M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Szpiner, vous avez raison : l’élimination de la violence dans le football amateur est un enjeu absolument capital pour notre jeunesse. En effet, si l’on commence ainsi, l’on finit encore plus mal.
Je suis plutôt contente aujourd’hui de ressentir une vraie dynamique au cœur de la FFF pour s’emparer de cette question, tant à l’échelle nationale que dans les territoires.
Au niveau national, la FFF a présenté, le 19 octobre dernier, un plan d’engagement comportant une série de mesures concrètes : ainsi, en trois ans, 100 % des encadrants seront formés à ces questions et 75 % des licenciés y seront sensibilisés.
Surtout, le réseau des référents est renforcé dans les territoires, au niveau des ligues, des districts et des clubs, mais aussi au sein des associations de supporters.
Une sanction immédiate de toutes les dérives est en outre prévue ; il s’agira de sanctions sportives, disciplinaires, administratives et pénales. Je relève notamment la constitution systématique de partie civile de la part de la FFF en cas de procédure pénale.
Une protection systématique sera enfin apportée aux victimes, par des mesures conservatoires administratives ou disciplinaires, chaque fois que cela est nécessaire.
Par ailleurs, lors de mes échanges récents avec la ligue d’Île-de-France, j’ai pu me persuader que la démarche d’élaboration d’une charte compte parmi les initiatives que nous pouvons encourager. Cette prise de conscience, qui doit s’arrimer en même temps sur des mesures inscrites dans le dur, est absolument indispensable pour progresser culturellement et faire en sorte, par exemple, de réduire l’écart que l’on constate en la matière entre le football et le rugby, afin que notre football amateur soit rayonnant et protecteur de nos enfants.
M. le président. La parole est à M. Francis Szpiner, pour la réplique.
M. Francis Szpiner. Madame la ministre, d’une manière générale, je pense que notre pays souffre d’un déficit d’autorité : il faut rétablir l’autorité de l’État, y compris dans le domaine sportif. Quand vous pénalisez collectivement des supporters, vous faites une erreur : c’est chaque supporter qui commet une infraction qui doit être poursuivi et jugé.
M. Claude Kern. Tout à fait !
M. Francis Szpiner. Or le nombre d’interdits de stade qui est cité – à peine plus de 200 – est dérisoire par rapport aux actes constatés. N’ayez pas peur d’aller vers la répression individuelle : je vous assure que notre pays s’en porterait beaucoup mieux !
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier. (M. Francis Szpiner et M. Claude Kern applaudissent.)
Mme Marie Mercier. Madame la ministre, vous êtes ministre des sports, mais aussi de la jeunesse.
Au mois de septembre dernier, au stade de la Beaujoire, à Nantes, lors d’un match entre le FC Nantes et l’Olympique de Marseille, un homme de 39 ans a été agressé par des supporters nantais alors qu’il tentait de protéger son fils de 6 ans, qui portait un maillot de l’OM. Ce père de famille se serait interposé face à des supporters nantais pour protéger son petit garçon. Victime d’un infarctus, il a été placé en soins intensifs.
Quelques mois plus tôt, en juin, un jeune enfant malade, supporter de l’OM, et sa famille avaient été invités par ce club qu’il aime tant à assister à un match ; ils ont été agressés et ce qui devait être une fête pour ce petit garçon s’est transformé en cauchemar.
Malheureusement, je pourrais citer d’autres exemples encore. Loin des valeurs du sport que sont la fraternité, le partage, ou encore la solidarité, nos jeunes se retrouvent témoins et, de plus en plus souvent, victimes de comportements inadmissibles à l’occasion de manifestations sportives. Quelle image et quel exemple leur sont donnés !
Ces événements tragiques nous inquiètent particulièrement à moins de 200 jours des jeux Olympiques et Paralympiques, alors que le football est un sport olympique. Le respect et l’amitié sont au cœur de l’olympisme.
Comment le Gouvernement entend-il faire porter une parole publique forte quand nos jeunes sont les victimes collatérales d’affrontements barbares ? Ils sont éduqués dans l’idée, cruciale, que le sport, c’est l’exemplarité, le courage et la grandeur. Comment peuvent-ils le croire et en être des vecteurs ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Madame la sénatrice Mercier, vous comprendrez que je suis particulièrement touchée par ce que vous exprimez. Je suis à vrai dire heureuse de pouvoir conclure mes réponses dans ce débat sur ces mots.
À mon sens, la place de nos enfants dans nos stades, dans le football professionnel, c’est au fond notre ambition ultime, c’est là que nous mesurerons que nous aurons réussi. Être un papa, être une maman, avoir envie d’emmener ses enfants au stade, et y vivre une ambiance familiale, voilà in fine l’objectif ! Nous avions commencé notre débat par des réflexions sur la valeur de ce championnat ; eh bien, cette ambiance, notre volonté de faire émerger dans les stades une identité à la française, c’est bien la valeur première.
Comme vous, j’ai été révoltée par ce qui s’est passé à Ajaccio, puis à Nantes. À Ajaccio, les auteurs de ces faits innommables ont été interpellés. J’avais pu échanger avec le petit Kenzo, cet enfant, malade de surcroît, qui avait été violenté, ainsi qu’avec ses parents. Sa maman m’expliquait qu’il n’avait plus envie de retourner dans un stade ; eh bien, j’ai voulu faire en sorte qu’il ait envie de retourner dans une enceinte sportive, et je lui ai dit : « Tu viendras aux jeux Olympiques et Paralympiques, j’en prends l’engagement ! » C’est ainsi que, grâce à la billetterie populaire de l’État, qui permettra de faire venir plus de 200 000 jeunes de notre pays dans les enceintes sportives pour cet événement olympique, marqué par des valeurs de respect, d’amitié et d’excellence, le petit Kenzo aura sa place parmi nous ; nous veillerons à ce qu’il en soit de même pour l’autre petit garçon que vous avez évoqué.
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour la réplique.
Mme Marie Mercier. Madame la ministre, vous êtes à la tête d’un ministère extraordinaire pour la protection de nos enfants. Or « éducation » vient du latin ex ducere, « conduire hors » ; on dit à l’enfant : « Je te prendrai par la main pour t’emmener en dehors, avec des valeurs solides. » C’est ainsi que l’on forme des hommes et des femmes solides.
Conclusion du débat
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)
M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. Monsieur le président, madame la ministre, nous arrivons au terme de ce débat sur les violences associées au football à l’intérieur et à l’extérieur des stades. Je tenais en premier lieu à remercier Pierre-Antoine Levi d’avoir demandé son inscription à notre ordre du jour.
L’ampleur des phénomènes de violence, leur caractère répétitif et, il faut bien le reconnaître, l’absence de réponse efficace pour y mettre fin, justifie pleinement que nous nous emparions du sujet et que nous interrogions l’exécutif, comme nous l’avons fait ce soir, pour comprendre sa perception du problème et les réponses qu’il entend y apporter.
Il me revient de tirer quelques conclusions de notre débat de ce soir. Sans avoir la prétention d’être exhaustif, il me semble que nous pouvons en faire ressortir quatre éléments conclusifs.
Tout d’abord, alors que la France s’inscrit clairement dans une stratégie d’accueil des grands événements sportifs – coupe du monde de rugby l’année dernière, jeux Olympiques et Paralympiques cette année et jeux Olympiques d’hiver en 2030, pour ne citer que les plus connus –, nous ne pouvons laisser s’instaurer un phénomène d’amplification et de multiplication des actes de violence liés à des événements sportifs, dans les stades, mais aussi en dehors.
Il y a comme un paradoxe à investir dans les équipements sportifs, à développer un savoir-faire dans l’organisation des grands événements sportifs et à miser sur le fort impact en termes de rayonnement de ces grands événements, tout en subissant de manière régulière des actes de violence inacceptables, qui nuisent à l’image du sport et sont en totale contradiction avec ses valeurs.
Par ailleurs, deuxième élément conclusif, même si les autres sports ne sont pas épargnés par la violence, il y a bien un problème spécifique dans le football. Face à cette spécificité peu enviable, les instances du football – fédération, ligues ou clubs – n’ont sans doute pas pris la juste mesure d’un phénomène, qui, pourtant, pénalise leur sport.
Comme le notait Pierre-Antoine Levi dans son propos préalable, elles en sont encore à « se renvoyer le ballon », pour reprendre les termes qu’il a utilisés, plutôt que de traiter le problème avec détermination, en s’en donnant réellement les moyens. Pourtant, c’est bien leur sport qui est pénalisé. Une récente enquête d’Odoxa, de novembre dernier, montrait que 70 % des Français ont une mauvaise image des supporters de football.
Troisième élément conclusif, la violence dans le football français n’est pas une fatalité. L’absence de phénomènes comparables dans les autres pratiques sportives ou la façon dont le football anglais a résolu le problème du hooliganisme montrent bien qu’il est possible de prévenir et juguler les phénomènes de violence. Nous avons certainement, comme vous l’avez dit, madame la ministre, des enseignements à retenir des mesures prises en Angleterre.
Quatrième élément de conclusion, la réponse ne peut venir des seules instances du football. Les pouvoirs publics ont une responsabilité, qui ne peut reposer uniquement sur des mesures d’interdiction des déplacements de supporters lors des matchs identifiés à risques. Certes, il y a eu des avancées ces derniers mois, comme le rappelait Claude Kern. Ainsi, le dernier projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, que vous nous aviez présenté, madame la ministre, prévoit le développement de la billetterie infalsifiable, ainsi que le renforcement des sanctions, notamment pour les primo-délinquants.
Après ce que nous avons dit les uns et les autres ce soir, il me semble que des pistes complémentaires peuvent être étudiées.
D’abord, il convient, comme le demandent à peu près tous les groupes, de renforcer le dialogue avec les associations de supporters, qui se sont elles-mêmes, depuis quelques années, structurées et responsabilisées par rapport à ces problèmes.
Certes, l’Instance nationale du supportérisme existe, mais elle ne semble jamais avoir réellement fonctionné de manière totalement satisfaisante, même si, depuis votre prise de fonction, madame la ministre, vous avez souhaité, nous l’avons bien noté, la réactiver et la positionner sur ces sujets.
Ensuite, il est nécessaire de travailler à une identification plus fine des auteurs de violences et d’accroître les sanctions individuelles, qui sont nombreuses en Allemagne et en Angleterre, mais relativement marginales en France.
Par ailleurs, il faut préparer en amont les matchs à risques au niveau des préfectures, en impliquant les responsables des clubs et les associations de supporters, afin d’anticiper les difficultés plutôt que de les subir, et d’accompagner plutôt qu’interdire.
Enfin, il est impératif d’impliquer la justice dans la nécessité de sanctionner de manière rapide les auteurs de violences.
Madame la ministre, vous nous avez annoncé ce soir, dans le cadre de votre intervention liminaire, la présentation d’un plan d’action, que vous élaborez actuellement avec vos collègues Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti.
Nous serons bien entendu très attentifs à ce que vous nous annoncerez dans quelques semaines. J’espère que les échanges de ce soir auront utilement alimenté votre réflexion. Tel était en tout cas le but du groupe Union Centriste en proposant ce débat ce soir. (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur les violences associées au football, dans et hors des stades.
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 18 janvier 2024 :
À dix heures trente :
Questions orales.
À quatorze heures trente :
Débat sur la mise en application de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-deux heures trente.)
nomination de membres d’une commission d’enquête
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité (vingt-trois membres)
Mme Martine Berthet, MM. François Bonneau, Henri Cabanel, Guillaume Chevrollier, Vincent Delahaye, Stéphane Fouassin, Fabien Gay, Fabien Genet, Daniel Gremillet, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, Christine Lavarde, MM. Victorin Lurel, Didier Mandelli, Pierre Médevielle, Jean-Jacques Michau, Franck Montaugé, Alexandre Ouizille, Cyril Pellevat, Stéphane Piednoir, Mme Denise Saint-Pé et M. Daniel Salmon.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER