Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 56.
Mme Céline Brulin. La description de l’école que font certains me paraît complètement erronée. Si nous voulons un débat serein, nous devons partir de la réalité telle qu’elle est.
L’école n’est pas du tout uniforme et d’un seul bloc aujourd’hui. Des tas de dispositifs ont été développés au fil des années : territoires éducatifs ruraux, cités éducatives, Marseille en grand, mais aussi le fonds d’innovation pédagogique, la réforme du lycée – je l’ai évoquée lors de la discussion générale –, ou encore les contrats locaux d’accompagnement, qui sont censés remplacer l’éducation prioritaire.
Je m’interroge : quels sont les critères qui fondent cette différenciation ? Tout le monde l’a dit, et nous pouvons, sur ce point, nous rejoindre : l’école française est très inégalitaire. Elle reproduit les inégalités au lieu de les corriger. Si l’on veut faire de la différenciation, c’est pour réduire ces inégalités, non pas pour les aggraver !
Or des recteurs ont décidé, par exemple, d’exclure des contrats locaux d’accompagnement les écoles de moins de 100 élèves. Où est le critère de justice sociale de réduction des inégalités dans cette décision ? D’autres ont décidé de ces contrats en fonction de l’ancienneté des professeurs. Où est, là encore, la réduction des inégalités ?
Je ne vois pas bien non plus, puisque l’on parle là des écoles élémentaires et maternelles, comment on peut régler des questions de mixité sociale à cette échelle : on parle là d’un quartier, parfois même d’un morceau de quartier.
Donner à l’école la responsabilité d’atteindre des objectifs de mixité quand on connaît la réalité sociologique et sociale de notre pays, je crois que c’est vraiment faire erreur.
Mme le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 83 rectifié.
Mme Monique de Marco. L’article 1er va à l’encontre du principe fondateur de l’école de la République, en accentuant l’autonomie des établissements.
Cette proposition repose sur la transposition pure et simple du modèle britannique à la France, sans considération des différences essentielles qui existent entre les deux systèmes scolaires.
Il faut se méfier des biais statistiques derrière les comparaisons internationales, comme l’a indiqué mon collègue Yan Chantrel.
Il est étonnant que les modèles anglo-saxons soient toujours pris en exemple, alors que d’autres modèles européens existent et sont tout aussi performants, mais avec une autre logique budgétaire, il est vrai. Je pense notamment aux exemples scandinaves, mais aussi au Portugal, où les programmes de lutte contre les inégalités et le décrochage scolaire ont fait leurs preuves.
Pour toutes ces raisons et celles qu’ont évoquées mes collègues avant moi, nous demandons la suppression de cet article.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. L’article 1er est au centre de cette proposition de loi, en ce qu’il permet une expérimentation tendant à plus d’autonomie dans les écoles et les établissements scolaires qui le désirent.
Par ailleurs, je veux rappeler à ceux qui ont quelques craintes que ce dispositif est très encadré.
Premièrement, l’expérimentation sera limitée à un certain nombre d’établissements au sein d’une même académie.
Deuxièmement, elle sera ouverte sur cinq ans.
Enfin, je le dis pour rassurer Julien Bargeton, une évaluation sera conduite à l’issue.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à ces trois amendements de suppression.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. L’article 1er vise à renforcer l’autonomie des établissements.
Il importe ici de distinguer entre les établissements scolaires et les écoles.
La finalité de cet article rejoint certaines préoccupations du ministère, mais le cadre législatif et réglementaire actuel permet déjà aux établissements scolaires – aux collèges et aux lycées – de développer leur autonomie, que ce soit en matière de personnel, d’utilisation des moyens budgétaires ou même d’organisation pédagogique, ainsi que dans les dispositifs d’accompagnement des élèves. L’essentiel des champs prévus par cet article est donc déjà couvert par les textes existants.
En revanche, ces marges n’existent pas du tout pour les écoles, puisque celles-ci ne disposent pas de la personnalité morale. Or faire des écoles des EPLE, alors qu’un tiers d’entre elles comptent entre une et trois classes et que les compétences des communes seraient en cause, n’apparaît pas souhaitable.
Je rappelle, à cet égard, que la démarche du Conseil national de la refondation pour l’éducation, le CNR Éducation, qui rencontre un vif succès, avec plusieurs milliers d’écoles et d’établissements qui s’y sont engagés, offre la possibilité aux équipes éducatives de construire leur projet pédagogique, avec un financement apporté par le fonds d’innovation pédagogique et des marges de manœuvre tout à fait importantes. Il me semble donc que, pour les écoles, le CNR répond à cette demande d’autonomie.
C’est la raison pour laquelle nous avons regardé avec autant d’intérêt l’expérience marseillaise, y compris s’agissant des postes à profil qui y sont attachés – nous aurons peut-être l’occasion d’en reparler.
Pour ces raisons, j’émets un avis favorable sur ces amendements de suppression de l’article 1er.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. L’autonomie ne doit pas être considérée comme une recette miracle permettant d’améliorer les résultats de nos élèves.
Mon collègue a parlé tout à l’heure du Royaume-Uni, où l’autonomie s’est développée plus précisément à partir de 2010, avec de nouvelles écoles autonomes, dites free schools, et la conversion d’une partie des écoles publiques en académies recevant leur financement directement du pouvoir central et gérant l’intégralité de leur budget. Il ne semble pas que les élèves des académies aient bénéficié, à court terme, d’un effet significatif sur leurs résultats par rapport aux élèves scolarisés dans les écoles publiques de niveau similaire.
Une autre expérience s’inscrivant dans une même démarche a été engagée en Suède. Elle a conduit à une baisse des résultats et à une forte augmentation des disparités entre les collectivités et les établissements, notamment du fait de la formation hétérogène des enseignants.
Ensuite, je veux évoquer l’école du futur, dont un premier bilan est en cours – vous en avez parlé, monsieur le ministre.
Une délégation du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat s’est déplacée à Marseille en septembre dernier. Je dois vous avouer que nous y avons trouvé des projets qui, en effet, peuvent répondre à des besoins, auxquels on a donné des moyens humains et financiers supplémentaires et qui bénéficient d’un soutien réel de la hiérarchie, mais qui suscitent aussi une forte inquiétude chez les parents, parce que les autres projets ne reçoivent rien.
On est là en plein dans l’inégalité que nous dénonçons et qui, de fait, est entretenue.
Je répète, l’autonomie est, selon nous, contraire aux principes républicains, qui sont le socle de notre école publique. En effet, elle s’appuie sur une logique trop libérale, qui donne seulement à celles et à ceux qui ont demandé et favorise une concurrence entre les écoles, au lieu de chercher d’abord à identifier les besoins de chacune d’entre elles, pour garantir une répartition juste et égalitaire des moyens, afin d’être fidèle à la promesse républicaine d’offrir à chaque enfant les mêmes chances.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. N’étant pas le grand libéral de service, je ne répondrai pas à Mme Monier. Nous avons déjà eu l’occasion d’échanger longuement sur ces questions. Je vais plutôt répondre à M. le ministre sur les deux points qu’il a abordés.
Monsieur le ministre, vous nous dites tout d’abord que, pour les établissements du second degré, notre demande est satisfaite. Les textes leur donnent effectivement une large autonomie. C’est vrai sur le papier, mais seulement sur le papier. La réalité est bien différente.
Depuis la première circulaire relative, qui date de 1973, on n’a cessé d’insister, texte après texte, sur la grande autonomie et la grande liberté que possèdent les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE). Ils disposent d’un conseil d’administration élu et d’un budget. Mais la Cour des comptes vous répondra que cette autonomie vaut pour à peine 2 % des décisions qu’ils prennent.
Mes chers collègues, on en vient à se demander si de tels dispositifs sont nécessaires : à quoi sert l’élection de représentants des parents, à quoi sert la représentation des collectivités territoriales si l’autonomie réelle est de 2 % ?
Si l’on ne rompt pas avec la pratique en vigueur depuis trente-cinq ans, tout continuera comme avant, et les EPLE n’auront qu’une autonomie de papier. (M. le rapporteur acquiesce.)
Ce que je vous propose, c’est d’aller progressivement, par le biais d’une expérimentation, vers une réelle autonomie, en rompant avec les pratiques par lesquelles, peu à peu, l’administration a enserré la gestion de ces établissements.
Nous aurons l’occasion de revenir sur le second point, les écoles primaires, lors de l’examen d’un prochain amendement. Mais, de grâce, ne faites pas peur aux maires ! Pourquoi vouloir procéder par mimétisme avec ce qui s’est passé en 1982, lorsque les bâtiments de l’État ont été transférés aux régions et aux départements ?
Pour les maires qui le voudront et qui auront reçu l’accord de leur conseil municipal, on pourra très bien, par décret, donner de l’autonomie aux écoles qui le souhaitent, en particulier pour les plus grandes d’entre elles, sans remettre en cause le statut des bâtiments. Certes, il faudra un peu d’imagination. Mais ce texte vous invite précisément à en faire preuve. Je suis sûr que, contrairement à ce que vous dites, à Marseille, vous butez sur l’absence de personnalité morale des écoles. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Depuis quarante ans, on additionne les réformes de l’éducation nationale, on les superpose, on les empile, et tout va de mal en pis. C’est une véritable catastrophe ! Un bachelier d’aujourd’hui ne serait même pas capable d’avoir le certificat d’études d’il y a quarante ans.
Il me semble complètement aberrant d’ajouter encore une réforme à la réforme. Commençons par nous inspirer de ce qui marchait bien dans le temps pour que le système actuel fonctionne mieux !
Les seuls articles de cette proposition de loi qui méritent d’être votés sont ceux qui portent sur la laïcité. Les autres ne valent pas un clou ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Mes chers collègues, en tant que conseiller départemental, je siège au conseil d’administration d’un collège des Hauts-de-Seine. C’est le département qui gère la totalité du budget de ce collège. Je vous assure que l’autonomie du chef d’établissement est extraordinairement faible.
Monsieur Brisson, vous parlez d’une autonomie de papier : elle est entièrement voulue par le conseil départemental. Je ne crois pas que vous puissiez, par un tel texte, le forcer à moduler les budgets qu’il confie aux collèges pour renforcer leur autonomie.
L’État n’est pas seul en cause. Je connais beaucoup de collectivités territoriales qui gèrent leurs collèges et lycées d’une main de fer.
Il faut donc pousser le débat plus avant. L’autonomie de papier est une réalité, mais qui en est le responsable ? Je pense que ce sont surtout les collectivités.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pap Ndiaye, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce que vous interrogez, c’est, en somme, le contenu de l’autonomie. Vous abordez les modalités et les objectifs qui la régissent, mais parlez-vous d’autonomie en matière de programmes ? De recrutement des professeurs ? D’horaires ou d’organisation pédagogique ?
Telle est, si je puis me permettre, la faiblesse de cet article. (M. Max Brisson s’exclame.) Il se contente d’invoquer une autonomie dont il ne précise pas la teneur. Je n’ai rien contre cette notion en tant que telle, mais nous gagnerions à débattre plus avant des modalités, du contenu et des objectifs de l’autonomie dont nous parlons.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27, 56 et 83 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 111-2 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-2-1. – Les élèves des écoles primaires, des collèges et des lycées portent une tenue vestimentaire uniforme au sein de leur établissement. Les caractéristiques de cette tenue vestimentaire, comprenant le choix d’une tenue sportive uniforme, sont précisées par le règlement intérieur de chaque établissement. L’obligation mentionnée au présent alinéa n’est pas applicable aux spectacles, y compris les répétitions, joués par les élèves et aux événements qui leur sont liés.
« Le présent article est applicable aux établissements liés à l’État par contrat mentionnés aux sections 3 et 4 du chapitre II du livre IV du présent code. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Ainsi que je l’ai dit à l’instant, à mon avis, les seuls articles intéressants de cette proposition de loi sont ceux qui se trouvent à la fin. Voilà pourquoi je suggère de les faire figurer au début. Nous aurions ainsi un article 1er plus pertinent.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Cet amendement tend à remplacer l’article 1er par l’article 11, relatif à la tenue vestimentaire des élèves. La commission y est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Sautarel et D. Laurent, Mme Lassarade, M. Burgoa, Mmes Puissat et Goy-Chavent, MM. Chaize et Bouloux, Mme Imbert et MM. Bouchet, Sido, Houpert et Rapin, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
avec des écoles dotées de la personnalité morale, en application du IV, ou
II. – Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. Cet amendement a spécifiquement pour objet les écoles.
Le lancement d’une expérimentation visant à transformer les écoles primaires publiques volontaires en établissements publics tend à modifier considérablement le cadre de l’organisation territoriale de l’école. L’examen des amendements de suppression a permis de le rappeler.
En outre, alors que les écoles primaires sont financées par les communes ou les intercommunalités compétentes, cette disposition est susceptible de complexifier les processus de prise de décision. Communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) risqueraient de ne plus maîtriser les budgets alloués.
Une telle évolution dans la gestion de l’école publique nécessite une concertation préalable et approfondie avec les collectivités territoriales concernées, compte tenu de ses lourdes incidences pour celles-ci comme sur le maillage territorial de l’école.
Une telle faculté ne doit pas conduire à accentuer le déséquilibre des offres éducatives entre les territoires. Or je crains qu’une telle expérimentation ne tende à la concentration. J’y insiste : en imposant une taille critique aux établissements d’enseignement primaire, l’on menacerait le maillage de nos écoles publiques.
En conséquence, je propose de supprimer cette disposition en l’absence de concertation préalable. Le présent amendement vise ainsi à exclure les écoles primaires du champ de l’expérimentation.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement tend à exclure les écoles primaires de l’expérimentation prévue par l’article 1er.
Vous relevez qu’une concertation est nécessaire au niveau local. Nous l’entendons. Nous l’avons même fort bien entendu. Pour preuve, en commission, nous avons prévu l’accord préalable obligatoire du conseil municipal ou du conseil intercommunal, si la compétence scolaire a été transférée, pour autoriser l’école à devenir un établissement public et, ce faisant, à participer à l’expérimentation.
D’ailleurs, pour éviter tout déséquilibre, le présent texte encadre clairement l’expérimentation prévue. Il fixe un nombre maximum d’établissements et d’élèves pouvant être engagés dans cette expérimentation à l’échelle d’un territoire.
Des objectifs de réussite et de mixité scolaires sont également prévus.
Le travail d’expérimentation permettra d’évaluer les effets concrets d’une telle mesure à l’échelle d’un territoire et donc les éventuels déséquilibres qui pourraient se faire jour dans les écoles primaires.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Les écoles primaires ne disposent pas de la personnalité morale et, à ce stade, le Gouvernement n’envisage pas de les en doter, même à titre expérimental.
Monsieur le sénateur Sautarel, comme vous le soulignez, toute évolution en ce sens exigerait au préalable une concertation approfondie avec les collectivités concernées et avec l’ensemble de la communauté éducative. Avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Mon cher collègue Stéphane Sautarel, je tiens à vous rassurer.
Tout d’abord, je suis d’accord avec vous sur deux points. Premièrement, avec cette proposition de loi, je fais le choix de la rupture : c’est une évidence ; vous l’avez salué, et je vous en remercie. Deuxièmement, il faudra du temps et de la concertation.
Cette expérimentation concernera au maximum 10 % des écoles et 20 % des élèves. Elle nous permettra de tirer toute une série de conclusions sur les questions, ô combien légitimes, que vous avez abordées.
Vous insistez avec raison sur la situation particulière des petites écoles rurales. Il faudra du temps pour l’améliorer. Mais il existe aussi de très grandes écoles primaires, beaucoup plus importantes que de petits collèges, qui, eux, disposent de l’autonomie. Ils ont ainsi un conseil d’administration et des services administratifs renforcés. Il serait tout à fait regrettable qu’elles ne puissent pas participer à une telle expérimentation. Elles auraient sans doute beaucoup à y gagner.
Bref, je tiens à vous rassurer quant à la méthode. L’expérimentation nous laissera le temps de mener toutes les concertations nécessaires, que nous ne pouvions évidemment pas conduire dans le cadre de cette proposition de loi.
Sur le fond, nous pourrons aussi faire preuve d’originalité. Une nouvelle fois, gardons-nous du mimétisme : il ne s’agit pas de dupliquer les EPLE qui existent dans le second degré. Les bâtiments de ces nouveaux établissements publics auront, par exemple, un statut totalement différent. Nous ne sommes pas du tout dans le contexte de la décentralisation de 1982 : il ne s’agit pas de bâtiments que l’État transfère, mais d’un patrimoine historique des communes, remontant aux lois de Jules Ferry. Dans mon esprit, il n’a jamais été question de changer cela.
Mme le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Je soutiens l’amendement de M. Sautarel même si je ne l’ai pas cosigné. Une telle mesure exigerait bel et bien une vaste concertation. J’ajoute qu’elle appelle des études d’impact.
Ces dispositions constituent le cœur de l’article 1er, dont je n’approuve pas la philosophie. Par cohérence, je voterai cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.
M. Stéphane Sautarel. Je salue une nouvelle fois l’initiative de Max Brisson, car je crois, comme lui, à davantage d’autonomie et de liberté pour les établissements scolaires. De même, je crois qu’il faut faire le choix de la rupture si l’on veut réellement réformer notre système. Pour autant, j’attire l’attention sur la situation des élèves de nos écoles primaires et sur celle des élus locaux.
L’école, c’est d’abord des élèves et, pour assurer un égal accès à l’école, il faut commencer par garantir la proximité. Nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 9 : le maillage territorial est un enjeu essentiel. On peut inventer tous les systèmes éducatifs et toutes les pédagogies que l’on veut. Sans la proximité, il n’y aura pas d’égalité.
Ce que je défends avec cet amendement, c’est tout simplement l’intérêt des élèves et, bien sûr, celui des communes, que le Gouvernement malmène déjà tellement ! Elles perdent peu à peu leur autonomie. On leur inflige des contraintes qui, chaque jour, vont croissant. Le Sénat ne cesse de le dénoncer.
Dans un tel contexte, il serait un peu paradoxal de retirer cette compétence aux communes. Bien sûr, on peut en débattre ; on peut encourager un certain nombre de démarches qui existent déjà dans les territoires. M. Brisson insiste aussi, avec raison, sur les grandes écoles primaires, dont la taille dépasse celle de certains collèges. Peut-être faudrait-il réécrire ces dispositions pour prendre en compte leur cas spécifique. Mais je me dois d’attirer l’attention sur le risque qu’elles représentent, en l’état, pour les élèves comme pour les communes.
Mme le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote sur l’article.
M. Patrick Kanner. L’article 1er donne lieu à un débat fondamental et pour cause : il est la véritable base idéologique de cette proposition de loi, que clarifient encore les prises de position des uns et des autres.
Nos discussions me rappellent ce qu’un ancien député socialiste du Nord malheureusement disparu, Alain Cacheux, disait souvent à propos du logement : « Faire venir les pauvres dans les quartiers des riches, c’est assez simple. Faire venir des riches dans les quartiers des pauvres, c’est beaucoup plus difficile. »
Le même phénomène sociologique s’observe pour l’école de la République. Malheureusement, il s’impose à nous : l’ancien ministre de la ville que je suis sait qu’il faut donner plus à ceux qui ont moins pour tenter de rétablir l’égalité républicaine.
Monsieur Brisson, au sujet de l’article 1er, la question est la suivante : l’expérimentation que vos collègues et vous-même proposez résoudra-t-elle les questions que je viens d’évoquer ? La réponse est non.
Le socle de la République une et indivisible, c’est l’école primaire. Avec de telles mesures, vous fragilisez ce socle et vous ne réglez en rien les problèmes de ségrégation sociale que connaissent nos territoires.
Nous voterons contre l’article 1er, car nous sommes globalement contre les dispositions de votre proposition de loi. Nous combattrons ce texte sur un plan politique, car il est bel et bien de nature idéologique.
Tout à l’heure, on vous a qualifié, et je le regrette, de réactionnaire. Non, vous n’êtes pas réactionnaire ; vous êtes révolutionnaire : révolutionnaire libéral ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous contestons votre projet de société.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote sur l’article.
M. Max Brisson. Je crains de décevoir beaucoup de monde dans cet hémicycle : je ne suis ni réactionnaire, ni révolutionnaire, ni même tout à fait libéral.
Depuis le commencement de nos débats, qui portent sur une expérimentation n’ayant pas encore eu lieu, j’entends des avis on ne peut plus définitifs. Certains semblent déjà savoir ce qu’elle va donner. Cette expérimentation, si elle est tentée, donnera bien sûr lieu à une évaluation.
Monsieur Kanner, le fondement de cet article, c’est un contrat, qui ne sera pas le même partout et qui tiendra compte de la réalité des territoires dans leur diversité et de la capacité, pour les équipes pédagogiques, de s’y adapter.
Dans vos rangs, on résume souvent la mixité au fait de mélanger des élèves de différentes catégories sociales. Ce que je prône est un peu différent : que les meilleurs professeurs, les plus chevronnés, aillent dans les quartiers les plus difficiles, dans les établissements où ils seront les plus utiles ; nous en reparlerons lors de l’examen d’un autre article.
Mes chers collègues, je vous invite tous à voter l’article 1er. Nous n’avons jamais tenté une telle expérience. Si nous votons ces dispositions et si le présent texte prospère – j’ai décidé d’être optimiste ce soir ! –, nous verrons si M. Kanner a raison ou pas. Ce que je sais dès à présent, c’est que le système unitaire et l’école centralisée à laquelle il a une nouvelle fois fait référence produisent beaucoup d’inégalités.
Tentons de sortir des sentiers battus ; empruntons d’autres voies pour aller vers plus d’égalité ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote sur l’article.
M. Max Brisson. Et les inégalités scolaires ?
M. Pierre Ouzoulias. C’est la société qui produit des inégalités ! Le problème, c’est que l’école ne peut plus les corriger. Elle l’a fait par le passé, mais, aujourd’hui, elle ne peut plus le faire.
Monsieur Brisson, permettez-moi de citer une nouvelle fois l’exemple des Hauts-de-Seine. Cette expérimentation, si elle est engagée, ne pourra prendre que le département pour cadre. C’est à l’échelle du département que vous pouvez, à la rigueur, corriger ces disparités sociales. Si vous agissez à l’échelle d’une ou de deux communes, je peux vous dire tout de suite que les résultats seront nuls : cette formule a déjà été tentée.
M. Kanner, fort de son expérience comme ministre de la ville, l’a suggéré à l’instant, et j’en suis moi-même convaincu : nous demandons trop à l’école. Aujourd’hui, pour la réformer, il faudrait commencer par transformer la manière d’habiter la ville.
Pour réformer l’école, il faut d’abord réformer notre politique de la ville pour résorber les inégalités sociales en matière d’habitat. C’est fondamental. Nous n’y arriverons pas si nous ne commençons pas par là.