M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Je souhaite que les rapporteurs et M. le garde des sceaux nous donnent quelques explications sur les conséquences pratiques des mesures que nous nous apprêtons à voter.
Les garanties afférentes à la nature des infractions et aux autorisations judiciaires ne me posent pas de problème. J’ai bien entendu à cet égard les observations de M. le garde des sceaux portant, d’une part, sur la géolocalisation, avec la complexité de poser une balise, et, d’autre part, sur la captation, avec la difficulté d’installer une caméra ou un enregistreur audio dans un véhicule.
Mais regardons les choses d’un point de vue pratique, afin de remettre l’église au milieu du village.
Les difficultés auxquelles doivent faire face les services d’enquête en matière de criminalité organisée – plus concrètement, dans les affaires de trafic de stupéfiants ou d’armes – sont liées au fait que nombre de connexions passent aujourd’hui par des systèmes cryptés. Je voudrais donc que l’on m’apporte une précision complémentaire sur la notion de prise de contrôle à distance des appareils mobiles.
Si l’on prend le contrôle d’un mobile avant le début de la communication, que celle-ci soit cryptée ou non, je suppose que l’on peut savoir qui est la personne appelée. La mesure d’activation à distance proposée dans le projet de loi permettra-t-elle, ou non, d’accéder aux connexions des personnes liées au grand banditisme, notamment au trafic de stupéfiants, et donc d’intercepter des communications cryptées ?
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Je ne suis pas une spécialiste du sujet. J’ai cependant retenu des échanges que nous avons eus dans le cadre de la mission d’information sur les modalités d’investigation recourant aux données de connexion, dont je suis l’un des rapporteurs, que toutes les données utilisées sur les messageries cryptées n’étaient pas accessibles ; c’est le cas lorsque l’on utilise WhatsApp, par exemple. Aujourd’hui, les grands réseaux organisés de criminalité sont tout à fait capables de contourner les dispositifs.
Par ailleurs, l’intérêt de l’activation à distance est de protéger les agents qui posent les balises. Vivant près d’un grand port qui connaît, malheureusement, de nombreux cas de criminalité organisée, je sais en effet quels dangers ces personnels encourent. Il s’agit donc d’une mesure de sécurité visant à les protéger et à faciliter la mise en place de ces techniques.
On assiste à une course de vitesse entre les criminels et les forces de l’ordre. Il convient donc de donner à celles-ci les mêmes moyens, ou des moyens qui soient le moins en retard possible, que ceux dont disposent les criminels ; ces derniers ont toujours une longueur d’avance. C’est pourquoi la technique proposée me semble, compte tenu des garanties prévues, particulièrement intéressante.
Il est en effet possible, monsieur le garde des sceaux, que l’amendement n° 279 induise des effets de bord. Nous devrons néanmoins retravailler sur le sujet au cours de la navette parlementaire. En effet, nous n’avons fait que reprendre les préconisations du Conseil d’État.
Il conviendrait peut-être de préciser que la protection s’applique dans les locaux protégés, que la personne suivie y réside ou y travaille, et non en dehors de ces locaux. Pour autant, il faudra aller un peu plus loin pour garantir la proportionnalité, et donc la constitutionnalité du dispositif que vous préconisez.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Monsieur le garde des sceaux, je ne mets aucunement en cause vos objectifs, pas plus que les motivations sous-tendues par la mise en place d’une captation généralisée des sons et des images. Mais vous nous dites que ces dispositifs, loin d’être nouveaux, sont de même nature que ceux qui existent aujourd’hui, soit la pose de caméras ou de micros dans des véhicules. (M. le garde des sceaux le confirme.) Vous ajoutez que cela réduit considérablement les risques, en évitant l’installation de ces appareils dans des endroits dangereux.
Je ferai deux remarques.
Tout d’abord, la pose d’une caméra ou d’un micro dans un lieu défini n’est pas du tout de même nature que l’écoute de millions d’appareils électroniques en tous lieux. (M. le garde des sceaux s’en étonne.) En effet, les captations ne concernent pas seulement les téléphones et les ordinateurs, mais n’importe quel objet électronique permettant d’envoyer du son et de l’image ; il y en a de plus en plus, par exemple les compteurs électriques.
Sont concernés, je le répète, des millions d’équipements électroniques : ceux qui appartiennent aux personnes que l’on veut écouter et ceux de toutes les personnes qui passent à proximité.
Ensuite, pour en revenir à la question de Philippe Bonnecarrère, sur un sujet dont je ne suis pas spécialiste, j’ai bien entendu la réponse de Mme la rapporteure.
Si l’on ne peut pas décrypter tous les éléments cryptés, ne vaudrait-il pas mieux poser une caméra ou un micro, car, au moins, cela permettrait de voir et d’entendre ? C’est une hypothèse que je pose, car je n’ai pas la réponse à cette question.
Par ailleurs, vous devez être conscient, monsieur le garde des sceaux, que des millions de gens s’interrogent sur l’utilisation de tels dispositifs. Nous ne sommes pas à l’abri de vivre sous un régime plus totalitaire que celui que nous connaissons aujourd’hui : c’est la porte ouverte à une surveillance généralisée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite poser une question dans la droite ligne de celle de Philippe Bonnecarrère, et inspirée par les travaux que nous menons dans le cadre de la mission d’information sur les modalités d’investigation recourant aux données de connexion liées aux enquêtes pénales.
Il me semble, madame la rapporteure, qu’en prenant à distance le contrôle d’un appareil, on a ainsi à sa disposition l’ensemble des éléments qu’il contient. Il est donc possible d’accéder à l’ensemble du fonctionnement de l’appareil. (M. le garde des sceaux le conteste.) À moins que vous n’ayez prévu, monsieur le garde des sceaux, des mesures qui ne vont pas jusqu’au bout de cette logique…
Si l’on n’est pas capable d’entendre la conversation, mais que l’on peut identifier l’interlocuteur, cela ne pose pas de problème pour l’enquête ; la technologie et les méthodes de communication évoluant, il n’est pas scandaleux d’envisager d’aller dans cette direction. Toutefois, la capacité d’identifier les interlocuteurs de la personne suivie nécessite de prévoir une des protections complémentaires, notamment en faveur des journalistes, au vu des risques encourus.
On nous a expliqué à plusieurs reprises que la prise de contrôle d’un appareil permettait d’accéder à l’ensemble des messageries et des interlocuteurs : cet accès élargi aux informations n’est pas l’équivalent de celui que permet une simple caméra.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je le répète, la géolocalisation évite la pose de balise et les dangers inhérents. Je ne peux pas être plus clair ! Personne, me semble-t-il, ne peut être défavorable à une telle mesure compte tenu des risques – vous les connaissez aussi bien que moi – que prennent les policiers.
La géolocalisation permet de connaître le lieu où se trouve la personne suivie.
Sur la captation, la question que vous posez, monsieur le sénateur, est très importante.
La captation concerne le son et l’image, et non d’autres contenus.
M. Jean-Yves Leconte. Et donc l’écran ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Non, juste le son et l’image, en temps réel.
Il ne s’agit pas d’une mesure inventée à je ne sais quelle fin diabolico-liberticide, puisqu’elle existe déjà et simplifie le travail des forces de l’ordre. Il faut avoir le courage d’aller poser un micro dans certains appartements de certains quartiers ; je veux rendre hommage à ceux qui le font, car ce n’est pas sans risque.
Par le truchement du téléphone portable, on a accès – j’y insiste – au son, à l’image, et non pas aux messages cryptés ; ceux-ci relèvent d’une autre technique.
M. Jean-Yves Leconte. Donc, cela dépend !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Non, monsieur le sénateur. Dans le dossier EncroChat, – une très grosse affaire de criminalité de haute intensité –, les forces de l’ordre ont pu aboutir parce qu’il existait en Europe des équipes communes d’enquête qui ont décrypté les messages, et ont ainsi pu découvrir des tonnes de produits stupéfiants, et même des salles de torture. Dans le cadre de cette affaire, je le rappelle, une princesse néerlandaise avait été séquestrée en vue d’être échangée contre l’un des principaux suspects, et mon homologue belge, Vincent Van Quickenborne, ainsi que sa famille avaient fait l’objet de menaces. Il existe donc des techniques qui permettent de décrypter.
Étant attaché, tout comme vous, à la protection des libertés individuelles, je me permets de souligner que ces procédures sont mises en place sous le contrôle d’un juge. Or, aux termes de la Constitution, le juge est garant de la liberté individuelle. Il ne faut tout de même pas l’oublier !
Nous passons donc de techniques d’ores et déjà prévues dans le code de procédure pénale, et qui sont artisanales, à des techniques permettant à des OPJ de prendre des risques inutiles. Il s’agit, d’une part, de capter le son et l’image – pas plus, pas moins – et, d’autre part, de géolocaliser.
Pour ce qui est de la captation du son et de l’image, je rappelle que nous parlons de criminalité organisée et de terrorisme !
Pour ce qui est du délai de dix ans, j’adresse une supplique au Sénat : il convient de bien y réfléchir. Il me semble que le quantum que nous proposons permet une plus grande efficacité.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Puisque nous en sommes à l’heure des suppliques, je souhaite revenir sur le sous-amendement n° 284, que nous avons déposé sur l’amendement n° 279. Il s’agit de la protection des journalistes.
Sur ce sujet complexe, la pédagogie de la rapporteure et du garde des sceaux en termes de différence entre géolocalisation, captation de son et d’images, était bienvenue.
Je pense, madame la rapporteure, que dans votre amendement n° 279, vous faites une confusion entre les lieux et les personnes ; il est ainsi possible de protéger les députés et les sénateurs, mais pas les journalistes.
Votre erreur consiste à considérer qu’un journaliste travaille assis dans un bureau situé dans une entreprise de presse. C’est méconnaître la réalité de cette profession ! Par ailleurs, certains de ces professionnels, qui sont freelance, travaillent pour plusieurs organes et ne se rendent jamais dans une entreprise de presse.
Vous assumez donc l’idée de ne pas protéger les journalistes de la captation de son et d’images, ce qui est une atteinte formelle à la liberté d’informer, qui est une liberté constitutionnelle.
M. le président. L’amendement n° 218, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 42
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au dernier alinéa de l’article 396, les deuxième et troisième phrases sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Le prévenu doit alors comparaître devant le tribunal au plus tard le troisième jour ouvrable suivant. » ;
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Afin de permettre un jugement plus rapide en cas de procédure de comparution immédiate et lorsque les poursuites concernent un prévenu qui n’est pas placé en détention provisoire, le présent amendement vise à ce que le prévenu puisse comparaître devant le tribunal au plus tard le troisième jour ouvrable suivant la décision du JLD lorsque celui-ci estime que la détention provisoire n’est pas nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il s’agit là d’une question d’équilibre entre le temps nécessaire pour préparer sa défense et la nécessité d’un jugement rapide. Un délai de dix jours nous semble nécessaire à la préparation de la défense, sauf si la personne y renonce. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement vise à permettre le maintien de la procédure de comparution immédiate, y compris si aucun prévenu n’est placé en détention provisoire, et dans le cadre des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) si aucun prévenu n’est placé en détention provisoire.
L’audience ne pourra avoir lieu que dans un délai de dix jours à six mois, alors même qu’une comparution immédiate est initialement prévue et que le prévenu, y compris libre ou sous contrôle judiciaire, souhaite être jugé plus rapidement – c’est d’ailleurs très souvent son souhait. Lorsque la justice va plus vite, le justiciable y trouve son compte.
Je suis donc favorable à cet amendement très opportun.
M. le président. L’amendement n° 37, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 44
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le projet de loi prévoit que le tribunal puisse renvoyer l’affaire à une prochaine audience lorsque le prévenu ne consent pas à être jugé séance tenante. Vous proposez d’allonger le délai, actuellement compris entre deux et six semaines, de quatre à dix semaines.
Si l’on voit bien l’objectif gestionnaire visé, cela n’est pas neutre par rapport à la détention – le problème n’est pas anodin, puisque nous parlons d’une personne présumée innocente – et à la question de la surpopulation carcérale.
Il serait donc de bon sens d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Au travers de cet amendement, vous supprimez l’unification des délais de jugement en matière de détention provisoire. Or cette harmonisation, en opérant une moyenne entre les différents délais, est un facteur de clarté. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 219, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Alinéa 49
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) La première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée : « Si le procureur de la République le requiert, le tribunal statue, après avoir entendu les observations de la personne et de son avocat s’il y a lieu, sur le placement ou le maintien de la personne en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant le juge des libertés et de la détention ou devant le juge d’instruction. » ;
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement de clarification prévoit de permettre au procureur de la République de solliciter le placement, et non pas seulement le maintien, en détention provisoire du prévenu lorsque le tribunal correctionnel estime que la complexité de l’affaire nécessite des investigations supplémentaires approfondies.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement vient combler un trou dans la procédure. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 119, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 51
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le tribunal peut, dans les mêmes conditions, s’il estime que la complexité de l’affaire nécessite des investigations supplémentaires approfondies, renvoyer le dossier au procureur de la République pour qu’il requiert l’ouverture d’une information judiciaire ou qu’il abandonne les poursuites. » ;
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Le projet de loi supprime, en matière de comparution immédiate, l’obligation jurisprudentielle imposée au ministère public d’ouvrir une information judiciaire quand le tribunal estime que l’affaire est complexe et nécessite l’accomplissement d’actes d’enquête supplémentaires. Cette modification nous paraît restreindre les droits de la défense.
En effet, alors qu’auparavant le ministère public n’avait que deux choix – soit l’abandon des poursuites, soit l’ouverture d’une information judiciaire –, il pourrait, en cas d’adoption de cette modification, recourir à l’enquête préliminaire, et donc à des investigations par nature secrètes et non contradictoires.
Le présent amendement vise donc à confirmer la jurisprudence en précisant qu’une information judiciaire doit être ouverte ou que les poursuites doivent être abandonnées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la « deuxième chance » donnée au procureur de décider des suites à donner à l’affaire. Or la possibilité qu’il a de procéder à de nouveaux actes d’enquête est une souplesse qui paraît adaptée aux besoins du contentieux. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 38, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 55 et 56
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Le projet de loi prévoit de confier au JLD l’examen des demandes de modification ou de mainlevée de la mesure de contrôle judiciaire ou d’Arse. Cette mesure conduit à retirer ces procédures à la compétence du tribunal correctionnel, alors qu’il revient à ce dernier le soin de connaître du contentieux de la détention provisoire.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, une telle mesure, qui vise à alléger l’organisation des audiences et la charge du tribunal correctionnel, ne nous semble pas adéquate.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous pensons que la mesure prévue est de bonne administration, le JLD devant être plus réactif, et qu’elle n’amoindrit pas les droits du demandeur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 39 est présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 120 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 184 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 57
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 39.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. La disposition que nous proposons de supprimer est contraire à l’objectif de réduction des délais contenu dans ce projet de loi, puisqu’elle porte de deux à trois mois celui du jugement au fond suivant le jour de comparution devant le tribunal, par exemple lorsque le prévenu est placé en détention provisoire. C’est paradoxal. Nous y sommes défavorables.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 120.
M. Guy Benarroche. J’ajoute aux propos de Mme de La Gontrie qu’au-delà de l’allongement de ce délai, qui est en effet en contradiction avec l’objectif visé dans le projet de loi, et des atteintes aux droits des individus, une telle disposition fait courir le risque d’une gestion purement managériale des détentions préventives.
Nous connaissons tous les difficultés des tribunaux, et nous ne pouvons pas écarter l’idée selon laquelle cet allongement s’expliquerait uniquement par la surcharge des juridictions, qui ne sont plus en mesure de maintenir des délais équilibrés. Les juges sont surchargés ? Permettons-leur de laisser les personnes en détention le temps de trouver un créneau d’audience, donc un mois de plus !
Cet allongement va à l’encontre de tous les principes défendus dans ce texte et de ce qu’il faudrait faire pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale. Cette solution n’est absolument pas cohérente !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 184.
Mme Cécile Cukierman. Je me permets de rappeler que la surpopulation carcérale atteint aujourd’hui son record – nous y reviendrons –, avec 73 000 détenus pour 60 000 places.
Prolonger le délai de détention provisoire, c’est de fait rendre inopérants tous les dispositifs de régulation carcérale que nous pouvons envisager.
Gardons tout de même à l’esprit un élément capital dans le cadre de la comparution immédiate : la détention provisoire concerne des personnes qui demeurent présumées innocentes et qui sont incarcérées provisoirement pour les délits présentant une faible gravité.
Nous l’avons déjà souligné, les prisons sont aujourd’hui confrontées à des capacités d’accueil dépassées, des conditions de détention difficiles et une surcharge de travail pour le personnel pénitentiaire. Allonger le délai de détention provisoire ne ferait qu’exacerber ces problèmes et rendrait les conditions de détention encore plus précaires pour les détenus, en mettant en péril leurs droits fondamentaux.
Enfin, n’oublions pas que l’allongement du délai de détention provisoire a des conséquences négatives sur la célérité de la justice. Le principe de célérité est essentiel pour garantir une administration de la justice équitable et efficace.
Prolonger la durée de la détention provisoire pourrait entraîner des retards supplémentaires dans le traitement des affaires pénales, ce qui est contraire au principe de célérité consacré par la Convention européenne des droits de l’homme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Ces amendements identiques tendent à supprimer l’alinéa 57, qui est un tout petit début de clarification du code de procédure pénale, puisqu’il harmonise les délais grâce à un compromis sur l’unification des délais de jugement autour d’une durée de trois mois. Étant favorables à cet alinéa, nous sommes défavorables aux amendements visant à le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le long délai de quatre mois est supprimé. Au lieu des deux mois plus deux mois, nous proposons trois mois.
Pardon de vous le dire, madame de La Gontrie, mais vous n’avez pas dû bien regarder notre dispositif, parce que nous cherchons à aller plus vite en gagnant un mois de détention provisoire.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39, 120 et 184.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 265, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 58
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le premier alinéa de l’article 495-12 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut toutefois, à une seule reprise, saisir à nouveau le président du tribunal judiciaire ou le juge délégué par lui d’une requête en homologation d’une peine conformément aux dispositions de l’article 495-8, sous réserve de son acceptation par la personne qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés. » ;
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous souhaitons qu’il soit possible, après l’échec d’une CRPC, d’en proposer une nouvelle.
Pour l’avoir vu souvent, je peux vous dire que, si le procureur propose une peine de huit mois, par exemple, que le juge n’homologue pas, on file directement en correctionnelle.
Le procureur ne pourrait-il pas, avec l’assentiment, naturellement, du prévenu, proposer une peine un peu supérieure pour que la CRPC puisse aboutir ? Je trouve que c’est une belle idée, et je la soumets au Sénat.