M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite m’adresser plus particulièrement aux sénatrices Laurence Rossignol et Laurence Cohen.
Je regrette comme vous, madame Rossignol, ce que vous avez qualifié de « patchwork législatif ». Mais convenez avec moi que nous n’avons pas le don de médiumnité et qu’il faut savoir s’adapter au fur et à mesure aux évolutions, parfois terrifiantes d’ailleurs, de notre société et de notre époque. Au fond, ce n’est pas le droit qui fait la société, mais la société qui fait le droit.
Ce que vous venez de décrire, nous l’avons déjà évoqué ensemble devant la délégation sénatoriale aux droits des femmes. Je vous remercie d’avoir rappelé que vous aviez attiré mon attention sur les enfants témoins, auxquels nous avons souhaité conférer le statut de victimes : quand vous êtes le témoin, alors que vous êtes encore tout petit, d’une scène au cours de laquelle votre père tabasse votre mère, vous n’êtes plus un simple témoin, mais une victime. Cette mesure, nous l’avons prise.
Reste la question des poursuites pour non-représentation d’enfant. J’entends ce que vous dites : cela se passe souvent – mais pas toujours, et c’est pourquoi il faut rester prudent – comme vous le décrivez. Dans cette hypothèse terrifiante, une maman doit livrer son enfant à son bourreau.
Vous le savez mieux que moi, l’irrecevabilité des initiatives parlementaires ne revêt aucune signification sur le fond. Qu’un amendement soit déclaré irrecevable pour un motif juridique ne signifie pas que nous ne sommes pas, les uns et les autres, préoccupés par la question qu’il soulève. Et je me permets de vous prendre à témoin, madame la rapporteure, à ce sujet. (Mme le rapporteur approuve.)
Je vous promets, madame la sénatrice, que nous allons avancer sur cette question. J’attends simplement – ce n’est pas anormal – le rapport de Mmes Dominique Vérien et Émilie Chandler qui devrait bientôt m’être remis. Il traitera de cette problématique importante : il faudra effectivement qu’à l’avenir on soit en mesure de protéger les femmes qui, n’écoutant que leur amour maternel, ne livrent pas – je reprends cette expression – leur enfant à leur père quand elles savent que celui-ci exerce sur lui des violences ou commet des actes inadmissibles.
Dans le même temps, il convient d’être respectueux des règles constitutionnelles – c’est bien le moins –, notamment du principe de présomption d’innocence.
Nous réfléchissons bel et bien à ce sujet. Je vous avais d’ailleurs dit, lors de mon audition par la délégation aux droits des femmes, que nous y travaillerions. Je vous le redis, madame Rossignol, et je m’adresse également à Mme Cohen qui partage votre préoccupation – une préoccupation qui nous est commune : nous avancerons prochainement sur ce point dont l’enjeu est fondamental.
Cette question met en exergue un traitement totalement injuste dans les situations que vous évoquez. Pas plus que vous, le garde des sceaux ne peut accepter qu’une telle injustice puisse être perpétrée.
Nous devons toutefois attendre, en prenant du recul et en faisant preuve de prudence, les résultats des travaux qui vont nous parvenir. Je sais d’ores et déjà qu’ils sont de grande qualité, ne serait-ce qu’en raison du nombre de personnes auditionnées et de l’engagement de Mme la députée Chandler et de Mme la sénatrice Vérien sur ces sujets. J’ai la conviction que nous pourrons, ensemble, tirer toutes les conséquences de leur rapport.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à mieux protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales
Article 1er
L’article 378-2 du code civil est ainsi modifié :
1° Après le mot : « poursuivi », sont insérés les mots : « par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction » ;
2° Après la seconde occurrence du mot : « parent », sont insérés les mots : « ou pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ».
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, au moment de commencer l’examen de l’article 1er relatif à la suspension provisoire de l’exercice de l’autorité parentale, je souhaite rappeler que, lorsqu’un enfant est en danger, la question de l’autorité parentale ou de son exercice ne se pose que dans un second temps. L’urgence est en effet, dans un premier temps, de mettre l’enfant à l’abri. Il existe alors plusieurs procédures possibles, bien souvent à la main du parquet qui joue un rôle central.
En amont de toute poursuite, le parquet peut ordonner en urgence, et sans aucune procédure contradictoire, le placement provisoire de l’enfant, éventuellement chez l’autre parent, à charge pour lui de saisir le juge des enfants dans un délai de huit jours. Il peut aussi placer l’enfant dans un lieu de placement pour enfants en danger ; mais encore faut-il que des places soient disponibles.
Le parquet peut également, à tous les stades de la procédure ou même en amont, requérir la délivrance d’une ordonnance de protection auprès du JAF, avec des mesures d’interdiction d’entrer en relation et de se rendre dans certains lieux, ou la suspension du droit de visite et d’hébergement.
Enfin, dans le cadre d’une information judiciaire ou de procédures rapides de jugement, la personne poursuivie peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence sous surveillance électronique. Là encore, peuvent être prononcées une interdiction d’entrer en contact et de paraître en certains lieux ou la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur.
Mes chers collègues, il est nécessaire de garder à l’esprit que ces dispositifs se cumulent et que la mise à l’abri de l’enfant, à proprement parler, ne repose pas sur les articles 378-2 et 378 du code civil, dont nous discutons actuellement.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, sur l’article.
Mme Annick Billon. Le dispositif initial défini à l’article 1er visait à créer un régime spécifique en cas de condamnation, même non définitive, pour des violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits.
Je partage l’avis de Mme la rapporteure sur le point suivant : rien ne justifie de conditionner cette mesure au fait que l’enfant ait assisté aux violences.
Selon le juge Édouard Durand, président de la Ciivise, l’ajout de cette condition de présence de l’enfant lors des faits permet de diviser par quatre ou cinq le nombre de dossiers à traiter. Or nous ne sommes pas ici pour réduire le nombre de dossiers aux dépens des victimes, mais pour renforcer la protection des enfants ! J’en profite donc pour remercier Mme la rapporteure d’avoir pris en considération l’amendement que j’avais déposé en commission et qui a été intégré au texte.
Toutefois, il est fondamental de tenir compte des violences conjugales – et pas uniquement des crimes commis sur l’autre parent – comme motif de suspension de l’autorité parentale ou de son exercice. Nous devons consacrer la formule suivante : « Un parent violent ne peut pas être un bon parent. » C’est d’ailleurs l’un des objectifs de l’amendement que je défendrai dans quelques instants.
En effet, tel qu’il est rédigé, l’article 1er ne permet pas une prise en compte globale de la problématique des femmes victimes de violences conjugales et, intrinsèquement, des enfants victimes de violences intrafamiliales.
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 22, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, ou pour une agression sexuelle incestueuse ou atteinte sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.
L’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent prévues soit à la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal, soit aux sections 1, 3 et 3 bis du chapitre II du même titre II, sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale.
À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis.
À défaut, le retrait partiel provisoire de l’autorité parentale peut être prononcé. Dans ce cas, la suspension provisoire de l’autorité parentale comprend le retrait du droit de surveiller l’éducation de l’enfant.
Peut se voir retirer totalement l’autorité parentale ou, à défaut, l’exercice de l’autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal le parent qui est condamné, soit comme auteur, coauteur ou complice, hors le cas prévu au précédent alinéa, d’un délit commis sur la personne de son enfant, soit comme coauteur ou complice d’un crime ou délit commis par son enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d’un délit sur la personne de l’autre parent.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, nous souhaitons aller plus loin en matière de protection des enfants.
Par conséquent, nous proposons de retirer l’autorité parentale – et non simplement l’exercice de l’autorité parentale – du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, que ce soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, pour une agression sexuelle incestueuse, pour une atteinte sexuelle incestueuse, ou encore pour un crime commis sur la personne de son enfant, et ce jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales.
Nous proposons donc de rétablir la version du texte adoptée à l’Assemblée nationale, pour que ces dispositions s’appliquent pendant toute la durée de la procédure pénale. Cela nous paraît, madame la rapporteure, bien plus protecteur.
Nous proposons également d’étendre ces dispositions à l’ensemble des violences volontaires commises dans le cadre conjugal ou post-séparation.
En ce sens, nous regrettons, et nous ne comprenons pas, l’exclusion de ces violences par la commission des lois. Il est primordial de préserver les enfants victimes durant le temps de l’enquête. Le doute doit profiter à la protection de l’enfant. Nous ne devons pas prendre le risque qu’un acte de nature pénale soit commis contre l’enfant pendant ce temps de latence.
Mes chers collègues, la simple suspension de l’exercice de l’autorité parentale ne suffit pas à protéger efficacement les enfants victimes de violences conjugales ou intrafamiliales. En effet, dans ce cas, l’autre parent a l’obligation de donner au parent poursuivi pour violences l’adresse du nouveau domicile ou de l’école. Ce dernier doit également être informé des choix importants relatifs à la vie de l’enfant. Selon nous, ce n’est pas acceptable !
Je vous appelle donc à soutenir notre amendement visant à réécrire l’article 1er dans un sens qui nous semble bien plus protecteur.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 44 rectifié bis est présenté par Mme Vérien, MM. Détraigne et Henno, Mme de La Provôté, M. Cadic, Mme Dindar, M. Delahaye, Mmes Ract-Madoux et Sollogoub, M. Le Nay, Mmes Jacquemet et Vermeillet, M. Levi, Mme Loisier, M. Janssens, Mmes Perrot et Saint-Pé, M. Duffourg, Mmes Herzog et Guidez, M. Longeot et Mme Doineau.
L’amendement n° 45 rectifié ter est présenté par Mme Billon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. – L’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, ou pour une agression sexuelle incestueuse ou atteinte sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.
« L’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent prévues soit à la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal, soit aux sections 1, 3 et 3 bis du chapitre II du même titre II, sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis.
« À défaut, le retrait partiel provisoire de l’autorité parentale peut être prononcé. Dans ce cas, la suspension provisoire de l’autorité parentale comprend le retrait du droit de surveiller l’éducation de l’enfant. »
La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié bis.
Mme Jocelyne Guidez. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 45 rectifié ter.
Mme Annick Billon. Ma collègue Dominique Vérien et moi-même proposons une nouvelle rédaction de l’article 1er, tout en conservant les deux dispositifs introduits entre-temps au travers de l’amendement de Mme la rapporteure. L’objectif est d’aboutir à une rédaction juridique complète de l’article 378-2 du code civil.
Le présent amendement vise à prévoir une suspension de plein droit de la titularité de l’autorité parentale, et non simplement de son exercice.
La distinction entre exercice et titularité est primordiale. Un parent titulaire de l’autorité parentale maintient des relations personnelles avec l’enfant et conserve un droit de surveillance sur ce dernier. Le parent poursuivi, mis en examen ou condamné, conserve donc certains attributs fondamentaux de l’autorité parentale : nous souhaitons corriger cette situation.
Nous estimons nécessaire de prendre en compte l’ensemble des violences sexuelles incestueuses commises à l’encontre d’un enfant, et voulons étendre les cas de retrait provisoire de plein droit de l’autorité parentale du parent poursuivi ou condamné au délit d’atteinte sexuelle incestueuse.
La notion d’atteinte sexuelle permet d’englober un plus grand nombre de cas dans lesquels l’enfant est victime d’inceste et de lui assurer ainsi une meilleure protection. Une agression sexuelle est une atteinte sexuelle non consentie.
Enfin, cet amendement vise à prendre en considération les condamnations pour violences conjugales, et pas seulement les crimes commis par un parent à l’égard de l’autre parent, sans les conditionner à un nombre minimum de jours d’ITT ou à la présence de l’enfant.
Il n’est pas question d’attendre que l’un des parents tue l’autre parent avant de mettre à l’abri le ou les enfants. La protection des enfants doit nous guider.
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mmes Harribey, Meunier, Rossignol, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit dans un délai maximal de six jours, jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.
« L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, sont suspendus de plein droit dans un délai maximal de six jours jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Par cet amendement, nous souhaitons manifester notre attachement, souligné lors de la discussion générale, à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Celle-ci nous semble en effet particulièrement intéressante et fidèle à l’idée originelle du texte, et les propos de M. le garde des sceaux ont montré qu’il semblait partager cette appréciation.
Nous défendons la non-limitation de la suspension de l’exercice de l’autorité parentale ainsi que des droits de visite et d’hébergement : cela nous semble impérieux en cas de poursuite ou de condamnation pour des faits criminels ou d’agressions sexuelles commises par un parent sur son enfant. Cette suspension revient à accorder le bénéfice d’une protection durable, qui peut couvrir une longue période.
Les violences conjugales sont trop nombreuses et trop lourdes de conséquences pour les enfants qui en sont victimes pour ne pas conduire à la suspension de l’autorité parentale ainsi que des droits de visite et d’hébergement.
Afin de faciliter le travail des juges et d’éviter une limitation excessive de la portée du texte sur ce point, nous proposons de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
M. le président. L’amendement n° 26, présenté par Mmes Harribey, Meunier, Rossignol, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.
« L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Par cet amendement de repli, nous souhaitons proposer une nouvelle rédaction de l’article 1er incluant les violences conjugales à partir de huit jours d’ITT, ainsi que le crime ou l’agression sexuelle commis sur son enfant, sans délai maximal de suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement.
Nous considérons que ces deux dispositions constituent l’un des apports majeurs de la proposition de loi. Nous souhaitons que l’article 1er retrouve l’esprit de sa rédaction initiale.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
L’amendement n° 27 est présenté par Mmes Harribey, Meunier, Rossignol, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.
« L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »
La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 3.
Mme Mélanie Vogel. La commission est revenue sur plusieurs mesures protectrices qui avaient pourtant été adoptées à l’Assemblée nationale. Le présent amendement vise à en rétablir deux.
Premièrement, il s’agit de permettre la suspension de l’exercice de l’autorité parentale pour certaines violences graves jusqu’à ce que la justice statue.
Cette suspension est actuellement limitée à une durée de six mois, même lorsque le parent est poursuivi par le ministère public, mis en examen ou condamné pour un crime commis sur l’autre parent, pour agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis contre son enfant. Or, si la justice est trop lente et met plus de six mois avant de statuer – cela peut arriver –, l’enfant est de nouveau en danger une fois ce délai écoulé.
Deuxièmement, nous souhaitons rétablir la suspension de l’exercice de l’autorité parentale et du droit de visite visant le parent condamné pour des violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, si l’enfant a assisté aux faits.
Nous parlons de cas extrêmement graves. Comme l’ont dit de nombreuses collègues, l’enfant est alors non pas seulement témoin mais victime, car il souffrira sans doute toute sa vie d’avoir assisté à ces faits.
Il paraît donc important, dans ces cas, de suspendre l’autorité parentale ainsi que les droits de visite et d’hébergement du parent condamné pour de tels faits, jusqu’à ce que le JAF statue sur l’autorité parentale.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 27.
Mme Laurence Harribey. Lorsque des violences sont commises sur l’autre parent, nous sommes prêts à réintroduire la condition selon laquelle l’enfant doit avoir assisté aux faits pour que l’exercice de l’autorité parentale soit suspendu. Nous soulignons cependant qu’il s’agit là d’un premier pas ; un enfant peut en effet être considéré comme victime de violence sans avoir assisté à de tels faits.
M. le président. L’amendement n° 28, présenté par Mmes Harribey, Meunier, Rossignol, Monier et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal. »
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Cet amendement nous donne l’occasion d’attirer une nouvelle fois l’attention sur l’un des points les plus importants de ce texte.
Nous entendons l’intention de Mme le rapporteur, qui souhaite conserver l’ajout relatif au crime ou à l’agression sexuelle commis sur la personne de son enfant à l’article 378-2 du code civil. Toutefois, dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit une limitation de la suspension de l’autorité parentale à un délai maximal de six mois.
Si nous comprenons les inquiétudes exprimées en commission au sujet de la présomption d’innocence, nous insistons sur l’importance de supprimer ce délai maximal.
Nous avons évoqué précédemment l’instrumentalisation, qu’il convient d’éviter, par des parents de cette disposition. Il est fondamental de ne pas remettre en cause la suspension de l’autorité parentale, et ce jusqu’à l’extinction des poursuites, car c’est une façon de protéger l’enfant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Je consacrerai davantage de temps au premier de ces amendements, car l’article 1er est assez complexe.
L’amendement n° 22, défendu par Mme Cohen, vise à suspendre non pas l’exercice de l’autorité parentale, mais l’autorité parentale elle-même, c’est-à-dire sa titularité. Cela change totalement la nature de cette suspension, tout en maintenant une durée qui pourrait atteindre plusieurs années.
Le but de cette modification est de couper, durant le temps de la procédure pénale, tout lien avec l’enfant et de veiller à ce que le parent poursuivi ou mis en examen ne soit plus informé du devenir de son enfant. En effet, l’article 373-2-1 du code civil dispose : « Le parent qui n’a pas l’exercice de l’autorité parentale conserve le droit et le devoir de surveiller l’entretien et l’éducation de l’enfant. Il doit être informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier. »
L’amendement vise également à intégrer, dans le champ de la procédure de suspension provisoire de plein droit, les atteintes sexuelles incestueuses, ce qui recouvre l’exhibition ou le visionnage de film pornographique en présence de l’enfant.
Enfin, l’amendement tend à réintégrer un dispositif, distinct, de suspension provisoire de plein droit, en cas de condamnation pour violences volontaires sur l’autre parent, sans qu’il soit fait référence à une durée d’ITT ou à la présence des enfants au moment des faits. Précisons qu’une partie des infractions visées sont des crimes, lesquels entrent dans le dispositif proposé par la commission.
Les modifications suggérées vont plus loin que la proposition de loi initiale et le texte adopté par la commission. Le dispositif proposé aggrave la mesure de suspension en étendant son champ à des délits, ce qui porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale.
Compte tenu de son caractère automatique et de l’absence de toute intervention du juge, la commission a souhaité réserver la suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale aux seuls cas les plus graves – les crimes et les délits d’agression sexuelle incestueuse – et conserver les mêmes effets limités dans le temps qu’actuellement, soit une durée maximale de six mois jusqu’à la décision du JAF.
De surcroît, la rédaction proposée pose de nombreuses difficultés techniques, car elle mélange les notions de suspension et de retrait. Les auteurs de l’amendement partent du principe que la suspension serait prononcée par un magistrat, alors qu’elle est de plein droit et s’opère automatiquement par simple effet de la loi en cas de poursuite par le ministère public, de mise en examen par le juge d’instruction ou de condamnation. Elle n’est donc pas formalisée par une décision qui pourrait acter un retrait partiel au lieu d’un retrait total.
Par ailleurs, le JAF n’est pas compétent en matière d’autorité parentale, mais d’exercice de l’autorité parentale. Si l’autorité parentale est suspendue, c’est donc non pas ce juge qui pourrait la rétablir, mais la juridiction judiciaire en formation collégiale.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 22.
Les amendements identiques nos 44 rectifié bis et 45 rectifié ter sont similaires au précédent : ils visent à suspendre l’autorité parentale dans l’objectif de supprimer tout lien entre le parent violent, l’enfant et l’autre parent.
J’émets les mêmes réserves sur ces amendements, fondées sur l’absence de proportionnalité et les difficultés techniques d’application.
J’y insiste, dans le texte issu des travaux de la commission, les violences volontaires les plus graves sont incluses dans le dispositif de suspension puisqu’il s’agit de crimes.
Par ailleurs, en cas de condamnation pour violences conjugales de nature délictuelle, selon les dispositions du décret du 23 novembre 2021, l’enfant témoin de ces violences est considéré comme une victime ; la juridiction pénale a donc l’obligation de se prononcer sur l’autorité parentale. Tel est le sens des modifications que j’ai proposées en commission, qui visent à obliger les juridictions à se prononcer en cas de délit à l’encontre de la personne de l’enfant.
Notre boussole est l’intérêt de l’enfant, lequel doit être au centre du dispositif en matière d’autorité parentale. La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
L’amendement n° 25 vise à rétablir le texte de l’Assemblée nationale, tout en ajoutant un délai de six jours pour l’intervention de la suspension et en supprimant la condition relative à la présence de l’enfant pour ce qui concerne les violences conjugales.
La commission a entendu limiter le jeu de la suspension provisoire de plein droit aux seules infractions les plus graves – crimes et délits d’agression sexuelle incestueuse sur l’enfant – et conserver le même effet dans le temps de cette suspension automatique qu’actuellement, afin que le juge soit systématiquement saisi et se prononce au terme de six mois. Il s’agit de la contrepartie nécessaire de l’automaticité.
Par ailleurs, le délai de six jours prévu – l’équivalent de celui qui existe en matière d’ordonnance de protection – n’a pas de sens en l’espèce, puisque la suspension est de plein droit et intervient par simple effet de la loi : elle n’est pas formalisée par une décision de justice, mais court dès qu’il y a mise en examen ou poursuite par le parquet.
Enfin, je partage les propos de mes collègues sur le point suivant : la condition liée à la présence de l’enfant lors des faits n’a pas de sens. Toutefois, la commission a choisi de ne pas créer de régime de suspension particulier en cas de condamnation pour violences conjugales de nature délictueuse. Il appartient donc à la juridiction pénale de se prononcer, au moment de la condamnation, sur l’autorité parentale. C’est le sens de l’article 228-1 que nous avons introduit dans le code pénal au travers de l’article 3 de la proposition de loi.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 26, variante du précédent, vise à rétablir le texte de l’Assemblée nationale, tout en supprimant la condition relative à la présence de l’enfant.
L’avis de la commission est également défavorable sur cet amendement.
Les amendements identiques nos 3 et 27, qui visent à rétablir le texte de l’Assemblée nationale, vont à l’encontre de la position de la commission.
Pour des raisons de proportionnalité et compte tenu de l’automaticité, la commission a entendu – je le répète – limiter la suspension provisoire de plein droit aux seules infractions les plus graves et conserver la procédure existante, qui garantit qu’un juge soit systématiquement saisi et se prononce au bout de six mois. Encore une fois, c’est la contrepartie nécessaire de l’automaticité.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Enfin, la commission est défavorable à l’amendement n° 28. On le sait, tout un chacun ne dispose pas des ressources nécessaires pour saisir un juge – et en la matière, il ne s’agit pas uniquement d’argent : tout le monde n’ose pas saisir un juge.