Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos annonces. Nous savions qu’un rattrapage était prévu, car la situation est très tendue. Je ne connais en revanche toujours pas ce qu’il en sera du nombre précis d’effectifs supplémentaires et de la ventilation pour 2024.
De façon plus générale, je regrette vivement qu’un « effet jeux Olympiques » entraîne des problèmes de ventilation des magistrats dans les juridictions de province et empêche que la fluidité de la chaîne pénale soit assurée comme il se doit. Je rappelle à ce titre que, si les jeux Olympiques durent quatre mois, les juges d’instruction sont nommés pour trois ans.
Je le répète, même si vous le savez, monsieur le ministre, aujourd’hui, la situation au tribunal judiciaire et à la cour d’appel de Rennes est extrêmement tendue.
détresse des manadiers
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 764, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Laurent Burgoa. Monsieur le ministre, les traditions camarguaises font partie intégrante du patrimoine de notre pays, plus particulièrement du territoire de la Camargue gardoise.
Évidemment, le taureau de Camargue est au centre de cette culture. Son élevage se pratique de manière traditionnelle, c’est-à-dire extensive : les animaux pâturent toute l’année en extérieur. Outre l’identité culturelle qu’il véhicule, cet élevage participe de manière prépondérante à la préservation d’un écosystème et d’une biodiversité uniques au monde : la Camargue.
Déjà durement touchés au cours de la crise sanitaire, les manadiers sont aujourd’hui à l’agonie, et ce en raison d’une modification substantielle de leurs cotisations d’assurance. Je parle ici d’une multiplication par cinq du montant de ces cotisations ! Il arrive même que certaines compagnies refusent de les assurer. Ce phénomène touche également les festivités taurines du sud de la France, qui sont organisées par des communes ou des associations.
Au cours des dernières années, au regard des difficultés conjoncturelles, nos manadiers ont mené de véritables actions de diversification de leur activité : obtention d’une appellation d’origine protégée (AOP), réception de visiteurs, location de salles, etc. Malgré cela, nos manades risquent aujourd’hui de disparaître définitivement et, avec elles, une part de notre culture, de notre économie locale, mais aussi des acteurs essentiels au maintien d’un écosystème. En effet, la Camargue est un environnement fortement fragilisé.
Ma question est donc simple. Monsieur le ministre, que comptez-vous mettre en œuvre pour protéger les manadiers ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est particulièrement attaché aux traditions taurines du sud de la France, en particulier la course camarguaise. Chaque année, les services de l’État, en lien avec les communes, contribuent à l’organisation des fêtes camarguaises, notamment pour ce qui relève de la sécurité publique.
Le Gouvernement est mobilisé pour que chacun – particulier, entreprise, collectivité – puisse bénéficier d’une assurance adaptée aux risques auxquels il fait face, en contrepartie d’une responsabilisation par une plus grande prévention.
À titre d’exemple, le Gouvernement a lancé une mission dédiée à l’assurabilité face au réchauffement climatique, qui rendra ses conclusions en décembre prochain. De la même manière, il lancera prochainement une mission consacrée à l’assurabilité des collectivités territoriales, après les difficultés qu’ont connues les communes touchées par les émeutes de la fin du mois de juin dernier.
Le Gouvernement veillera ainsi à l’accès à une assurance, dans des conditions de couverture raisonnables, des communes et manadiers organisateurs de fêtes camarguaises. En plus d’une mobilisation des assureurs, le Gouvernement appelle aux efforts de prévention les plus ambitieux possible des organisateurs de ces fêtes, afin de réduire les risques associés et, ainsi, de faciliter leur accès à l’assurance.
Les services déconcentrés de l’État pourront aussi être mobilisés dans les efforts tant de prévention que d’accès à l’assurance.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.
M. Laurent Burgoa. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse dont je prends acte.
La communauté de communes de Petite Camargue concentre une vingtaine d’élevages sur son territoire. Je me tiens à votre disposition pour vous y accueillir afin que vous puissiez constater par vous-même la détresse et la dignité de nos manadiers camarguais, qui sauront vous recevoir avec bienveillance et écoute. Ils ne manqueront pas de vous sensibiliser à l’importance de ce milieu pour notre pays et pour la Camargue.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 805, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, un décret du 25 août dernier élargit à 2 200 nouvelles communes la possibilité de majorer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS). Ce décret était très attendu par de nombreuses communes jusqu’à présent exclues de ce dispositif.
Malgré cet élargissement, beaucoup d’entre elles restent oubliées. C’est le cas de Dieppe, d’Eu, du Tréport ou de Saint-Jouin-Bruneval, près d’Étretat, par exemple, en Seine-Maritime. Rien ne justifie pourtant leur exclusion du dispositif.
À Dieppe, les résidences secondaires ont augmenté de 407 % en cinquante ans, et le nombre de locations saisonnières de 150 % en trois ans. Dans l’agglomération, pour ce qui concerne les petits logements, on dénombre un logement disponible pour neuf demandes.
Au Tréport, 490 demandes de logement social sont en souffrance. Eu compte 520 demandes actives.
Pour ces communes, augmenter la taxe d’habitation sur les résidences secondaires permettrait d’accéder à de nouvelles recettes, bienvenues dans le contexte d’inflation que nous connaissons. Cette mesure contribuerait aussi à une meilleure maîtrise de l’habitat, face à l’accroissement du nombre des résidences secondaires et des locations de courte durée.
Enfin, l’exclusion de certaines communes du dispositif risque de renforcer les problèmes, puisque les acquéreurs de résidences secondaires se porteront plutôt sur les communes exclues du décret que sur les autres, accroissant encore la tension.
Monsieur le ministre, pourquoi de nombreuses communes se retrouvent-elles une nouvelle fois exclues, sans explication, de la possibilité de majorer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, alors qu’elles ont pu démontrer la nécessité de bénéficier de cette mesure ? (Mme Nathalie Goulet applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, vous avez appelé mon attention sur les critères qui ont été retenus pour établir, par décret du 25 août 2023, la liste des communes intégrant les zones tendues.
Comme vous le savez, ces critères permettent de définir les communes faisant face à des difficultés sérieuses d’accès au logement et pour lesquelles deux dispositifs fiscaux incitatifs frappant la rétention foncière sont applicables : la taxe annuelle sur les logements vacants (TLV) et, sur délibération communale, la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.
La réforme des zones tendues s’est articulée autour de deux axes.
Le premier est l’actualisation du périmètre des zones tendues historiques d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants, qui n’avait pas été modifié depuis 2015. Cette actualisation tient compte de l’évolution des zones au regard, d’une part, des niveaux élevés des loyers et des prix d’acquisition des logements anciens et, d’autre part, du nombre de demandes de logements par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social.
Le second vise à répondre à la forte demande politique dont votre question atteste. Il s’agit de l’élargissement de ces zones aux communes qui, sans appartenir à des zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants, présentent une forte tension immobilière résultant notamment d’une proportion élevée de résidences secondaires en plus de niveaux élevés des loyers et des prix d’acquisition des logements anciens.
C’est sur le fondement de ces critères et après consultation des associations d’élus locaux, comme le Gouvernement s’y était engagé, qu’une liste actualisée de communes a été établie. La nouvelle liste permet ainsi d’améliorer la prise en compte de la situation particulière des communes touristiques les plus exposées aux difficultés d’accès au logement, en leur confiant les leviers fiscaux pour y répondre.
Il s’agit d’un élargissement très sensible, puisque le nombre de communes a été multiplié par trois, de même que le nombre de résidences secondaires couvertes, qui représente plus des deux tiers du parc.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, votre réponse était un peu technique, si vous m’autorisez cette remarque. (M. le ministre délégué sourit.)
L’élargissement que vous évoquez a permis de faire une partie du chemin. C’était très attendu.
À la lumière des exemples et des chiffres précis que j’ai donnés et de ceux qu’offrent également d’autres départements, il me semblerait utile de réexaminer cette question de façon concrète afin de publier une nouvelle liste actualisée des communes pouvant prétendre à ce dispositif.
déploiement des réseaux à nançay
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 807, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation préoccupante de la commune de Nançay dans le Cher, qui est confrontée à un déficit de réseaux internet et mobile en raison de la présence d’une station de radioastronomie.
Cette dernière, par crainte d’interférences avec ses travaux scientifiques, refuse l’installation d’un réseau 4G. Cependant, des exemples aux Pays-Bas démontrent que, grâce à des solutions techniques minimisant les interférences, la coexistence d’une station de radioastronomie et d’un réseau haut débit peut être réussie.
L’accès à un réseau performant est crucial dans notre société, tant pour les particuliers que pour le développement économique et scientifique des territoires. La commune de Nançay se trouve ainsi confrontée à un défi majeur, entravant son attractivité et son potentiel de croissance.
Je vous invite à étudier de nouveau cette situation et à explorer les possibilités techniques et réglementaires permettant de concilier les exigences de la station de radioastronomie avec les besoins en réseau haut débit de la commune de Nançay. Favoriser le progrès scientifique tout en assurant un accès équitable aux technologies de communication est essentiel.
Comment le Gouvernement compte-t-il relever ce défi afin de garantir un développement équilibré et harmonieux de Nançay ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, le cas de la commune de Nançay est un cas particulier bien connu des services de l’État. Comme vous l’avez rappelé, cette dernière abrite un observatoire radioastronomique de classe mondiale, notamment le quatrième plus grand radiotélescope à l’échelon mondial.
Le principe de fonctionnement des instruments présents sur le site de Nançay repose sur la réception et l’analyse de signaux radioélectriques de faible intensité, émis depuis l’espace par les corps célestes. Ces signaux faibles et naturels sont donc susceptibles d’être perturbés par toute autre émission radioélectrique proche, par exemple celles qui proviennent d’une antenne fournissant un service de communication mobile.
Pour limiter ce type de risque, une zone de servitude radioélectrique a été établie par un décret du 8 décembre 2010. Celui-ci interdit le déploiement d’équipements radioélectriques de nature à perturber le bon fonctionnement des équipements déployés par l’observatoire dans une zone proche de celui-ci, incluant la commune de Nançay.
Il en résulte en effet une difficulté pour assurer la couverture mobile de Nançay qu’il nous faut résoudre en trouvant un équilibre entre les besoins légitimes de connectivité mobile des habitants de la commune et des entreprises qui s’y trouvent, d’une part, et les besoins tout aussi importants de l’observatoire de Nançay, d’autre part. Le cas des Pays-Bas, même s’il semble présenter quelques similitudes avec celui de Nançay, n’apparaît pas directement transposable à la situation qui nous préoccupe : le site en question déploie des technologies différentes en termes tant d’équipements que de fréquences.
Je souhaite néanmoins que toutes les solutions techniques puissent être envisagées. C’est à ce titre que le Gouvernement a demandé aux services de Bercy et à l’Agence nationale des fréquences de travailler, en lien avec les préfectures concernées, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et les opérateurs mobiles, à l’examen des options conciliant les contraintes de chacune des deux parties et à l’identification, le cas échéant, des conditions et des scénarios de leur mise en œuvre.
J’espère que ces travaux pourront aboutir à une expérimentation et à des propositions concrètes dans le courant de l’année 2024, afin, comme vous le souligniez, de favoriser le progrès scientifique tout en assurant un accès équitable aux technologies de communication pour tous les citoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, j’entends votre réponse. Reste qu’il est inadmissible que la commune de Nançay soit aujourd’hui exclue du réseau numérique.
Il est tout aussi inadmissible que j’aie été obligé de déposer une question orale au Sénat pour obtenir une demi-réponse.
Au mois de juin dernier, j’ai écrit à Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui ne m’a jamais répondu. J’ai saisi l’Arcep, qui n’a toujours pas trouvé de solutions, alors que celles-ci existent – les Pays-Bas en sont un exemple.
Je souhaite que le Gouvernement mette en place des mesures pour que la commune de Nançay ait un accès aux réseaux de téléphonie mobile et numérique.
assurabilité des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet, auteure de la question n° 810, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le ministre, de plus en plus de communes et d’intercommunalités, petites ou grandes, rurales comme urbaines, rencontrent des difficultés dans leur recherche d’un prestataire d’assurance pour couvrir les risques auxquels elles sont confrontées.
Bien souvent, les prestataires ne répondent pas aux appels d’offres et, quand ils le font, un grand nombre d’entre eux proposent des tarifs très élevés, difficilement supportables pour des budgets communaux ou intercommunaux.
De nombreux maires et présidents d’intercommunalité se retrouvent donc dans l’incapacité de souscrire un contrat d’assurance, ce qui les laisse seuls face aux risques et, surtout, face aux conséquences susceptibles d’entraver le bon fonctionnement des services publics locaux.
Au mois de mars dernier, Mme la ministre chargée des collectivités territoriales a répondu à mon collègue Didier Marie que le Gouvernement avait pleinement conscience de ces difficultés ; elle s’était engagée à revenir vers lui.
Récemment, M. le ministre de l’économie et des finances a annoncé des mesures pour faire face au problème, notamment la possibilité pour les collectivités de saisir le médiateur de l’assurance. Je ne suis pas certaine que cela rassure les maires et présidents d’intercommunalité concernés.
En revanche, la proposition de lancer une mission associant experts, élus et assureurs, afin de définir des solutions de long terme pour faciliter l’assurance des collectivités constitue un premier pas, mais il faut aller plus vite et plus loin.
Je souhaiterais donc savoir quelles mesures concrètes le Gouvernement entend mettre en œuvre pour permettre aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de continuer à s’assurer dans des conditions soutenables.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, le Gouvernement est bien conscient des problématiques assurantielles rencontrées par les collectivités territoriales et les EPCI. Ces difficultés ont été accentuées par les récentes violences urbaines de l’été 2023, dont le coût assurantiel s’élève à près de 200 millions d’euros pour les dommages aux biens des collectivités territoriales. Je rappelle qu’environ 500 collectivités ont été touchées.
Dans l’immédiat et afin de contribuer à l’instauration d’un climat de confiance entre les collectivités territoriales et les assureurs, le Gouvernement a annoncé à la fin du mois de septembre dernier la conclusion d’un accord avec les assureurs, afin que ces derniers mettent en place le recours à la médiation de l’assurance, intervenant comme un médiateur conventionnel, pour les litiges portant sur les contrats d’assurance des collectivités territoriales.
Dans une perspective de moyen terme, Bruno Le Maire, Christophe Béchu, Dominique Faure et moi-même avons lancé une mission associant experts, élus et assureurs afin de définir des solutions pérennes pour faciliter l’assurance des collectivités territoriales – vous l’avez évoqué dans votre question. La mission étudiera l’ensemble des axes de la problématique : règles d’inventaire, moyens d’entretien, stratégie de prévention, règles de passation des contrats, état du marché de l’assurance aux collectivités. Nous avons fixé à cette mission l’objectif de rendre son rapport avant l’été 2024.
Madame la sénatrice, soyez assurée que le Gouvernement restera extrêmement vigilant quant aux modalités d’accès à l’assurance des collectivités.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le ministre, j’espère que cette mission débouchera sur des solutions, car la situation reste très préoccupante.
Vous avez évoqué la médiation, mais celle-ci suppose l’existence d’un litige et, pour qu’il y ait litige, encore faut-il qu’il y ait un contrat, ce que de nombreuses collectivités n’ont pas, quelle que soit leur taille. Dans mon seul département, une vingtaine de collectivités sont dans ce cas.
pertes pour le budget français des conventions fiscales avec les pays du golfe
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 629, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, comme vous le savez, notre situation budgétaire est calamiteuse. Parmi les actions que je mène régulièrement dans cette maison figure la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, mais d’autres aussi, comme celle de la mesure du coût des conventions fiscales internationales avec des pays à haute capacité contributive – notamment l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis.
En l’espèce, c’est un peu comme dans le sketch de Coluche : plus on peut payer, moins on paye ! Vous conviendrez avec moi que cela n’est pas tout à fait normal.
J’ai posé à ce sujet plusieurs questions écrites. J’ai également interpellé le Gouvernement lors de l’examen du dernier budget. Lorsque j’ai interrogé votre ministère sur le coût exact de ces conventions, on m’a cité un rapport qui a été remis en 2015. Nous sommes aujourd’hui en 2023…
Ma question est simple, monsieur le ministre : combien nous coûtent ces conventions fiscales internationales aujourd’hui ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, je me réjouis que nous partagions le même intérêt pour la lutte contre la fraude. Comme ministre chargé des comptes publics, c’est une de mes priorités !
La France est liée par près de 125 conventions fiscales bilatérales, disposant ainsi du réseau le plus étendu au monde avec le Royaume-Uni.
De telles conventions sont un outil essentiel. Elles permettent de prévenir les doubles impositions auxquelles seraient sinon confrontés nos entreprises et nos concitoyens, en particulier ceux qui résident à l’étranger, pour un même revenu perçu. Elles remplissent également un objectif économique important, offrant un cadre juridique sécurisé aussi bien pour ceux qui investissent en France que pour nos entreprises qui investissent hors de France. Elles sont donc un atout.
Les conventions servent aussi à mettre en œuvre des dispositifs essentiels pour que nos administrations puissent lutter contre la fraude. Je pense en particulier aux clauses qui nous permettent d’échanger des renseignements fiscaux et, dans certains cas, d’obtenir que nos partenaires nous assistent pour le recouvrement de nos créances.
Établir les gains et les coûts budgétaires d’une convention en particulier est impossible à réaliser tant matériellement que techniquement. En outre, cela supposerait de mesurer le coût d’une absence de convention pour nos concitoyens et nos entreprises, ainsi que d’un point de vue budgétaire, si cette absence devait dissuader les investissements, donc les flux imposés.
Chaque convention contient de nombreuses clauses différentes et est le fruit d’une négociation avec un autre État, qui a lui-même des intérêts à faire valoir. Les conventions que vous mentionnez, celles qui nous lient aux États du Golfe et qui sont négociées, conclues et ratifiées par le Parlement en leur temps, n’ont pas échappé à cette règle.
Nos services s’emploient bien entendu à moderniser progressivement ce réseau conventionnel, mais c’est une entreprise longue et qui suppose la même volonté chez nos partenaires. Ils s’emploient aussi à faire avancer certains chantiers pour rendre plus robustes certaines règles de fiscalité internationale, notamment en matière de risques d’optimisation.
Ainsi, la mise en œuvre du chantier Base Erosion and Profit Shifting (Beps) de l’OCDE contribue à apporter une réponse, au travers de la modernisation de nos conventions bilatérales par l’instrument multilatéral que nous avons ratifié en 2018. Il prévoit plusieurs clauses anti-abus, notamment pour éviter le Treaty Shopping. Cet instrument, s’il est ratifié par les deux États parties à une convention bilatérale, modifie cette dernière. C’est le cas par exemple pour l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis ou encore Oman.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, voilà encore une question sans réponse !
Je note que l’on ne peut toujours pas savoir combien ces conventions fiscales internationales nous coûtent, mais vous reconnaissez avec moi qu’il faut les réviser. Bruno Le Maire en avait parlé ; comme mon collègue Éric Bocquet, j’appelle à une « COP fiscale ». Le sujet est extrêmement important.
J’ajoute que, dans le contexte international que nous connaissons depuis le début de cette semaine, faciliter la fiscalité avec le Qatar, qui entretient le Hamas, branche armée des Frères musulmans, ne me semble pas une très bonne idée.
Il faudra revenir sur ces questions à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2024.
Je profite de mon temps de parole pour vous dire que, de la même façon, devrait être revu le contrôle du financement de certaines associations, qui font aussi de l’optimisation fiscale et pour lesquelles rien ne justifie l’existence de niches fiscales, d’autant qu’elles peuvent se retourner contre la population française, voire contre la population à l’étranger.
Monsieur le ministre, sur ces questions extrêmement importantes, je vous remercie de votre non-réponse.
retraite des françaises et français établis en nouvelle-zélande
Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, auteur de la question n° 800, adressée à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Yan Chantrel. Monsieur le ministre, je vous interpelle aujourd’hui au sujet du droit à la retraite de nos compatriotes établis en Nouvelle-Zélande.
Le système de retraite néo-zélandais prévoit l’octroi d’un montant de base universel auquel sont éligibles les citoyens néo-zélandais, ainsi que les étrangers établis dans ce pays. Cette pension financée par l’État interdit le cumul de la retraite d’État néo-zélandaise avec une pension de retraite provenant de l’étranger.
Ainsi, nos compatriotes ayant eu une carrière dans les deux pays reçoivent une retraite néo-zélandaise défalquée du montant qu’ils perçoivent de France. Il en résulte des situations de précarité et une profonde injustice pour nos compatriotes qui n’ont pas de salaire suffisant pour souscrire à une retraite privée et ne peuvent donc pas bénéficier pleinement de leurs années de cotisation dans notre pays.
La principale difficulté est la mauvaise interprétation du système de retraite français par l’administration néo-zélandaise. En considérant la pension française comme une retraite d’État, elle la juge comparable à la pension néo-zélandaise. Or la spécificité d’un système contributif comme le nôtre est que la pension reçue est le fruit des années de cotisation des pensionnés. Il serait donc utile que le ministre de l’économie et des finances puisse transmettre à son homologue des éléments permettant d’apprécier correctement les particularités des pensions de retraite françaises.
De l’avis du Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (Cleiss) et de nos élus représentant les Français de l’étranger sur place, une convention bilatérale de sécurité sociale pourrait permettre de corriger cette situation.
Je vous demande de lancer une initiative auprès de nos homologues pour la mise en place d’un accord de sécurité sociale permettant le cumul des pensions de retraite entre nos deux pays.
Plus largement, en raison des problématiques spécifiques rencontrées par nos compatriotes établis hors de France, lors du débat sur les retraites, le ministre Olivier Dussopt s’est engagé devant la représentation nationale à mettre en place un groupe de travail transpartisan sur cette question particulière. C’était il y a sept mois. Où en est ce groupe de travail ?