Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.
2. Allocution du président du Sénat
3. Questions d’actualité au Gouvernement
Mme Cécile Cukierman ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
arras, sécurité des établissements scolaires, des agents et des élèves
M. Jean-Marie Vanlerenberghe ; M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Monique de Marco ; M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-François Rapin ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Jean-François Rapin.
unité derrière nos valeurs communes après l’attentat d’arras
Mme Nadège Havet ; M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
assassinat du professeur dominique bernard
M. Louis Vogel ; M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
professeur assassiné au sein de son établissement
M. Éric Gold ; M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jérôme Darras ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Annick Petrus ; M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Monique Lubin ; M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion ; Mme Monique Lubin.
filet de sécurité pour les collectivités territoriales (I)
M. Fabien Genet ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Fabien Genet.
Mme Amel Gacquerre ; M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement ; Mme Amel Gacquerre.
occupations illicites de logements
M. Cyril Pellevat ; M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.
filet de sécurité pour les collectivités territoriales (ii)
M. David Ros ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. David Ros.
situation de la pêche en france
M. Alain Cadec ; M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargé de la mer.
mise en place des zones d’accélération des énergies renouvelables
Mme Annick Jacquemet ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique.
4. Modifications de l’ordre du jour
5. Candidatures à une commission mixte paritaire
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin,
M. Philippe Tabarot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Allocution du président du Sénat
M. le président. Mes chers collègues, lundi dernier, le président de séance a partagé avec vous l’émotion qui nous a saisis après le drame survenu à Arras.
Avant de commencer nos travaux, je souhaite à la fois saluer la mémoire de l’enseignant qui a été assassiné et rappeler la souffrance qui étreint l’ensemble de la communauté nationale, tout particulièrement la ville d’Arras et les élèves qui ont vécu cet événement.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ce qui s’est passé. Je souhaite que nous le fassions dans la dignité.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun de vous, mes chers collègues, sera attentif à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou encore du respect du temps de parole.
conflit israélo-palestinien
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Cécile Cukierman. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Au préalable, je présente mes condoléances à la famille de Dominique Bernard, victime d’un attentat terroriste vendredi dernier.
Samedi 7 octobre, nous avons tous été meurtris par l’attaque terroriste islamiste du Hamas contre la population israélienne : des jeunes terminant un festival et des populations de kibboutz ont été sauvagement abattus, violentés, pris en otage. Nous avons basculé dans une inhumanité que nous pensions révolue.
Nous pensons à tous les otages, dont nous demandons la libération.
Depuis lors, l’escalade de la violence s’accélère. Les Palestiniens sont victimes de représailles ; des centaines de civils sont tués. Hier, un hôpital a été bombardé, faisant des centaines de morts supplémentaires.
Avec gravité, je veux dire ici que nous refusons de trier les morts civils.
Le déplacement exigé par le gouvernement de Benyamin Netanyahou d’un million d’habitants de la bande de Gaza est intolérable et impossible. Il annonce un drame humanitaire sans précédent.
Face à l’engrenage militaire, je reprends ici les mots d’Ofer Bronchtein, président du Forum international pour la paix et la réconciliation au Moyen-Orient, ancien collaborateur d’Yitzhak Rabin : « Il n’y a pas de solution militaire au conflit, la seule solution sera diplomatique. »
Je suis et je serai toujours, à l’instar des autres membres de mon groupe, une ardente combattante de la paix, dans la continuité du combat de Jean Jaurès.
La France doit faire entendre sa voix dans le concert des nations. Elle doit affirmer haut et fort le respect des accords internationaux qui assoient la création de deux États, ainsi que la fin de l’occupation et de la colonisation.
Madame la Première ministre, faisant nôtres les propos d’António Guterres, secrétaire général des Nations unies, nous exigeons un cessez-le-feu immédiat.
La France va-t-elle porter à l’ONU une résolution en ce sens et faire reprendre à tous le chemin de la paix, si nécessaire à l’humanité ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la présidente Cukierman, vous l’avez rappelé, le 7 octobre dernier, une attaque terroriste sans précédent a touché Israël. Nous l’avons condamnée fermement, à plusieurs reprises – notamment avec vous, la semaine dernière.
Au cours de cette attaque, vingt-quatre de nos compatriotes ont perdu la vie. Sept sont encore portés disparus et plusieurs sont probablement retenus en otage à Gaza.
Nous l’avons dit, face à l’horreur, Israël a le droit à la sécurité. Israël a le droit de se défendre dans le respect du droit international humanitaire. Comme l’a affirmé le Président de la République, rien ne justifie jamais que des civils soient pris pour cible.
Aussi, à mon tour, permettez-moi de dire mon effroi face à la frappe qui a touché l’hôpital al-Ahli de Gaza, causant de nombreuses victimes palestiniennes. Je veux avoir une pensée pour les familles et les proches des victimes.
Cela ne fait aucun doute, chaque vie compte. Les hôpitaux et le personnel médical sont protégés par le droit international humanitaire. Celui-ci doit s’appliquer en toutes circonstances.
Dès hier, le Président de la République a condamné très fermement cette attaque.
Toute la lumière devra être faite sur ce drame. Les auteurs devront être identifiés et rendre des comptes.
Madame la présidente Cukierman, dans ce contexte dramatique, la position de la France est très claire.
Tout d’abord, nous sommes aux côtés de nos compatriotes. Je tiens à ce propos à saluer le travail de nos diplomates mobilisés jour et nuit. D’ici à ce soir, nous aurons permis à 3 500 de nos concitoyens de rejoindre la France.
La France demande la libération de tous les otages, sans délai et sans condition. Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, a rencontré dimanche dernier les familles à Tel-Aviv. Comme l’a déclaré le Président de la République hier, nous travaillons activement à leur libération.
Plusieurs dizaines de nos concitoyens sont par ailleurs bloqués à Gaza, dans une situation extrêmement précaire. Nous les suivons individuellement et faisons notre maximum pour leur permettre de quitter ce territoire.
Ensuite, je l’affirme de nouveau, les populations palestiniennes ne sont pas responsables de la situation. Nous avons annoncé un soutien supplémentaire de la France de 10 millions d’euros pour l’aide humanitaire à Gaza. Nous appelons à un accès humanitaire immédiat à Gaza, afin que l’aide des Nations unies puisse être acheminée et parvienne aux populations palestiniennes. C’est une urgence, des milliers de vies en dépendent.
Enfin, du point de vue diplomatique, nous multiplions les contacts avec les pays de la région pour éviter l’escalade et un embrasement régional. Notre position est constante : une issue politique avec deux États vivant en paix et en sécurité. C’est le seul horizon pour la paix.
Aux Nations unies, la France soutiendra cette après-midi le projet de résolution présenté par le Brésil, qui condamne sans ambiguïté l’attaque terroriste tout en rappelant la nécessité de permettre l’accès de l’aide humanitaire et la protection de la population civile de Gaza.
Madame la présidente Cukierman, la France cherchera toujours le chemin de la paix. Elle sera toujours une artisane de la sécurité et de la stabilité au Proche-Orient. Elle sera toujours du côté du droit international. C’est le sens de notre mobilisation et il continuera d’en être ainsi.
Madame la présidente, je vous confirme que le Parlement aura l’occasion de débattre de la situation au Proche-Orient dès la semaine prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
arras, sécurité des établissements scolaires, des agents et des élèves
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la Première ministre, mes chers collègues, trois années ont passé. La douleur de l’assassinat de Samuel Paty est encore présente. Elle vient d’être rouverte à vif par le meurtre de Dominique Bernard à Arras, ma ville, où l’émotion est à son comble.
Une fois de plus, l’école est une cible pour ceux qui en veulent à nos valeurs, qui en veulent à notre République.
Cependant, le terroriste a trouvé sur son chemin des héros. Avec un sang-froid admirable, enseignants, agents et policiers, au péril de leur propre vie, en ont sauvé de nombreuses. Les mots sont trop faibles pour les remercier et leur rendre hommage.
Si le temps est au deuil et au recueillement, il n’occulte pas tout à fait celui des questions.
Après trois décennies d’attentats et une trentaine de lois, l’arsenal juridique et policier existe. Est-il suffisant ? L’attentat d’Arras montre malheureusement qu’il y a des failles.
Pour autant, une énième loi de circonstance n’a guère d’intérêt. J’en appelle donc à la sagesse du Sénat pour trouver, dans la future loi Immigration, les réponses justes et fermes.
Reste qu’il faut miser aussi et surtout sur une véritable politique éducative et parentale, impérative pour réarmer moralement la jeunesse.
L’école doit demeurer un sanctuaire à l’abri de la violence de certains foyers et des idéologies mortifères, un lieu où l’on apprend et où l’on s’émancipe.
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, vous avez rencontré à Arras les enseignants, bouleversés par le drame. Ils attendent vos réponses à leurs questions. Pour ma part, je vous en pose deux.
Premièrement, qu’allez-vous faire, pour assurer la protection des établissements scolaires ? Les grilles et les circulaires ne suffiront pas !
Deuxièmement, qu’allez-vous faire pour que le travail éducatif et civique qui a été réalisé par Samuel Paty et Dominique Bernard et que mènent tous les enseignants de notre pays ne soit pas vain ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Vanlerenberghe, nous étions ensemble vendredi dernier à Arras. Nous y avons rencontré une communauté éducative profondément traumatisée, mais qui reste debout et qui a fait le choix de rouvrir l’établissement scolaire dès le lendemain de l’attentat, le samedi, pour accueillir les enseignants, les élèves et les familles.
Je veux à mon tour, comme vous l’avez fait, monsieur le sénateur, rendre hommage à cette exemplaire mobilisation dans des circonstances absolument terribles et dramatiques.
Vous l’avez dit, Dominique Bernard est tombé en héros. Ses collègues qui sont intervenus sont des héros. Toutefois, ce sont des héros qui n’auraient pas dû l’être en de telles circonstances. La mission d’un enseignant, sa vocation, c’est de sauver des vies par la pédagogie, et non en s’interposant entre un terroriste armé et des élèves.
C’est pourquoi notre responsabilité absolue est de garantir à nos enseignants, à tous les personnels et aux élèves les conditions de sécurité qui sont évidemment nécessaires pour que l’école remplisse sa mission dans la sérénité.
Monsieur le sénateur, vous avez abordé deux questions.
Pour ce qui concerne la sécurité des bâtiments, j’ai rencontré ce midi l’ensemble des présidentes et présidents d’associations d’élus et nous publierons une déclaration commune dans les prochaines heures. Je puis néanmoins vous en livrer la substance : nous sommes unis autour de cet objectif de protection de nos agents et de nos élèves. Des efforts et des progrès ont été réalisés ces dernières années, notamment depuis 2015, quand le gouvernement d’alors avait engagé un plan massif de sécurisation et des plans de mise à l’abri.
Je le dis, ces mesures ont probablement permis d’éviter un carnage à Arras, où la réaction du personnel enseignant et éducatif a été tout à fait exemplaire.
Il faut probablement aller plus loin, et nous sommes déterminés à travailler de concert en ce sens.
J’en viens à la sécurité intellectuelle de nos enseignants, pour qu’ils puissent continuer à assumer leur mission. Oui, l’école doit rester un sanctuaire. Je suis conscient que, dans certains endroits, elle doit même le redevenir. Il s’agit là d’une mission profondément structurante, sur laquelle nous aurons à avancer tous ensemble.
J’ai un peu dépassé le temps de parole qui m’est imparti, monsieur le président, je vous prie de m’en excuser. D’autres questions me permettront d’approfondir ce sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
attentat d’arras (i)
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Monique de Marco. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Vendredi dernier, trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, Dominique Bernard est mort poignardé devant son lycée. Lui aussi était professeur. Nos pensées vont à ses proches, ses élèves et ses collègues.
C’est la richesse humaine qui fait toute la force de l’éducation nationale, mais elle s’amenuise.
Au travers de nos enseignants, c’est le savoir et nos valeurs qui sont attaqués. L’école est en première ligne, mais elle ne peut être la seule réponse à cette violence qui trouve son lit dans l’effondrement de l’État social.
L’école doit rester un lieu de transmission de savoirs et d’émancipation, un lieu où l’on apprend la tolérance et le vivre ensemble, un lieu où la communauté éducative se sent entendue. Malgré la sidération, la colère et la tristesse, il va de soi que l’école ne doit pas devenir une forteresse.
Lundi dernier, une minute de silence a été observée dans tous les établissements scolaires. Hasard du calendrier, la commission d’enquête sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes reprenait ses travaux. À cette occasion, la faiblesse de la formation et de la préparation à la vie de classe des enseignants a été pointée du doigt.
Il y a trois ans presque jour pour jour, monsieur le ministre, j’ai interpellé votre prédécesseur sur cette question. Rien n’a changé. On nous parle aujourd’hui d’un retour aux écoles normales, mais est-ce vraiment le cap ?
Hier, devant la commission d’enquête, la sœur de Samuel Paty nous a informés du défaut d’accompagnement institutionnel auquel s’était heurté son frère, alors qu’il cherchait soutien et protection avant son assassinat. Elle nous a également appris que les dernières circulaires n’avaient apporté aucune amélioration dans la prise en compte de la parole des enseignants.
Cette surdité institutionnelle est accablante.
Au-delà des discours de circonstance, nous attendons des actes et non des mots, monsieur le ministre. Quels seront les vôtres ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice de Marco, je vous remercie d’avoir rappelé la mission fondamentale de l’école, qui est la raison même pour laquelle les terroristes islamistes s’en prennent à elle.
Les islamistes veulent éloigner du savoir le plus grand nombre pour imposer leur obscurantisme. Notre école accueille tout le monde.
Les islamistes veulent soumettre les femmes. Notre école accueille toutes les petites filles de France, avec tous les petits garçons de France.
Les islamistes veulent imposer le règne de la religion. Notre école impose celui de la République et de la laïcité.
Il est extrêmement important de réaffirmer ces enjeux.
Madame la sénatrice, vous m’interrogez plus spécifiquement sur la question du respect de la laïcité à l’école et du soutien dû aux enseignants en la matière. Je vous rejoins totalement sur le fait que ce soutien doit être absolu et qu’il passe par des actes.
Sur les questions du respect de la laïcité à l’école, j’ai eu l’occasion, lors de la dernière rentrée scolaire, de prendre une décision sur les tenues religieuses à l’école, qui me paraît importante, dans le respect de la loi de 2004. Il s’agit là un acte clair.
Je le dis, madame la sénatrice, il me semble que certaines voix ont manqué politiquement au soutien que je jugeais indispensable pour cette mesure absolument nécessaire pour faire respecter nos règles à l’école. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme Amel Gacquerre. Très bien !
Mme Françoise Gatel. Tout à fait !
M. Gabriel Attal, ministre. Je pense que nous, responsables politiques, avons aussi la responsabilité d’être unis derrière ces valeurs, notamment la défense de la laïcité dans notre école, et derrière les actes qui sont mis en place pour la faire respecter.
Pour autant, nous n’avons évidemment pas épuisé le sujet. Vous l’avez dit, madame la sénatrice, il y a un enjeu de formation.
Je pense à la formation initiale que nous sommes en train de refondre profondément, en lien avec les organisations syndicales représentatives des enseignants. J’aurai l’occasion de formuler des annonces dans les prochains mois sur ce sujet.
Je pense aussi à la formation continue. Je le réaffirme ici, nous avons mis en place une formation sur les questions de laïcité, avec pour objectif que tous les personnels de l’éducation nationale – soit près de 1,3 million d’agents – soient formés d’ici à 2027. Chaque année, des centaines de milliers de personnels sont formés.
Il s’agit d’un enjeu absolument structurant et essentiel pour les valeurs de notre école et de notre République, et j’espère pouvoir compter sur l’ensemble de la représentation nationale pour nous accompagner. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
attentat d’arras (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Amel Gacquerre et M. Olivier Cigolotti applaudissent également.)
M. Jean-François Rapin. Les mots ne réparent pas les cœurs, les mots n’assèchent pas les pleurs, mais, parfois, les mots réconfortent.
Voilà les quelques mots que je convoque quand il m’est demandé de prononcer un éloge funèbre, monsieur le ministre. Mais comment voulez-vous que j’utilise des mots aujourd’hui pour exprimer l’impensable en perpétuelle répétition, l’impensable qui s’est reproduit à Arras la semaine dernière ?
Tant de colère nous envahit tous, même si l’on doit rester digne – comme toujours en de telles circonstances… Cette dignité que l’on nous demande depuis toujours et à chaque fois ; cette retenue politiquement correcte dont nous sommes coupables après le père Hamel, après Nice, après Charlie, après le Bataclan et le Stade de France, après Samuel Patty et, aujourd’hui, après Dominique Bernard.
Oui, c’est la colère qui nous submerge. Face à cette colère, monsieur le ministre, quels sont vos mots et, surtout, quels sont vos actes pour tenter de l’apaiser ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Rapin, je partage vos mots et votre colère, après l’attaque d’un professeur dans cette région qui est la nôtre.
Je veux souligner la réaction extrêmement digne et courageuse du corps enseignant, qu’a rappelée le ministre de l’éducation nationale, ainsi que le courage des policiers, qui sont intervenus en moins de quatre minutes pour interpeller le terroriste islamiste.
Nous devons évidemment prendre, sans faiblir, des mesures pour que cela ne se reproduise pas.
Dans trois semaines, le projet de loi relatif à l’immigration sera examiné dans cet hémicycle. La commission des lois du Sénat l’a adopté avec de nombreux changements. Je ferai miennes les modifications du Sénat. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le sénateur, j’ai une boussole : la fermeté – fermeté dans les mesures que nous adopterons, fermeté dans l’intégration, fermeté contre tous les délinquants étrangers que nous accueillons et qui ne peuvent rester sur notre sol.
Monsieur le sénateur, j’ai une autre boussole, celle qui guide chaque politique, femme ou homme : l’efficacité.
Je veux dire à M. le président du Sénat et à l’ensemble des sénateurs que je vais vers ce texte compliqué avec des idées simples : si des propositions supplémentaires, d’où qu’elles viennent, permettent, conformément à la ligne suivie par le Gouvernement depuis l’élection du Président de la République, de faire montre de fermeté contre tous ceux qui veulent toucher les valeurs françaises, attenter aux libertés publiques et fondamentalement blesser la Nation, je leur donnerai un avis favorable.
Puissions-nous, monsieur le sénateur, dans un esprit de concorde nationale, dans un esprit qui traduise en actes les mots prononcés ces derniers jours, y travailler ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.
M. Jean-François Rapin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Vous l’avez dit, la situation ne peut que perdurer si rien n’est fait. Pourquoi en arrivons-nous là, sinon parce que, pendant des années, les ennemis de la France ont fait l’objet de trop de tolérance ?
Face à ceux qui nuisent ou qui vont nuire à la France, nous ne pouvons plus montrer de faiblesse.
Ces faiblesses, elles apparaissent au grand jour : ce sont des expulsions ou des obligations de quitter le territoire français qui sont prononcées et reconnues légales par la justice, mais qui sont dénoncées et contrariées par des structures activistes minoritaires, mais trop écoutées et, malheureusement, trop entendues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Murmures sur les travées des groupes SER et GEST.)
Monsieur le ministre, il ne faut pas se limiter à la surveillance. Il faut agir contre les ennemis de la République.
À ceux qui n’aiment pas la France, je le dis : qu’ils partent, nous ne les retenons pas.
M. Laurent Duplomb. Tout à fait !
M. Jean-François Rapin. Surtout, nous ne devons plus les attirer, ni en France ni en Europe, car, moi, la France, je l’aime ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
unité derrière nos valeurs communes après l’attentat d’arras
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nadège Havet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Monsieur le ministre, dimanche à Arras, lundi dans toute la France, nous nous sommes rassemblés pour rendre hommage à Dominique Bernard, enseignant assassiné, trois ans après que l’a été Samuel Paty. Tous les deux ont été victimes de la barbarie, et celle-ci porte un nom : le terrorisme islamiste.
Nous témoignons notre soutien à sa famille, à ses collègues et à l’ensemble de la communauté éducative.
Nous saluons le courage de celles et de ceux qui se sont interposés, ainsi que des forces de l’ordre qui sont intervenues rapidement. Nous pensons également aujourd’hui à nos amis belges et suédois, eux aussi endeuillés.
Dominique Bernard est mort parce qu’il était un enseignant, un « porteur de flambeau », et parce que le djihadisme se projette contre l’école.
Dominique Bernard est mort pour s’être interposé entre l’école, qui est au cœur de notre République et de sa promesse d’émancipation, et le fanatisme, dont l’objectif est exactement inverse.
Après Arras comme après Conflans-Sainte-Honorine, il ne faut absolument pas tomber dans les pièges tendus par les défenseurs de cette idéologie mortifère, celle-là même qui voudrait que nous fassions des amalgames ou que nous nous divisions. Il nous faut au contraire nous rassembler derrière nos valeurs communes, notamment la laïcité, et les réaffirmer.
Je pense à Caroline Fourest, qui, avec d’autres, défend ce qu’elle nomme justement « le génie de la laïcité » et qui dénonce depuis longtemps certains renoncements, au travers du « pas de vague » ou par cynisme électoral. « Il faut arrêter de penser que l’école laïque est islamophobe », rappelait-elle voilà quelques jours.
Il est temps, en effet, que certains cessent de faire de l’école une cible. La laïcité, c’est ce principe qui permet de croire ou de ne pas croire. Nous devons défendre ce cadre de neutralité et rappeler que, loin d’être la source de nos problèmes, il est au contraire la condition de notre vie collective.
Monsieur le ministre, il est impératif que la parole puisse se libérer lorsque des propos se font menaçants. Comment mieux protéger nos enseignants tout en réaffirmant ce cadre qui nous est cher ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Havet, vous avez raison : il faut que la parole soit libre.
Pour que la parole soit libre, pour que les enseignants, les personnels de direction et l’ensemble des équipes éducatives puissent signaler un certain nombre d’atteintes à nos valeurs, notamment au principe de laïcité, il faut qu’ils aient l’absolue conviction que, quand ils le font, ils sont soutenus et suivis.
Cela passe par une attitude d’une très grande fermeté et d’une très grande clarté. Avant-hier, partout en France se sont tenus des hommages à la mémoire de Samuel Paty et de Dominique Bernard. La veille, j’avais tenu des propos extrêmement clairs et indiqué que toute contestation, toute provocation, toute perturbation donnerait lieu à des sanctions exemplaires et à la saisine de la justice.
Nous en sommes à près de 360 signalements de contestation et de perturbation, qui s’apparentent parfois à des menaces de mort ou à l’apologie du terrorisme. Ce sont autant de signalements que j’ai adressés au procureur de la République, autant de procédures disciplinaires qui sont engagées.
Pour les cas les plus graves – plusieurs dizaines d’entre eux –, j’ai demandé aux chefs d’établissement l’exclusion de ces élèves sans délai, c’est-à-dire sans attendre la réunion des conseils de discipline. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Si nous ne sommes pas fermes et clairs, nous n’arriverons pas à faire appliquer nos règles à l’école. J’entends ou je lis ici ou là que certains parlent de « criminalisation d’élèves ». Or le crime, ce serait de laisser faire, ce serait de ne pas réagir !
Je le dis ici et je le réaffirme : oui, je continuerai à faire preuve d’une très grande fermeté sur ce sujet.
Je rappelle deux règles élémentaires : le souvenir de professeurs qui sont tombés pour l’école, on ne le piétine pas, on l’honore ; l’autorité de l’école et de la République, on ne la conteste pas, on s’y soumet. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
assassinat du professeur dominique bernard
M. le président. La parole est à M. Louis Vogel, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Louis Vogel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Samuel Paty, Dominique Bernard : comment en sommes-nous arrivés là ?
L’école républicaine est en principe le lieu où chacun peut tirer le meilleur de lui-même.
L’école républicaine, c’est aussi le creuset de notre démocratie, le meilleur moyen d’intégrer et de souder notre communauté nationale.
Or nous avons laissé le pacte se faire entamer et grignoter par petits bouts. En réalité, nous sommes aujourd’hui engagés dans un combat de valeurs : les valeurs républicaines contre l’intégrisme, les Lumières contre l’obscurantisme, la démocratie contre le fanatisme.
Ce n’est pas un hasard si les professeurs d’histoire sont les premières cibles dans ce combat, si tous les enseignants sont en première ligne. Leurs témoignages se multiplient. Ils dénoncent les agressions verbales ou physiques, les intimidations qu’ils subissent au quotidien, encore amplifiées aujourd’hui par les réseaux sociaux et leur immédiateté.
Au même titre que les élus, les professeurs sont les meilleurs garants de l’ordre républicain. Les enseignants doivent pouvoir transmettre nos valeurs communes en toute liberté.
Pour leur permettre d’exercer leur métier, nous devons bien sûr assurer leur protection, mais cela ne suffira pas. Nous devons davantage valoriser leur rôle, peut-être organiser les enseignements, notamment civiques, de façon à les laisser moins seuls dans l’accomplissement de leur mission et peut-être intervenir dès leur formation pour mieux les préparer et leur permettre de continuer d’être ce qu’ils ont toujours été, les hussards de la République.
Monsieur le ministre, l’heure est grave. Que comptez-vous faire pour mieux protéger et mieux aider nos enseignants dans l’exercice de leur mission, qui est essentielle à notre démocratie ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Louis Vogel, un enseignant sur deux déclare s’être déjà autocensuré dans ses enseignements par crainte de réactions ou de représailles. C’est dire à quel point ce phénomène est structurant.
Il concerne, comme vous l’avez mentionné, les professeurs d’histoire-géographie, mais il peut également toucher des professeurs de lettres et de philosophie, ainsi que des professeurs de sciences de la vie et de la terre dans un certain nombre d’établissements. Nous devons regarder ce phénomène en face et nous montrer implacables.
Si nous voulons lutter contre l’autocensure, la première chose à faire, c’est d’être en toutes circonstances aux côtés de nos enseignants, en les soutenant lorsqu’ils font face à ces situations, en les encourageant à les signaler et en nous montrant exemplaires en matière de sanctions. C’est la première étape.
La seconde chose à rappeler constamment – ce n’est pas toujours fait –, c’est que la relation entre un enseignant et ses élèves n’est pas une relation d’égal à égal.
M. Laurent Duplomb. Enfin !
M. Gabriel Attal, ministre. Il y a celui qui sait et qui tire autorité de ce savoir, et il y a ceux qui apprennent.
M. Jacques Grosperrin. Très bien !
M. Gabriel Attal, ministre. Cela paraît une évidence, mais, malheureusement, cela ne l’est plus partout dans notre pays, et il est nécessaire de le rappeler.
La troisième chose, comme vous l’avez souligné, monsieur Vogel, c’est de travailler en collaboration avec les enseignants, en adaptant parfois, s’ils le demandent, le format de certains cours, afin de garantir que ceux-ci soient dispensés en toute sérénité.
Lors de mes déplacements sur le terrain, a été évoquée la possibilité de prévoir pour certains sujets, tels que la laïcité, un renfort de personnes extérieures venues du ministère, comme nos formateurs de laïcité ou les équipes Valeurs de la République des rectorats, qui viendraient soutenir les enseignants, sur leur demande, pour les décharger d’une partie du poids qu’ils subissent face à certains élèves.
Cette approche fait partie des pistes que j’explore en collaboration avec les organisations syndicales représentatives des enseignants. Je sais que je pourrai compter sur le soutien de la représentation nationale pour progresser dans ce chantier, qui revêt une importance fondamentale pour notre école et, par conséquent, pour notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDSE.)
professeur assassiné au sein de son établissement
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Alors que l’école devrait être, comme disait Jean Zay, « l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas », un enseignant a une nouvelle fois été assassiné, au sein même de son établissement.
Aujourd’hui se mêlent des sentiments de colère, de révolte et de sidération. Le groupe RDSE s’associe aux hommages rendus depuis vendredi dernier à Dominique Bernard, tombé parce que professeur, tombé parce que, comme l’aurait dit Jean Jaurès, il tenait entre ses mains « l’intelligence et l’âme des enfants ».
Lieu d’instruction, d’inclusion et d’apprentissage de la liberté, notamment de conscience, l’école est devenue une cible.
L’assaillant d’Arras a attaqué à dessein le symbole d’une République laïque, le lieu où se forme l’esprit critique, qui questionne les croyances et permet l’émancipation. Il a grandi en France et a été éduqué dans l’école de la République, là même où il a décidé de frapper. Au-delà de l’obscurantisme et du fanatisme, ce drame doit nous interroger sur notre modèle républicain et sa pérennité.
Lors d’une récente séance de questions au Gouvernement, je vous avais interrogé sur les réponses apportées à la banalisation de la violence du quotidien. La violence prend ici une forme particulièrement horrifiante.
Toutefois, comme en juin dernier, je veux vous parler de culture citoyenne et de solutions de moyen et de long terme pour soutenir les équipes éducatives, porter les valeurs républicaines et valoriser le sens de l’engagement dès le plus jeune âge.
Je sais le Gouvernement attentif à ces sujets, comme en témoigne notamment le déploiement du service national universel (SNU).
Vous nous trouverez à vos côtés dans ce combat. Le groupe RDSE défendra ainsi, dans quelques semaines, une proposition de loi, déposée par notre collègue Henri Cabanel, visant à renforcer la culture citoyenne. Ce texte comporte des propositions pour permettre à chacun de s’inscrire dans un projet commun, mais aussi de trouver son rôle et sa place dans une société apaisée.
Monsieur le ministre, quels sont vos projets pour renforcer les outils d’éveil à la citoyenneté et favoriser le vivre ensemble ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Éric Gold, vous rappelez ici la mission fondamentale de l’école : former des républicains et des citoyens éclairés.
J’ajouterai, car nous partageons tous deux cette conviction, que le rôle de l’école est également de former une communauté de républicains et de citoyens éclairés. À cet égard, vous avez raison, l’enseignement moral et civique, autrefois appelé éducation civique, est fondamental.
Nous avons entrepris des travaux sur ce sujet. Mon prédécesseur avait saisi le conseil supérieur des programmes pour nous éclairer sur une refonte de l’enseignement moral et civique. Les constats sont bien connus.
Tout d’abord, cet enseignement n’est pas dispensé partout, car il est souvent, de manière compréhensible, une sorte de variable d’ajustement pour certains enseignants, s’ils veulent terminer les programmes – ce qui montre qu’il est impératif de revoir certains de ces derniers.
Ensuite, cet enseignement doit être revu dans ses objectifs et dans son contenu. De nombreuses modifications ont déjà été apportées, parfois au détriment des objectifs initiaux.
Enfin, nous devons probablement renforcer le volume horaire de cet enseignement pour un certain nombre d’élèves et de classes.
Avec Prisca Thevenot, la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du service national universel (SNU), et avec la représentation nationale, je vais avancer sur ce sujet. J’ai été auditionné par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, sous la présidence de Laurent Lafon, et j’ai exprimé ma volonté de progresser sur ces questions dans les mois à venir, notamment en lien avec le Sénat, qui travaille activement sur ces sujets.
Nous allons également poursuivre le déploiement du SNU, un projet auquel je tiens beaucoup, que j’ai lancé en 2018 en tant que secrétaire d’État et dont Prisca Thevenot assure aujourd’hui le suivi.
Je souhaite profondément faire du SNU un élément clé dans la formation des citoyens en France, ce qui pourrait impliquer des évolutions. Je crois fermement que nous devons aller vers la généralisation du SNU, afin que l’école puisse pleinement assumer sa mission de former une communauté de républicains et de citoyens éclairés et unis – un objectif auquel nous souscrivons tous, me semble-t-il. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
attentat d’arras (iii)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Darras, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. Jérôme Darras. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Vendredi dernier, à Arras, alors que les manifestants quittaient tranquillement la place des Héros, au terme de leur défilé, dans le cadre du débat démocratique qui fait l’identité et la grandeur de notre pays, les rues de la ville retentissaient des sirènes hurlantes des forces de police et de secours.
À quelques dizaines de mètres, Dominique Bernard tombait sous les coups de couteau d’un individu animé par une idéologie terroriste islamiste. Arras, le Pas-de-Calais et la France entière étaient cruellement frappés par la barbarie, au cœur de la mission la plus noble de la République : l’éducation de ses enfants.
L’horreur absolue s’abattait sur nous, nous replongeant dans les funèbres souvenirs des attentats de janvier et novembre 2015, faisant écho à l’assassinat de Samuel Paty, et nous rappelant qu’il est encore possible, en 2023, de mourir par le seul fait de transmettre le savoir.
La République est en deuil.
Je veux ici rendre hommage au courage de Dominique Bernard et saluer sa mémoire, assurer sa famille de notre soutien, former des vœux de rétablissement aux blessés et exprimer notre entière solidarité avec les élèves et les membres de la communauté éducative. Permettez-moi également de saluer la réactivité et le courage de nos forces de sécurité et de nos services de secours.
En ce temps de deuil, prenons la mesure de ce qui nous rassemble autour de ce que nous avons de plus cher, les valeurs de notre République : la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité. Rappelons avec détermination que la République et la Nation doivent faire bloc face au fanatisme.
Monsieur le ministre, vous avez établi un lien entre les événements qui se sont déroulés en Israël et cet attentat.
Faisiez-vous allusion au climat de haine et à l’effet de contagion suscités par ces événements ou avez-vous connaissance d’une entreprise organisée et coordonnée, au-delà des cellules terroristes familiales ou isolées, sur le territoire national ou en dehors de celui-ci, qui viserait particulièrement notre pays ?
Alors que, en matière d’alerte, nous sommes passés au niveau urgence attentat, pouvez-vous nous éclairer sur la bonne manière de résoudre la redoutable équation qui permet de concilier la fermeté contre le terrorisme et le respect de l’État de droit, inventé par nos Lumières et marqueur des démocraties adultes telles que la nôtre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K. – MM. Jacques Fernique et Bernard Fialaire applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, depuis que je suis ministre de l’intérieur, je n’ai de cesse de rappeler aux Français que la menace terroriste, singulièrement islamiste, est extrêmement importante.
Quelque 43 attentats islamistes ont été déjoués par les services de mon ministère, soit un tous les un mois et demi. Au cours des cinq dernières années, quelque 1 500 personnes ont été interpellées pour avoir des liens directs avec l’apologie du terrorisme ou la préparation d’un attentat. Et, chaque année, nous utilisons nos techniques de renseignement à l’encontre de 6 500 personnes.
Nous avons expulsé 922 fichés S qui se trouvaient en situation irrégulière sur le territoire national. En cinq ans, nous avons fait passer le nombre de fichés S de 1 142 à 449. Plus de la moitié sont en prison, les autres étant en centre de rétention administrative, assignés à résidence ou en contentieux juridique. Et nous espérons que le projet de loi sur l’immigration nous permettra d’agir plus rapidement et de manière plus déterminée.
Monsieur le sénateur, même s’il n’y a pas, à notre connaissance, de menace organisée exogène, le risque persiste en raison de la situation au Sahel, au Proche-Orient, en Afghanistan et au Levant : des cellules pourraient se reconstituer en Europe.
Cependant, la principale menace demeure endogène, avec une ubérisation du terrorisme, si j’ose dire, favorisée par la propagation de théories complotistes sur internet. La publication de caricatures, de prétendus blasphèmes ou les difficultés particulières de telle ou telle communauté fantasmée sont autant de prétextes pour passer à l’acte : oui, un djihadisme d’atmosphère existe, alimenté par un écosystème islamiste, et nous devons le combattre.
Le Gouvernement s’est engagé dans cette lutte, avec la loi Séparatisme, avec la loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et avec les textes relatifs au renseignement – je salue d’ailleurs le courage de nos services de renseignement dans ce combat.
Ainsi, monsieur le sénateur, bien qu’il n’y ait pas actuellement de menace caractérisée et organisée, les attaques terroristes islamistes contre Israël créent à l’évidence un climat négatif.
La menace est très forte. J’ai une pensée particulière pour nos compatriotes de confession juive, qui ont peur : la République les protège chaque jour et chaque nuit. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
attentat d’arras (iv)
M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annick Petrus. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Alors qu’un double hommage a été rendu aux professeurs Dominique Bernard et Samuel Paty, lâchement assassinés par des terroristes islamistes, une rage sourde et une crainte certaine envahissent le monde enseignant.
Comment peut-on mourir d’enseigner en France en 2023 ? J’ai passé plus de trente-cinq ans de ma vie à enseigner et j’étais heureuse de me rendre à mon établissement chaque matin. Aujourd’hui, cela ne serait certainement plus le cas. L’école est devenue la cible du terrorisme. Nous en avons la confirmation avec ces tragiques événements.
À la colère et à la tristesse que nous éprouvons s’ajoute aussi l’effroi à l’idée que n’importe quel enseignant peut être aujourd’hui une cible. Dans une société de plus en plus violente, les enseignants se retrouvent souvent bien seuls, face à des assaillants qui peuvent profiter d’un interclasse pour entrer tranquillement dans un établissement scolaire et tuer.
Ils sont tout aussi démunis face à leur hiérarchie. Nos enseignants veulent un siècle de parole, non une minute de silence, le bras le long du corps, la montre en main. Ils veulent vivre pour enseigner, éduquer, instruire et élever : c’est leur mission et leur destin.
Monsieur le ministre, nos enseignants attendent un soutien clair et sans faille de l’État.
Aussi, quels moyens entendez-vous mettre au service de nos établissements et de notre école, afin que celle-ci puisse assurer sa mission essentielle, à savoir transmettre nos valeurs ?
Par ailleurs, comment comptez-vous réarmer nos enseignants et leur assurer une formation, à l’image de ce que furent les écoles normales à la fin du XIXe siècle ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Dominique Théophile applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Petrus, vous avez raison, notre école a été la cible des terroristes islamistes parce qu’elle promeut des valeurs profondément contraires à celles qu’ils défendent. L’important est qu’elle ne cède jamais un iota sur ses valeurs.
Depuis vendredi dernier, comme cela avait déjà été le cas après l’assassinat de Samuel Paty, 860 000 enseignants se rendent dans leur établissement en se disant que cela aurait pu être eux, et notre responsabilité est de leur apporter la sécurité.
J’ai rencontré l’ensemble des associations d’élus ce midi : nous sommes unis dans notre détermination à leur apporter cette sécurité. Beaucoup d’investissements et d’efforts ont été réalisés ces dernières années, je le rappelle, en termes de formation au sein des établissements – pour mettre en sécurité lorsqu’il y a une alerte intrusion – ou en termes d’équipement – pour limiter au maximum le risque d’une intrusion extérieure dans les établissements et, le cas échéant, lutter contre celle-ci. Évidemment, il faut aller plus loin, et c’est ce sur quoi nous nous sommes accordés ce midi avec les associations d’élus.
Vous posez la question des moyens. L’État ne s’est jamais dérobé à ses responsabilités en la matière. Au contraire, depuis 2017, sur le budget de mon collègue Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, 100 millions d’euros ont été consacrés à la sécurisation d’établissements publics locaux dans le cadre du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Cela a permis d’aider des collectivités territoriales à sécuriser des écoles, par exemple.
Nous continuerons évidemment à accompagner les collectivités locales dans ces investissements pour la sécurisation. Au cours des débats budgétaires qui s’annoncent, je suis certain que cela fera partie des sujets sur lesquels vous vous pencherez, dans votre rôle de parlementaires, afin que l’État, avec les collectivités locales, puisse continuer à agir en toutes circonstances pour assurer ce que nous devons à notre communauté enseignante et à nos personnels : la sécurité de leur établissement, pour la sérénité de leurs enseignements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
prélèvements agirc-arrco
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. Après cette série de questions d’une particulière gravité, qui étaient compréhensibles et nécessaires en raison du drame que notre République a vécu la semaine dernière, je suis obligée de changer de sujet, et ce n’est pas chose aisée.
Je souhaite interroger M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion pour savoir s’il confirme ce que j’ai lu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Le Gouvernement a-t-il réellement l’intention de ponctionner les caisses de l’Agirc-Arrco d’un montant de 1 milliard à 3 milliards d’euros ? Et quels arguments invoque-t-il pour agir de cette façon ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Lubin, vous m’interrogez au sujet de l’Agirc-Arrco. C’est l’occasion pour moi de revenir sur plusieurs points.
L’Agirc-Arrco est une caisse complémentaire gérée par les partenaires sociaux.
M. Rachid Temal. Ah, la démocratie sociale…
M. Olivier Dussopt, ministre. Elle est bien gérée, notamment parce que, il y a quatre ans, les mêmes partenaires sociaux – organisations syndicales et patronales – ont voté la mise en place d’une décote provisoire sur les pensions de retraite de ceux qui partent avant l’âge de 65 ans.
L’Agirc-Arrco dégage déjà des excédents, ce qui est une bonne chose. Mais nous considérons que la réforme des retraites, telle qu’elle a été votée par le Parlement et promulguée en avril dernier, contribuera à susciter pour cette caisse des excédents supplémentaires d’ici à 2026.
Le Gouvernement estime que des excédents d’un montant de 1,2 milliard d’euros n’existeraient pas sans cette réforme des retraites. (Protestations sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Rachid Temal. Ils n’existeraient pas sans les salariés !
M. Olivier Dussopt, ministre. Les services de l’Agirc-Arrco partagent cet avis et considèrent que, sans la réforme des retraites, un excédent de 1 milliard d’euros n’existerait pas. Entre ces deux montants, l’écart n’est pas si considérable… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Avec la Première ministre, j’ai demandé aux partenaires sociaux, dans le cadre des négociations en cours, que cet excédent puisse contribuer à rétablir l’équilibre du régime général.
Les partenaires sociaux ont fait d’autres choix et décidé de dépenser ces fonds d’une manière qui n’était pas prévue. Ils ont opté pour une revalorisation des pensions au-delà de ce qui est habituel et supprimé la décote pour les retraités actuels comme pour les retraités futurs. Cette décision entraînera des dépenses sociales supplémentaires de 1 milliard d’euros en 2026, et ces dépenses sont incluses dans les dépenses publiques selon les normes de l’Union européenne.
Nous devons trouver des marges dans les trois ans qui viennent. Nous poursuivons les discussions avec les partenaires sociaux afin de déterminer la façon dont ces excédents supplémentaires pourraient contribuer au rétablissement de l’équilibre général du système de retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, je suis heureuse de vous entendre dire que les excédents de l’Agirc-Arrco sont liés à des sacrifices qui ont été consentis par les salariés du secteur privé de notre pays !
À partir de la génération de 1957, ces salariés ont accepté une réduction de 10 % de leurs pensions de retraite complémentaire pour renflouer les caisses de l’Agirc-Arrco.
Cependant, la génération qui arrive, celle qui devrait prendre sa retraite, se trouve dans l’obligation de travailler deux à trois ans de plus. Vous affirmez que c’est grâce à cela que les comptes de l’Agirc-Arrco vont s’améliorer encore et qu’il faudrait donc mettre cette génération à contribution pour combler le déficit du régime général.
Bref, dans ce pays, ce sont les salariés qui font tous les sacrifices : ils doivent travailler plus longtemps et perçoivent des retraites moins élevées ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Il est grand temps que nous engagions un débat sérieux sur les salaires, car les travailleurs sont clairement la force vive de la Nation.
Pourtant, ce gouvernement semble ne pas beaucoup les aimer. En témoignent les propos du ministre chargé des relations avec le Parlement : celui-ci n’a pas hésité à fustiger les partenaires sociaux, les qualifiant implicitement d’irresponsables, au motif qu’ils préfèrent dépenser leur argent plutôt que de le remettre au Gouvernement afin de combler les déficits que ce dernier n’est pas capable de réduire autrement ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Mme la Première ministre proteste.)
filet de sécurité pour les collectivités territoriales (I)
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Fabien Genet. Madame la Première ministre, votre gouvernement a publié hier les montants définitifs que percevront les collectivités territoriales au titre du filet de sécurité énergétique.
Ce soutien de l’État était attendu, et je veux relayer ici les profondes inquiétudes des maires confrontés à l’explosion de leurs dépenses d’énergie, à l’inflation, à l’augmentation des charges de personnel, mais aussi à la remontée des taux d’emprunt.
Ce soutien était d’autant plus attendu qu’il devait appuyer la formidable mobilisation des élus locaux, qui cherchent à faire face à cette dégradation des conditions budgétaires et à trouver des économies, afin d’investir pour plus de sobriété.
Le Sénat vous avait alertée, madame la Première ministre, sur ces réels besoins des collectivités, dès l’été 2022. Avec Mathieu Darnaud et plusieurs de nos collègues, je vous avais mise en garde contre l’usine à gaz inventée par Bercy.
Finalement, ce filet s’est transformé en une véritable nasse pour les 22 000 communes auxquelles le Gouvernement avait initialement promis un soutien, une nasse insidieuse qui, finalement, ne soutient que 2 942 collectivités territoriales, soit dix fois moins que ce qui avait été annoncé.
Cette nasse n’aurait pas déplu au marquis de Sade, puisque les critères de Bercy contraignent maintenant près de 3 500 collectivités territoriales à rembourser l’acompte perçu, alors qu’elles ont vu leurs dépenses exploser ! Dans mon département de Saône-et-Loire, près de deux communes sur trois ayant perçu un acompte vont devoir le rembourser.
Dans ces conditions, madame la Première ministre, vous rendez-vous compte que, après le piteux échec de vos contrats de confiance, ce dispositif est devenu le filet de la défiance entre l’État et les collectivités locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Genet, à l’été 2022, vous n’avez pas été parmi les derniers à plaider, ici au Sénat, en faveur de l’ajout d’un article 14 à la loi de finances rectificative.
Cet article prévoyait la création d’un filet de sécurité doté de 430 millions d’euros. À l’époque, la nécessité de mettre en place un tel filet de sécurité n’était pas immédiatement évidente pour l’ensemble des membres du Gouvernement. Mais vous avez argué du fait qu’il y avait lieu de soutenir les communes, affectées par la hausse du prix de l’énergie et par l’augmentation du point d’indice.
Conjointement, nous avons arrêté trois principes, ainsi qu’un montant qui a été revu à la hausse par le Sénat, atteignant 430 millions d’euros.
Les trois critères pour bénéficier de ce dispositif étaient les suivants : l’épargne brute ne devait pas être inférieure à 22 % ; le potentiel fiscal ne devait pas dépasser deux fois la moyenne de la strate ; enfin, l’épargne brute devait baisser de 25 % sur l’année considérée.
Je tiens à souligner que, tant que nous n’avions pas les comptes administratifs de l’année 2022, nous ne pouvions établir la liste définitive des bénéficiaires. Je sais que vous le savez, et personne ne le conteste. Cette liste a été arrêtée il y a quelques jours, après que les chiffres ont été consolidés par la direction générale des finances publiques (DGFiP).
Il y a deux manières de lire cette situation. Comme vous l’avez mentionné, certaines communes ont touché des acomptes, mais il est apparu à la fin de ce processus, en se fondant sur les critères que nous avons partagés, qu’elles n’y avaient pas droit.
Voici quelques chiffres pour illustrer la situation : 4 000 acomptes ont été versés, principalement de faible montant, et 3 000 communes ont finalement bénéficié du dispositif. Le montant consolidé s’élève à 405 millions d’euros, ce qui est très proche de la somme globale que nous avions envisagée.
Certaines sommes versées sont très significatives : 9 millions d’euros pour Lille ou 7 millions d’euros pour Rennes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. Et la ruralité ? Là, c’est autre chose !
M. Christophe Béchu, ministre. D’autres collectivités territoriales, comme Bourges, ont également reçu des sommes considérables.
M. Mathieu Darnaud. Vous ne citez que de grandes villes !
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre. Par exemple, dans votre département de Saône-et-Loire, monsieur le sénateur, Montchanin a reçu 374 000 euros et Montceau-les-Mines 275 000 euros. Le Gouvernement a appliqué les critères votés par le Parlement et a ventilé les crédits en conséquence. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Jean-François Husson. Il fallait écouter le Sénat !
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour la réplique.
M. Fabien Genet. Finalement, monsieur le ministre, votre filet est à la sécurité ce que le match de dimanche fut à la Coupe du monde de rugby : un immense espoir devenu une terrible déception.
Mme Cécile Cukierman. Absolument !
M. Fabien Genet. Comme l’équipe de France, les collectivités locales ont joué le jeu, avec pugnacité, rigueur et engagement. Mais à la fin, c’est toujours Bercy qui gagne le match, en ne dépensant que 405 millions d’euros sur les 430 millions d’euros budgétés !
C’est très injuste et très frustrant, et c’est surtout, monsieur le ministre, tout à fait révélateur du peu de confiance que les collectivités territoriales peuvent accorder à l’action du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER.)
situation du logement
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Amel Gacquerre. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé du logement.
Il y a quelques jours, le congrès HLM réunissait les acteurs du logement social à Nantes. Le constat est accablant : 2,5 millions de ménages – un chiffre qui ne cesse d’augmenter – sont aujourd’hui en attente d’un logement social, alors que 85 000 logements seulement seront mis en chantier cette année.
Annoncées à cette occasion, les mesures du Gouvernement pour le logement vont dans le bon sens : soutien à la transition écologique, bonification des prêts à la production et prorogation du prêt à taux zéro pour l’accession sociale.
Toutefois, je ne vous apprends rien en vous disant que ces mesures ne permettront pas d’enrayer la crise profonde que nous traversons.
Monsieur le ministre, l’histoire nous enseigne que l’État est massivement intervenu à chaque crise du logement : dans l’après-guerre, dans les années 1950, dans les années 1970-1980 pour le logement social…
Pourtant, aujourd’hui, votre gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure de la situation. En témoigne le projet de loi de finances pour 2024 qui va nous être soumis.
Répondre à la pénurie de logements sociaux, dynamiser le parc privé, loger nos étudiants, massifier la rénovation thermique, favoriser l’accession à la propriété, loger les plus fragiles… Jamais les enjeux n’ont été aussi nombreux.
Ce que je vous demande aujourd’hui, ce que vous demandent les acteurs du logement, c’est un discours de vérité, un discours de clarté. Monsieur le ministre, face à toutes ces urgences, quelle est votre stratégie ? Quelles sont vos priorités ?
Vous le savez, la politique du logement est une politique du temps long. Les professionnels du secteur manquent cruellement de visibilité. Allez-vous répondre à leurs attentes ? Et surtout, avec quels moyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du logement.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la sénatrice, le Gouvernement est parfaitement conscient de la crise du logement. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
Il a pris plusieurs mesures fortes pour y faire face, dès le projet de loi de finances pour 2024 ; je vais y revenir de façon détaillée. Son objectif est de toucher tous les aspects fondamentaux de la politique du logement. Il ne s’agit pas de solutions miracles, mais d’une approche globale.
En ce qui concerne l’accession à la propriété, nous avons renforcé le prêt à taux zéro, en le recentrant sur les zones qui en avaient le plus besoin.
Mme Sophie Primas. Pas du tout !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Les plafonds et les barèmes ont été augmentés, ce qui élargit son public. (Mme Dominique Estrosi Sassone s’exclame.) Au total, dans les zones concernées par le prêt à taux zéro (PTZ), 70 % de nos concitoyens, au lieu de 50 % précédemment, pourront bénéficier de ce dispositif.
Mme Sophie Primas. Ce sont là des éléments de langage !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. De plus, les plafonds du bail réel solidaire ont été relevés, ce qui permettra d’attribuer davantage de prêts à taux zéro cette année, alors même que nous avons des taux de 3,8 % aujourd’hui. Cela rend ce dispositif encore plus incitatif.
M. Jean-Raymond Hugonet. En somme, tout va bien !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Nous pourrions évoquer également le logement locatif social : 1,2 milliard d’euros ont été alloués aux rénovations énergétiques, tandis que la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a accordé plus de 14 milliards d’euros de prêts bonifiés, destinés à la fois à la rénovation et à la production de logements. (Mmes Sophie Primas et Dominique Estrosi Sassone s’exclament.)
Le mouvement HLM a signé cet accord, parce qu’il a bien compris que celui-ci visait à accélérer les choses.
Mme Cécile Cukierman. Vous ne pouvez pas dire cela !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Je persiste : le mouvement HLM a compris, lui, que cet accord permettrait de relancer la production et la rénovation énergétique.
Mme Audrey Linkenheld. Il n’avait pas le choix !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. J’en viens aux autres mesures que contient le projet de loi de finances pour 2024.
En complément des mesures sur le foncier ou le logement locatif intermédiaire, j’ai annoncé ce matin, sous l’impulsion du Président de la République et de Mme la Première ministre, la création d’une nouvelle démarche, Territoires engagés pour le logement. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
Elle permettra, dans la quinzaine d’agglomérations françaises où la situation est la plus tendue, de développer et d’accélérer la production de logements.
M. Bruno Belin. Plus personne ne peut construire aujourd’hui !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Dans les jours qui viennent, j’aurai l’occasion d’écrire aux préfets, précisément pour identifier les sites prioritaires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour la réplique.
Mme Amel Gacquerre. Monsieur le ministre, d’après ce que je comprends de vos propos, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Nous ne voyons pas les choses de la même façon. Sans douter de vos efforts, monsieur le ministre, nous n’y voyons pas plus clair.
Donnez-nous de la visibilité, s’il vous plaît ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
occupations illicites de logements
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cyril Pellevat. Depuis près de six ans, les habitants d’un immeuble situé à Annemasse, dans mon département, la Haute-Savoie, sont confrontés à une situation ubuesque.
L’une des copropriétaires et ses complices ont constitué un faux syndic, sur simple déclaration auprès de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), avant de s’en servir pour prendre progressivement possession de l’immeuble.
Dans un premier temps, ils se sont approprié les parties communes et ont facturé de fausses prestations aux copropriétaires.
En 2022, le véritable syndic a cherché à porter plainte pour ces faits, mais le dépôt de plainte au commissariat lui a été refusé, au motif qu’il s’agissait de simples problèmes de voisinage.
Le véritable syndic a alors été contraint de porter plainte directement auprès du procureur, en vain.
Par la suite, l’escroquerie est montée d’un cran : deux appartements vides ont été spoliés, puis loués à l’insu des propriétaires, qui, à la fin de l’année 2022, ont porté plainte pour occupation illicite.
En septembre 2023, constatant l’impunité dans laquelle ils agissaient faute de suite donnée aux plaintes, les escrocs ont expulsé frauduleusement les locataires d’appartements appartenant à deux propriétaires. Ils ont signé en leur nom de faux baux avec des occupants illicites, ce qui leur a permis d’empocher des loyers.
Les arrestations auxquelles la police a récemment procédé ne sont intervenues qu’après la médiatisation de cette affaire. Il est inconcevable, dans un État de droit, que de telles pratiques, que l’on pourrait qualifier de mafieuses, aient pu perdurer si longtemps.
Cette affaire soulève plusieurs questions. Comment est-il possible, tout d’abord, que l’Anah ait accepté le remplacement du véritable syndic par le faux et l’immatriculation de ce dernier ?
La procédure de vérification des documents fournis semble beaucoup trop légère et totalement non sécurisée.
Par ailleurs, comment expliquez-vous le refus de la plainte du syndic ? Pour quelles raisons les arrestations sont-elles intervenues seulement après la médiatisation de l’affaire ?
La représentation nationale a pourtant voté, cette année, une loi permettant d’expulser plus rapidement les squatteurs.
Monsieur le ministre, je sais l’immense travail fourni quotidiennement par les forces de l’ordre, mais des lacunes dans le traitement des plaintes font que les Français victimes de squats en sont réduits à recourir au tribunal médiatique pour faire avancer leurs dossiers.
Que comptez-vous donc faire pour remédier à cette situation, afin que les plaintes pour squat soient traitées rapidement et efficacement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Dominique Théophile applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du logement.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur, la situation que vous évoquez à Annemasse mériterait un examen approfondi. Peut-être pourrons-nous échanger spécifiquement à son propos.
Le Gouvernement s’est largement mobilisé…
Mme Laurence Harribey. Encore ? Il n’arrête pas ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. … pour lutter et prévenir toutes les situations de squat.
Aux côtés des parlementaires, il s’est mobilisé pour simplifier et accélérer l’ensemble des mesures qui permettent de régler ces situations.
Les moyens existent aujourd’hui. Ils ne relèvent pas uniquement du droit pénal, même si, en juillet 2023, les peines maximales pour le délit de violation de domicile ont été triplées pour être portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
À cette occasion, un délit d’occupation frauduleuse des locaux à usages divers a élargi le spectre du squat aux autres types de locaux, en dehors du domicile. En la matière, les peines maximales ont été portées à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. (M. Loïc Hervé s’exclame.)
En ce qui concerne la dimension pénale, l’objectif est donc d’éviter l’impunité.
Toutefois, vous avez raison, cela ne suffit pas : il faut aussi pouvoir libérer les lieux. Depuis 2020, des procédures ont été mises en place, qui permettent aux préfets d’accélérer les expulsions et d’intervenir dans les quarante-huit heures qui suivent la mise en demeure.
En 2021, quelque 170 propriétaires ont ainsi pu récupérer leur domicile dans les quelques jours qui ont suivi la mise en demeure.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement s’attache à défendre ce droit constitutionnel qu’est la propriété. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Stéphane Demilly applaudit également.)
filet de sécurité pour les collectivités territoriales (ii)
M. le président. La parole est à M. David Ros, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. David Ros. Monsieur le ministre de la transition écologique et des territoires, depuis plusieurs mois, vous avez pu mesurer à quel point les finances locales étaient soumises à de fortes tensions budgétaires.
Alors que les conseils municipaux s’apprêtent à voter avec grande difficulté leurs décisions budgétaires modificatives, les mauvaises nouvelles financières tombent de concert avec les feuilles automnales.
Ainsi, après les répercussions de l’augmentation du point d’indice sans compensation, l’impact de l’inflation sur le coût du service public, la baisse drastique de près de 30 % des droits de mutation, voilà que nous prenons connaissance de l’arrêté fixant le montant définitif du filet de sécurité.
Nous y découvrons que le nombre de bénéficiaires est encore plus faible que prévu. Pourtant, le comité des finances locales vous avait alerté quant aux difficultés opérationnelles à venir, qualifiant le dispositif de « trop peu, trop tard et trop compliqué ».
En conséquence, alors que vous annonciez initialement avec enthousiasme un soutien à plus de 22 000 collectivités, ce nombre chutait à 11 000 en novembre 2022, pour finalement atteindre 6 531 aujourd’hui.
Aujourd’hui, c’est une nouvelle douche froide : il serait demandé à près de 3 500 communes de rembourser les sommes perçues. En définitive, loin d’atteindre l’objectif initial de 22 000 communes, votre dispositif en concernerait moins de 3 000.
Monsieur le ministre, confirmez-vous ces chiffres ? Exigerez-vous réellement et sérieusement des remboursements qui mettraient les collectivités concernées en difficulté, voire en précarité financière ?
Enfin, quels dispositifs de soutien envisagez-vous de mettre en place en 2024 pour aider financièrement les collectivités locales à faire face à l’inflation et au coût de l’énergie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Ros, je suis heureux que vous me laissiez l’occasion de réagir, notamment en discutant la métaphore employée tout à l’heure par le sénateur Genet.
En raison des critiques transpartisanes qui ont visé, voilà tout juste un an, les critères fixés par le Parlement pour l’attribution du filet de sécurité, ces derniers ont été assouplis pour l’année 2023.
Nous sommes ainsi passés de trois critères à deux seulement : présenter un potentiel financier inférieur au double de la moyenne et subir une baisse de l’épargne brute non plus de 25 %, mais de 15 %.
L’enveloppe votée dans la loi de finances pour 2023 tenait compte de cette nouvelle réalité. Elle s’élevait non plus à 400 millions d’euros, mais à 1,5 milliard d’euros.
En raison de critères et de montants différents, le filet de sécurité était donc moins généreux en 2022 qu’il ne l’a été en 2023. En outre, nous avons amélioré en 2023 l’accompagnement des collectivités. En effet, vous avez vous-mêmes fait en sorte de resserrer les mailles là où elles avaient été trop larges en 2022. Il serait paradoxal de nous reprocher d’avoir respecté le vote du Parlement !
En ce qui concerne le nombre de communes qui devront rembourser des acomptes, la réalité n’est pas celle que vous décrivez : 4 000 communes au total ont perçu des acomptes, pour un montant de 60 millions d’euros environ. Or certaines n’étaient pas, à l’issue des calculs, éligibles au versement de ces sommes.
Le reste a été accordé à des communes dont les comptes ont été consolidés. En l’espèce, les consignes données à la DGFiP sont de lisser le remboursement sur plusieurs années et de tenir compte des disparités entre communes. Pour certaines d’entre elles, en effet, les avances versées sont d’un montant élevé, alors que, pour d’autres, elles sont d’un faible montant. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. David Ros, pour la réplique.
M. David Ros. Monsieur le ministre, puisque vous aimez les métaphores, permettez-moi de vous dire que ce filet est davantage un filet de pêche qui visait à draguer les communes et que les mailles étaient si larges qu’une grande partie des collectivités s’en sont trouvées exclues !
Quant à celles qui devront rembourser des acomptes, elles considéreront ce filet comme un outil qui les aura fait plonger, plutôt que comme une aide qui leur aura sorti la tête de l’eau. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.)
situation de la pêche en france
M. le président. La parole est à M. Alain Cadec, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Cadec. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État à la mer.
Monsieur le secrétaire d’État, dans le cadre du plan de résilience économique et sociale mis en place pour faire face aux conséquences économiques de la crise en Ukraine, la pêche française a pu bénéficier d’une aide d’État eurocompatible de 20 centimes d’euro par litre de carburant.
Alors que ce plan se termine à la fin de l’année en cours, votre décision d’arrêter le versement des aides au 15 octobre dernier, afin d’éviter les retards de paiement, a provoqué une légitime levée de boucliers des professionnels, le gazole, principal poste de charge des pêcheurs, n’ayant cessé d’augmenter en 2023.
Lors de votre visite au Guilvinec, vous avez annoncé, à grand renfort de communication, une prolongation de cette aide jusqu’au 4 décembre prochain. Or – vous l’aurez compris, mes chers collègues – cela ne change rien, puisque cette prolongation s’inscrit dans les dates limites fixées par la Commission européenne.
Par ailleurs, vous annoncez, pour 2024, un accord avec le groupe Total Énergies au sujet de la mise en place d’une ristourne de 13 centimes d’euros à la charge du pétrolier, dans le cadre de l’introduction de biocarburant dans le gazole.
Pouvez-vous nous confirmer cet accord et son eurocompatibilité ? Il ne faudrait pas, en effet, que nous tombions dans les affres du fonds de prévention des aléas de la pêche (FPAP). À l’époque, les pêcheurs avaient dû rembourser les aides perçues entre 2004 et 2006.
Quelle est par ailleurs la durée de cet accord, sachant que la mise en œuvre d’une telle mesure prendra du temps et que peu de ports peuvent fournir du biocarburant ?
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, alors que la souveraineté alimentaire est sur toutes les lèvres et après le plan de sortie de flotte post-Brexit, qui a amputé notre capacité de production de manière significative, le moment est venu de faire entendre la voix de la France à Bruxelles auprès de nos partenaires européens.
La situation est grave ! Voulons-nous la mort de la pêche française ? Une telle disparition nous obligerait à importer encore davantage de produits de la mer de pays tiers qui ne respectent aucune de nos normes environnementales et sanitaires.
Monsieur le secrétaire d’État, notre modèle de pêche français doit être sauvé ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Didier Marie et Franck Montaugé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la mer.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargé de la mer. Monsieur le sénateur Alain Cadec, comme vous, je considère que la pêche est une activité essentielle pour nos territoires littoraux, ainsi que pour notre souveraineté.
Nous devons accompagner l’ensemble de nos pêcheurs. Ils font un métier difficile. C’est parce que nous croyons en l’avenir de la pêche que, depuis plus d’un an, nous les avons soutenus de manière forte, constante et continue.
La voix de la France est entendue dans l’Union européenne : c’est grâce à elle, par le truchement du Président de la République et de la Première ministre, que nous avons prolongé par quatre fois l’aide au carburant, un soutien qui est sans précédent et sans équivalent dans d’autres pays européens.
Au total, 75 millions d’euros ont été accordés aux pêcheurs pour qu’ils puissent continuer à sortir en mer.
Au-delà de sa prolongation, le plafond de l’aide a été rehaussé. Il était de 30 000 euros quand je suis arrivé aux responsabilités ; il est désormais de 330 000 euros.
L’État a donc été aux côtés des pêcheurs, et il continue de l’être. Nous allons poursuivre notre mobilisation. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé, en août dernier, une prolongation des aides au carburant pour l’année 2024 et une augmentation des plafonds.
Loin de nous être livrés, au Guilvinec, à une action de communication, nous avons présenté des actions tout à fait concrètes, attendues par les pêcheurs, en particulier la prolongation de l’aide jusqu’au 4 décembre 2023. (M. Didier Mandelli proteste.) D’ici à cette date, nous menons le combat à l’échelon le plus élevé en vue d’obtenir une nouvelle prolongation.
Au-delà, monsieur le sénateur, notre responsabilité est aussi de préparer l’avenir et d’engager dès aujourd’hui la transition énergétique du secteur de la pêche.
Toutes les grandes crises de la pêche ont été des crises de carburant. Nous avons donc annoncé également le déblocage de 450 millions d’euros pour réduire la dépendance aux énergies fossiles, afin de garantir notre souveraineté énergétique et notre souveraineté alimentaire.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous sommes aux côtés des pêcheurs…
M. le président. Il faut conclure !
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. … et nous continuerons à les soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
mise en place des zones d’accélération des énergies renouvelables
M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Jacquemet. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition énergétique et concerne la mise en œuvre de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération des énergies renouvelables.
Afin de porter la part d’énergies renouvelables dans notre consommation finale d’énergie à 33 % d’ici à 2030, ce texte permet aux communes de définir les zones d’accélération dans lesquelles elles souhaitent prioritairement voir s’implanter des projets d’énergies renouvelables.
À la suite d’une réunion organisée récemment dans le département du Doubs, en présence des élus locaux, des services de l’État et des principaux acteurs du marché de l’énergie, de nombreuses questions sont remontées sur les difficultés d’application de cette disposition.
Ces questions ne sont pas propres à ce territoire, comme en témoignent les expériences similaires vécues par plusieurs de mes collègues.
Comme vous le savez, les élus doivent rendre leurs propositions avant le 31 décembre 2023. Or les décrets d’application ne sont toujours pas parus et les élus doivent, d’ici là, identifier les zones d’accélération des énergies renouvelables (ZAER), modifier les documents d’urbanisme en y précisant les zones d’exclusion, organiser la concertation avec la population – nous le savons tous, les difficultés d’organisation sont plus grandes dans les communes de petite taille que dans les grosses agglomérations –, ou encore inscrire ces zones sur le portail numérique dédié, qui n’est pas encore tout à fait opérationnel.
Aussi, je souhaiterais savoir comment le Gouvernement entend répondre aux inquiétudes des élus locaux sur la mise en place des ZAER dans le délai imparti.
Quand les décrets d’application tant attendus dans nos territoires seront-ils publiés ? Seront-ils conformes à l’esprit de la loi ? En effet, sans ces garanties, les élus peuvent difficilement entamer sereinement leurs démarches. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Madame la sénatrice Jacquemet, je vous remercie de votre question, qui témoigne de votre engagement en faveur de l’accélération des énergies renouvelables, dont nous avons tant besoin pour sortir des énergies fossiles.
Grâce au vote par cette assemblée – je salue de nouveau le travail du Sénat –, à une large majorité, de la loi relative à l’accélération des énergies renouvelables, nous avons décidé, ensemble, de mettre les élus locaux au cœur du processus de planification énergétique.
C’est un gage de réussite de la planification écologique voulue par le Président de la République et par la Première ministre.
Concrètement, la loi précise que les maires ont désormais la possibilité de définir des zones d’accélération, dans lesquelles ils souhaitent que soient développées des énergies renouvelables, et des zones d’interdiction, dans lesquelles ils ne le souhaitent pas.
Ces nouveaux pouvoirs permettent de soutenir les élus locaux qui s’engagent dans l’accélération des énergies renouvelables. Ils leur ouvrent la possibilité de bénéficier de nombreux avantages inscrits dans la loi, en particulier le partage de la valeur de ces projets.
Madame la sénatrice, la définition des zones d’accélération ne requiert pas la publication de décrets : toutes les mesures prévues par la loi – mise en place d’un portail cartographique, nomination de membres de l’équipe préfectorale comme points d’entrée de chacun des élus référents en matière d’énergies renouvelables – sont d’ores et déjà entrées en application.
J’ai d’ailleurs écrit, en juin dernier, aux 35 000 maires et présidents d’intercommunalité pour leur communiquer les éléments permettant de définir les zones d’accélération ou d’exclusion. Un certain nombre de communes prennent aujourd’hui des délibérations en ce sens.
Fort heureusement, il n’est pas demandé aux élus de modifier leur plan local d’urbanisme (PLU) ou autres documents. Il leur est simplement demandé de préciser les zones dans lesquelles ils souhaitent que des énergies renouvelables soient implantées et de transmettre cette information au département, puis à la région, de manière que les comités régionaux de l’énergie puissent prendre position.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je veux enfin vous rassurer : le 31 décembre 2023 n’est pas une date butoir. Mais nous ne pouvons ralentir les communes qui ont déjà réalisé ce travail. Nous soutenons et soutiendrons les élus sur cette question.
M. le président. Il faut vraiment conclure !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. J’organise d’ailleurs chaque mois sur ce sujet des conférences et visioconférences réunissant plus d’une centaine d’élus.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 25 octobre 2023, à quinze heures.
4
Modifications de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mardi 24 octobre, l’après-midi, d’une déclaration, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la situation au Proche-Orient.
Acte est donné de cette demande.
Ce débat pourrait avoir lieu à partir de dix-sept heures trente. Nous pourrions prévoir que les orateurs des groupes interviennent, selon l’ordre décroissant de leur effectif, avec les temps de parole suivants : 14 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste, 8 minutes pour les autres groupes, 3 minutes pour un sénateur non inscrit.
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat serait fixé au lundi 23 octobre à quinze heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Par ailleurs, le Gouvernement demande le retrait de l’ordre du jour des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, qui étaient inscrites le mercredi 8 novembre prochain.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. Acte est donné de cette demande.
5
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi pour le plein emploi ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 23 octobre 2023 :
À seize heures et le soir :
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux services express régionaux métropolitains (texte n° 749, 2022-2023) ;
Proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP, présentée par M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée ; texte n° 943, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures vingt.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des affaires sociales pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le plein emploi a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. Philippe Mouiller, Mme Pascale Gruny, MM. Laurent Burgoa, Olivier Henno, Mmes Émilienne Poumirol, Corinne Féret et Solanges Nadille ;
Suppléants : Mme Brigitte Micouleau, M. Jean Sol, Mmes Jocelyne Guidez, Annie Le Houerou, Cathy Apourceau-Poly, Marie-Claude Lermytte et Raymonde Poncet Monge.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER