M. Roger Karoutchi. À cause de la guerre !
M. Pierre Barros. Quelles seront les conséquences de ce retour en arrière pour les usagers ? C’est la première question que nous devrions nous poser au regard des résultats de l’ouverture à la concurrence sur nos factures d’électricité et de la gestion catastrophique de la fibre optique…
Mme Valérie Pécresse, présidente d’IDFM, a soutenu lors de son audition que l’ouverture à la concurrence serait un gage d’amélioration du service pour l’Île-de-France, à l’instar de ce qui s’est produit, selon elle, dans la grande couronne.
Les maires et les présidents d’intercommunalité témoignent pourtant d’une tout autre réalité : des bus remplacés par des cars – ce n’est pas la même chose ! –, des chauffeurs non formés, ou encore des dégradations de mobiliers urbains et de véhicules – j’ai vécu cela personnellement. Tout cela est loin d’être exemplaire.
Par ailleurs, quelles seront les conséquences d’une telle décision pour les finances d’Île-de-France Mobilités ?
Mme Valérie Pécresse pense réaliser des économies en ouvrant ce secteur à la concurrence. Elle estime que le service public coûte cher et a besoin d’être « challengé »… Or même Optile n’y croit pas !
Le représentant des opérateurs privés des transports d’Île-de-France estime que le coût de cette ouverture à la concurrence est sous-évalué.
Les futures entreprises qui candidateront vont ainsi caler leurs offres sur un cahier des charges sous-estimé pour remporter les marchés. Après attribution, il y a fort à parier qu’elles proposeront des mémoires en réclamation pour imposer des réévaluations. C’est ce qui se pratique tous les jours dans le secteur du bâtiment !
Dans ce contexte, les 10 % d’économies futures annoncées par la région tomberont à l’eau et seront ramenés à 1 %, au mieux. Avec les 4,9 milliards d’euros à trouver pour racheter les biens de la RATP, ces économies risquent même de ne jamais voir le jour.
Ce sera finalement un service plus cher, équilibré par des baisses du niveau de service, par des suppressions de postes et par des augmentations successives du passe Navigo. Ces dernières se constatent déjà, et il s’agit, selon nous, d’une très mauvaise perspective !
Nous notons aussi que la région Île-de-France a déjà décidé le report de l’ouverture à la concurrence. C’est la preuve, s’il en fallait, d’une grande fébrilité à l’approche de la mise en œuvre de ce projet.
Les maires des villes de Seine-Saint-Denis et du Val-d’Oise apprécieront d’avoir à gérer le mécontentement des usagers à la veille des élections municipales de 2026…
Enfin, qui peut croire que cette proposition de loi permettra à IDFM de préserver la qualité des transports pendant et après les jeux Olympiques de Paris ? Cet établissement n’a ni l’argent, ni le personnel, ni les systèmes de régulation des réseaux nécessaires pour ce faire.
Des solutions existent pourtant. Il est indispensable de proposer une contribution mobilité supplémentaire de la part des entreprises les plus riches, qui profitent largement de ce service public, notamment pour leurs salariés.
Une solution existe aussi pour que les transports en commun demeurent publics en Île-de-France, soit par la transformation d’IDFM en régie régionale, soit en recentrant les activités de la RATP, pour que cette dernière n’ait plus l’obligation de s’ouvrir à la concurrence.
Ce sont des voies compatibles avec la réglementation européenne pour ne pas détruire un grand réseau de transport, reconnu à travers le monde, malgré des difficultés qui pourraient être corrigées si IDFM en avait la volonté.
Ne prenons pas un chemin coûteux, inefficace et d’une autre époque. Soutenons un vrai service public des transports en commun, moderne et adapté aux besoins des habitants d’Île-de-France. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Simon Uzenat applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, décidément, ce lundi 23 octobre 2023 semble placé sous l’égide des transports collectifs publics !
Après les services express régionaux métropolitains, place au réseau de bus francilien de la RATP. Dans les deux cas, l’objectif sous-jacent est une amélioration qualitative et quantitative de l’offre de mobilité de proximité.
Le désenclavement des territoires par un choc de services de transports publics et une multimodalité accrue et efficace, fondement du bon déploiement des services express régionaux métropolitains (Serm), fait écho au réseau de transports publics de la RATP, où bus, métro, tramway et RER constituent un ensemble multimodal interconnecté.
L’ouverture à la concurrence d’un monopole historique d’État est toujours source de discussions, parfois vives, et de désaccords. Pourtant, ne nous trompons pas de débat : l’ouverture à la concurrence est aujourd’hui actée, même si plusieurs craintes et interrogations naissent de la mise en concurrence des 13 lots restants du réseau de bus francilien de la RATP.
Aujourd’hui, il nous faut trouver un juste équilibre entre l’ouverture à la concurrence, conformément à nos engagements européens, et le devoir de protéger le « sac à dos social » des salariés de la RATP.
Il s’agit aussi de permettre la continuité du service public. D’ailleurs, face au défi technique, opérationnel et social d’ampleur inédite que constitue cette ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP, le besoin d’échelonner davantage le processus semble nécessaire et réaliste. Telle est l’ambition de ce texte.
Considérant que le règlement européen à l’origine de cette ouverture à la concurrence fait de 2039 la date butoir, certains d’entre nous notent qu’il n’y a aucune contrainte particulière qui impose ces délais.
Pour ma part, je salue ce report de 2024 à 2026, qui laisse le temps nécessaire pour accompagner la mise en concurrence des 13 lots restants.
Sur le fond, je rappelle que l’ouverture à la concurrence doit permettre aux services publics des transports de bus franciliens de voir leur compétitivité stimulée, leur offre élargie et la qualité du service améliorée, tout en faisant baisser les prix pour les usagers et en protégeant les salariés lors du transfert.
Néanmoins, nous devons rester vigilants à la solidité des opérateurs, en particulier dans le contexte économique et social actuel.
Aujourd’hui, il importe de répondre aux attentes sociales fortes des personnels de la RATP. Ce texte travaillé en commission permet d’atteindre cet objectif.
Ce texte permet également de répondre au problème de baisse de la fréquentation du réseau, qui n’a pas retrouvé son niveau d’avant-covid, ainsi qu’à la hausse des coûts d’exploitation liée à la volatilité des prix de l’électricité et du renouvellement de la flotte en bus électriques.
Autre point important, la problématique de recrutement des chauffeurs s’est accentuée depuis la crise sanitaire.
Les difficultés de recrutement restent structurelles et ne sont, je le rappelle, ni exclusives à la région Île-de-France ni liées à la mise en concurrence. Dans la région Grand Est, elles sont tout à fait aiguës, mais découlent plutôt de la situation frontalière – M. le ministre connaît bien le problème.
J’y insiste, ces difficultés structurelles auxquelles il faut prêter attention ne sont pas liées à la mise en concurrence et ne justifient en rien l’arrêt de l’examen de cette proposition de loi.
Le groupe du RDSE, qui tente toujours d’être à la fois équilibré et constructif, salue les apports de ce texte qui sécurise le bénéfice du « sac à dos social » pour tous les salariés transférés, en comblant notamment les impensés et les angles morts de la loi d’orientation des mobilités de 2019.
La question de l’emploi est, il faut le souligner, un sujet important pour la présidente d’Île-de-France Mobilités. Pour répondre à cette même préoccupation, notre groupe souhaite apporter une garantie sociale supplémentaire aux salariés transférés en leur permettant de conserver le bénéfice de l’accès au plan d’épargne entreprise de la RATP, notamment si le nouvel exploitant n’en est pas doté d’un.
Enfin, je voudrais revenir sur une déclaration de la présidente d’Île-de-France Mobilités. Lors de son audition au Sénat, elle s’était engagée à inclure dans les futurs contrats de délégation de service public l’obligation pour les nouveaux opérateurs de recruter des agents de sécurité supplémentaires. En effet, la proposition de loi ne prévoit pas le transfert des contrats de travail des salariés de la RATP concourant aux missions réalisées par le service interne de sécurité. Vous pourriez peut-être, monsieur le ministre, nous éclairer sur ce point.
Les membres du groupe du RDSE se montreront attentifs quant à la traduction de ces annonces dans les faits. De la même manière, nous resterons mobilisés sur les différentes étapes de cette ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP.
La majorité de notre groupe votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi d’initiative sénatoriale dont nous débattons ce soir entend aménager, fluidifier et finalement allonger le calendrier d’ouverture à la concurrence du réseau des autobus et autocars franciliens de la RATP.
Son auteur, notre collègue Vincent Capo-Canellas, dont je salue l’engagement sur ce dossier, rappelle, dans l’exposé des motifs du texte que nous nous apprêtons à voter, les raisons de ce report et propose l’ajustement de plusieurs dispositifs pour qu’aucun des salariés concernés n’y perde, en lien notamment avec le « sac à dos social » évoqué ici même dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités. Une transition réussie plutôt qu’une bascule chaotique : mon groupe y est naturellement favorable.
Concrètement, ce texte traduit législativement les préconisations formulées par la mission de préfiguration sociale confiée par l’autorité organisatrice, Île-de-France Mobilités, à Jean-Paul Bailly et Jean Grosset. Son objectif est justement de faciliter l’ouverture effective à la concurrence, en associant dans la concertation toutes les parties prenantes.
Rappelons-le, la fin du monopole des bus et des tramways de la RATP trouve ses racines dans le droit européen. Alors que nous parlons du réseau le plus dense d’Europe, cette concurrence a été anticipée par le législateur depuis la fin des années 2000, dans le cadre de la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires, dite loi ORTF.
Toutefois, des difficultés nouvelles survenues ces dernières années ont rendu indispensable une nouvelle intervention des parlementaires. Après avoir ouvert à la concurrence les bus RATP de la grande couronne, l’autorité organisatrice responsable a entamé une démarche identique pour la petite couronne et pour Paris au début de l’année dernière. Quelque 13 lots représentant au total 308 lignes de bus et 800 véhicules ont ainsi été identifiés. En guise d’illustration, et parce que je tiens tout de même à parler de la Bretagne (Sourires.), le plus petit lot a la taille du réseau de Rennes.
L’attribution des lots et, bien entendu, le passage des salariés d’un employeur à un autre représentent, nous le savons, un défi technique, opérationnel et social de grande ampleur.
La législation actuelle prévoit que le monopole de la RATP cesse le 31 décembre 2024, dans moins de quinze mois. Ce délai est jugé trop court. Avec les jeux Olympiques et Paralympiques qui se tiendront en France l’été prochain, le risque de désorganisation est réel dans de telles contraintes calendaires. De l’avis unanime des acteurs impliqués, cette configuration représente un risque important de rupture de la continuité du service public. C’est impensable alors que plus de 10 millions de visiteurs sont attendus en juillet et août prochains à l’occasion de cet événement planétaire !
Dès le début de cette année, vous aviez envisagé cette hypothèse, monsieur le ministre. En avril dernier, vous vous étiez déclaré favorable à « un délai supplémentaire d’une durée raisonnable de deux ans pour la fin du monopole historique de la RATP », ce qui avait donné lieu à un premier vote positif, à l’Assemblée nationale, sur une initiative du groupe communiste.
Mme Valérie Pécresse, la présidente d’IDFM, avait par la suite, à son tour, donné un accord à « une mise en œuvre progressive ». C’est un geste d’apaisement que nous soutenons, car la réussite du processus à l’œuvre suppose de travailler à l’acceptabilité sociale des conditions de transfert aux nouveaux employeurs de près de 20 000 salariés.
Il est nécessaire d’entendre les préoccupations. Je pense notamment à l’absence de mobilité géographique contrainte, à la précision des modalités de transfert en fonction des différentes catégories d’emploi et à l’adaptation du champ des garanties sociales à tous les cas de transfert.
Le texte dont nous débattons, et sur lequel mon groupe a souhaité déposer quatre amendements, garantit un point d’équilibre. Il tend à élargir le socle des bénéficiaires du « sac à dos social », c’est-à-dire de ceux qui disposent de la portabilité des droits prévue dans la loi LOM.
Seront désormais éligibles l’ensemble des contrats de travail transférés, y compris ceux qui le seront à IDFM, ceux qui pourraient être employés dans une filiale non couverte par les conventions collectives du transport public ou ceux qui s’inscrivent dans le cadre d’une reprise en régie ou quasi-régie de certaines missions par l’autorité organisatrice.
L’objectif est de sécuriser les bénéfices des acquis sociaux pour l’ensemble des salariés transférés. Il est aussi prévu que le transfert des salariés se fasse par centre-bus et non plus par ligne, évitant ainsi à plus de 3 000 salariés de devoir changer de lieu de prise de poste, et qu’une procédure de volontariat soit lancée pour lisser les sureffectifs ou sous-effectifs.
Ce texte prévoit également un calendrier réaliste, échelonné sur une durée maximale de deux ans, entre le 31 décembre 2024 et le 31 décembre 2026.
Notre rapporteur, Franck Dhersin, a apporté des évolutions bienvenues en commission, afin de sécuriser juridiquement les dispositions précitées, toujours afin de procéder à une ouverture à la concurrence équitable et plus juste. Le tout en maintenant la bonne synthèse entre les garanties sociales, l’équité concurrentielle et le respect de nos engagements supranationaux.
Ont ainsi été adoptées la prolongation du délai de règlement des différends pour une durée pouvant aller jusqu’à trois mois supplémentaires à compter d’une saisine complète et la remise d’un rapport au Parlement sur les moyens de l’Autorité de régulation des transports au regard de sa compétence en matière de différends relatifs à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien.
Enfin, le groupe RDPI proposera quelques modifications du texte portant sur le délai d’information des salariés avant le changement effectif d’exploitant déclenchant le droit de refuser le transfert ; sur la période de référence retenue dans le calcul du nombre de salariés équivalents temps plein transférés aux nouveaux employeurs afin d’informer ces derniers ; et sur la levée de certaines difficultés juridiques et opérationnelles que pourrait susciter la rédaction actuelle de l’article 2.
Mes chers collègues, nous pourrons échanger sur ces différents points. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas – je vous épargnerai cela ! – les points que j’ai évoqués lors de la défense de la motion tendant à opposer la question préalable, mais je voudrais préciser quelques éléments à la suite des réponses qui m’ont été apportées.
Tout d’abord, vous avez parlé, monsieur le rapporteur, de mesures « consensuelles » : permettez-moi de ne pas approuver l’emploi de cet adjectif, ou alors ce consensus ne concerne-t-il que quelques acteurs… En effet, pour beaucoup de ceux que nous avons rencontrés, il n’y a pas de consensus – je pense notamment aux organisations syndicales, mais également aux nombreux élus qui expriment de grandes inquiétudes.
Vous avez rappelé à juste titre que cette proposition de loi permettrait de couvrir « certains angles morts » – je reprends votre expression – de la loi de 2019. « Certains », cela ne signifie pas, par la force des choses, « tous », comme nous l’avons montré et comme l’ont expliqué les salariés et leurs représentants syndicaux, ce qui justifie en grande partie leur très nette opposition à ce texte.
Nous avons reconnu que quelques avancées avaient été réalisées. Mais, de notre point de vue, elles sont bien trop timides et insuffisamment fortes pour rassurer les salariés et garantir une mise en concurrence dans des conditions de sérénité propices à assurer la qualité du service public.
Néanmoins, je veux revenir sur la question des centres-bus. Vous avez expliqué que le fait de rattacher les agents non plus aux lignes, mais aux centres-bus était une avancée : nous en sommes bien d’accord, mais de très nombreuses inquiétudes demeurent.
Aujourd’hui, des centres-bus sont pleins ; demain, dans le cadre de l’allotissement et de la réorganisation du réseau, ils pourraient connaître de très grandes difficultés d’exploitation, et cela sans même parler de ceux qui pourraient accueillir potentiellement plusieurs délégataires ! Ces points sont des angles morts du texte, qui expliquent les inquiétudes que je viens d’évoquer ou, à tout le moins, les préoccupations qui s’expriment.
J’en viens à la réglementation européenne, sur laquelle vous êtes intervenu, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, à plusieurs reprises. La latitude existait et existe toujours. Vous défendez un assouplissement du calendrier, lequel est un point de convergence et de consensus – on peut employer à juste titre ce terme ici ! – entre vous et la présidente d’Île-de-France Mobilités.
Cependant, cet assouplissement aurait pu être étendu, d’autant que le calendrier, comme le montre la proposition de loi, est clairement laissé à la main d’Île-de-France Mobilités. Un report de deux ans est annoncé, du 31 décembre 2024 au 31 décembre 2026. En réalité, pour l’essentiel des lots, nous avons compris que cela irait beaucoup plus vite. Ce report n’est donc qu’une mesure d’affichage, alors même que, j’y insiste, le calendrier est à la main de la présidente d’Île-de-France Mobilités.
Mes chers collègues, vous avez été plusieurs à me dire, à la suite de mon intervention, que je ne me rendais pas compte que mon opposition à ce texte allait à l’encontre de ce que je défendais, parce que sinon tout se passera en une fois, en une nuit.
Répéter une chose inexacte n’en fait pas une vérité, vous en conviendrez aisément ! En effet, je n’ai jamais dit cela. En réalité – je me permettrai, monsieur le ministre, de vous apporter cette précision que vous sembliez attendre –, quand j’ai parlé de « décaler le décalage », c’est parce que, quand une loi tend à décaler une mesure dans le temps, sur votre demande, semble-t-il – en tout cas, c’est ainsi que vous avez présenté les choses –, afin de faciliter les discussions avec Île-de-France Mobilités, les parlementaires sont en droit de proposer un allongement du report.
Nous avions d’ailleurs déposé un amendement, dont vous avez sans doute pris connaissance, qui tendait à prévoir une ouverture à la concurrence à partir du 31 décembre 2031. Nous estimions qu’il fallait laisser passer les échéances électorales, en particulier celles de 2026 et 2028, pour permettre aux conseillers régionaux élus en 2028 de se prononcer en toute connaissance de cause sur le sujet. Mais avant toute chose, et c’est le plus important, nous voulions donner la possibilité aux citoyens de s’exprimer eux aussi sciemment.
Malheureusement, en vertu de l’article 40 de la Constitution, qui ne s’applique pas à la proposition de loi, laquelle prévoit un report très limité, tout amendement visant à élargir ce délai était frappé d’irrecevabilité. Nous le regrettons, mais nous avions bien proposé une solution de rechange.
Je terminerai en évoquant les propos, que j’ai écoutés très attentivement, de Louis Vogel. Mon cher collègue, vous avez repris différents exemples que j’avais cités, et je vous avoue que je me suis dit que nous étions finalement d’accord ! Certes, nous n’en tirons pas la même conclusion : pour vous, cette proposition de loi est nécessaire et vous allez la voter ; pour notre part, nous estimons qu’elle nous pousse à faire preuve de vigilance.
Quand Valérie Pécresse a été interrogée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur les risques pour la continuité du service public, elle a répondu qu’il ne fallait pas s’inquiéter, que 36 lots avaient été ouverts en trois ans dans le cadre de la mise en concurrence pour la grande couronne, et elle a conclu en disant : « Nous sommes sereins. »
Je ne sais pas sur quel bilan elle s’appuie, mais elle laissait clairement entendre que les choses s’étaient bien passées et que tout cela était de bon augure pour l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP. Telle n’est pas la lecture que nous faisons de la situation.
Par ailleurs, lors de cette même audition, elle a expliqué que l’allotissement – le découpage de ces 12 fameux lots, plus un – avait été réalisé conformément aux souhaits de la RATP. Or ce n’est absolument pas ce qui nous a été dit par les représentants de la RATP ! Peut-être s’est-elle trompée dans les éléments de sa présentation, mais cela nous interroge…
Nous le disons clairement, c’est aux citoyens qu’il appartient de se prononcer. Il aurait été possible, dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi, de décaler l’ouverture à la concurrence, afin de redonner de la sérénité à la fois aux professionnels, aux élus et aux citoyens.
En tout état de cause, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut bien admettre que notre débat de ce soir est quelque peu surréaliste ! Je viens d’entendre mon collègue socialiste dire qu’il faudrait attendre l’élection des conseillers régionaux de 2028 avant de se pencher sur le sujet de l’ouverture à la concurrence…
Privilège de la compétence ou de l’âge, j’étais déjà conseiller régional en 2004, lorsque le conseil régional d’Île-de-France était présidé par Jean-Paul Huchon.
C’est à cette époque que nous avons eu les premiers débats sur l’ouverture à la concurrence. Puis, il y a eu la directive de 2007 et la loi de 2009, alors que j’étais président du groupe UMP (Union pour un mouvement populaire) du conseil régional. Nous avons travaillé ensemble avec le président Huchon, qui était favorable à l’ouverture à la concurrence, alors que, pour ma part, j’avais des réserves.
Île-de-France Mobilités s’appelait alors le Stif (Syndicat des transports d’Île-de-France), et l’on m’expliquait que l’idéal, c’était l’ouverture à la concurrence. J’étais le premier à évoquer les garanties sociales – la situation était à front renversé ! (Sourires.) Alors même que j’étais le patron de la droite de l’opposition, c’était moi qui me demandais où tout cela allait nous mener… À l’époque, l’ouverture à la concurrence ne posait pas problème.
Après l’alternance de 2012, lorsque j’allais rencontrer le ministre des transports en tant que président de la commission des finances du conseil régional, avec Jean-Paul Huchon et Serge Méry – certains d’entre vous ont peut-être connu ce dernier, qui était alors le vice-président socialiste chargé des transports de la région –, on nous disait de ne pas nous inquiéter, car l’ouverture à la concurrence était une nécessité si l’on voulait sauver la RATP et le circuit des bus.
Je n’en étais pas forcément convaincu au début, mais, avec tant de socialistes qui m’expliquaient qu’ils avaient raison et moi tort, j’ai fini par me rallier à leur position et me dire que je m’inquiétais trop… (Rires. – Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudit.)
J’ai entendu les orateurs précédents affirmer qu’il ne fallait pas se précipiter. Avec une directive qui date de 2007 – il y a seize ans – et un premier texte de 2009 – il y a quatorze ans –, on ne peut pas dire que tel soit le cas ! De ce côté-là, on est tranquilles. Et si l’on attend les élections de 2028 pour prendre des mesures en 2032, il aura fallu de vingt-cinq à trente années pour transposer la directive…
Au fond, pour être moi-même utilisateur du réseau de bus parisien, et même francilien, puisque ma ligne vient de Levallois, je comprends très bien que l’on négocie les garanties sociales, que l’on se demande comment les machinistes vivent cette situation et que l’on veille réellement aux équilibres. (M. Pascal Savoldelli s’exclame.)
En revanche, les grandes expressions qui, en réalité, ne servent qu’à bloquer le débat n’ont pas de sens. Si d’un côté, on dit : « Non, ce n’est pas de l’ouverture à la concurrence, c’est une privatisation », et de l’autre : « Mais non, pas du tout, c’est de la délégation de service public »,…
M. Pascal Savoldelli. C’est bien !
M. Roger Karoutchi. Mon cher collègue, je ne vous ai pas interrompu tout à l’heure, alors je vous prie de me laisser parler !
M. Pascal Savoldelli. C’est un petit moment de vérité…
M. Roger Karoutchi. Peut-être pour vous !
Les choses sont claires. Je puis comprendre que l’on soit par principe hostile à l’ouverture à la concurrence, mais je ferai remarquer que la position des socialistes sur cette question a sacrément évolué…
Il est prévu un délai de deux ans qui commencera à courir à partir du 1er janvier 2025, soit dans un an : cela signifie qu’on laisse trois ans – trois ans ! – au Parlement, à Île-de-France Mobilités et à la région pour améliorer encore, avec les syndicats, le « sac à dos social ». Par parenthèse, je déteste cette expression, qui me fait penser à un sac de pierres qui va nous faire couler… Pour ma part, je préfère parler de « garanties sociales ». Nous avons donc trois ans pour avancer ensemble et pour donner des garanties aux personnels, car cette entreprise mérite mieux que ce qu’en pensent aujourd’hui ses usagers.
J’ai toujours été un défenseur absolu des services publics de transport, que ce soit la RATP ou la SNCF, parce que j’ai été élevé, comme beaucoup d’autres ici, dans le culte du chemin de fer, du métro, de l’autobus et du respect des personnels qui s’y consacrent. Aussi, faisons en sorte que les évolutions prévues ne bloquent pas le système !
Les syndicats évoquent les machinistes qui seraient extrêmement mécontents. Mais ils le sont depuis des années, depuis bien avant l’ouverture à la concurrence ! Je l’ai dit à Jean Castex et aux précédents présidents de la RATP.
J’ai proposé – la gauche n’en a pas voulu, et la droite non plus d’ailleurs – la création d’une entreprise unifiée de transports publics en Île-de-France, regroupant la RATP, SNCF Île-de-France et la Société du Grand Paris, pour avoir un bloc public qui fonctionne bien. On m’a expliqué, en particulier la gauche, que j’avais tort, qu’il valait mieux conserver la RATP avec les lignes de bus, pour qu’il n’y ait pas un grand bloc trop facile à privatiser. Maintenant, on m’explique que, si on libéralise, si l’on ouvre à la concurrence le réseau de bus, c’est une privatisation déguisée… (M. Pascal Savoldelli proteste.)
Chacun veut faire avancer les choses pour le plus grand bien des machinistes, mais aussi des usagers. Car, finalement, les services publics de transport n’ont qu’un seul et unique objectif : satisfaire leurs usagers. C’est ainsi que l’on défend le service public, car si les usagers sont mécontents, c’est dramatique.
Je voterai ce texte, puisqu’il nous est dit qu’un délai est nécessaire pour mieux négocier et améliorer encore les garanties sociales. Mais, à un moment, il faut se décider. Soit on ouvre à la concurrence en donnant toutes les garanties, soit, pour des raisons diverses, on ne le fait pas, mais alors, je vous le dis, le service public sera en danger ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)