Vous savez combien je suis attachée au principe de libre administration. Pour relever le défi du ZAN, nos élus doivent garder des marges de manœuvre sur le territoire. Ils sauront respecter le cadre qui leur est assigné, d’autant que, dans l’ensemble de notre pays, nos concitoyens souhaitent que l’environnement soit respecté.

Enfin, si les trois décrets parus en décembre dernier, relatifs respectivement à la territorialisation des objectifs de la loi ZAN, à la classification des zones artificialisées et à la commission de conciliation sur l’artificialisation des sols, ont pu éclairer plusieurs points, les élus locaux attendent encore un certain nombre de réponses.

Je forme le souhait que ce débat leur permette d’obtenir davantage de précisions, qu’il pointe les nombreux manques et incongruités déplorés, et que nous relevions ensemble le défi social et environnemental auquel sont confrontées l’ensemble de nos communes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – MM. Christian Bilhac et Vincent Louault applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à remercier les élus du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky de l’organisation de ce débat : ils nous donnent ainsi une première occasion de suivre l’application de ce texte de loi, adopté le 20 juillet dernier, c’est-à-dire il y a moins de six mois, à la suite de débats très riches. Je salue tout particulièrement le rapporteur du Sénat, Jean-Baptiste Blanc, et votre ancienne collègue Valérie Létard.

Nous l’avions déjà souligné alors : après le vote, il faudra s’assurer, étape par étape, que nous procéderons dans le bon ordre. Il s’agit non seulement de rassurer les élus locaux, mais aussi de conjuguer deux injonctions majeures : moins artificialiser nos sols sans pour autant se priver d’un potentiel de développement dont nous avons besoin, y compris au titre de la transition écologique.

En agissant sous le regard croisé de la chambre haute, si attentive aux territoires, et du Gouvernement, nous nous plaçons dans les meilleures conditions pour réussir. À cet égard, j’attends avec impatience les remontées de terrain, qui sans doute compléteront les informations que je vous communiquerai dans la suite du débat.

Je n’interviendrai pas à la suite de chaque orateur. Ne prenez pas ces silences pour des marques de mépris, mais, au contraire, comme la preuve d’une écoute approfondie de ma part : je tiens à entendre ce que chacun a à me dire avant d’apporter une réponse globale à l’issue du débat.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Pillefer.

M. Bernard Pillefer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’accompagnement des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des objectifs du ZAN revêt une importance cruciale : la souplesse et la pédagogie sont essentielles pour réussir une transition de cette ampleur.

Aussi, je tiens à remercier les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour.

La loi du 20 juillet 2023 et ses décrets d’application avaient pour but de combler les lacunes du texte initial, en apportant des précisions bienvenues, en révisant le calendrier de modification des documents d’urbanisme et en dotant les élus locaux de nouveaux outils plus adaptés. Toutefois, ces promesses ne semblent pas entièrement tenues.

Mes chers collègues, la voix des territoires ruraux doit être entendue. Je pense en particulier à l’inquiétude des élus locaux dans l’exercice de leur mandat. C’est notre rôle de sénateurs ; c’est notre responsabilité ; c’est notre engagement.

Projets bloqués, communes figées : ces dispositions normatives ne sont pas sans conséquence sur le dynamisme et la vitalité de nos territoires…

Aujourd’hui, les objectifs du ZAN apparaissent davantage comme un frein au développement, notamment pour les petites communes, alors même que – c’est là qu’est tout le paradoxe – le Gouvernement encourage la réindustrialisation de l’ensemble du territoire, lequel fait face à une crise du logement sans précédent.

Ce que nous demandent nos territoires, c’est de conserver la possibilité d’accueillir de nouveaux habitants, de nouvelles entreprises et de nouvelles industries. C’est aussi de permettre le développement des entreprises déjà implantées, le tout en maintenant une offre attractive et complète de services de proximité. Cet objectif est une nécessité ; il doit rester une priorité pour notre ruralité.

Monsieur le ministre, si la loi du 20 juillet 2023 mérite d’être saluée, plusieurs zones d’ombre subsistent.

Premièrement, selon quel calendrier la clause de revoyure évoquée sera-t-elle mise en place ? Celle-ci sera-t-elle territorialisée, afin de répondre aux spécificités locales ?

Deuxièmement, la nomenclature des surfaces artificialisées pourra-t-elle être révisée ? Je pense notamment au statut des abords des parcelles agricoles, qui reste flou.

Troisièmement et enfin, le droit à un hectare doit être sanctuarisé ; or, sur le terrain, ce n’est visiblement pas toujours le cas.

Chaque territoire doit pouvoir adapter les politiques ZAN à ses contraintes propres, afin de bâtir sa politique foncière.

Le 15 septembre 2022, lors d’une conférence de presse, le Président de la République annonçait une stratégie nationale ZAN dotée de crédits budgétaires spécifiques : autant d’annonces, autant de rendez-vous manqués…

Aujourd’hui, les élus locaux ne disposent pas d’outils fiscaux adaptés pour financer le ZAN. Les ressources fiscales s’amenuisent, alors même que les collectivités territoriales reçoivent de nouvelles compétences. À ce titre, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales a valeur de symbole.

La compensation financière du transfert de compétences par l’État aux collectivités territoriales doit être une réalité. Ces dernières doivent avoir les moyens d’agir. Nos territoires attendent le déploiement d’un nouveau modèle de décentralisation en matière financière et fiscale.

Les politiques ZAN auront un coût : qui mettra la main au portefeuille ? Comment, sans moyens significatifs et aides appropriées densifiées, réhabiliter les dents creuses, permettre les divisions parcellaires, traiter le cas des passoires thermiques ou réduire le nombre de logements vacants ? Ce trou dans la raquette est pour le moins problématique ; il est impératif de le combler.

Enfin, j’évoquerai à mon tour l’ingénierie de projet.

Les territoires doivent disposer d’outils et d’ingénierie de qualité, afin d’être accompagnés juridiquement, techniquement et opérationnellement.

Mme la présidente. Il faut penser à conclure…

M. Bernard Pillefer. L’urbanisation de demain doit prendre en considération, commune par commune, les projets des territoires définis à l’échelle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Mme la présidente. Veuillez conclure !

M. Bernard Pillefer. Monsieur le ministre, le Gouvernement entend réussir la transition énergétique en réduisant l’artificialisation nette. Cela s’entend,…

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue !

M. Bernard Pillefer. … mais la prise en compte de nos territoires demeure une nécessité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque nous sommes encore à l’époque des vœux, je tiens à souhaiter une bonne et heureuse année à chacun d’entre vous : bloavezh mat dan holl ! (Sourires.)

En ce mois de janvier, nous sillonnons nos territoires pour prendre part à diverses cérémonies communales. Ces dernières sont, pour moi, autant d’occasions de parler du ZAN. Je rappelle à mes interlocuteurs que nous sommes conscients de la contrainte que cette législation représente ; je souligne aussi qu’elle était absolument nécessaire, car nous ne pouvions pas continuer à gaspiller nos espaces agricoles ou naturels.

Quelle que soit leur sensibilité politique, les élus que je trouve devant moi hochent la tête. Je rêverais presque qu’un certain président de région se trouve alors à ma place : il pourrait se livrer à un bel exercice d’introspection ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.) Quel exemple pour notre belle jeunesse que ces grands élus qui se targueraient presque de ne pas respecter la loi !

Je ne nie pas pour autant les difficultés concrètes éprouvées sur le terrain pour mettre en œuvre le ZAN.

La dernière étude du réseau Scet (Services conseil expertises et territoires) portant sur l’appréhension du ZAN par 366 dirigeants de collectivités territoriales, d’établissements publics locaux et du secteur immobilier insiste sur ces difficultés.

Un quart des sondés déclarent par exemple ne pas avoir encore engagé de réflexion ou de mesures concrètes pour décliner les objectifs dont il est question.

Certains pointent la difficulté de composer avec « des programmes d’aménagement à la fois plus longs, plus coûteux et plus complexes, dans un contexte de concurrence accrue entre opérateurs » et de raréfaction du foncier.

Certains, enfin, s’interrogent sur des cas bien précis d’application du ZAN. Je citerai un domaine dans lequel le département de Loire-Atlantique, et tout particulièrement la commune de Plessé, est en pointe : la construction d’un habitat léger entièrement démontable et compostable relève-t-elle d’une opération d’artificialisation ?

De même, faut-il se fier à la comptabilité du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) ou des agences d’urbanisme locales, dont les chiffres divergent encore souvent ? Les réponses ne sont pas toujours évidentes.

Monsieur le ministre, pour en revenir à nos discussions de cet après-midi, la nécessité de répondre rapidement aux questions qui se posent encore dans les territoires constitue un enjeu de taille. Je remercie d’ailleurs nos collègues du groupe communiste d’avoir pris l’initiative de ce débat.

En parallèle, nombre de maires estiment que cette loi aura des retombées positives sur leur territoire, en favorisant la bonne utilisation du foncier local, en suscitant un regain d’intérêt pour les friches et les secteurs déqualifiés, ou encore en laissant envisager de nouvelles capacités et modalités d’innovation territoriale de la part des acteurs locaux, ainsi que de nouveaux partenariats et synergies.

En ce sens, le ZAN est probablement une manière de repenser l’attractivité des communes, au-delà des métriques traditionnellement indexées sur leur potentiel fiscal, même si l’autonomie fiscale de nos collectivités territoriales s’est fortement réduite, ce que nous regrettons tous.

Le ZAN met l’accent sur d’autres critères, comme le nombre d’habitants et d’entreprises ou de kilomètres de routes construites. C’est bel et bien une autre vision des communes qui se prépare.

Par définition, le ZAN renforce le rôle de l’agriculture.

Dans le temps, on regardait un champ comme un futur lotissement ; désormais, on y voit un espace qui restera agricole, en bordure de la commune.

Dans le temps, la friche industrielle au milieu d’une commune, typiquement l’ancien garage, était une vulgaire « verrue » que l’on cherchait vainement à supprimer. Demain, notamment grâce aux subsides de l’État, ces « verrues » seront perçues comme autant de potentiels de nouveaux services, comme la promesse de nouveaux habitants, comme une clé du dynamisme de la commune.

Grâce au ZAN, nous sommes bel et bien en train de changer de regard sur les différents espaces de nos communes, et c’est une excellente chose.

Cécile Cukierman a parlé, à juste titre, des besoins d’ingénierie de nos collectivités territoriales.

Sur proposition du Sénat, le Gouvernement a conservé une enveloppe de 250 millions d’euros pour la mise en œuvre des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) : nous tenons à vous remercier de cette excellente mesure. Ces crédits, qui seront confiés aux intercommunalités, doivent absolument financer l’ingénierie communale – nous y reviendrons sans doute.

En résumé, le dialogue doit être renforcé et un certain nombre de situations méritent encore d’être précisées ; cette loi, il est vrai, n’en est qu’à ses premiers mois d’application.

J’en suis profondément convaincu : dans quelques années, chacun reconnaîtra que la loi ZAN est un texte important et nécessaire. (Mme Ghislaine Senée et M. Pierre Barros applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros.

M. Pierre Barros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, présentés d’un côté comme la solution miracle face à la perte de biodiversité, de l’autre comme un danger pour la survie des petites communes, les trois lettres du ZAN font couler beaucoup d’encre.

Ce « zéro artificialisation nette » des sols part d’une intention louable en remettant en perspective nos politiques d’aménagement. Il incite les acteurs à se poser les bonnes questions avant de lancer des projets de construction, alors que les disponibilités foncières sont de plus en plus limitées. « Éviter », « réduire » et « compenser » sont les trois mots d’ordre d’un développement durable auquel les politiques d’aménagement ne doivent plus déroger.

C’est là toute la difficulté. Pour de nombreuses collectivités territoriales, il n’est possible ni d’éviter, ni de réduire, ni de compenser, et pour cause : installer des services publics là où il n’y en a pas, construire des logements là où il en manque, créer de l’emploi là où il en faut impose aux élus d’engager de nouveaux projets, parfois sur des espaces non bâtis, souvent des terres agricoles.

En garantissant un droit à l’hectare, le texte du Sénat rassure. Il permet aux élus, tout particulièrement dans les communes rurales, de conserver une possibilité de développement pour leur territoire.

De plus, puisque l’aménagement est au cœur de notre sujet, il est nécessaire de s’intéresser aux phénomènes de désertification que subissent de nombreuses communes et départements. Dans les territoires concernés, bien des bâtiments se vident et l’on peine parfois à les réemployer, faute de moyens.

Construire du neuf coûte souvent moins cher que de réhabiliter de l’ancien : c’est donc sur ce point qu’il faut agir davantage, en travaillant sur les friches, en soutenant des reconversions du bâti existant, mais aussi, à la source, en limitant les départs d’entreprises ou les fermetures de services publics. Aujourd’hui, on recense ainsi 7 200 sites de friches d’activité sur plus de 100 000 hectares.

C’est aussi en luttant contre la hausse des prix de l’immobilier, notamment dans les villes, que nous parviendrons à contrer l’étalement urbain.

Je prends pour exemple l’artificialisation menée sur le plateau de Saclay : une ville nouvelle est en train d’y sortir de terre, alors que l’Île-de-France n’est pas dépourvue de friches et de bâtiments vacants qui pourraient évidemment être reconvertis.

De telles situations appellent une réflexion particulière de la part des aménageurs, des architectes et des maîtres d’ouvrage, qui – j’insiste sur ce point – peuvent aussi être des collectivités territoriales.

Ces pratiques alternatives permettront de développer des savoir-faire utiles à la lutte contre le réchauffement climatique en soutenant un cadre de vie plus agréable, notamment en milieu urbain.

Le « zéro artificialisation nette » repose sur un équilibre entre ce qui est construit et ce qui est renaturé : tout en réfléchissant aux nouvelles constructions que nous pourrions lancer, nous pouvons aussi mener des projets de désimperméabilisation des surfaces. Ce faisant, nous agirons directement contre le dérèglement climatique tout en assurant des droits à construire pour l’avenir, dans la philosophie même du ZAN.

Avec les objectifs du ZAN issus de la loi Climat et résilience, les communes qui ont le moins artificialisé hier sont aussi celles qui artificialiseront le moins demain : en résulte un déséquilibre, vécu comme une injustice par de nombreux élus.

C’est cet enjeu que le Sénat a mis en avant lors de la dernière session dans le cadre du texte proposé et voté par ses soins. La Haute Assemblée a fait preuve d’agilité pour équilibrer l’artificialisation au-delà de l’échelle communale.

Néanmoins, demeurons vigilants : les fausses bonnes idées d’hier ne doivent pas créer les aberrations urbaines de demain. L’objectif reste bien de préserver les espaces naturels et agricoles. En ce sens, le débat d’aujourd’hui est essentiel.

Monsieur le ministre, nous souhaitons poursuivre ce travail, pour que le ZAN ne soit pas vécu comme un verrou, mais bien comme un outil en faveur d’un aménagement du territoire plus vertueux, plus économe et, dès lors, plus humain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Ronan Dantec applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac. (Mme Maryse Carrère applaudit.)

M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à remercier les membres du groupe communiste d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour et à souhaiter une bonne année à chacun de vous !

Il y a trois ans, au titre de la loi Climat et résilience, nous avons voté l’objectif du « zéro artificialisation nette des sols » à l’horizon 2050. La loi visant à atteindre cet objectif a été adoptée en juillet 2023 : elle prévoit de réduire de moitié la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici à 2031. Cela étant, ce second texte a déjà été amendé par une proposition de loi.

Il est nécessaire de déployer une véritable politique de sobriété foncière, car il faut mettre un coup d’arrêt à l’urbanisation excessive. Mais, aujourd’hui, force est de constater que les dispositions prévues par la loi entraînent des difficultés de mise en œuvre considérables. Nous faisons face, en particulier, à une très forte complexité administrative bloquant l’adaptation aux situations spécifiques des territoires.

Monsieur le ministre, dès votre nomination, en juillet 2022, vous avez pris conscience de ces difficultés. Par voie de circulaire, vous avez ainsi demandé aux préfets d’attendre avant d’imposer « une réduction de moitié de la consommation des Enaf de manière uniforme, afin de ne pas anticiper le résultat du dialogue entre les collectivités et celui du processus de déclinaison de l’objectif à chaque échelle territoriale ». Votre réaction mérite d’être saluée : pour ma part, je m’empresse de le faire.

Cela étant, chaque semaine, je rencontre les élus de l’Hérault, et pas une réunion ne se déroule sans que le sujet soit abordé.

Comment appliquer uniformément cette loi à des territoires aussi divers que des métropoles, des zones de montagne, des stations touristiques du littoral ou des communes rurales ? (Mme Maryse Carrère opine.) Une fois de plus, la ruralité a été oubliée lors de l’élaboration de la loi.

J’avais d’ailleurs déposé un amendement visant à exclure de l’objectif du ZAN les communes rurales de moins de 2 000 habitants qui avaient préservé au moins 90 % de leur territoire par un classement en espace naturel ou agricole.

Lesdites communes, ancrées en pleine nature, respectent déjà de fait l’objectif ZAN, mais elles ne peuvent pas renoncer aux projets permettant l’accueil de nouveaux habitants. Il y va de l’attractivité de ces territoires ruraux, qui ne doivent pas voir leur développement démographique, économique ou agricole entravé par un excès de sobriété foncière.

Mais je crains qu’une fois de plus nous n’ayons déployé des trésors de complexité, comme notre pays sait si bien le faire, au lieu d’œuvrer dans le sens de la simplification.

Après le remplacement des plans d’occupation des sols (POS) par les plans locaux d’urbanisme (PLU), qui a entraîné une explosion du prix des documents d’urbanisme, nous avons mis en place des Scot et nous créons maintenant des Sraddet, sous le regard de comités Théodule comme la conférence des Scot et les conférences régionales de gouvernance. Pour couronner le tout, ces différents documents devront être mis en cohérence. Mais à quel prix ?

On peut se demander si toutes ces contraintes ne sont pas un moyen perfide d’obliger les maires des communes les plus rurales à renoncer à leur compétence d’urbanisme au profit des intercommunalités…

Je passe à un autre volet. La semaine prochaine, le projet de loi d’orientation en faveur du renouvellement des générations en agriculture sera présenté en conseil des ministres.

La profession agricole est gravement malmenée, alors que les agriculteurs nourrissent nos compatriotes et préservent nos paysages.

Un rappel de la triste réalité paysanne : taux de suicide record, difficultés d’installation pour les plus jeunes, problèmes d’accès au foncier, diminution du nombre d’exploitations, réduction de la surface agricole, accaparement des terres par des groupes étrangers, sans oublier une insuffisante rémunération…

La mise en œuvre du ZAN ne doit pas empêcher la construction de bâtiments agricoles, sauf à entraver l’installation de nos jeunes agriculteurs et de nos jeunes agricultrices.

Autre sujet de préoccupation : les grands projets d’intérêt national. Ils sont non plus décomptés à l’échelle des territoires, mais mutualisés à l’échelle nationale, une disposition que j’approuve pleinement.

Dans l’Hérault, à Béziers, le projet de la société Genvia a été retenu pour produire de l’hydrogène vert décarboné, avec la promesse de créer 400 emplois. La région Occitanie soutient, tout comme moi, cette initiative.

Cela étant, Genvia devra travailler avec des sous-traitants qui, eux, sont soumis aux contraintes du ZAN. Or, autour de Béziers, nous manquons de surface au sol disponible pour les accueillir. Que faire, monsieur le ministre ? Sans ces sous-traitants, Genvia ne pourra pas mener à bien ce projet…

Pour terminer, j’aurai deux questions : tout d’abord, quelles solutions envisagez-vous pour que la mise en œuvre de la politique du ZAN ne nuise pas à la construction des bâtiments d’exploitation agricole ? Ensuite, quand publierez-vous le décret portant sur la garantie rurale ?

À l’instar des membres du groupe RDSE, je demeure inquiet en raison du manque de réalisme du texte, qui risque de devenir un marronnier législatif.

Nul doute que nous devrons remettre l’ouvrage sur le métier encore plusieurs fois si nous voulons le rendre acceptable. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Buval.

M. Frédéric Buval. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 20 juillet 2023 vise à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, tout en renforçant l’accompagnement des élus locaux.

Fruit d’un compromis heureux entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement, cette loi est la traduction de travaux, longs de plusieurs années, menés au Sénat, notamment par nos collègues Jean-Baptiste Blanc, Christian Redon-Sarrazy et Anne-Catherine Loisier, ou encore par notre ancienne collègue Valérie Létard.

La version finale de cette proposition de loi coconstruite réaffirme les objectifs ambitieux de la stratégie nationale de zéro artificialisation nette d’ici à 2050, tout en donnant plus de souplesse aux collectivités territoriales, et ce sans modifier l’esprit général de la loi Climat et résilience.

Il est vrai que l’application des objectifs du ZAN, fixés en 2021, a suscité des résistances et des interrogations chez les élus de terrain, qui ont déploré des problèmes de délais et une trop grande complexité.

Or, derrière son apparente technicité, la lutte contre l’artificialisation des sols repose sur l’évidence qu’il existe une urgence environnementale, dont la réalité n’échappe désormais plus à personne : ainsi, les effets du dérèglement climatique sur la faune et la flore affectent déjà nos concitoyens au quotidien.

L’artificialisation des sols concerne, en France, entre 6 % à 9 % de la surface des terrains. Cela signifie qu’entre 3 millions et 5 millions d’hectares ont subi une altération durable de leurs fonctions naturelles en raison des activités humaines.

Concrètement, la loi ZAN vise à freiner le rythme d’artificialisation des terres, insoutenable pour l’environnement et, à terme, pour la vie humaine, sans toutefois faire obstacle au développement pragmatique des territoires, principalement ruraux.

Réduire puis arrêter à partir de 2050 l’artificialisation de nos sols est donc une priorité écologique et économique. L’implication des collectivités locales est l’un des facteurs clés de sa réussite.

Il s’agit bel et bien d’une priorité écologique, car le bétonnage et l’étalement urbain, à l’origine de la hausse de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers, les fameux Enaf, sont l’une des principales menaces pesant sur la biodiversité : ils favorisent l’imperméabilisation des sols, ce qui a des conséquences désastreuses, notamment en cas d’inondation ou de canicule.

Il s’agit également d’une priorité économique, car l’artificialisation brute des terres se fait avant tout au détriment des surfaces agricoles. À terme, celle-ci fait peser un risque sur la souveraineté alimentaire de la France.

C’est donc dans un esprit de responsabilité, et en vertu de la confiance mutuelle qui nous a animés, vous, monsieur le ministre, et nous, parlementaires, qu’un accord a été trouvé en commission mixte paritaire. Celui-ci comporte des avancées notables qui permettent de répondre aux attentes des élus locaux.

Premièrement, il assouplit les règles du ZAN pour certains projets d’aménagement de grande ampleur. Surtout, il crée la garantie rurale ou « surface minimale de développement communal », qui permet à chaque commune couverte par un document d’urbanisme de bénéficier d’un hectare de droit à construire sans être contrainte par les obligations du zéro artificialisation nette.

Deuxièmement, il multiplie les outils mis à la disposition des collectivités locales en vue de favoriser le ZAN. Avant 2031, les communes pourront définir, dans leur plan local d’urbanisme, des zones pour des opérations de renaturation. Elles pourront ainsi préempter des terrains et des espaces urbanisés identifiés comme pouvant faire l’objet d’une désartificialisation.

Troisièmement, il allonge les délais de mise en conformité des documents de planification et d’urbanisme, lesquels peuvent désormais, dans certains cas, courir jusqu’en 2027.

Quatrièmement et enfin, il crée un espace de dialogue territorial au sein des conférences régionales de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols.

Par ailleurs, comme il s’y était engagé, le Gouvernement a retranscrit plusieurs dispositions adoptées au Sénat en première lecture dans trois nouveaux décrets d’application de la loi ZAN publiés le 27 novembre dernier – ces derniers ont été élaborés en concertation avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).

Certes, des ajustements sont souhaitables pour simplifier les choses localement et accompagner les collectivités territoriales, notamment les plus petites d’entre elles, en matière d’ingénierie et de fiscalité.

Toutefois, nous pouvons nous réjouir collectivement des outils concrets que le texte met en place pour les élus : ces derniers seront désormais mieux assistés dans la mise en œuvre des objectifs ZAN, même si des améliorations sont toujours possibles.

À cet égard, je pense spécifiquement aux outre-mer : en effet, si la transition écologique représente un véritable défi pour nous tous, elle l’est tout particulièrement pour les territoires ultramarins, où la problématique du foncier est encore plus prégnante.

M. Frédéric Buval. Tout d’abord, les terres disponibles y sont exiguës ; ensuite, le poids de l’État est prépondérant dans la gestion du foncier ; enfin, les élus locaux reçoivent des injonctions contradictoires : il leur faut à la fois protéger l’environnement et répondre à l’urgence économique et sociale, alors même que, confrontés aux catastrophes naturelles, ils sont très vulnérables.

Cette situation se traduit par une forte spéculation foncière et par la diminution inexorable du foncier agricole dans la majorité des territoires d’outre-mer.

La Martinique est particulièrement concernée puisque, en vingt ans, la surface agricole utile s’est réduite de près de 1 000 hectares par an et a diminué de près de 30 %, en dépit de la création d’outils juridiques spécifiques pour inverser cette tendance inquiétante. Il serait judicieux aujourd’hui de s’interroger sur leur efficacité.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est un vrai sujet ! (Mme Cécile Cukierman renchérit.)

M. Frédéric Buval. C’est notamment le cas des commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), dont un avis préalable conforme est obligatoirement requis en outre-mer, dans des délais hélas trop courts, alors que, dans l’Hexagone, ces instances ne délivrent qu’un avis simple sur l’opportunité de certaines procédures d’urbanisme, au regard de l’objectif de lutte contre l’artificialisation des terres agricoles.

Ma question est simple, monsieur le ministre : pourquoi maintenir cette doctrine discriminante ? L’obligation d’avis conforme en outre-mer suscite l’incompréhension des élus locaux et entraîne indubitablement de nombreux contentieux, sans résultats probants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le ministre, ce débat est pour nous l’occasion de vous soumettre plusieurs questions qui émergent au sein des régions, pleinement occupées à décliner les objectifs du ZAN dans leurs nouveaux schémas d’aménagement territoriaux.

La loi accorde à ces collectivités neuf mois de plus pour finaliser les Sraddet – l’échéance est ainsi reportée à novembre 2024 –, mais l’on constate de grandes différences dans le rythme d’avancement de leurs travaux, ce qui illustre les profondes disparités régionales en matière de taux d’artificialisation et de stratégie de réduction de la consommation foncière.

Deux points de vigilance semblent émerger.

Le premier porte sur le mode de décompte des grands projets.

Par exemple, en Nouvelle-Aquitaine, la liste des grands projets nationaux fournie par vos services, monsieur le ministre, comptabilise quatorze projets, pour une surface totale de 1 100 hectares. Or le mode de calcul retenu pose problème, notamment pour le grand projet ferroviaire du Sud-Ouest. (M. le ministre manifeste son désaccord.)

En effet, l’État ne prend en considération que 700 hectares de consommation foncière, quand le mode de calcul jusqu’ici en vigueur tenait compte de l’intégralité du foncier – lequel ne sera plus naturel, agricole ou forestier –, ce qui représente 2 000 hectares supplémentaires.

Les élus attendent le décret confirmant le changement de mode de calcul. Sans cette officialisation, les 2 000 hectares devront être mutualisés à l’échelon régional. Cette évolution entraînera donc une augmentation importante du taux moyen de réduction de la consommation foncière appliqué aux territoires.

Le second sujet de préoccupation a trait à l’articulation entre la stratégie de mise en œuvre des objectifs du ZAN et les politiques de développement de l’habitat, qui doit faire l’objet d’une réflexion à part entière.

L’habitat a été la principale cause de l’artificialisation des sols au cours des dix dernières années, puisque la majeure partie des espaces consommés (63 % en flux) ont été dévolus à la construction de logements.

Sur ce point, on relève encore une fois de criantes disparités dans les dynamiques de consommation de l’espace foncier et les opérations de construction.

Certaines régions comportent ainsi une majorité d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant très peu consommé, et ce de manière inefficace.

À l’inverse, les régions présentant une forte attractivité économique et touristique se distinguent par une surreprésentation des intercommunalités ayant beaucoup consommé, et souvent efficacement. Pour d’autres encore, le bilan de la répartition habitat-activité est plus contrasté.

Le degré d’urbanisation des territoires se révèle déterminant pour expliquer ces déséquilibres ; il est nécessaire de les étudier de près, tant ils sont riches d’enseignements.

En effet, les collectivités locales, en particulier les régions, consomment plus ou moins de foncier, non pas en vertu d’une stratégie établie, mais, souvent, en fonction de leurs contraintes géographiques ou économiques.

On observe parfois aussi des situations paradoxales. Au cours de ces dix dernières années, nous avons connu une nette augmentation de l’artificialisation liée au logement ; or, dans le même temps, le nombre de logements vacants a augmenté de 33 %…

On le sait, les territoires doivent faire face à des injonctions paradoxales. Il leur faut notamment concilier une stratégie de réduction drastique de la consommation foncière et leurs objectifs en matière de production de logements sociaux, notamment dans les grandes agglomérations, les zones touristiques ou à forte attractivité universitaire, afin d’accueillir des étudiants et des travailleurs saisonniers. Dans ces zones spécifiques, une telle ambition semble pour l’instant mission impossible.

Selon moi, plutôt que de réaliser de petits aménagements, il est urgent de rompre avec la façon dont l’urbanisation a été menée jusqu’à présent.

Aussi, il faut envisager d’améliorer la densité des opérations d’aménagement et, surtout, privilégier les espaces déjà artificialisés, comme les logements vacants ou sous-utilisés, les zones d’activité en déclin et, bien sûr, les friches, industrielles ou commerciales, dont il faut établir urgemment un inventaire quantitatif et qualitatif précis, afin d’évaluer avec pertinence les moyens nécessaires à leur reconquête. Sur ce point, plusieurs propositions ont été faites lors de nos discussions budgétaires en fin d’année dernière.

Si l’on veut encourager le recours au foncier bâti existant, on ne pourra pas faire l’économie d’une forte incitation fiscale, car, même si elles représentent bien sûr des ressources essentielles pour les collectivités locales, la taxe sur le foncier bâti ou la cotisation foncière des entreprises (CFE) n’incitent pas à la sobriété foncière. De même, il faudrait réviser la fiscalité du foncier non bâti, dont la rentabilité est très faible et qui, de ce fait, favorise l’artificialisation.

Précisément parce que l’utilisation des espaces varie d’une région à une autre, je ne puis que rappeler une nouvelle fois le rôle essentiel de la territorialisation dans la mise en œuvre des objectifs du ZAN. C’était l’une des principales recommandations du Sénat dans ses tout premiers travaux sur le sujet.

Monsieur le ministre, vous l’avez compris, il nous semble indispensable d’étudier de près les dynamiques territoriales pour répondre à toutes les exigences qu’impose légitimement le ZAN. Il faudra impérativement appliquer des taux de réduction de la consommation foncière tenant compte des efforts déjà réalisés.

Enfin, on constate sur le terrain que les objectifs du zéro artificialisation nette sont loin d’être une préoccupation centrale à tous les échelons des collectivités, non pas parce que ces dernières s’en désintéresseraient, mais plutôt en raison d’un manque d’outils et d’accompagnement spécifiques.

Monsieur le ministre, six mois après son adoption, la loi suscite de nombreuses questions. Je remercie le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky de nous avoir permis de les aborder aujourd’hui ; nous attendons maintenant vos réponses ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de remercier à mon tour Cécile Cukierman d’avoir permis l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de notre assemblée. J’en profite également pour saluer l’ensemble de nos collègues qui travaillent sur le ZAN depuis très longtemps et tous ceux qui sont présents cet après-midi.

Monsieur le ministre, nous pensions avoir réglé ensemble le sujet du ZAN mais, apparemment, comme le dit la chanson, « ça s’en va et ça revient »… (Sourires.) Certes, « c’est fait de tout petits riens », mais nous pensions tout de même avoir fait le plus dur.

Je rappelle qu’à l’origine nous avions regretté la démarche descendante dans laquelle s’inscrivait la loi Climat et résilience – du moins s’agissait-il de notre impression. C’est d’ailleurs pourquoi les décrets signés par l’une de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, nous avaient tant fâchés !

Heureusement, à votre nomination – sans doute parce que vous êtes un élu local et un maire –, vous les avez suspendus et avez ainsi permis d’engager un dialogue, ce dont le Sénat s’est largement félicité. Nous avons alors, me semble-t-il, su construire ensemble un nouveau texte, celui qui a été voté au mois de juillet dernier ; les décrets d’application ayant été publiés dans la foulée, ses mesures sont progressivement déclinées localement. On les retrouve d’ailleurs dans un guide et dans des fascicules élaborés par votre ministère.

Ce texte vise à faciliter la mise en œuvre de l’objectif ZAN.

Pour l’essentiel, la loi allonge les délais imposés aux territoires, notamment aux régions, leur permettant ainsi d’avoir davantage de temps pour dialoguer avec les services de l’État. Comme nos collègues l’ont rappelé, elle instaure également une nouvelle gouvernance ; elle améliore la définition, ainsi que la façon de comptabiliser les « grands projets » ; elle institue une garantie universelle symbolisée par le « droit à l’hectare » – nous en avons parlé, et c’est d’ailleurs la mesure qui fait le plus gloser ; enfin, elle prévoit de nouveaux outils juridiques : le sursis à statuer, le droit de préemption, etc.

Ce texte comporte certes de nombreux dispositifs mais, depuis quelque temps, au gré des cérémonies de vœux et des polémiques nationales, les inquiétudes qu’il suscitait font leur retour. Aussi faut-il les prendre très au sérieux.

Vous vous en souvenez sans doute, j’ai pu m’en émouvoir lors des questions d’actualité au Gouvernement à propos des conférences des parties (COP) régionales, démarche à laquelle nous ne nous opposons pas – bien au contraire ! Il s’agit en réalité d’un problème de méthode : nous avons l’impression que rien n’est fait pour que cette territorialisation – nous l’appelons de nos vœux depuis le début – soit réellement mise en œuvre.

Par ailleurs, les services du ministère, au travers du guide et des fascicules que j’évoquais, présentent certains éléments comme faisant partie de la réforme, alors qu’ils n’ont pourtant pas pu être votés. Pour le dire trivialement, il y a un risque d’entourloupe !

De nouveau, le ZAN suscite un malaise, une « peur sur la ville », si j’ose dire, qui pourrait mettre en jeu la confiance des élus.

Ce malaise résulte également de la crise de l’immobilier sans précédent que traverse notre pays. Aujourd’hui encore, la presse économique s’est fait l’écho du nombre élevé de faillites d’agences immobilières, lequel a été multiplié par deux en un an. Plusieurs articles universitaires ont fait état de la difficulté de mettre sur le marché 7,8 millions de logements d’ici à 2050, un besoin pour notre pays dont on entend parler ici et là. Sans compter les artisans qui craignent l’essoufflement du marché de la rénovation.

C’est dans ce contexte que le Sénat s’interroge sur une planification écologique menée à coups de présentations PowerPoint. Celle-ci se fait, ou plutôt devrait davantage se faire avec les élus, et non les exclure.

Ajoutons que la loi de finances instaure un prêt à taux zéro (PTZ) traduisant un certain modèle de société, à savoir la fin programmée du modèle pavillonnaire, du bureau, de la voiture, de la piscine, de l’accès à la propriété, une évolution qui inquiète les élus, et dont le ZAN – débat récurrent – serait le nom.

En toile de fond, la crise démographique s’accentue ; or, en la matière, les 3,1 millions de logements vacants suffiraient largement à répondre à nos futurs besoins.

Nombre d’élus se sont exprimés publiquement au sujet du ZAN. Je ne reviendrai pas sur les propos de Laurent Wauquiez d’autant que, tribune après tribune, le débat se judiciarise. En revanche, je tiens à citer, sans avoir malheureusement le temps de les exposer plus longuement, les déclarations de M. Rivenq, président de la communauté d’agglomération d’Alès, et de M. Pélieu, président du conseil départemental des Hautes-Pyrénées. Il me semble qu’il faut véritablement s’en soucier.

Le livre blanc du groupe Scet, mentionné par notre collègue Ronan Dantec, rappelle que les élus doivent s’approprier toutes ces règles et que les besoins en ingénierie sont très importants.

La réponse apportée par le Sénat à toutes ces questions, dont le présent débat est le point de départ, nous conduira à lancer une nouvelle mission de suivi, ainsi qu’une réflexion sur le volet financier et fiscal du ZAN, pour évaluer les mesures adoptées et faire en sorte qu’elles soient mieux accueillies.

Les outils juridiques instaurés par la loi, le droit à l’hectare notamment, fonctionnent-ils ? Les modes de financement et la fiscalité sont-ils efficaces ? Nos travaux permettront, j’en suis sûr, d’aboutir à des propositions fortes.

À ce titre, je veux remercier le président Larcher, ainsi que les différents présidents de groupe, d’avoir permis l’organisation d’une telle mission. Du reste, celle-ci devra aussi se pencher sur les enjeux fonciers et environnementaux, en particulier la santé des sols à travers l’hydrologie régénérative.

Mme la présidente. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous faut tout de suite écrire la fin de l’histoire : nous marchons sur un fil, sans savoir de quel côté nous allons tomber ; il serait vraiment dommage de nous écarter du long chemin que nous avons déjà parcouru ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre Médevielle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment du vote de la loi Climat et résilience, j’avais souligné les contraintes que les articles consacrés au ZAN pourraient faire peser sur le développement de nos territoires dans les années à venir.

Loin de remettre en cause l’esprit et l’objet de ces articles, que nous partageons totalement, les sénateurs du groupe Les Indépendants avaient proposé des pistes, afin d’en faciliter l’application.

Nombre d’entre elles n’ont pas reçu l’accueil qu’elles méritaient, alors qu’elles auraient pourtant permis une meilleure acceptation du texte. Les élus locaux n’ont pas tardé à faire remonter leurs vives inquiétudes vis-à-vis de dispositions qui constitueraient une entrave au développement de leurs territoires.

Sur l’initiative du Sénat, et avec le soutien du Gouvernement, certaines corrections ont pu être apportées grâce à la loi du 20 juillet 2023.

En effet, pour renouer avec la souveraineté industrielle de notre pays, nous devons faciliter l’implantation de nouvelles unités, en accompagnant les acteurs de terrain.

Grâce à une collaboration étroite avec les collectivités locales, nous avons pu faire voter un texte, qui est sans doute imparfait, mais qui rend les règles applicables plus souples, plus justes et, surtout, qui les adapte davantage aux spécificités de chaque territoire. Tel est précisément l’objet de la différenciation.

Les sénateurs du groupe Les Indépendants se sont beaucoup impliqués sur certains points saillants du texte : les interactions pondérées entre l’objectif ZAN et l’industrialisation, la surface minimale de développement communal, la prise en compte des spécificités des territoires soumis au recul du trait de côte, aux lois Montagne ou Littoral, pour n’en citer que quelques-uns.

La publication des décrets était attendue avec une certaine impatience. Ces derniers ont fait taire les peurs, même si certaines zones d’ombre demeurent.

Avant d’aller plus loin, je veux saluer votre engagement, monsieur le ministre, ainsi que celui du Gouvernement, car, tout au long de l’examen de ce texte, de la proposition de loi initiale à la publication des décrets, vous avez fait preuve d’écoute et de bon sens, nous permettant ainsi de rendre le texte plus satisfaisant.

Le bon équilibre n’est pas facile à trouver. Aussi, nous allons devoir poursuivre nos efforts, afin de respecter les objectifs que nous nous sommes fixés.

Néanmoins, je suis surpris que nous débattions si rapidement de l’application d’une loi adoptée en juillet dernier, les décrets venant tout juste d’être publiés.

Patience : laissons la loi produire ses premiers effets ! Je reste très optimiste à ce sujet.

Durant l’interruption des travaux parlementaires, en fin d’année dernière, j’ai pu, au cours de mes nombreuses visites sur le terrain, constater l’acceptation par les élus de ces nouvelles contraintes. Ces derniers conviennent tous de la nécessité de reconquérir de nombreux espaces ruraux et urbains.

S’agissant du dispositif à proprement parler, la première période consacrée à la réduction de moitié de la consommation d’Enaf, qui s’achèvera en 2031, doit retenir toute notre attention. Concentrons-nous sur cette première échéance, ne brûlons pas les étapes : nous nous occuperons plus tard de la seconde période ; un pas après l’autre !

Il nous reste à traiter certains sujets d’intérêt local : je pense à la possibilité de mutualiser la garantie rurale au niveau intercommunal, à la reconnaissance d’un droit à l’expérimentation en matière de mise en œuvre du ZAN, à l’évaluation des surcoûts liés à la lutte contre l’artificialisation des sols, à la nécessité de travailler sur les questions de compensation et de renaturation, ainsi que sur nos capacités à les valoriser, ou encore à la réorientation de certains dispositifs fiscaux.

Monsieur le ministre, la mise en œuvre des objectifs du ZAN n’est pas totalement aboutie, mais on y vient !

Il reste, comme vous le savez, des questions en suspens : comment garantirez-vous une application pragmatique de la nouvelle réglementation ? Comment ferez-vous en sorte de fournir aux élus locaux l’assurance d’une ingénierie suffisante pour compenser leur manque criant de moyens financiers ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guislain Cambier. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. Guislain Cambier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’acronyme ZAN fait son chemin auprès des élus locaux. Pourtant, sa mise en œuvre est marquée du sceau de l’interrogation, voire de l’imprécision.

Le ZAN comprenait une série de malfaçons originelles illustrant une déconnexion par rapport aux préoccupations des élus locaux. Suscitant l’ire et l’inquiétude des collectivités locales, les questions étaient alors légion : comment allions-nous accueillir de nouveaux sites industriels ? Comment allions-nous assurer aux collectivités rurales qu’elles bénéficieraient toujours de ressources foncières pour se développer ? Comment concilier deux stratégies contradictoires : transition énergétique et consommation foncière ? Ou encore, comment résoudre la crise du logement et de la construction à l’heure où la sobriété foncière doit être une priorité ?

Sur l’initiative bienvenue de Valérie Létard, présidente, et de Jean-Baptiste Blanc, rapporteur, une commission spéciale du Sénat s’est saisie de ces questions et a répondu à certaines d’entre elles – tout comme le Gouvernement l’a fait au travers des décrets d’application.

Cependant, certaines zones d’ombre persistent.

Premièrement, la mise en œuvre de la garantie rurale est source d’incompréhensions, sinon de préoccupations. La possibilité de mutualiser ce « droit à l’hectare » à l’échelle de l’EPCI doit être précisée. Les plus petites communes ne doivent pas être laissées à la merci d’une contractualisation réalisée par les communes de plus grande taille. Les représentants de l’État, monsieur le ministre, ne doivent pas non plus saisir cette occasion pour obliger certaines communes à rejoindre une intercommunalité. La libre administration doit être non pas une fiction juridique, mais une réalité politique.

Deuxièmement, il faut tenir compte des « coups partis ». Les élus n’avaient, à l’époque, pas été sensibilisés au ZAN. La situation est aujourd’hui intenable pour certaines communes, dont les droits à artificialiser pour la période 2021-2031 ont d’ores et déjà été consommés. Le calendrier retenu est incompréhensible pour les élus locaux.

Il serait pertinent de reporter la date de début de la comptabilisation au 1er janvier 2024. Après tout, la mi-parcours évoquée avant l’échéance de 2050 est en 2035 et non en 2030…

Le calendrier pose d’ores et déjà de grandes difficultés dans nos territoires, en particulier pour les communes et les intercommunalités engagées dans une procédure de révision de leurs documents d’urbanisme. Dans mon département, le Nord, certaines lettres de cadrage transmises par l’État laissent apparaître un chiffrage du droit à artificialiser qui anticipe largement l’application du ZAN. Je suis surpris que l’État annonce à l’avance des décisions qui relèvent exclusivement de la compétence des collectivités locales.

Troisièmement, la liste des projets d’envergure nationale et européenne est aujourd’hui connue. Elle suscite cependant des interrogations légitimes : sur quels principes d’aménagement du territoire a-t-elle été conçue ?

Le rôle de l’État est pourtant d’assurer un équilibre légitime à l’échelle nationale, s’il ne veut pas conforter la fracture territoriale. Certains territoires sont plus « servis » que d’autres : la région Bretagne, pour ne citer que cet exemple, accueillera ainsi trois fois moins de projets que la région Grand Est. Ce constat suscite des interrogations : quelle est la clé de cette répartition ?

Quatrièmement, nous partageons l’objectif de mobiliser nos friches en priorité. Ce type d’opération, louable, est plus complexe, plus coûteux, et nécessite une ingénierie qui n’existe pas toujours. Se pose donc la question des nouveaux moyens que l’État doit mettre à disposition.

Le fonds vert, consacré à ces opérations, est notoirement insuffisant, comme dans les Hauts-de-France où les 500 millions d’euros annoncés ont été, dans les faits, réduits d’un bon tiers.

Cinquièmement et enfin, il reste à inventer le volet fiscal du ZAN. Quelle péréquation imaginer pour les territoires subissant les effets connexes d’un développement dûment autorisé ? Quelle solidarité souhaitons-nous entre pôle de développement et auréole territoriale, et quels en seront les effets ? Quelle réflexion devons-nous mener sur l’imposition foncière ?

Ce n’est rien de moins que votre vision de l’aménagement du territoire et, donc, la vision stratégique de l’État qu’il vous faut définir, monsieur le ministre.

Sur ces cinq enjeux, nous attendons donc vos réponses ; celles-ci contribueront à faciliter la mise en œuvre du ZAN. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Fagnen.

M. Sébastien Fagnen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été rappelé, nous constatons chaque jour que le ZAN est sur toutes les lèvres et dans les esprits de tous les élus locaux. Il suscite de nombreuses questions et des craintes quant à l’avenir de nos communes, notamment rurales.

Depuis la parution du célèbre ouvrage de Jean-François Gravier, Paris et le désert français, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et le vote des grandes lois de décentralisation des années 1980, rarement notre pays aura connu un tel changement de paradigme dans sa façon d’aménager le territoire national. Nous sommes désormais confrontés à l’un des plus grands défis territoriaux du XXIe siècle.

Pour répondre à cette grande transformation aux côtés des élus locaux, nous devons faire preuve d’audace, de courage et de pragmatisme.

Si l’horizon du ZAN s’inscrit dans le cadre d’une nomenclature enfin stabilisée, il nous faut sans cesse interroger, débattre et faire preuve d’agilité quant à sa mise en œuvre. Celle-ci doit tenir compte du contexte dans lequel la France évolue, tout particulièrement en matière de logement et d’industrie.

En effet, notre pays s’enfonce chaque jour un peu plus dans une crise du logement qui entraîne, avec elle, des milliers de nos concitoyens. Nous faisons face à une baisse historique de la construction et l’ensemble du parc immobilier, social comme privé, est touché de plein fouet.

Face aux besoins, qui s’élèvent à 300 000 logements par an en moyenne, il faut adapter sans tarder les outils dont nous disposons afin de soutenir les ménages dans leurs projets de primo-accession à la propriété, tout en répondant aux objectifs du ZAN. Il faut qu’une nouvelle vision du prêt à taux zéro pour la construction individuelle s’impose ; or elle fait aujourd’hui cruellement défaut.

La question des friches, aussi, sera centrale. Les obstacles juridiques constituent à ce jour le principal frein à la reconquête du foncier délaissé. Nous devrons créer de nouveaux outils, afin de faciliter l’acquisition et la densification de milliers d’hectares qui sont en jachère au cœur de nos communes. C’est là un impératif écologique et une alternative concrète au mitage des espaces agricoles et naturels.

Les friches seront essentielles dans la mobilisation du foncier nécessaire au développement des énergies renouvelables et à la réindustrialisation du pays, indispensable à la conciliation du temps économique et du temps de l’aménagement.

Il est donc indispensable de s’atteler, dans la mise en œuvre du ZAN, à toujours mieux répondre aux spécificités locales au travers d’une déclinaison territoriale toujours plus aboutie.

Toutefois, la question de l’équité entre les territoires doit être mieux apprivoisée. Une récente étude du groupe Scet, qui a été citée à plusieurs reprises, souligne que les territoires sont inégalement préparés face au ZAN, leur degré de préparation étant fonction de l’ingénierie disponible, et alerte sur le risque d’émergence de déséquilibres territoriaux.

Je pense en particulier aux nombreuses communes littorales qui sont confrontées dès à présent au recul du trait de côte : les évolutions législatives vouées à y parer demeurent par trop balbutiantes.

Tel était le sens de l’amendement au projet de loi de finances pour 2024 qu’avait déposé le groupe socialiste et qui visait à accroître l’aide de l’État en matière d’ingénierie : nous proposions la création d’un fonds spécifique pour les communes rurales qui mènent des opérations de reconversion du bâti en logements destinés à la location à prix maîtrisé ou à l’accession sociale à la propriété.

Aux côtés de partenaires essentiels comme les agences d’urbanisme, qui restent encore aujourd’hui insuffisamment réparties sur le territoire national, et l’ordre des architectes, pour ne citer qu’eux, il s’agit surtout de renforcer l’administration territoriale de l’État en matière d’accompagnement à l’ingénierie locale.

Des acteurs tels que l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ou le Cerema jouent un rôle essentiel en fournissant des prestations d’ingénierie à certaines collectivités locales, mais ce système descendant et l’« agencification » afférente continuent de poser question.

Il nous faut ancrer des interlocuteurs pérennes dans les départements, en renforçant les moyens des directions départementales des territoires (DDT) et des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), et sortir de la logique de l’appel à projets permanent, laquelle obère la vision de long terme dont les collectivités locales ont impérativement besoin pour relever avec succès le défi du ZAN.

Aussi la question majeure est-elle la suivante : comment le Gouvernement entend-il développer les capacités d’ingénierie au cœur même des collectivités territoriales, afin qu’aucun territoire ne soit laissé pour compte ? (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Nédélec. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne-Marie Nédélec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne aujourd’hui ne remet en cause le principe de sobriété foncière, compte tenu des enjeux qui s’imposent à nous.

Mais, si le constat est partagé, la méthode a suscité et suscite toujours beaucoup d’incompréhension chez les élus locaux, notamment en ruralité. Peut-on régler la question par une simple équation mathématique ? Évidemment, non. Peut-on déconnecter sobriété foncière et aménagement du territoire ? Évidemment, non.

La division par deux de l’artificialisation des sols, telle qu’elle est prévue, laisse de belles marges de manœuvre aux structures dévoreuses d’espace.

En revanche, elle pénalise les élus qui, sans attendre les injonctions et les interdits, s’étaient montrés vertueux en encourageant financièrement la reprise de maisons vides, par exemple, au lieu d’étendre les lotissements. À ceux-là, on explique que, puisqu’ils n’ont pas ou ont peu consommé, ce sera zéro consommation pour les années à venir ! C’est ce qui m’est arrivé, en tant que maire, il y a quelque mois seulement.

Cette décision purement arithmétique va par ailleurs à l’encontre d’un souhaitable et nécessaire rééquilibrage consistant à freiner l’expansion des métropoles et à donner un nouveau souffle à des territoires qui sont en déprise, mais dont les efforts soutenus en termes d’attractivité commençaient à porter leurs fruits, et dont l’espace est l’un des principaux atouts.

La modification introduite par la garantie rurale – le fameux « droit à l’hectare » – est porteuse d’espoir, mais l’approche retenue demeure uniforme et ne correspond pas à l’attente, celle d’une réflexion plus globale fondée sur les principes de différenciation et de territorialisation.

La réhabilitation des friches est-elle la solution ? Elle est souvent présentée comme telle.

En matière d’habitat et d’industrie, elle serait, nous dit-on, suffisante pour couvrir nos besoins. C’est peut-être vrai d’un point de vue arithmétique. Mais, dans ce cas, pourquoi n’avoir pas traité d’abord ce sujet avant d’imposer des normes draconiennes ?

En effet, les collectivités ont en définitive peu d’outils pour agir sur les maisons qui se trouvent en état manifeste d’abandon, quand les propriétaires ne veulent ni vendre ni rénover.

Là encore, la loi du 20 juillet dernier permet quelques avancées, dans le domaine de la préemption par exemple. Se pose néanmoins la question des moyens, souvent très limités, dont disposent les collectivités.

Quant aux friches industrielles, leur reprise est d’une complexité qui est de nature à faire renoncer les candidats devant des règlements, contraintes et délais souvent excessifs – sur ce point aussi, j’ai des exemples précis en tête.

Économiser l’espace en construisant en hauteur n’est pas toujours possible : toutes les activités ne s’y prêtent pas. Pour ma part, je viens d’un pays de forges ; on n’empile pas les unes sur les autres des presses de 8 000 tonnes.

Et je ne parle pas du zèle de certains services instructeurs, qui appliquent par anticipation les normes et décrets à venir, bloquant d’ores et déjà des projets, même modestes, l’installation d’une famille dans un village par exemple.

Se pose enfin la question de l’ingénierie et des financements.

Il serait nécessaire de mieux accompagner, face au maquis complexe des dispositifs, des acronymes et des acteurs, pour gagner en lisibilité et en efficacité, mais aussi de redimensionner le fonds Friches, qui n’est pas à la hauteur des objectifs affichés.

Réindustrialiser, simplifier – comme le souhaite le Président de la République –, rééquilibrer le territoire, ces ambitions nécessitent donc de revoir la copie.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, je souhaite simplement témoigner de ce que j’ai observé pendant la campagne sénatoriale, puisque, nouvelle élue d’un département très rural, la Haute-Marne, je suis allée à la rencontre des grands électeurs dans chaque commune. Partout, on m’a parlé du ZAN et du transfert imposé des compétences eau et assainissement. Humiliation, désarroi, désespérance, colère : voilà les sentiments qui, à ce propos, se sont inlassablement exprimés.

Cette réforme, malgré ses aménagements, reste « ruralicide » et est toujours ressentie comme telle. (M. le ministre manifeste sa désapprobation.) Les maires ruraux n’acceptent pas ces décisions brutales qui les privent de toute perspective de développement pour leur commune. Le monde rural doit pouvoir continuer d’accueillir des habitants, des artisans, des entreprises, et de répondre à leurs attentes.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Anne-Marie Nédélec. Je reste à votre disposition, monsieur le ministre, pour davantage de détails. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’adoption définitive par le Sénat, le 13 juillet dernier, de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de zéro artificialisation nette des sols était le résultat d’un long processus où la seule constance aura été celle de notre assemblée, qui a toujours eu pour ambition d’agir en faveur d’une mise en œuvre pragmatique et réaliste du ZAN.

Après des négociations difficiles avec vous, monsieur le ministre – avec le Gouvernement –, la commission mixte paritaire (CMP) est parvenue à un accord, et la proposition de loi sénatoriale a donc été adoptée.

Cependant, cette issue n’a été obtenue qu’à la suite du retrait, dans le texte de la CMP, de certaines dispositions votées dans la version sénatoriale, dont la prise en compte des bâtiments agricoles ; et c’est sur ce sujet que va porter mon exposé.

Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, le 6 juillet 2023, il a été décidé que la question des bâtiments agricoles devait être traitée par décret, dans le sens de leur exonération du décompte de l’artificialisation.

L’exclusion des bâtiments agricoles de la nomenclature des surfaces artificialisées, que nous avons demandée et défendue avec conviction, avait en effet été adoptée à une très large majorité au Sénat lors de l’examen en première lecture de la proposition de loi, le 16 mars 2023.

Les amendements qui avaient été déposés à cette fin répondaient à plusieurs nécessités.

Tout en garantissant l’atteinte des objectifs de sobriété foncière, cette exclusion permettait d’éviter la stigmatisation des agriculteurs et le blocage du développement des zones rurales, les élus ruraux n’étant plus contraints de choisir entre la construction d’habitations et celle de bâtiments d’élevage – étables, bergeries – pour les exploitations agricoles. En effet, de tels bâtiments doivent dorénavant répondre aux enjeux de l’adaptation au changement climatique, ainsi qu’aux obligations de mise aux normes liées au respect du bien-être animal, ce qui rend nécessaires des aménagements et la réalisation de nouvelles infrastructures.

C’est la raison pour laquelle, dès le 13 juillet dernier, au moment des explications de vote sur l’ensemble du texte, nous avions annoncé que nous ferions preuve de la plus grande vigilance concernant tous les futurs décrets d’application, et particulièrement sur la question des bâtiments agricoles.

M. Jean-Claude Anglars. Plusieurs projets de décret ont été mis en consultation publique à l’été 2023 ; à cette occasion, nous avons émis de très fortes réserves quant à la rédaction envisagée par le Gouvernement, qui s’écarte sensiblement du texte qui avait été voté et convenu au Sénat.

Malgré plusieurs échanges sur ce sujet avec vous, monsieur le ministre, et avec d’autres membres du Gouvernement – mais pas le ministre de l’agriculture ! –, vous avez toujours refusé nos sollicitations. Nous n’avons pas eu de réponse de votre cabinet à la demande d’entretien que mes collègues Cécile Cukierman, Michel Canévet, Frédérique Espagnac et moi-même vous avions fait parvenir en novembre dernier.

Le Sénat n’a pas été consulté ni associé à la rédaction du décret réglant la question des bâtiments agricoles et, plus généralement, à la mise en œuvre de la loi. Pourtant, une telle démarche aurait certainement permis d’éviter des rédactions juridiquement peu précises, voire alambiquées – mes collègues l’ont rappelé –, qui, en définitive, inscrivent bel et bien les bâtiments agricoles dans la nomenclature des surfaces artificialisées.

Si nous avions été consultés, nous vous aurions indiqué que vos décrets d’application ne mentionnent souvent que la « préservation », et non la création ou l’agrandissement, « des espaces dédiés aux activités agricoles », et non des bâtiments.

De plus, le décret qui a trait à la territorialisation des objectifs du ZAN ne prévoit que la « possibilité », et non l’obligation, au niveau régional, « de mettre en place une part réservée de l’artificialisation des sols pour des projets à venir nécessaires aux exploitations agricoles ».

À toutes ces limites juridiques, nous avions apporté des solutions dans la proposition de loi du Sénat ; ces solutions, vous les avez systématiquement refusées. Je suis donc profondément convaincu que le problème est bien davantage politique que technique.

Monsieur le ministre, ma question est claire et fait écho à la colère des agriculteurs : voulez-vous encore des agriculteurs et de l’élevage en France ? Allez-vous, comme cela était convenu, exclure explicitement, dans la nomenclature du ZAN, les bâtiments agricoles des surfaces artificialisées ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K. – M. Guislain Cambier applaudit également.)

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion du débat, la parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais aller vite sur ce que tout le monde sait : la question n’est pas de savoir pourquoi une loi Climat et résilience a été votée ; elle est bien de savoir comment doit s’appliquer la loi du 20 juillet 2023.

Le cadre, que je résumerai en rappelant quelques données fondamentales, est assez simple : on a davantage artificialisé en cinquante ans qu’en cinq cents ans ; le rythme de consommation des sols a certes baissé depuis les années 2000 mais, sur la période 2011-2020, c’est malgré tout l’équivalent du département des Yvelines qui a été artificialisé ou bétonné – et c’est évidemment à dessein que je prends l’exemple de ce territoire, en hommage au président Larcher.

En l’espèce, fait relativement rare, les experts et les scientifiques sont unanimes : ils disent, en substance, que lutter contre l’étalement urbain entraîne cinq bienfaits.

Premièrement, cela permet de préserver la biodiversité, l’artificialisation étant la première cause de son érosion. Or la disparition de la biodiversité n’est pas du tout anecdotique : par exemple, s’il fallait demain remplacer par des actions humaines ce que font les insectes pollinisateurs, les conséquences seraient absolument incalculables.

Deuxième bienfait : l’atténuation du réchauffement climatique. Un espace naturel ou forestier stocke du carbone, alors qu’à l’inverse un espace artificialisé en émet, participant au réchauffement.

Troisièmement, sur le sujet de l’adaptation, je ne m’étendrai pas, mais je peux vous assurer que, ces dernières semaines, nos concitoyens du Pas-de-Calais se sont demandé pourquoi, en certains endroits, des permis de construire avaient été délivrés et pourquoi l’étalement urbain n’y avait pas été freiné. Il est des territoires dans lesquels la prise de conscience de la nécessité d’être sobre sur le plan de la consommation des espaces a été malheureusement payée au prix fort.

Quatrième sujet : le grand cycle de l’eau. Boucher la nappe phréatique provoque des écoulements, ce qui crée des difficultés pour lutter contre les sécheresses, car il n’y a pas de meilleure retenue que ladite nappe.

J’en viens, cinquièmement, à la souveraineté alimentaire. Si nous sommes attachés à l’agriculture – je sais que vous l’êtes tous ici, mesdames, messieurs les sénateurs, et je le dis avec une mention particulière pour le sénateur Bilhac, qui a évoqué ce sujet –, nous devons conserver des espaces pour produire. Dans un contexte où nous aurons moins de ressources qu’auparavant pour produire et où nous serons de plus en plus nombreux sur cette planète, préserver une capacité à produire près de chez nous est une nécessité et suppose d’y consacrer des espaces.

Ce n’est pas d’un arrêt de la construction qu’il s’agit, mais d’une division du rythme de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers ; et, à cet égard, le texte dont il est question cet après-midi a été considérablement amélioré au fil de la discussion.

Je veux d’emblée balayer une critique : la crise du logement n’est pas liée au ZAN ; si tel était le cas, il n’y aurait pas de crise du logement en Allemagne, en Espagne, en Belgique, dans la quasi-totalité des pays européens. Cette crise généralisée a des raisons conjoncturelles et des raisons structurelles ; en tout état de cause, aujourd’hui et depuis que la loi a été promulguée, le ZAN en lui-même ne pose pas de difficulté à cet égard : il est faux d’affirmer le contraire.

La loi du 20 juillet 2023 a permis nombre d’avancées. Soyez-en fiers : n’ayez pas le ZAN honteux ! (Sourires.) L’allongement des délais, la garantie rurale, la garantie du trait de côte, les grands projets d’envergure nationale et européenne, la consécration de la commission régionale de conciliation, l’édiction de règles spécifiques pour l’outre-mer et pour la Corse, la mise à la disposition des maires de nouveaux outils, comme le droit de préemption : tout cela, c’est grâce à vous !

Il reste beaucoup à faire. C’est pourquoi, loin de m’étonner que nous nous retrouvions moins de six mois après le vote, je plaide pour que nous prenions le temps d’ajuster ce qui doit encore être ajusté : voyons-nous !

Qu’avons-nous fait d’ores et déjà ?

Nous avons publié un guide (M. le ministre en brandit un exemplaire.), dont je me permets de faire la promotion ; il n’enrichit pas l’État, puisqu’il est téléchargeable gratuitement. Il ne fait que seize pages, en comptant la page de garde (M. le ministre tourne les pages en guise de démonstration.). Si je donne cette précision, ce n’est pas par coquetterie : on y trouve des dessins. Le sujet est si complexe, en effet, qu’il était nécessaire et même crucial d’élaborer un document expliquant clairement le dispositif.

Y sont détaillés certains engagements primordiaux, comme la non-remise en cause des zones d’aménagement concerté (ZAC) créées avant 2021 : la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers qu’engagent ces projets peut être intégralement rattachée à la période 2011-2021 et, donc, ne pas être imputée aux nouvelles trajectoires.

J’ai par ailleurs organisé des ateliers.

Je me suis rendu à Dieppe pour y vérifier que les exigences de sobriété foncière ne remettent pas en cause les projets d’envergure nationale – en l’occurrence le chantier des nouveaux réacteurs nucléaires – et, partant, la réindustrialisation du pays.

Je me suis également rendu en Auvergne-Rhône-Alpes pour discuter avec le président Wauquiez, devant 400 personnes, dans le cadre d’une COP. Si certains élus partagent sa position, j’ai pu mesurer à cette occasion combien beaucoup d’autres, sur le même territoire, sont conscients qu’il est nécessaire d’avancer et de trouver des compromis entre l’indispensable préservation des espaces naturels et la tout aussi indispensable poursuite de notre développement.

Nous sommes en train de traiter la question des projets d’envergure nationale ou européenne.

Le travail n’est pas fini : des centaines de projets me sont remontés. À la fin du mois de décembre, après analyse de ces centaines de projets, nous avons envoyé des listes aux présidents de région, lesquels ont jusqu’à la fin du mois de février pour se prononcer – « on prend », « on ne prend pas » ou « il en manque ». Nous allons donc avoir un temps de discussion.

Ces listes reposent sur une nomenclature, ou plutôt – je préfère le dire ainsi, car c’est de cela qu’il s’agit – sur du bon sens.

Je m’explique : la loi dispose que la consommation d’espaces attachée aux projets d’envergure nationale ou européenne est prise en compte dans le cadre d’un forfait, qui vaut jusqu’en 2031.

Or, pour certains projets, l’échéance est plus lointaine : aucun des EPR dont la mise en chantier est aujourd’hui prévue ne sera terminé en 2031. Lesdits EPR comptent donc littéralement pour zéro, à la minute où nous parlons, dans le calcul de l’artificialisation : ils seront imputés à la période suivante. De la même manière, certains projets d’infrastructures aboutiront après 2031 : cela n’aurait pas de sens de les rattacher au forfait.

Mais, comme les documents d’urbanisme valent pour vingt ans, il faut d’emblée préciser qu’ils ont la qualification de projets d’envergure nationale ou européenne, afin qu’ils ne soient pas comptabilisés dans les trajectoires des PLUi.

Cette liste des projets d’envergure nationale ou européenne comporte donc deux catégories : dans la première liste figurent les projets dont le financement est bouclé, dont les dates de réalisation sont certaines et pour lesquels l’artificialisation sera achevée en 2031 ; dans la seconde, tous les autres.

Je le précise, nous ne considérons que l’ouvrage : nous ne prenons pas en compte le chantier s’il est rendu à la nature – je réponds ainsi au sujet du grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO). La surface nécessaire pour réaliser ce projet s’étend sur 2 000 hectares ; une fois achevée, l’infrastructure n’en consommera que 700 – et je ne fais que citer les chiffres qui nous remontent du territoire. Dans le calcul de l’empreinte des projets, nous ne prenons pas en compte les utilisations temporaires d’espace, car cela n’aurait tout simplement pas de sens.

À l’inverse – je le dis en réponse à l’interpellation qui m’a été adressée sur Béziers –, au gré des échanges que nous avons sur ces questions, nous pouvons choisir de retenir, au nombre des espaces rattachés aux projets d’envergure nationale ou européenne, des zones dont la vocation est d’accueillir des sous-traitants dans le cadre d’activités industrielles ou de transition écologique, mais à la seule condition que les porteurs de projets, même les plus petits, soient connus. Alors, il devient possible de basculer lesdites zones de la seconde à la première liste.

Quand ce travail aura été effectué, nous soumettrons le décret qui aura été ainsi rédigé à consultation publique. Enfin, si notre dialogue n’est pas conclusif, la commission de conciliation – qui fait partie des grandes avancées – pourra faire bouger les lignes, étant entendu que ces listes sont révisables chaque année. Il sera possible d’en retirer certains projets ou d’y ajouter ceux qui deviendront matures ou qui, tout simplement, émergeront.

C’est dans cet esprit de souplesse, qui est celui du Sénat, que nous entendons mener à bien la réindustrialisation du pays.

J’ai parlé des ZAC ; je ne serai pas plus long sur le sujet.

Je vais plutôt me concentrer sur ce qu’il nous reste à faire.

Premier gros sujet : la fiscalité, autrement dit les moyens, l’accompagnement budgétaire des communes.

À ce propos, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez totalement raison. J’ai un regret : nous avions proposé un dispositif qui plaisait à la moitié des groupes du Sénat et à un peu plus de la moitié des groupes de l’Assemblée nationale ; las ! il a été déclaré irrecevable, en commission, lors de l’examen du projet de loi de finances. Il faut dire que nous l’avons finalisé trop peu de temps avant le début des débats pour que son examen se fasse dans de bonnes conditions, celles qui auraient permis une mise en œuvre sereine – je prends donc, en la matière, ma part de responsabilité.

De quoi s’agissait-il ? Il était prévu qu’un terrain devenu constructible fasse l’objet d’une redevance partagée entre la commune et l’agence de l’eau, laquelle paie aussi les conséquences d’une partie de cette artificialisation. Ce dispositif avait le mérite de donner des ressources non seulement aux communes, mais aussi aux agences de l’eau. Ainsi, tout en préservant une part destinée aux communes, évitait-on l’effet d’aubaine qui aurait vu certaines d’entre elles pousser à l’artificialisation de terres, afin de boucler leur budget.

Dans notre pays, un peu moins de 7 000 communes ont institué une surtaxe sur les opérations qui rendent constructible un espace auparavant nu ; un peu moins de 27 000 communes, à l’inverse, ne se sont pas dotées d’un tel dispositif.

Je dis à Jean-Baptiste Blanc, qui a été le premier à le soulever, avant même que la loi Climat et résilience ne l’aborde, ainsi qu’à Bernard Pillefer, ce sujet sera évidemment au cœur de nos travaux cette année.

En ce qui concerne le fonds vert, en 2023, 1 225 hectares de friches ont bénéficié de crédits, et 685 hectares ont bénéficié d’opérations de renaturation, pour un total de 479 millions d’euros – nous ne sommes donc pas loin d’avoir consommé la totalité de l’enveloppe, les fameux 500 millions d’euros. Je me permets d’attirer votre attention sur ce bilan : 2 000 hectares, sur dix ans, c’est un résultat supérieur de 20 % à celui que nous avions imaginé, ce qui prouve combien il s’agit d’un outil puissant.

Du reste, j’évoque un fonds vert doté de 2 milliards d’euros ; or nous allons porter ce montant à 2,5 milliards d’euros et le fonds Friches, qui en est l’un des volets, sera renforcé pour que nous restions à la hauteur de l’enjeu.

S’agissant de l’ingénierie, nous réfléchissons actuellement à la meilleure manière de nous y prendre pour que les 250 millions d’euros du PCAET puissent éventuellement être mobilisés.

La signature d’un pacte entre toutes les agences – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), ANCT, Cerema – remédiera à cette question.

À cet égard, je précise que je proposerai au nouveau Premier ministre d’engager une vraie réflexion autour de l’agencification de l’État : dans le prolongement des conclusions des rapports élaborés ici même, je plaide pour que les aides soient rendues plus lisibles et, plus largement, pour simplifier les voies d’accès à celles-ci.

Mme Cécile Cukierman. Vous aurez notre soutien !

M. Christophe Béchu, ministre. J’en finis avec ce qu’il nous reste à faire.

J’entends l’interpellation de Jean-Claude Anglars ; elle ne me surprend du reste pas, car l’ordre d’apparition des sujets qu’ont abordés les différents orateurs cet après-midi correspond exactement à celui qui a prévalu lors de la réunion de la CMP. En l’occurrence, la question que vous avez soulevée, monsieur le sénateur, celle de la prise en compte des bâtiments agricoles, est la dernière sur laquelle il nous a fallu avancer.

Pour autant, si je peux comprendre que vous considériez que vous n’avez pas été suffisamment entendu, à titre personnel, ou sur ce point précis, je ne peux pas vous laisser dire que le Sénat n’a pas été associé à la rédaction des décrets d’application de cette loi.

Tout d’abord, le dispositif que nous avons rédigé nous a permis de passer le filtre du Conseil d’État. Ensuite, il va de soi que nous allons examiner cette question en détail. Quoi qu’il en soit, monsieur le sénateur, ce n’est pas un texte contre le monde agricole, mais en sa faveur, car les agriculteurs sont les premières victimes de l’étalement urbain.

Parlons de la garantie rurale, puisque c’est sur cette disposition que nous avons le moins de recul. Par définition, nous ne pouvons pas savoir comment une mesure aussi récente sera mise en œuvre.

À mon sens, il faut tout de suite exclure de notre réflexion les territoires comprenant peu de communes et pour lesquels on ne recense d’ores et déjà aucune difficulté ; en revanche, il faudra examiner de près la situation des territoires où les communes sont tellement nombreuses que le cumul des droits créés au titre de la garantie rurale pourrait soulever des difficultés.

Je pense à la Normandie, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’animerai vraisemblablement mon prochain atelier dans le Calvados, ou peut-être dans la Manche – pour y retrouver Philippe Bas (Sourires.). Il s’agit d’étudier concrètement comment les choses se passent à l’échelle d’une intercommunalité.

Je reviens sur le sujet des outre-mer : les CDPENAF, mises en place pour lutter contre l’étalement urbain, posent en effet une difficulté particulière. Malgré la souplesse que nous avons introduite dans les procédures, j’ai le sentiment, à vous entendre, que des rigidités, qu’il nous faudra donc examiner, persistent. Mais, après tout, c’est aussi à la prise de conscience de ce type de difficulté que sert un tel débat !

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne serai pas beaucoup plus long, ayant déjà très largement excédé le temps qui m’était imparti.

Je veux terminer en citant des propos qui, de mon point de vue, résument en grande partie nos débats : « Ces articles de loi ne manifestent pas seulement une défiance à l’égard des communes : ils sont incompatibles avec l’esprit des lois de décentralisation. Ils ont deux conséquences fâcheuses : ils retirent aux maires la maîtrise générale de la conception et de la définition de leur politique d’urbanisation ; de façon tout aussi inopportune, ils soustraient toute marge de manœuvre à l’application des dispositions de la loi. »

Cette citation de Josselin de Rohan – et il ne s’agit là que de l’une des citations tirée d’un recueil que je suis en train de constituer – porte non pas sur le ZAN, mais sur la loi Littoral. À l’époque de l’examen de ce texte, les mêmes inquiétudes – la crainte que l’on mette certains territoires sous cloche, qu’on les prive ou qu’on leur retire les moyens de se développer – s’étaient exprimées ici.

Or, aujourd’hui, personne ne penserait à remettre en cause la loi Littoral, dont nous allons d’ailleurs bientôt, à l’occasion de son anniversaire, faire le bilan.

Pour les mêmes raisons, il me semble logique et tout à fait légitime que l’on prenne un peu de temps pour parfaire la mise en œuvre du ZAN, laquelle constitue indiscutablement un basculement.

Je suis pour ma part convaincu que, dans quelques années, personne ne remettra en cause le fait que nous ayons cherché à concilier préservation de l’écologie et développement économique. Que nous le fassions ensemble est pour moi une immense fierté. Ce n’est en revanche pas une surprise, car je sais à quel point cette assemblée, loin de se contenter de voter des articles de loi, est celle du pragmatisme, de l’écoute des élus et de la volonté de réussir. (MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Pierre Médevielle applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe auteur de la demande.

Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de préciser que, de notre point de vue, mon intervention n’est en rien une conclusion. Bien au contraire, l’objectif du groupe communiste, considérant que cela peut être utile, est de faire en sorte que le Sénat mette en place des rendez-vous réguliers sur le sujet.

Ce débat est l’un de ces rendez-vous. La mission évoquée par Jean-Baptiste Blanc, qui est en cours de constitution au Sénat – elle en appellera bien d’autres –, et un certain nombre d’initiatives lancées dans les départements et les régions en sont tout autant.

Comme je l’ai dit en introduction – vous l’aurez noté, monsieur le ministre –, relever ces différents défis et réussir notre aménagement du territoire pour les années à venir, un objectif que nous partageons toutes et tous, quelles que soient nos sensibilités, nous oblige à sortir des postures dogmatiques qu’il nous arrive de prendre ici – moi y compris –, même si celles-ci sont légitimes.

Cela étant, ce débat, tout comme les travaux conduits par la commission spéciale présidée par Valérie Létard, dont nous étions un certain nombre à faire partie – je pense notamment à Jean-Baptiste Blanc, son rapporteur –, visait bel et bien à souligner toutes les difficultés qui sont apparues depuis la mise en œuvre de la loi. Il me semble que c’est ce qu’ont fait les différents orateurs.

En matière d’aménagement du territoire, il ne peut y avoir de généralisation ni d’uniformisation.

Inévitablement, les problématiques ne sont pas les mêmes en plaine qu’en montagne ou sur le littoral.

Sans faire de mauvaise caricature, permettez-moi aussi de dire, mes chers collègues, qu’il y a terres agricoles et terres agricoles. Ainsi, dans mon département de la Loire, depuis une trentaine d’années et jusqu’à il y a encore un peu plus d’une décennie, les meilleures terres agricoles ont été artificialisées. À l’époque, les élus n’étaient pas hors la loi. La DDT, qui ne s’appelait pas encore ainsi, ne faisait pas n’importe quoi. Nous suivions simplement une autre logique, que ce soit en termes de vie ou d’aménagement du territoire.

Aujourd’hui, dans ce même département, on trouve des terres agricoles, ainsi que des terres d’élevage. J’abonde d’ailleurs dans le sens de notre collègue Jean-Claude Anglars : il nous faudra bien un jour traiter cette question des bâtiments d’élevage ! Cette loi ZAN ne peut pas à la fois viser la préservation de l’agriculture et prévoir des dispositifs qui empêchent l’installation et le développement des exploitations agricoles.

Dans mon département, disais-je, comme dans d’autres, nous savons bien que certaines terres, aujourd’hui considérées comme des espaces agricoles, ne le seront plus dans quelque temps – les agriculteurs sont eux-mêmes capables de nous le dire –, tout simplement parce que l’agriculture de demain différera sensiblement de celle d’hier.

Si nous étions en mesure de travailler de manière aussi fine que peut l’être la dentelle du Puy (Sourires.), nous pourrions définir des zonages qui nous donneraient à le voir.

Chacun le sait, il est évidemment indispensable de définir des objectifs nationaux en matière d’artificialisation des sols. Vous connaissez notre attachement au principe d’une République une et indivisible. Mais notre République sortira plus renforcée encore de la crise politique que nous traversons, si nous parvenons à exploiter les différences observées dans nos territoires, lesquelles peuvent être une richesse si nous sommes capables de les concilier.

Monsieur le ministre, j’entends ce que vous nous avez dit. Je ne vous donne d’ailleurs pas tort quand vous affirmez que, dans dix ans, les mentalités auront changé et que nous regarderons les choses différemment. Mais, si nous voulons relever le défi du ZAN, collectivement et dans un esprit républicain, nous ne devons laisser personne sur le carreau.

En définitive, pourquoi cette loi irrite-t-elle autant ? C’est parce qu’elle est perçue comme une forme de paroxysme, comme une montagne de difficultés et de normes, imposées par un État qui n’est pas toujours aussi présent qu’il devrait l’être au plan territorial.

Vous vous en doutez, tout le monde est favorable à la désagencification et à un éventuel renforcement de l’État territorial dans nos préfectures et nos sous-préfectures. Cela ne me poserait aucun souci. Mais, le plus important aujourd’hui, c’est qu’un élu, lorsqu’il souhaite reconstruire, aménager, est confronté, sur le terrain, à un certain nombre de réalités et de contraintes, liées aux friches ou à l’existence d’un patrimoine historique, par exemple, ainsi qu’à des difficultés d’accès au foncier.

Pour conclure, je crois à la volonté unanime des élus locaux de faire en sorte que les populations soient accueillies dans les meilleures conditions sur leur territoire, de sorte que, demain, nous puissions tous bien vivre ensemble.

Mes chers collègues, je vous remercie toutes et tous pour la qualité de nos échanges. (Applaudissements.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la mise en application de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux.

4

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 23 janvier 2024 :

Proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 259, 2023-2024) ;

Proposition de loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien, présentée par M. Cédric Vial et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 251, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER