M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. Philippe Grosvalet. « C’est une grande joie, c’est un nouveau départ ! » J’aurais pu commencer ainsi ma première prise de parole dans cet hémicycle, mais ce n’est pas moi qui parle. C’est Véronique, 50 ans, qui vient de signer son contrat à durée indéterminée grâce au projet « territoires zéro chômeur de longue durée » au sein de l’entreprise à but d’emploi de Pontchâteau, en Loire-Atlantique. (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE, SER et GEST.)
Comme Véronique, plus de 3 600 personnes éloignées durablement de l’emploi ont pu retrouver toute leur place dans la société, mais surtout leur fierté et leur dignité.
Cette expérimentation repose sur trois principes fondamentaux que le président du fonds national d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, Louis Gallois, rappelle inlassablement : personne n’est inemployable ; ce n’est pas le travail qui manque ; ce n’est pas l’argent qui manque.
Lancée en 2016 sur dix sites, l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » est une véritable réussite. Depuis la loi du 14 décembre 2020 ont été habilités 48 nouveaux territoires, et 98 autres se sont porté candidats. L’Italie et la Belgique s’en sont inspirées, et le Comité européen des régions souhaite l’essaimer dans les pays de l’Union européenne.
Or cette expérience est mise à mal par des choix budgétaires incompréhensibles. En effet, depuis le 1er octobre, la contribution au développement de l’emploi (CDE) est passée de 102 % du Smic à 95 %.
De plus, le budget prévu en 2024 pour cette expérimentation est largement insuffisant, malgré une augmentation apparente. Il manque 20 millions d’euros pour couvrir la baisse de la contribution au développement de l’emploi et accompagner les projets déjà engagés.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, quelles sont les mesures envisagées pour permettre le bon développement de ce projet exemplaire et pour faire en sorte que les 3 600 salariés de cette nouvelle entreprise ne soient pas condamnés à revenir à la case départ ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP et SER, ainsi que sur quelques travées des groupes GEST et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur le sénateur Grosvalet, je sais l’engagement qui est, et qui fut le vôtre comme élu local pour la promotion de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » et le développement des entreprises à but d’emploi.
Vous l’avez dit, nous sommes en l’espèce dans le cadre d’une expérimentation, qui s’appuie sur deux lois : une première avait autorisé la création de dix territoires, une seconde a étendu l’expérimentation, permettant qu’elle se déploie désormais dans soixante territoires. À l’heure où je vous parle, cinquante-huit territoires ont été agréés et j’ai systématiquement agréé, comme ma prédécesseure, les territoires proposés par le fonds national d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, présidé par M. Louis Gallois.
Actuellement, 2 200 équivalents temps plein sont financés pour un budget de l’État de 44 millions d’euros en 2023 ; cela représente un engagement de l’État à hauteur de 20 000 euros par emploi. Nous devons nous donner le temps de l’évaluation – c’est le sens d’annonces récentes – et travailler sur des perspectives plus tenables et plus régulées.
Je m’explique en un mot : le budget de l’État n’est malheureusement pas élastique.
Mme Audrey Linkenheld. Cela dépend pour qui !
M. Rachid Temal. Il y a 20 millions d’euros à trouver…
M. Olivier Dussopt, ministre. Nous avons besoin de moyens pour financer ces aides à l’emploi, mais aussi pour connaître la trajectoire de ces emplois, c’est-à-dire faire en sorte de prévoir, et donc de budgéter. Le financement de l’État, je l’ai dit, s’élève à 20 000 euros par an et par emploi,…
M. Rachid Temal. Ce n’est pas sérieux !
M. Olivier Dussopt, ministre. … auxquels s’ajoutent les financements des conseils départementaux, qui sont tenus de financer…
Une voix sur les travées du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. « Salauds de pauvres ! »
M. Olivier Dussopt, ministre. Je viens d’entendre dire les mots « salauds de pauvres ! » Il est honteux de parler ainsi s’agissant d’une expérience qui permet d’accompagner des gens éloignés de l’emploi. Vous devriez avoir honte d’utiliser ces termes-là ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
Il ne suffit pas de siéger sur les travées de la gauche pour en avoir les valeurs : vous en êtes la démonstration. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est le comble…
M. Olivier Dussopt, ministre. Pour ce qui concerne la question de M. Grosvalet, nous sommes prêts à travailler à un meilleur pilotage afin d’aller au-delà des soixante expérimentations. Quant au budget pour 2024, il prévoit une augmentation des moyens alloués aux territoires zéro chômeur de longue durée, qui passent de 44 millions à 69 millions d’euros. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
glyphosate
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Michaël Weber. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les risques sanitaires liés à l’utilisation du glyphosate, mis en évidence dans plusieurs études scientifiques indépendantes, ont conduit l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à qualifier cette substance de « cancérogène probable » dès 2015.
Dans son avis très controversé, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) cherche maladroitement à en relativiser les risques. À la suite de la publication de cet avis, la Commission européenne a proposé aux États membres de renouveler son autorisation pour une durée de dix ans, alors même que les dangers du glyphosate ne sont plus à démontrer. D’ailleurs, nos concitoyens ne s’y sont pas trompés : deux tiers des Français rejettent son utilisation.
En 2017, la France a voté pour la première fois contre la réautorisation de cet herbicide dans l’Union européenne pour une durée de cinq ans. La voix de la France n’a cependant pas suffi pour obtenir l’interdiction européenne. Le Président de la République s’était à l’époque engagé à sortir la France du glyphosate « au plus tard dans trois ans », engagement qu’il a lui-même enterré dès le fameux grand débat national.
En 2019, les autorités publiques ont mis en place un plan d’action de sortie du glyphosate ; l’efficacité de ce plan s’est révélée malheureusement très relative.
Voilà quelques jours, la France, par manque de courage, décide de s’abstenir lors du vote de la proposition de la Commission européenne sur le renouvellement de la licence d’utilisation du glyphosate pour dix ans dans l’Union ; il n’a manqué que deux voix pour obtenir son interdiction…
Dans quelques jours, un nouveau scrutin devra définir la position européenne. Nous savons qu’en l’absence de majorité la Commission prendra la main sur la décision. Nous devinons, le cas échéant, quelle sera l’issue.
Monsieur le ministre de l’agriculture, c’est une question de santé publique ! Quand comptez-vous prendre vos responsabilités et sortir du double discours ? En définitive, quelle est la position de la France ? Depuis 2015, quels moyens avez-vous mis en œuvre pour accompagner le monde agricole dans la recherche de moyens de substitution ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST – M. Ludovic Haye applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Weber, je vous remercie de votre question, qui me permet de faire le point sur ce sujet du glyphosate, parfois un peu polémique et traité de façon caricaturale. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Rachid Temal. Ce n’est pas sérieux !
M. Marc Fesneau, ministre. Oui, ce sujet est polémique et caricaturé, je tiens à le redire !
Je vais vous dire quelle est la position de la France sur les produits phytosanitaires : elle est d’essayer de tenir une trajectoire de réduction de leur utilisation – une trajectoire que nous avons amorcée pour la première fois au cours du quinquennat précédent.
Pour ce qui est en particulier du glyphosate, je rappelle que depuis 2017 nous avons réduit les usages de près de 27 %, ce qu’aucun gouvernement n’avait été capable de faire avant nous, y compris ceux que vous soutenez, monsieur le sénateur, et y compris ceux, de par le monde, qui vous servent de référence ! Nous sommes le seul pays à avoir réussi à réduire les usages du glyphosate. (Protestations sur les travées du groupe GEST. – Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
La position de la France s’est exprimée dans le cadre communautaire.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Macron a menti…
M. Marc Fesneau, ministre. Je rappelle qu’il s’agit d’une décision communautaire, prise à l’échelle de la Commission : (MM. Guillaume Gontard et Yannick Jadot protestent.) il a été décidé d’interdire le glyphosate partout où l’on peut trouver d’autres solutions.
Dans certaines situations, il n’y a pas d’autre solution, par exemple dans l’agriculture de conservation des sols. On peut se complaire dans d’inlassables « y’a qu’à, faut qu’on » ; on peut répéter en boucle qu’il y a des solutions de substitution. Mais il faut parfois reconnaître qu’il n’y en a pas, que la recherche est nécessaire, étant entendu que nous sommes bel et bien sur la trajectoire de la réduction.
Par ailleurs, s’il n’y a pas d’autre solution, il n’y a pas d’interdiction : telle est la ligne que nous nous sommes fixée et à laquelle nous nous tiendrons. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Applaudissements sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
Je reviens de la Somme. Des gens expliquent qu’il existe des solutions pour se passer des néonicotinoïdes ; la vérité est qu’elles restent introuvables.
M. Yannick Jadot. Cela s’appelle la bio !
M. Marc Fesneau, ministre. Nous maintenons la position de la France quant à l’interdiction : là n’est pas le sujet. Mais la substitution est beaucoup plus complexe que vous ne semblez le penser. Parlez-en à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) ! (Protestations sur des travées des groupes GEST et SER.)
Nous avons besoin d’y travailler ; tel est le sens des moyens que nous mobilisons pour la recherche et l’innovation, l’objectif étant de réduire progressivement l’utilisation de ces produits. En tout cas, la France est le seul pays au monde à tenir une position de réduction de l’usage du glyphosate, et c’est cette position que nous continuerons à défendre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Thomas Dossus manifeste son exaspération.)
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour la réplique.
M. Michaël Weber. Monsieur le ministre, je crois surtout que vous n’êtes pas au rendez-vous de l’histoire. Du courage, s’il vous plaît ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
concurrence fiscale comme moteur de l’évasion fiscale
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Éric Bocquet. Mille milliards de dollars ! Ce n’est pas une exclamation du capitaine Haddock (Mme Nathalie Goulet applaudit.) : cette somme vertigineuse, 950 milliards d’euros, équivaut aux PIB cumulés du Danemark et de la Belgique, ou encore à trois fois les recettes du budget de notre pays. (M. Didier Marie approuve.)
Cette somme, surtout, correspond aux profits que les grandes entreprises de la planète ont transférés vers les paradis fiscaux sur la seule année 2022, selon le bilan établi par l’Observatoire européen de la fiscalité rendu public lundi matin. Nous apprenons par ailleurs, dans ce rapport, que le taux effectif d’imposition des milliardaires du monde est compris entre 0 % et 0,5 %.
À force de baisser constamment l’impôt sur les sociétés et sur les grands patrimoines, les gouvernements, dont le vôtre, mesdames, messieurs les ministres, rognent eux-mêmes leurs propres recettes.
L’argument libéral – s’il y a évasion fiscale, c’est parce que les impôts sont trop élevés – ne résiste pas à l’examen : malgré la baisse constante des prélèvements sur les entreprises, la fuite des profits ne cesse d’augmenter. Pis encore, elle a lieu au cœur de l’Union européenne, dans des pays comme l’Irlande ou les Pays-Bas.
N’est-il pas temps pour le Gouvernement de mettre un terme décisif à cette concurrence fiscale dévastatrice et d’ouvrir enfin le chantier de l’harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Nathalie Goulet et M. André Guiol applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Bocquet, vous m’interrogez sur l’action du Gouvernement en matière de lutte contre la fraude. Je vais donc porter à votre connaissance les éléments transmis par le ministre délégué chargé des comptes publics, M. Thomas Cazenave, qui est retenu en ce moment même à l’Assemblée nationale et vous prie de l’en excuser.
Le Gouvernement a présenté au printemps dernier, sur un sujet que vous connaissez bien, monsieur le sénateur Bocquet, un plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques. Vous l’avez dit avec force : lutter contre la fraude, c’est d’abord, évidemment, s’assurer que chacun s’acquitte de sa contribution, mais c’est aussi un enjeu de cohésion sociale et un enjeu de finances publiques.
Ce plan prévoit que 1 500 emplois supplémentaires soient consacrés directement à la lutte contre la fraude fiscale au sein même de la direction générale des finances publiques d’ici à 2027. Mais ce n’est pas tout. Vous le savez, un nouvel arsenal juridique est également prévu, c’est-à-dire une vingtaine de dispositifs supplémentaires qui seront soumis à votre examen – je citerai, par exemple, le renforcement de la lutte contre les prix de transfert abusifs.
Nous avançons : les résultats du contrôle fiscal l’attestent. En 2022, ce sont près de 15 milliards d’euros d’impôts éludés qui ont été mis en recouvrement, un montant en hausse de plus de 25 % par rapport à 2018.
Mme Cécile Cukierman. La France est sauvée !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. S’en féliciter, oui ; s’en satisfaire, non.
Le Conseil d’évaluation des fraudes s’est réuni pour la première fois le 10 octobre dernier sous la présidence du ministre Cazenave. Il est composé d’une trentaine de membres, directeurs d’administration, experts internationaux, mais aussi parlementaires. À l’occasion de cette réunion, un programme de travail a été arrêté. L’objectif est de produire un rapport d’ici à l’été prochain.
M. Philippe Bas. Encore ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Les représentants parlementaires ont été désignés par les présidents des commissions des finances et des affaires sociales de chaque chambre.
Des propositions complémentaires sont envisagées, comme la création d’un cadastre financier mondial ou la conduite de travaux pour une imposition minimale des particuliers les plus fortunés à l’échelle internationale.
Dotés de ces nouveaux outils, nous serons en mesure d’atteindre un objectif que nous partageons : nous montrer intraitables contre les écornifleurs qui pratiquent la fraude fiscale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Cécile Cukierman. Il y a de la marge !
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.
M. Éric Bocquet. Des paroles aux actes… Je crains, madame la ministre, que notre pays ne soit une partie du problème du fait des choix de votre majorité.
En faisant adopter dernièrement, à l’Assemblée nationale, un amendement dont l’objet est d’exonérer les fédérations sportives internationales d’impôt sur les sociétés, de cotisation foncière des entreprises et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises afin de les attirer en France, votre majorité alimente cette course folle au moins-disant fiscal, si dommageable pour nos finances publiques et pour la capacité de notre société à relever les grands défis qui sont devant elle. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
radicalisation dans le sport
M. le président. La parole est à M. Michel Bonnus, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Bonnus. Ma question s’adresse à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
Madame la ministre, dans cette période très troublée, l’équipe de France de rugby nous a donné de la joie, elle nous a rendus fiers, parce qu’elle avait du cœur et parce qu’elle avait envie de bien faire, sur le terrain et en dehors.
Le sport n’a pas son pareil pour véhiculer des valeurs fortes, nobles, celles de l’effort, du travail, du respect, du collectif et de la solidarité. Le sport n’a pas son pareil pour cadrer des enfants, des adolescents, et en faire des adultes responsables, des citoyens attachés aux valeurs de la République. Nous ne remercierons jamais assez les éducateurs et les bénévoles de leur travail. Et je me réjouis que le Président de la République ait annoncé que le sport serait « grande cause nationale » en 2024.
Le sport est un facteur d’émancipation et de liberté, j’en suis intimement convaincu… du moins en théorie. Car le sport, à l’image de notre société, est attaqué ! Pis, il est un des milieux privilégiés de déstabilisation de notre République et de promotion du séparatisme.
Prière dans les vestiaires, port du voile sur les terrains, refus de la mixité, discours prosélyte antirépublicain, les attaques séparatistes se multiplient insidieusement, mais de plus en plus souvent ouvertement, au sein de nos structures sportives. Sénat, Assemblée nationale, chercheurs et sociologues, éducateurs, tous établissent ce constat accablant : la République perd du terrain dans le sport.
Les islamistes ne s’en cachent plus, d’ailleurs : les clubs de sport sont leur principale source de recrutement et d’embrigadement.
Il y a quelques semaines, 69 clubs de basket ont conjointement réclamé la fin de l’interdiction du port du voile en compétition. Un comble !
M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale, a fait preuve de fermeté et n’a pas tremblé en interdisant l’abaya dans nos écoles. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Madame la ministre, ma question est simple, car pour défendre les valeurs de la République il faut être ferme : êtes-vous prête à interdire toute pratique dérogeant aux principes de laïcité et menaçant notre République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Jean-Luc Brault, Pierre Jean Rochette et Joshua Hochart applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Bonnus, le sujet du séparatisme dans le sport exige de la fermeté, de la lucidité, de la vigilance.
M. François Bonhomme. Et de la clarté !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. C’est en ce sens que j’ai fait diligenter au cours de cette année près de 3 500 contrôles de clubs sportifs, parmi lesquels 27, soit 0,8 %, ont donné lieu au repérage de signaux faibles de séparatisme.
C’est toujours 0,8 % de trop, et il faut en effet prévenir les risques là où ils se trouvent. D’où le plan d’action que j’ai mis en œuvre de manière résolue : 117 référents pour la prévention de la radicalisation déployés dans les services déconcentrés du ministère des sports, des référents citoyenneté mobilisés dans les fédérations, 6 000 contrôles programmés dans les clubs sportifs et un processus de conventionnement lancé entre onze fédérations et le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation.
Le tout s’assortit de moyens supplémentaires consacrés à ces sujets : 20 effectifs de plus en 2023, et 36 en 2024.
Pour ce qui est du port du voile, j’ai salué la décision du Conseil d’État de valider l’article des statuts de la Fédération française de football indiquant que le port du voile pouvait être interdit en compétition pendant le temps et sur les lieux des matchs. J’ai conforté ce régime dans les statuts de la Fédération française de basket-ball, et j’ai fait connaître à chacune des fédérations que dans l’exercice autonome de leur pouvoir réglementaire elles avaient la faculté d’ajuster leurs statuts pour coller à ces dispositions.
M. François Bonhomme. Et le courage, et l’audace ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Nous les accompagnons en ce sens en leur donnant toutes les clés, y compris juridiques, sur ces sujets.
Je le redis très fermement, ma main ne tremblera jamais pour faire utiliser les moyens que le Gouvernement a fait inscrire dans la loi en matière de contrôle du respect du contrat d’engagement républicain : retirer des subventions, suspendre des agréments ou, si nécessaire, fermer des établissements.
Le sport est un bien précieux ; il doit être préservé des tentations que vous avez décrites, monsieur le sénateur, mais également des propos inutilement polémiques ou inutilement anxiogènes. Voici nos maîtres-mots : lucidité, vigilance et la plus grande des fermetés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. François Bonhomme. Et clarté !
M. le président. La parole est à M. Michel Bonnus, pour la réplique.
M. Michel Bonnus. Rendre les fédérations autonomes sur ce sujet, c’est très dangereux ! Elles ont besoin de vous ; elles ont besoin d’être aidées. J’ai été perturbé, madame la ministre, de vous entendre dire qu’il fallait leur donner les clés et les laisser décider : on ne peut agir ainsi sans danger. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Franck Dhersin et Olivier Cigolotti applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marion Canalès. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question porte sur l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », et j’y associe ma collègue Karine Daniel.
Aucun répit, aucun repli : aucun répit face à la crise sociale et au chômage, aucun repli pour cette expérimentation qui a déjà permis à 3 600 personnes de sortir de la privation d’emploi.
Votée à deux reprises à l’unanimité par le Parlement, cette expérimentation a été saluée en 2020 par la ministre du travail de l’époque comme une « solution d’insertion sur mesure ». Elle a été coconstruite avec la société civile, et son utilité sociale et démocratique est citée en exemple par la Commission européenne ; l’Italie et la Belgique en dupliquent le modèle.
À l’été, première saison, vous avez pourtant choisi de baisser la contribution de l’État au financement des emplois créés de près de 1 500 euros par an par équivalent temps plein.
À l’automne, deuxième saison, le budget prévisionnel, certes dynamique, se révèle ne pas être à la hauteur de l’enjeu : il est insuffisant. Il ne permettra pas la montée en puissance pourtant actée du dispositif, gèlera les perspectives d’embauche dans les territoires habilités et dans ceux qui sont prêts à l’être.
Fragiliser le modèle, c’est précipiter l’échec. Pourtant, les résultats positifs sont visibles partout et dépassent largement le cadre de la personne concernée.
En sept ans, à Thiers, dans le Puy-de-Dôme, le taux de réussite au brevet des collèges a grimpé de 12 %. On ne peut pas feindre d’ignorer que l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » a contribué à cette dynamique vertueuse.
Les territoires, les collectivités, sont au rendez-vous.
Le Parlement à l’unanimité est au rendez-vous.
Les acteurs et employeurs privés et publics, ceux de l’économie sociale et solidaire, sont au rendez-vous.
Les effets positifs sont au rendez-vous.
Cela a certes un coût, mais cela n’a pas de prix ! De l’argent, il y en a, monsieur le ministre du travail ; de l’argent, il en faut pour tenir les engagements pris : 20 millions d’euros.
Quels moyens allez-vous mobiliser durablement pour la France qui essaie, qui innove et qui fait la démonstration de sa réussite ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)
M. Bernard Jomier. Vingt millions d’euros !
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Canalès, une fois n’est pas coutume, permettez-moi de vous répondre par des questions, pour vous faire partager la difficulté à laquelle nous sommes confrontés.
Vous dites que financer un emploi à 95 % n’est pas suffisant. Or 95 % de prise en charge au niveau du Smic, c’est le plus haut taux de financement des emplois aidés connu dans notre pays. Toutes les structures d’insertion par l’activité économique aimeraient pouvoir bénéficier de la même chose !
Vous dites également qu’il faut accompagner tous les développements et toutes les perspectives. Je verse une question à la réflexion collective : en application de la deuxième loi d’expérimentation, que tout le monde a votée à l’unanimité, les départements doivent contribuer au financement des expérimentations à hauteur de 15 % de la part financée par l’État. Tous les départements sont-ils d’accord pour que les 15 % qu’ils doivent apporter représentent des sommes dont ils n’ont pas la maîtrise ? La réponse est non ! Nombre de présidents de département me l’ont dit.
Vous dites encore que le budget prévu pour l’expérimentation est dynamique, mais insuffisant. Il passe de 44 millions d’euros à 69 millions d’euros, soit une augmentation de 53 % ! Là encore, toutes les structures d’insertion par l’activité économique aimeraient pouvoir bénéficier de la même chose.
Mon cabinet a eu de nombreux échanges tout au long du mois d’octobre avec Louis Gallois, qui préside le fonds national d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée et, à ce titre, propose au Gouvernement de nouveaux territoires à labelliser.
Vendredi soir dernier – je tiens le message à votre disposition –, mon directeur de cabinet a proposé à M. Gallois qu’au cours de l’année 2024, en fonction des besoins, nous ajoutions 10 millions d’euros au budget de l’expérimentation, à une condition : que nous puissions anticiper les créations d’emploi, c’est-à-dire disposer de projections, afin de prévoir, tout simplement, à quelle hauteur il faudra porter la mobilisation d’argent public. Il a essuyé un refus ; c’est dommage, mais nous allons continuer à discuter pour voir comment accompagner cette expérimentation, dans un cadre qui est le cadre budgétaire de l’État.
Je l’ai dit : le budget de l’État n’est pas élastique ; ce n’est pas un libre-service dans lequel on peut piocher au gré d’un développement que l’État ne serait pas en mesure de maîtriser. Le niveau d’intervention dont nous parlons est inédit, comme va le montrer l’évaluation qui est en cours. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)