Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault.
M. Vincent Louault. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis longtemps déjà, la France figure parmi les pays contributeurs à l’aide publique au développement. Elle y consacre des sommes importantes pour améliorer le sort des pays les moins avancés. Elle figure cette année au quatrième rang des contributeurs mondiaux, progressant d’une place par rapport à l’année précédente. En 2024, le montant de cette aide atteindra 0,56 % du revenu national brut.
Dans les périodes de crise, cette aide publique est plus difficile à justifier auprès de nos concitoyens ; elle n’en est pas moins essentielle.
Nous savons tous que les conséquences des crises dépassent les frontières : lorsque le Sahel s’enfonce dans la violence, la menace terroriste s’y accroît, nos entreprises en pâtissent et les flux migratoires vers l’Europe augmentent.
Bien sûr, dans de telles situations d’urgence, l’aide est encore plus nécessaire. C’est pourquoi une large part des crédits reste consacrée à l’aide humanitaire, destinée aux crises en cours, mais aussi à celles que nous n’aurons pas anticipées.
Dans des contextes plus apaisés, des aides ciblées, sous forme de prêts plutôt que de dons, peuvent bénéficier aux économies locales. Elles peuvent être consenties tant aux États étrangers qu’aux acteurs des sociétés civiles.
En transformant le climat des affaires, nous contribuons à l’amélioration des conditions de vie des populations locales, tout en développant des marchés pour nos entreprises. Les défis relevant de l’éducation, de la santé ou encore des transitions environnementales constituent autant d’opportunités pour nos entreprises.
Il faut pour cela cesser de considérer que l’aide au développement répond à une logique d’assistance. Il s’agit bien davantage d’une forme d’investissement dont notre pays et nos concitoyens tirent des bénéfices sur le long terme.
La France a des intérêts ; il est parfaitement naturel qu’elle les assume. Elle peut légitimement chercher à les satisfaire, lorsqu’ils convergent avec ceux de ses partenaires, sans pour autant les imposer.
Une aide qui se veut un investissement d’avenir doit toutefois rester étroitement contrôlée. Issue de l’argent des contribuables, elle mérite à ce titre d’être employée à bon escient. Il n’est pas question qu’elle bénéficie à des pays qui n’en ont pas réellement besoin. Elle ne doit pas non plus être détournée au profit de nos adversaires.
La France peut contribuer au développement des pays en difficulté, mais elle doit le faire selon ses moyens et en poursuivant ses propres intérêts.
Le groupe Les Indépendants votera en faveur de l’adoption des crédits de cette mission.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Philippe Folliot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que certains la voudraient repliée, égoïste, voire rabougrie, la France est belle, grande et forte quand elle est solidaire et fraternelle.
Les crédits de cette mission sont à bien des égards une illustration parmi d’autres du caractère fraternel et solidaire de notre pays. Près de 6 milliards d’euros sont un jeu, mais comme cela a été dit à plusieurs reprises, cela ne représente qu’une partie de la totalité du budget que notre pays consacre à l’aide au développement.
Dans une période de crise, alors que nos concitoyens ont de fortes attentes dans de nombreux domaines, l’on peut se demander s’il est réellement important et légitime d’apporter cette aide. Je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que c’est effectivement important, et même essentiel à plusieurs titres.
La première raison est que le monde est de plus en plus instable et dangereux. Que ce soit en Ukraine, où je me suis rendu deux fois cette année, en Afrique, notamment au Sahel, en Éthiopie ou au Soudan, en Arménie et bien sûr à Gaza, après l’ignoble attaque terroriste dont Israël a été victime, la constante des nombreux conflits qui font rage dans le monde est que les populations civiles en sont systématiquement les victimes collatérales.
Par le biais de l’aide au développement, notre pays soutient les populations civiles, mais il contribue aussi à s’attaquer aux causes de ces conflits, parmi lesquelles on retrouve souvent la misère, le manque d’éducation ou encore les difficultés rencontrées pour manger à sa faim. Tel est l’objectif, mes chers collègues, qui doit étayer notre politique de développement.
Plusieurs de nos collègues, notamment Michel Canévet et Christian Cambon, ont insisté sur la nécessité de nous doter de mécanismes susceptibles d’améliorer le contrôle et le suivi des aides accordées par notre pays. Il y va non seulement d’un enjeu d’efficacité, mais aussi d’une nécessité au regard du contrôle démocratique qui doit être celui des assemblées parlementaires en général et du Sénat en particulier.
Nous avons constaté avec regret que l’arrêt de certaines aides – je pense au Sahel – a été décidé sans que le Parlement soit associé, madame la ministre.
De même, nous nous interrogeons sur le probable non-respect de la trajectoire que nous avons votée dans le cadre de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, avec les conséquences que cela emporte.
Au-delà de ces difficultés, j’estime que nous devons être en mesure d’assumer le fait que l’aide publique au développement est aussi un outil au service de la stratégie d’influence de notre pays. Il nous faut assumer cette ambition sans naïveté, mes chers collègues, car d’autres pays le font.
Je pense en particulier aux enjeux économiques de l’aide au développement pour nos entreprises. Au regard des objectifs de développement durable, il est en effet essentiel, comme le rappelait Michel Canévet, d’accompagner les pays bénéficiaires dans le déploiement de leur stratégie de développement, au travers notamment du financement d’infrastructures. Il importe à tout le moins de ne pas nous l’interdire.
J’estime également que nous devons veiller – nous en avons d’ailleurs débattu lors de l’examen de ce qui est devenu la loi de programmation, en particulier au sujet de la francophonie – à éviter le saupoudrage, qui est trop souvent l’écueil de nos politiques publiques, afin d’être en mesure de soutenir les pays qui en ont le plus besoin, notamment dans l’arc africain.
Il nous faut enfin aborder les problématiques migratoires, auxquelles plusieurs orateurs ont fait allusion, avec un regard lucide et exigeant. Les personnes concernées ne quittent pas leur pays pour le plaisir de le quitter : elles en sont chassées, soit par un conflit, soit par la misère et la pauvreté.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Folliot. En conclusion, le groupe Union Centriste votera ces crédits, mais il sera vigilant à leur application et veillera, madame la ministre, à ce que les perspectives essentielles que je viens d’évoquer soient prises en compte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Catherine Dumas applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marta de Cidrac. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, la communauté internationale prend conscience de la nécessité d’aider au développement des pays en difficulté. Cela commence par l’Europe, avec le plan Marshall pendant la période de la reconstruction.
Nul doute que la vision bipolaire du monde qui prévalait alors a eu une incidence sur la décision de venir en aide aux pays ravagés ou faiblement développés. La pauvreté, la misère, la faim, le manque d’accès à l’éducation condamnent les peuples à l’exil, ce que personne ne souhaite.
Depuis les années 1960, la France entretient une longue tradition d’aide publique au développement. Celle-ci n’est évidemment pas sans lien avec la décolonisation, période durant laquelle l’on s’est interrogé sur la relation à entretenir avec les pays autrefois dans l’empire français. Nous ne sommes pas les seuls à avoir mené cette réflexion.
D’autres puissances jadis coloniales ont fait le choix de l’aide au développement, notamment le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Japon ou l’Italie. Ces pays comptent aujourd’hui parmi les plus larges contributeurs mondiaux à l’aide publique au développement.
Avec 15,9 milliards d’euros engagés en 2022, la France figure au quatrième rang. Cela représente 0,56 % de notre revenu national brut, alors que la moyenne mondiale est de 0,33 %. Dans ce PLF 2024, la contribution de la France, stable, s’établit à 15,8 milliards d’euros.
Les activités de l’Agence française de développement comptent pour une large part dans le montant total de la contribution de la France. Cette contribution s’élève en 2023 à 12,6 milliards d’euros pour ce qui relève de l’aide publique au développement au sens où l’entend l’OCDE.
Ce montant substantiel tend à conférer à cette agence une nature ministérielle qui ne dit pas son nom. Les techniciens du sujet m’opposeront qu’elle agit sous l’égide de différentes instances et que tout cela est contrôlé – toutefois, la réalité du terrain autorise parfois à en douter.
Plusieurs années avant moi, à cette tribune, de nombreux collègues ont regretté certaines caractéristiques que l’on attache aujourd’hui à l’AFD : indépendance incontrôlée, critères d’attribution flous, gouvernance parfois peu lisible.
Je citerai un exemple assez concret de critères d’attribution qui doivent collectivement nous conduire à nous interroger, mes chers collègues.
Au cours de mes déplacements et échanges dans différents pays, il m’est arrivé d’observer que certains projets financés par l’AFD faisaient intervenir des entreprises étrangères, parfois même lorsque des entreprises françaises étaient en concurrence et postulaient aux projets concernés.
Les montants en jeu s’élevaient à plusieurs milliards d’euros – l’argent des Français –, dont une partie finançait indirectement des industries étrangères. En tant que parlementaire française, cela m’a interpellée.
Si l’aide au développement est indispensable, il me paraît anormal qu’aucun critère de souveraineté ne soit appliqué lorsque cela est possible. Cela n’amoindrirait en rien le fondement moral des activités de l’AFD et nos entreprises nous en seraient reconnaissantes.
Une autre source d’interrogation concerne nos outre-mer. En 2023, l’AFD a investi près de 814 millions d’euros dans les territoires ultramarins. À titre de comparaison, le montant total de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) s’élevait en 2023, pour l’ensemble du pays, à près de 570 millions d’euros. Chacun appréciera ces ordres de grandeur.
Pour conclure, l’aide publique au développement est une noble cause que la France ne doit pas cesser de soutenir. Tout, dans notre histoire, notre culture et nos racines, nous y incite. Ne nous privons toutefois pas d’une réflexion de fond et montrons-nous exigeants quant à l’efficacité des moyens déployés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur la situation internationale, celle-ci ayant été évoquée ce matin à propos de la mission « Action extérieure de l’État ». Mon intervention sur la mission « Aide publique au développement » que votre assemblée examine à présent n’est cependant pas sans lien avec celle-ci.
L’actualité internationale nous conforte en effet dans l’inflexion que nous donnons à nos efforts en matière de solidarité internationale. Nous devons, plus que jamais, nous placer dans une logique partenariale et d’influence mutuellement bénéfique, orientation qui s’inscrit dans la droite ligne de l’augmentation spectaculaire de l’aide publique au développement de la France, qui est passée de 10 milliards d’euros en 2017 à plus de 15,3 milliards d’euros en 2022.
Jamais l’APD française n’a été aussi substantielle.
Le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », qui relève de mon ministère, s’inscrit pleinement dans cette trajectoire. Il atteindra ainsi, hors dépenses de personnel, 3,265 milliards d’euros en 2024.
Avec le programme 110 « Aide économique et financière au développement » piloté par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, les crédits de la mission budgétaire « Aide publique au développement » s’établissent à 5,91 milliards d’euros contre 2,38 milliards d’euros en 2017.
Ces moyens considérablement renforcés ont permis à la France de devenir en 2022 le quatrième bailleur mondial. Ils nous obligent, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le conseil présidentiel du développement, réuni au mois de mai, et le Cicid, réuni au mois de juillet, ont été l’occasion de mener ce chantier de méthode. Nous devons en effet à nos concitoyens, mais aussi aux bénéficiaires de notre aide, d’être plus efficaces, plus réactifs, plus transparents. Nous avons à cet effet amorcé des inflexions significatives.
En premier lieu, nous avons supprimé la démarche géographique au profit d’une nouvelle approche, plus partenariale, plus souple.
Soucieux de nos engagements internationaux et des besoins aigus des pays les moins avancés, nous avons, en parallèle, pris l’engagement de diriger au moins 50 % de notre effort financier bilatéral vers ces derniers. Ces partenaires font en effet trop souvent face à l’accumulation des défis et des crises, ayant difficilement accès à l’emprunt et n’attirant pas ou peu les investisseurs.
Ce faisant, nous signalons clairement notre détermination à continuer à lutter contre la pauvreté, tout en remettant la défense de nos intérêts et de nos valeurs au cœur du dialogue autour de nos moyens.
En deuxième lieu, nous avons mis en place dix objectifs prioritaires pour orienter notre action. Ces dix objectifs recouvrent plusieurs thèmes majeurs, tels que la transition énergétique, la préservation de la biodiversité, la santé, l’éducation, les droits des femmes, les droits humains ou la lutte contre l’immigration illégale.
Je ferai le point une fois par an avec Bruno Le Maire sur la mise en œuvre de ces objectifs, car nous devons pouvoir démontrer, chiffres à l’appui, que notre engagement emporte des résultats.
En troisième lieu, nous travaillons sur les instruments qui devront nous permettre d’atteindre nos objectifs. Ainsi, les crédits du programme 209 abonderont notamment les dons-projets de l’AFD, qui doivent permettre de déployer sur le terrain des projets dans des domaines aussi variés que les infrastructures, la santé, l’éducation, l’agriculture ou l’aide au secteur privé, pour n’en citer que quelques-uns.
Les crédits du programme 209 alimenteront également le Fonds Équipe France (FEF), nouveau dispositif de mon ministère, qui doit permettre à nos ambassades d’instruire et de mettre en œuvre des projets de petite taille, dont le coût est inférieur à 2 millions d’euros et qui répondent à la fois à une logique d’impact rapide, de visibilité de notre action, mais aussi de laboratoire, ce qui permettra, en cas de succès, un passage à l’échelle supérieure.
En dernier lieu, j’estime que la visibilité des financements français, qui constitue un autre enjeu, doit être améliorée.
Nous avons donc lancé le chantier d’une signature unique « France », permettant d’identifier immédiatement les actions menées grâce aux financements français. Notre objectif est de mieux valoriser notre action tant auprès de nos concitoyens que des bénéficiaires.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le programme 209 est le fer de lance de l’approche rénovée que nous mettons en œuvre pour notre politique de développement.
Pour être, comme le demande la loi de programmation du 4 août 2021, un pilier de notre politique étrangère, notre politique de développement doit servir notre approche en matière d’influence, sans naïveté et avec une exigence de résultats.
En ce qui concerne les enjeux globaux, que le Président de la République nous a clairement assignés comme prioritaires, la France continuera à contribuer à la définition et à la mise en œuvre des réponses internationales à leur apporter.
J’évoquerai d’abord le climat et l’environnement. La France s’est résolument engagée dans la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat. Depuis 2021 et jusqu’en 2025, elle s’est notamment engagée à investir 6 milliards d’euros par an au titre de l’action climatique au bénéfice des pays en développement.
Pour faire face à la triple crise environnementale – relative à la fois au climat, à la biodiversité et à la pollution – et aux besoins de développement, la France a organisé, en juin dernier, le sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial, lequel a arrêté une feuille de route qui a déjà été adoptée à ce jour par quarante-deux pays.
La santé reste quant à elle le premier poste de l’APD française. L’APD bilatérale allouée à ce secteur s’est élevée à 761 millions d’euros en 2022, tandis qu’au plan multilatéral nous engagerons plus de 2 milliards d’euros sur la période 2023-2025 au bénéfice de grandes initiatives mondiales.
L’éducation représente près de 10 % de notre APD, ce qui place la France au rang – qu’elle entend conserver – de troisième bailleur mondial pour ce secteur. Nos interventions soutiennent l’ensemble du continuum éducation-enseignement supérieur-formation.
Je dirai enfin quelques mots sur l’aide humanitaire, dont le montant avoisinera en 2024 les 900 millions d’euros. Ce montant comprend les 270 millions d’euros consacrés à la provision pour crise majeure, qui est maintenue à son niveau de 2023, ce qui nous paraît particulièrement nécessaire compte tenu de la situation internationale, sans même penser seulement au Proche-Orient.
Cette aide humanitaire permet de mettre en œuvre rapidement les engagements politiques non anticipés. Elle a largement prouvé son utilité et nous a permis de retrouver, puis de tenir notre rôle d’acteur de premier plan sur la scène internationale.
Comme vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, le programme 209 voit ses moyens consolidés au bénéfice d’une stratégie profondément rénovée et volontariste. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour la mission « Aide publique au développement » et le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à une heure quarante-cinq. Nous devrions donc en terminer l’examen avant dix-huit heures, afin de passer à l’examen de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
aide publique au développement
Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Aide publique au développement |
6 292 614 198 |
5 928 922 015 |
Aide économique et financière au développement |
2 727 128 248 |
2 337 910 235 |
Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement |
150 000 000 |
150 000 000 |
Solidarité à l’égard des pays en développement |
3 409 385 144 |
3 434 910 974 |
Dont titre 2 |
169 447 597 |
169 447 597 |
Restitution des “biens mal acquis” |
6 100 806 |
6 100 806 |
Mme la présidente. L’amendement n° II-161, présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek, n’est pas soutenu.
L’amendement n° II-32, présenté par MM. Canévet et Daubet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Aide économique et financière au développement |
|
|
|
|
Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement |
|
|
|
|
Solidarité à l’égard des pays en développement dont titre 2 |
|
|
|
200 000 000 |
Restitution des « biens mal acquis » |
|
|
|
|
TOTAL |
|
|
|
200 000 000 |
SOLDE |
-200 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Canévet, rapporteur spécial. Comme cela a été indiqué, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de réduire les crédits de la présente mission de 200 millions d’euros, et ce pour plusieurs raisons.
Nous sommes tout d’abord partisans de l’orthodoxie budgétaire, qui suppose d’inscrire dans la loi ce que nous sommes capables de dépenser.
L’an passé, nous avions déjà proposé un amendement visant à réduire les crédits de 300 millions d’euros. Or qu’avons-nous constaté lors de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion ? Que quelque 290 millions d’euros de crédits alloués à l’aide publique au développement y étaient annulés. Autrement dit, la commission des finances avait raison l’année dernière.
Je rappelle ensuite que l’aide publique au développement que la France mène directement n’est pas la seule à laquelle nous participons. Nous participons également à l’abondement de fonds multilatéraux à raison de montants tout à fait significatifs cette année. Et l’Union européenne dispose quant à elle d’un nouvel outil d’intervention : le Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument (NDICI).
La France n’est donc pas toute seule pour faire face à la misère du monde. Elle n’a pas vocation à intervenir sur l’ensemble de la planète, mais doit participer à la mesure de ses moyens.
Je souhaite enfin attirer votre attention sur la situation financière de notre pays, mes chers collègues. Nous devons faire des économies et cesser de dépenser au-delà de nos ressources, car ce n’est tout simplement pas possible.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Colonna, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, dont l’adoption déstructurerait totalement le programme 209.
Il est du reste impossible de diminuer le montant des crédits de paiement alloués à l’AFD, dans la mesure où plus de 90 % de ces derniers visent à financer des projets engagés au titre d’exercices antérieurs.
En ce qui concerne la provision pour crise majeure, dont le montant est stabilisé à 270 millions d’euros, je répète que cet instrument a prouvé son efficacité, que ce soit dans le cadre du conflit en Ukraine, en Arménie, au Soudan ou en ce moment dans la bande de Gaza. En la matière, les besoins pour 2024 ne me paraissent pas inférieurs – tant s’en faut – à ceux pour 2023.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cela ne vous a pas empêchée d’annuler 300 millions d’euros en 2023 !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour explication de vote.
Mme Nicole Duranton. Le présent amendement vise à minorer uniquement des crédits de paiement. Or les crédits de paiement prévus pour 2024 permettront de financer des projets dont les contrats ont été signés il y a plusieurs années. Ces financements sont en quelque sorte dus.
Si vous vouliez réellement baisser le coût de l’aide publique au développement pour nos finances publiques, monsieur le rapporteur spécial, il aurait fallu proposer une minoration des autorisations d’engagement de la mission. Cela aurait cependant eu une incidence directe sur la capacité de l’Agence française de développement à conclure de nouveaux contrats et, partant, à financer de nouveaux projets.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire précédemment, minorer les crédits de la présente mission serait par ailleurs tout à fait contre-productif pour des raisons tenant à nos engagements internationaux et à la sécurité mondiale.
Le groupe RDPI votera donc contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Le groupe CRCE-K votera également contre cet amendement. Nous estimons en effet pour notre part que seule une politique solidaire et de dialogue permettra d’améliorer nos relations internationales.
Monsieur le rapporteur spécial, mes collègues de la commission des finances Éric Bocquet et Pascal Savoldelli pourront du reste vous soumettre des propositions de recettes nouvelles, notamment grâce au renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale, qui permettraient de combler ce trou dont on nous parle tout le temps ! (M. Roger Karoutchi s’en amuse.)
M. Thierry Cozic. Bravo !
M. Fabien Gay. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Monsieur le rapporteur spécial, en pleine COP28, quand l’un des grands sujets de discussion est la solidarité des pays du Nord au travers des fonds pour le climat, l’adaptation ou les pertes et dommages, au moment où l’accord mondial sur le climat dépend justement de notre capacité à tenir nos promesses, alors que l’organisation d’un Sud « global » qui remet en cause l’universalisme, les libertés et l’État de droit nous préoccupe, au moment où, dans de nombreux pays, des manifestations font malheureusement de la France le bouc émissaire d’une mondialisation qui a échoué, vous décrétez soudainement que l’orthodoxie budgétaire consiste à faire des économies sur le dos des plus pauvres. C’est totalement déconnecté de la réalité !
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je ne vais pas répéter ce que mon excellent collègue Yannick Jadot vient d’indiquer, mais il est vrai que cet amendement paraît complètement incongru, décalé, incompréhensible par rapport à la situation du monde et aux nécessités d’aujourd’hui.
J’ajoute qu’il n’y a pas si longtemps, nous avons voté, dans la loi de programmation de 2021, une trajectoire financière nous fixant comme objectif de consacrer 0,7 % du RNB à l’aide au développement en 2025. Non seulement cette trajectoire ne sera pas tenue – nous y reviendrons dans la suite du débat –, mais nous reculerions encore plus en adoptant cet amendement, ce qui est en total décalage avec les besoins.
Le groupe GEST s’opposera donc évidemment à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. On ne peut pas accepter le procès d’intention qui est fait à Michel Canévet et aux membres de la commission des finances.
Alors que nous devrions nous efforcer de rétablir l’équilibre des comptes publics, notre irresponsabilité collective nous conduit à charger la barque pour les générations futures ! (M. Yannick Jadot s’exclame.) L’on peut certes estimer que ce n’est pas par là qu’il faut commencer, mais il faudra bien commencer un jour.
Par cet amendement, j’estime que la question du contrôle, en particulier parlementaire, des fonds versés au titre de l’aide au développement est également posée. Si l’exécutif assume la responsabilité de ses actions, il est du devoir du Parlement de contrôler le bon usage de l’argent public.
Cet amendement est à ce titre un amendement d’appel visant à nous rappeler la nécessité du contrôle, l’importance d’éviter les stratégies de saupoudrage et de faire en sorte que l’argent puisse aller là où les besoins sont les plus grands. Il nous faudra bien répondre à chacun de ces impératifs.