Mme la présidente. Veuillez conclure !
M. Franck Montaugé. L’amélioration du « pouvoir de vivre » des plus modestes de nos concitoyens devra aussi être conjuguée avec l’action climatique d’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Déclinaison territoriale de la planification écologique : Quel rôle et quels moyens pour les collectivités locales ? Quel accompagnement du citoyen ? »
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Situation des finances publiques locales
Débat sur un rapport du Gouvernement
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des finances, sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l’article 52 de la loi organique relative aux lois de finances.
La parole est à M. Jean-François Husson, au nom de la commission qui a demandé ce débat.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous puissions avoir aujourd’hui, pour la deuxième fois, un débat sur la situation des finances publiques locales, en amont de l’examen du projet de loi de finances. Il s’agit d’une des avancées importantes permises par la réforme de loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), et nous y sommes particulièrement attachés.
Je souhaite tout d’abord que ces échanges nous permettent d’aboutir à un diagnostic commun sur la situation financière des collectivités territoriales. Il faut par ailleurs que nous proposions collectivement des solutions aux difficultés que rencontrent actuellement un certain nombre d’élus.
Tout cela ne sera possible qu’à la condition de dépasser certaines postures stériles, comme celle qui consiste, trop souvent, à présenter nos collectivités territoriales comme dispendieuses ou irresponsables.
La réalité, c’est que le solde budgétaire des collectivités est chaque année peu ou prou à l’équilibre. Leur dette – vous le savez, monsieur le ministre – ne représente que 8 % de la dette publique. En 2023, leur déficit ne dépassera pas 0,3 % du PIB, quand celui de l’État est 17 fois supérieur, représentant 5,3 % du PIB. Les collectivités territoriales, elles, n’empruntent que pour financer des dépenses d’investissement.
Bien gérées dans leur immense majorité, elles ne sont donc absolument pas responsables de la situation très dégradée de nos finances publiques.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Malgré ces constats, le Gouvernement fait le choix de demander aux collectivités territoriales un effort très important de baisse de leurs dépenses de fonctionnement, de 0,5 % par an en volume, dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Je crois pouvoir le dire, notre assemblée est un peu lassée des méthodes d’un État qui demande des efforts aux collectivités, tout en continuant à aggraver son propre déficit, et qui revendique de baisser les impôts, en supprimant en réalité les impôts des autres !
À cet égard, sur le projet de loi de programmation des finances publiques, je ne peux que me réjouir que le Sénat ait eu gain de cause et obtenu l’abandon des pactes dits « de confiance », que le Gouvernement entendait instituer à la suite des contrats de Cahors, de sinistre mémoire.
Comme je l’indiquais, les collectivités territoriales ont démontré par le passé le sérieux de leur gestion. Elles continueront de le faire, et ce pour une raison simple : elles sont responsables devant leurs électeurs de l’efficience et de la qualité des services publics locaux. Elles n’ont donc pas besoin de ces usines à gaz technocratiques et attentatoires au principe de libre administration.
Monsieur le ministre, j’espère également que vous ne nous dresserez pas une fois de plus le tableau d’une situation dite « globalement favorable » des collectivités tout en nous assurant que le Gouvernement serait le seul soucieux de venir en aide à celles qui pourraient se trouver dans le besoin.
Ce discours convenu ne reflète aucunement la réalité.
J’en veux pour preuve le soutien bien maigre apporté à la quinzaine de départements qui se trouvent actuellement dans une situation financière très difficile, et même – disons-le – dans une impasse, alors que les recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) se sont effondrées en 2023 de plus de 20 %.
Je proposerai, au nom de la commission des finances, l’institution d’une dotation exceptionnelle de 100 millions d’euros pour leur venir en aide. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Surtout, ce qui me choque, c’est l’absence de réponse structurelle de la part du Gouvernement. Il est clair qu’avec la perte de la taxe foncière, le mode de financement actuel des départements, qui ne repose plus que sur des dotations et les droits de mutation, n’est plus viable. Nous attendons donc du Gouvernement qu’il se saisisse véritablement de la question.
Le Sénat, de son côté, a fait des propositions dans le cadre du groupe de travail sur la décentralisation présidé par Gérard Larcher.
Le discours sur la situation « globalement favorable » des collectivités, fondé sur la prise en compte du taux moyen d’épargne brute, ne reflète pas la situation vécue par les élus.
Les collectivités territoriales ne se résument pas, je vous le dis, à des lignes sur des tableurs ! En assumant la plus grande part de l’investissement public, en assurant les services publics locaux, elles ont la mission d’apporter des solutions concrètes aux grands défis contemporains, au premier rang desquels figurent la transition écologique et la cohésion sociale et territoriale.
Ces grands défis auxquels nous sommes collectivement confrontés se dressent devant les collectivités comme de véritables « murs » d’investissements. Pour ne prendre qu’un exemple, dans un récent rapport d’information fait au nom de la commission des finances, nos collègues Stéphane Sautarel et Hervé Maurey évaluaient à 110 milliards d’euros, sur la période 2024-2030, l’effort budgétaire global qu’il faudrait mobiliser en faveur des transports du quotidien pour respecter nos engagements internationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Sur cette question, et suivant l’une des recommandations du rapport, la commission des finances proposera, dans le cadre du projet de loi de finances, la création d’un levier de financement pérenne et puissant en faveur des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), avec l’attribution d’une fraction du produit de la mise aux enchères de quotas carbone.
Toujours dans le domaine des transports, nous proposerons aussi l’affectation aux départements et au bloc communal de deux fractions de 50 millions d’euros chacune du produit de la taxe sur les autoroutes que le Gouvernement propose d’instituer. Cette nouvelle ressource pourrait leur permettre de financer l’indispensable remise en état de notre réseau routier, pour laquelle – je tiens à le souligner, monsieur le ministre – les moyens ont cruellement fait défaut ces dernières années.
En conclusion, je souhaite aborder l’architecture globale du système de financement des collectivités territoriales, qui est devenue aussi illisible qu’inefficace.
Le chantier prioritaire, comme l’a récemment rappelé le groupe de travail sur la décentralisation, est celui de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Monsieur le ministre, quand allez-vous vous mettre à la tâche ?
M. Bruno Belin. Il serait temps !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J’invite le Gouvernement à remettre sur le métier le travail de refonte de la DGF, pour bâtir un système plus lisible, plus simple et plus juste. Soyez assuré que vous trouverez le Sénat à vos côtés pour mener à bien cette entreprise, que l’ensemble des élus locaux appellent de leurs vœux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marie Mizzon applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que le Congrès des maires bat son plein et que nous allons commencer l’examen du projet de loi de finances pour 2024, je suis heureux de pouvoir débattre avec vous des finances locales.
C’est d’abord pour moi l’occasion de saluer le travail des élus locaux, qui s’engagent au quotidien au service des Français. Le premier message que je veux leur communiquer, c’est qu’ils peuvent compter sur le Gouvernement pour que nous travaillions ensemble au service de l’intérêt général. J’aurai l’occasion de le leur redire dès demain, à l’occasion du Congrès des maires.
J’aimerais partager avec vous quelques faits sur la situation financière des collectivités locales, afin que nous puissions nous accorder sur un constat commun, monsieur le rapporteur général.
La Cour des comptes l’a écrit : à la fin de 2022, la situation financière des collectivités était globalement satisfaisante ; leur épargne brute s’élevait à 43 milliards d’euros, soit 9 milliards d’euros de plus qu’en 2017. Leur endettement est faible et leurs capacités de remboursement s’améliorent. Et le nombre de communes en difficulté a baissé de 23 % entre 2019 et 2022.
M. Olivier Paccaud. Tout va très bien, madame la marquise !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Pourtant, je dois le dire, je suis souvent surpris de l’écart entre cette situation, objective, et les propos très alarmistes et sans nuance que j’entends parfois sur les finances locales.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pas ici !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je suis bien conscient de l’hétérogénéité des situations des collectivités, et je n’ignore pas que, pour certains élus, les budgets sont difficiles à boucler.
Nous devons mieux rendre compte de ces disparités. Je souhaite donc que le rapport sur les finances locales s’enrichisse d’une analyse de la diversité des situations. Cela nous aidera à construire des constats partagés et à sortir de l’idée que les chiffres sont en trompe-l’œil et ne reflètent pas la réalité.
Au-delà de l’établissement de rapports, l’État et les collectivités doivent avoir des lieux pour échanger et bâtir des constats partagés. Ce sera tout le sens de l’action du Haut Conseil des finances publiques locales (HCFPL), que Bruno Le Maire, Dominique Faure et moi-même avons installé, avec l’ensemble des associations d’élus.
Nous ne pouvons pas laisser prospérer l’idée selon laquelle les communes seraient soumises à un « étranglement financier » de la part de l’État. La bonne santé financière en 2022 est d’abord le fruit de la gestion responsable des élus locaux ; vous l’avez dit, monsieur le rapporteur général. C’est aussi la conséquence d’une politique, constante depuis 2017, visant à soutenir les collectivités territoriales.
Nous avons ainsi compensé à l’euro près les réformes de la fiscalité locale, qui ont conduit à confier des ressources dynamiques aux collectivités. La Cour des comptes le dit, la compensation de la suppression de la taxe d’habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a permis aux collectivités de percevoir près de 6 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
Le Parlement a également décidé en 2016 d’indexer automatiquement les bases locatives sur l’inflation, pour garantir aux élus une progression de leurs recettes. Cela contribue aujourd’hui au dynamisme des recettes des collectivités.
J’en viens à la DGF : après cinq années de baisse sous le quinquennat précédent, nous l’avons stabilisée dès 2017, puis augmentée en 2023.
M. Bruno Belin. C’est l’effet démographique mécanique !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Ce n’était pas arrivé depuis treize ans !
Nous n’avons jamais laissé les collectivités en difficulté seules face aux crises. Pendant la crise sanitaire, 10 milliards d’euros de soutien ont été accordés aux collectivités.
M. Olivier Paccaud. Et l’inflation ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Depuis 2022, l’État a protégé les collectivités de la hausse des prix de l’énergie, via la baisse de la fiscalité sur l’électricité, le bouclier tarifaire et l’amortisseur. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous avons aussi mis en place en 2022 et 2023 le filet de sécurité inflation, qui va in fine apporter une aide de 413 millions d’euros à 2 426 collectivités.
M. André Reichardt. On est loin des 25 000 !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’épargne brute du bloc communal à la fin du mois d’octobre continue de progresser par rapport à la même période en 2022. La situation est en revanche moins bonne pour les départements, qui sont significativement affectés par la baisse des droits de mutation à titre onéreux.
Heureusement, sur les dernières années, ces mêmes DMTO avaient très fortement augmenté : ils ont doublé en dix ans, et progressé de 25 % entre 2019 et 2022. Grâce à cela, le fonds de roulement des départements était de 6,8 milliards d’euros en 2022 et leurs réserves de DMTO de près de 1 milliard d’euros.
La Première ministre a par ailleurs annoncé, à l’occasion des Assises nationales des départements de France, un soutien de 230 millions d’euros pour ceux qui sont en situation de plus grande fragilité. L’État est, et reste en soutien des collectivités locales.
Pour l’avenir, notre trajectoire de finances publiques trace un chemin qui est celui de la baisse progressive du déficit public. L’objectif est de retrouver collectivement un déficit inférieur à 3 % du produit intérieur brut d’ici à 2027, comme nous avions réussi à le faire avant la crise du covid-19.
Je le dis simplement, les collectivités devront contribuer à cet effort collectif (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)…
Un sénateur du groupe Les Républicains. Et allez ! Ils vont être contents, les maires !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … partagé avec l’État, ses opérateurs et la sécurité sociale. C’est légitime, dans la mesure où l’État a massivement protégé depuis 2020 et s’est endetté à cette fin, au bénéfice de tous : salariés, entreprises, associations, collectivités territoriales.
L’effort qui est demandé aux collectivités ne nécessite ni de couper dans les dépenses ni, comme je l’ai entendu dire par le précédent orateur, de les baisser, mais il suppose de modérer la progression des dépenses de fonctionnement.
C’est pourquoi nous devons inventer une méthode nouvelle ; j’y suis personnellement attaché. Nous pouvons identifier ensemble les économies à réaliser, qui bénéficieront à tous, État et collectivités.
Cette méthode doit évidemment associer les collectivités territoriales, ainsi que votre assemblée. Qui mieux que le Sénat pour identifier les leviers de simplification et d’économies ? Qui mieux que le Sénat pour reprendre la réflexion sur les dotations de l’État et, plus largement, sur le financement des collectivités, pour qu’elles disposent de ressources adaptées à leurs besoins tout en ayant une trajectoire de dépenses compatible avec, je le dis, l’indispensable redressement de nos finances publiques ?
Nous le savons tous, nous avons collectivement des marges de progression. Je pense au premier plan à la complexité de nos organisations, qui nous coûte cher et complique la vie des élus locaux. Je tiens ici à saluer le travail de la présidente de la délégation aux collectivités locales et à la décentralisation, Françoise Gatel.
Pour 2024, nous avons l’ambition de franchir une première étape de réduction du déficit et de maîtrise des dépenses.
Le projet de loi de finances reste, pour autant, très favorable aux collectivités. Tel qu’il a été enrichi par l’Assemblée nationale, il nous permettra de continuer à soutenir les collectivités et de les aider à réaliser les investissements nécessaires pour l’avenir. Ainsi, le fonds vert est pérennisé à hauteur de 2,5 milliards d’euros. Et le plan France Ruralités prévoit le recrutement de chefs de projets ingénierie dans les territoires ruraux.
Nous aurons aussi l’occasion de discuter dans les prochains jours de l’évolution des zones de revitalisation rurale (ZRR), à la lumière des travaux des sénateurs Bernard Delcros, Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau.
Je suis pour ma part favorable à une extension du zonage pour couvrir davantage de communes que ce qui est aujourd’hui inscrit dans le texte initial et, par ailleurs, pour rendre les reprises d’entreprises éligibles aux exonérations.
Entre la DGF, la dotation biodiversité et le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), les concours financiers aux collectivités augmenteront de plus d’un milliard d’euros.
Je suis convaincu que les communes nouvelles doivent être encouragées. Il nous faut aller plus loin que le texte de l’Assemblée nationale. Je souhaite qu’aucune des communes engagées dans ces projets ne perde de DGF.
J’aimerais m’arrêter un instant sur la décorrélation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et de la taxe foncière. Cette mesure issue de l’Assemblée nationale va dans le sens des nouvelles relations que nous souhaitons bâtir ensemble. Elle était attendue par de nombreux élus.
Nous avons de nombreux chantiers à ouvrir pour l’avenir : sur la dotation globale de fonctionnement ; sur la visibilité que nous devons aux collectivités ; sur leurs modalités de financement. Autant de sujets que je sais chers au président Raynal !
En conclusion, je voudrais insister sur un point. Nous ne gagnons jamais à opposer l’État et les collectivités territoriales. Que ce soit pour redresser les finances publiques ou réussir la transition écologique, une seule méthode fonctionne : le dialogue !
Vous pouvez compter sur ma volonté de faire progresser le débat et de trouver des solutions, au service de nos collectivités et des Français.
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente, et aura la faculté de répondre à la réplique pendant une minute ; l’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le ministre, voilà plusieurs années que les finances des collectivités sont sous pression. Il y a quelques années, la DGF avait baissé durant cinq exercices consécutifs ; elle a ensuite été stabilisée, voire très légèrement augmentée, mais insuffisamment dans le contexte inflationniste.
Ce contexte est particulièrement violent pour les collectivités. En effet, elles ne disposent plus de marge de manœuvre pour absorber la hausse des coûts, notamment ceux de l’énergie.
Le « filet de sécurité » voté par le Sénat dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2022 a permis de pallier l’urgence, ce qui était indispensable. Toutefois, les critères d’éligibilité retenus étaient trop complexes pour que le dispositif soit véritablement efficace. Beaucoup d’élus, faisant face au choc inflationniste, ont cru pouvoir en bénéficier, grâce au versement d’acomptes. Ils s’aperçoivent aujourd’hui que ce n’était pas le cas.
Il faut comprendre ces élus locaux. Comment pouvaient-ils s’imaginer que l’État leur verserait un acompte sur une somme à laquelle ils n’avaient pas droit ?
Pour certaines collectivités – j’en citerai quelques-unes, nordistes, chères à mon cœur : Crochte, Ghyvelde, Cappelle-Brouck, Wemaers-Cappel, Saint-Pierre-Brouck, Zuydcoote, Watten… –, la situation demeure alarmante. Les élus que nous rencontrons nous parlent de perte de confiance.
Monsieur le ministre, qu’entend faire le Gouvernement pour rétablir cette précieuse relation avec les élus locaux ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir souligné que nous avions augmenté à deux reprises la dotation globale de fonctionnement, alors que nous sortions d’une période de treize années durant laquelle nos collectivités territoriales n’avaient pas bénéficié d’un quelconque effort. Cela va dans le sens de ce que vous souhaitez : construire une relation de confiance entre l’État et les collectivités.
Je le sais, certains élus voudraient obtenir beaucoup plus. Mais nous devons aussi veiller à l’état de nos finances publiques. C’est un équilibre permanent qu’il convient d’établir.
Le filet de sécurité 2022 reposait sur des critères ayant fait l’objet d’une large discussion transpartisane, des critères connus des élus et de l’administration fiscale dans les territoires. Nous avions envisagé un nombre plus élevé de communes bénéficiaires. Cela explique le nombre important de celles ayant reçu des acomptes.
Nous récupérons aujourd’hui ces acomptes tout simplement parce que la situation financière des collectivités qui ont les reçus est meilleure que celle qui avait été anticipée. Les prix de l’énergie, notamment, ont baissé…
J’ai donné aux directions départementales des finances publiques (DDFiP) la consigne, très claire, d’accompagner localement et de façon individualisée chacune des collectivités, en vue de lisser la reprise de l’acompte. Je rappelle à cet égard que 60 % des acomptes sont d’un montant inférieur à 5 000 euros.
Je m’étais opposé à l’annulation de la reprise des acomptes, dans la mesure où celle-ci aurait entraîné une rupture d’égalité entre les communes ayant demandé un acompte et celles qui ne l’ont pas fait. Pour autant, le sens de la consigne que nous avons transmise au réseau départemental des finances publiques est de se tenir au plus près des élus, pour les accompagner.
Mme Céline Brulin. Ce n’est pas ce qui se passe sur le terrain !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour la réplique.
Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le ministre, une de nos collègues vient de dire que cela ne se passait pas sur le terrain comme vous le décrivez. C’est en effet le retour que nous avons : certaines communes nous confirment que les choses ne sont pas aussi simples que ce que vous dites ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous avez indiqué, le mandat municipal en cours est particulièrement rude pour les élus du point de vue financier. Depuis le début de ce mandat, ces derniers ont dû faire face aux conséquences de la crise sanitaire, à une inflation galopante et aux revalorisations à deux reprises du point d’indice. Face à cette situation préoccupante, la réponse de l’État n’a pas été à la hauteur.
Les conséquences de la crise du covid-19 ont été très insuffisamment compensées, et l’inflation comme les augmentations du point d’indice ne l’ont été que très marginalement. En effet, le filet de sécurité a été, comme nous l’avions prévu, insuffisant, donc décevant, puisqu’il concernera au final moins de 2 500 communes. Pire encore, 80 % des communes qui ont touché un acompte doivent désormais le rembourser.
L’augmentation à hauteur de 2 % des dotations de l’État en 2023 et celle de 1,6 % en 2024 sont loin de couvrir l’évolution des charges des communes. En effet, les dépenses de fonctionnement de celles-ci ont augmenté de 5,6 % en 2022, et tout autant, vraisemblablement, en 2023.
Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il faudrait enfin, dans ce contexte, prendre des mesures pour aider réellement les communes à faire face aux défis auxquels elles sont confrontées ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Voilà une analyse lucide !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, pour ma part, je lis les rapports de la Cour des comptes. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. On vous parle de la réalité !
M. Olivier Paccaud. Allez sur le terrain !
Mme la présidente. S’il vous plaît, mes chers collègues.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je vous le dis avec gravité : on ne peut pas dire qu’il y a, d’un côté, la réalité, et, de l’autre, les rapports de la Cour des comptes… Ce n’est pas possible !
M. Olivier Paccaud. Si !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je vous invite à consulter les publications mensuelles de la direction générale des finances publiques relatives à la situation financière du bloc local. Qu’observe-t-on ? La situation financière de novembre 2023 est meilleure que celle de novembre 2022.
Par ailleurs, le bloc local, que l’on a aidé, est celui qui résiste le mieux (M. Jean-Raymond Hugonet s’exclame.), même s’il convient de se pencher sur les difficultés des départements.
J’y insiste, 10 milliards d’euros ont été accordés au bloc local durant la crise du covid-19 ! Vous jugez que le filet de sécurité a été insuffisant. Or on a dépensé quasiment le même montant, mais au bénéfice d’un plus grand nombre de communes.
Si des communes n’ont pas droit à ces aides, c’est tout simplement parce que leur situation financière a été moins impactée que prévu !
Nous sommes prêts à travailler sur l’idée, lancée sur l’initiative du rapporteur général de la commission des finances, d’une refonte de la DGF, qui est devenue illisible – sur ce point, je suis d’accord avec vous –, et sur les mécanismes de financement.
De grâce, mettons-nous d’accord sur un diagnostic conjoint ! Le constat dont je vous fais part est dressé non par le Gouvernement, mais par la Cour des comptes. Je vous renvoie donc aux publications de cette dernière.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, j’avais été stupéfait par votre propos liminaire tant il était déconnecté de la réalité. Je ne suis pas déçu non plus par votre réponse à ma question !
Vous nous dites : « Lisez les rapports de la Cour des comptes ! » Je vous réponds : « Venez avec nous sur le terrain ! » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Participez à des assemblées générales de maires ! Accompagnez-moi un vendredi dans les mairies du département de l’Eure, là où, chaque semaine, je rencontre les maires ! » Je crois qu’alors votre vision des choses changera. (M. le ministre délégué manifeste son agacement.)
Puisque vous aimez vous référer à des organismes, je vous préciserai que, selon le Comité des finances locales (CFL), il manquerait un milliard d’euros aux communes en 2024. Voilà la réalité ! Il faut en être conscient !
Il convient aussi d’appliquer un principe auquel le Sénat est très attaché : qui décide paie ! Cessez de prendre des mesures que les communes doivent financer ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)