compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
M. Loïc Hervé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’appelle chacun de vous, mes chers collègues, au respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
risque systémique en europe à la suite de la faillite de la silicon valley bank
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)
M. Jean-Claude Requier. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
De l’autre côté de l’Atlantique, les déboires de la Silicon Valley Bank (SVB) et de Signature Bank (SB) nous renvoient au mauvais souvenir de la crise financière de 2008. Ces défaillances ont rapidement affolé les marchés, provoquant une crainte chez les citoyens américains qu’il ne faudrait pas voir exportée vers l’Europe.
Depuis quelques jours, à Bruxelles, par la voix des ministres des finances de la zone euro, ou aux États-Unis, par celle de Joe Biden, les commentaires se multiplient pour affirmer que l’on doit garder confiance.
Certes, la Réserve fédérale et le Trésor américains se sont mobilisés pour éviter le pire. Qui plus est, en Europe, les règles prudentielles ont été durcies au cours de cette dernière décennie, en jouant sur les niveaux de solvabilité et de liquidité de nos banques.
Je n’ose demander, madame la Première ministre, s’il existe le moindre risque systémique au sein de l’Union européenne, tant le reconnaître serait l’encourager. C’est tout le problème des marchés financiers – ce n’est d’ailleurs pas le seul – : leur fébrilité s’alimente des déclarations alarmistes.
Cependant, si l’on peut espérer que l’incendie soit éteint, ces bank run américains posent question quant aux effets de la politique monétaire menée par les banques centrales depuis plusieurs mois. La remontée des taux d’intérêt, utilisée comme principale boussole, ne commence-t-elle pas à montrer ses limites ? Pendant ce temps, nos concitoyens, en particulier les plus modestes, souffrent de plus en plus de l’inflation.
Nous sommes à la veille de la réunion du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE). Devons-nous anticiper une nouvelle hausse des taux, au risque de restreindre encore la liquidité du système ?
Si tel devait être le cas, considérez-vous que les banques françaises sont suffisamment capitalisées et toujours en mesure de continuer à jouer leur rôle de prêteur auprès des entreprises et des particuliers, dans une situation économique européenne dégradée ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Jean-Claude Requier, les raisons de la faillite de la banque californienne SVB sont bien connues : exposition au seul secteur de la technologie, capitalisation insuffisante, manque de fonds propres, supervision défaillante.
Cette situation a conduit les autorités américaines à prendre immédiatement les dispositions nécessaires pour stabiliser la situation. Je vous confirme, comme le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique l’a rappelé hier, que les banques françaises ne sont exposées à aucun risque à la suite de cette faillite : elles respectent des exigences en matière de fonds propres et de liquidités parmi les plus fortes au monde ; elles sont soumises à une supervision européenne ; elles ont des activités diversifiées.
Plus proche de nous, s’agissant du Crédit Suisse, dont les difficultés sont connues de longue date, je tiens à rappeler que cette banque n’appartient pas à la zone euro ; elle n’est donc pas soumise à la supervision bancaire européenne. Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique aura un contact avec son homologue suisse dans les prochaines heures : ce sujet est du ressort des autorités suisses et doit être traité par elles.
Vous le voyez, nous sommes vigilants, mais la situation est très différente de celle que nous avons connue en 2008. Depuis lors, en effet, de nombreuses règles prudentielles ont été imposées à toutes les banques de la zone euro. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.
M. Jean-Claude Requier. Hier, le covid-19, aujourd’hui, la guerre en Ukraine, formons le vœu que, demain, nous ne subissions pas une crise financière.
En économie, comme dans d’autres domaines, la confiance ne se décrète pas, elle se perd en litres, mais ne se gagne qu’en gouttes ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains. – M. André Gattolin applaudit également.)
réforme des retraites (i)
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
Mme Mélanie Vogel. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
Monsieur le ministre, dans une démocratie parlementaire normale, aujourd’hui serait la journée de l’apaisement.
Après des années de négociation avec les partenaires sociaux et toutes les forces politiques, un consensus sur l’avenir du travail et de notre système de retraites aurait été trouvé et une réforme des retraites serait en voie d’être adoptée largement et paisiblement. Tel est le modèle décisionnel qui règne dans tous les pays européens que vous aimez tellement prendre en exemple.
Mais pas ici – parce qu’ici, c’est la France !
Ici, le Gouvernement aime avoir raison tout seul, en n’écoutant personne et en agissant contre tout le monde. Qu’importe que personne ne soit d’accord avec lui !
En effet, personne, monsieur le ministre, sinon une partie des Républicains, n’est d’accord avec vous. Vous êtes tout seul : 75 % de la société française rejettent cette réforme, 93 % des actifs y sont opposés, aucun syndicat ne la défend. La majorité parlementaire elle-même est incertaine.
Alors que les Français sont encore massivement dans la rue, sept députés – qui n’ont ni voté ni examiné le texte – et sept sénateurs – auxquels le Gouvernement a imposé un vote bloqué – ont décidé à huis clos de prendre deux ans de repos aux plus précaires.
Quant à vous, vous hésitez entre une majorité de quelques voix, arrachée contre un pays transformé en poudrière, ou l’utilisation du 49.3, c’est-à-dire l’adoption sans vote d’une réforme minoritaire.
Ces deux options, monsieur le ministre, sont une folie.
Ce n’est pas parce que des outils sont légaux que leur utilisation est légitime. Ce n’est pas parce que des procédés sont constitutionnels qu’ils répondent aux standards démocratiques modernes des démocraties dignes de ce nom.
Arrêtez les frais ! À ce niveau de tension sociale et démocratique, l’urgence, ce n’est plus d’adopter cette réforme des retraites, c’est de sortir de ce fonctionnement mortifère et d’organiser démocratiquement la transition vers une République véritablement parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Vogel, il me semble que votre question est plutôt une interpellation.
Si j’ai bien compris, vous considérez que nous ne nous trouvons pas dans une démocratie moderne. (Non ! sur des travées du groupe GEST.) C’est pourtant bien le cas.
Nous sommes dans une démocratie qui permet l’expression des oppositions et des divergences – les mobilisations que vous avez évoquées en apportent la démonstration la plus flagrante. Elle les autorise cependant dans la limite du respect de l’ordre public.
Respecter l’ordre public, c’est éviter les débordements, ce que les organisations syndicales font très bien quand elles organisent des manifestations.
Respecter l’ordre public, c’est aussi condamner les coupures sauvages d’électricité qui visent les permanences et les habitations des élus, notamment celles des sénateurs. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.) C’est éviter et condamner les coupures qui fragilisent les commerces, les établissements scolaires, les administrations, qui mettent en danger ceux qui sont hospitalisés chez eux et qui ont besoin d’électricité pour des respirateurs ou des appareils médicaux.
Mme Laurence Cohen. Quelle dramatisation !
M. Olivier Dussopt, ministre. Enfin, respecter l’ordre public, c’est respecter le fonctionnement de nos institutions.
J’ai eu le plaisir de passer ici même, avec vous, dix jours de débats, durant lesquels le Sénat a pu évoquer chacun des articles, chacune des dispositions du texte.
M. Guillaume Gontard. C’est faux !
M. Hussein Bourgi. Et le vote bloqué ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Vous nous rappelez, madame la sénatrice, que cela s’est conclu par un vote unique. C’est vrai. Ce fut aussi le cas ici même, lors de l’examen de la réforme de 2010, ou à l’Assemblée nationale lors de celui de la réforme de 2013, ou encore sur la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Il s’agit d’une procédure constitutionnelle qui a un objectif et un mérite : elle permet de contourner l’obstruction.
M. Pierre Laurent. Non ! C’est un passage en force !
M. Olivier Dussopt, ministre. Si tant est que nous nous posions la question, oui, il y a bien eu obstruction.
M. Jean-Marc Todeschini. N’importe quoi !
M. Olivier Dussopt, ministre. Si elle ne fut pas de la même nature que celle qui a sévi à l’Assemblée nationale, il y a bien eu obstruction. Par le dépôt de presque neuf mille amendements et sous-amendements, vous avez méthodiquement entendu paralyser le Sénat et lui retirer sa capacité à délibérer.
La majorité du Sénat et le Gouvernement ont su y répondre, afin de permettre à cette assemblée de se prononcer. Ainsi, samedi soir, le Sénat a adopté la réforme avec toutes ses dispositions.
Je forme le vœu que la commission mixte paritaire permette maintenant de trouver un texte de consensus entre l’Assemblée nationale et le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
conséquences économiques et sociales de la fermeture d’usines dans le nord
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Dany Wattebled. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
Monsieur le ministre, laissez-moi vous lire la lettre d’un salarié de l’usine Buitoni, à Caudry, adressée à son employeur, le groupe Nestlé : « Courant mars 2022, j’apprends que toute la production de pizzas est rappelée par Nestlé. Que se passe-t-il ? C’est inquiétant. On me demande de rester chez moi. J’apprends que le fruit de mon travail aurait handicapé et tué des enfants.
« Qu’est-ce que j’ai fait ? Je suis père, moi aussi, je suis rempli de honte et je pleure. Le soir, je vais en famille au restaurant du coin, où tout le monde me connaît. À mon arrivée, quelqu’un m’interpelle : “Voilà l’assassin de chez Buitoni !” Je ne réponds pas. Nous partons.
« Les chaînes d’info nous accablent : “Comment les salariés pouvaient-ils travailler dans ces conditions ? Ils sont sales, c’est bien fait pour eux !” Je me demande pourquoi Nestlé ne prend pas la parole pour dire que ses employés ne sont pas responsables de ce drame.
« Début janvier, après une fermeture administrative et le nettoyage complet du site, les activités reprennent, mais les commandes ne sont pas au rendez-vous. La direction suspend la production et annonce la fermeture du site. »
Voilà, monsieur le ministre, résumée en quelques mots, la détresse que vivent depuis douze mois les 150 employés de l’usine de Caudry.
Durant la même semaine, la fermeture de l’usine Tereos à Escaudœuvres a été annoncée, menaçant, encore une fois, 150 emplois. Cette usine produit du sucre : il s’agit de l’une des filières d’excellence française, mais, à force d’appliquer les normes de manière plus draconienne que ne le font nos voisins, nous sommes en train de détruire notre filière betteravière.
Alors que le Gouvernement parle de réindustrialisation des territoires, je peux malheureusement d’ores et déjà vous annoncer que d’autres fermetures vont suivre.
Il s’agit d’énormes coups de massue pour le Cambrésis et le Caudrésis, des territoires qui se trouvent déjà en grande difficulté.
Monsieur le ministre, quels moyens comptez-vous déployer pour sauvegarder ces usines ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Wattebled, je vous remercie d’avoir rappelé avec émotion les mots que j’ai, moi aussi, entendus lundi, alors que nous étions ensemble à Caudry pour rencontrer les salariés de cette usine.
Vous l’avez dit, ceux-ci ont pris comme un coup de massue l’annonce de la suspension d’activité de la chaîne de production, après avoir vécu comme une énorme injustice les accusations qui sont portées contre eux depuis un an.
Certains de ces ouvriers ont été traités d’assassins, alors qu’ils ne sont évidemment en aucun cas responsables du drame sanitaire qui a affecté l’usine de production Buitoni, il y a un an. Il est hors de question qu’ils soient les victimes collatérales de ce drame sanitaire.
J’ai rencontré la direction, mes équipes travaillent avec les autorités du groupe Nestlé pour trouver d’autres solutions. Je souhaite que l’on produise, dans l’usine de Caudry, des pizzas ou autre chose – je ferai tout pour cela.
Cette nouvelle extrêmement triste s’est accompagnée d’une autre information qui ne l’était pas moins : non loin de Caudry, à Escaudœuvres, Tereos a décidé de fermer l’une de ses usines. Cela arrive, et cela pourrait arriver encore à l’avenir, mais pas quand une entreprise gagne de l’argent alors qu’elle en perdait il y a encore quelques années, pas quand une entreprise se désendette alors qu’elle était endettée il y a quelques années, pas quand une entreprise bénéficie d’un prix du sucre au plus haut et d’un marché en pleine expansion.
M. Pascal Savoldelli. Et alors ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. J’ai demandé des explications à la direction. Une rencontre est organisée demain, avec le préfet et les élus – vous y êtes d’ailleurs convié, monsieur le sénateur –, parce que je souhaite obtenir des précisions sur les raisons pour lesquelles une entreprise qui va mieux et qui marche ferme une usine, ce qui emporte des conséquences très importantes dans la région.
M. Pascal Savoldelli. Et après ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. Par ailleurs, je l’ai dit sur place avec vous lundi et je le répète : nous avons d’ores et déjà annoncé le déploiement de 3 millions d’euros dans le cadre du dispositif Rebond industriel, afin d’accompagner les entreprises locales qui souhaitent investir dans la réindustrialisation du territoire. Il y en a.
Le Nord va mieux, monsieur le sénateur. Des gigafactories sont en train de se monter à une ou deux heures de Caudry, qui créeront des milliers d’emplois.
M. le président. Il faut conclure !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous ne devons pas pour autant abandonner les territoires délaissés, notamment le vôtre. Nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
situation des dépenses publiques
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, nous ne cessons d’appeler votre attention sur l’absence de maîtrise de la dépense publique. Notre constat à ce sujet est partagé par la Cour des comptes, laquelle vient de vous adresser une sévère mise en garde, pour ne pas dire un carton rouge. Elle dénonce le fait que, une fois défalquées les aides exceptionnelles liées à la crise sanitaire et à l’inflation, la dépense publique continue d’augmenter.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que la France atteint bien le niveau le plus élevé en matière de dépense publique en Europe, à hauteur de 58 % de son PIB ? Comment avez-vous pu laisser ainsi dériver nos comptes publics ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Husson, je connais votre attachement au rétablissement des finances publiques. J’espère que vous me suivrez dans la méthode que nous avons proposée, laquelle nous a permis, en 2018, de revenir sous les 3 % de déficit public, de rétablir les comptes publics et de sortir la France de la procédure pour déficit excessif. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Cette méthode se caractérise d’abord par un objectif : ramener les dépenses publiques de 57 % à 54 % du PIB. Cela suppose que tout le monde fasse un effort.
M. Jean-Marc Todeschini. Pas les plus riches !
M. David Assouline. Seulement les pauvres !
M. Rachid Temal. Et l’impôt de solidarité sur la fortune ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Cela suppose également de s’abstenir de défendre des propositions susceptibles d’augmenter la dépense publique et de privilégier celles qui permettent de la réduire.
Nous comptons donc repasser sous les 3 % de déficit dès 2027 et réduire la dette publique à partir de 2026. Tels sont les chiffres que nous vous soumettons. Nous proposons une méthode pour atteindre ses objectifs :…
M. Jean-Marc Todeschini. Faire payer les pauvres !
M. Bruno Le Maire, ministre. … une revue des dépenses publiques comme aucune n’a jamais été engagée dans notre pays. Celle-ci examinera toutes les dépenses publiques, de toutes les administrations, celles qui relèvent des collectivités locales (Eh voilà ! sur les travées du groupe Les Républicains.), en accord avec elles, des associations et de l’État.
La dépense publique est en effet composée à 50 % de dépenses sociales, à 30 % de dépenses de l’État et à 20 % de dépenses des collectivités locales. Il faut donc que chacun participe à cet engagement collectif, sur la base d’un diagnostic qui doit être partagé.
Nous tiendrons ensuite un séminaire (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SER.) sous l’autorité de la Première ministre pour examiner les dépenses de l’État et nous assurer que chaque ministère contribue bien à la réduction de la dépense publique.
Je proposerai à toutes les collectivités locales d’y participer et de s’engager dans cette direction, dans le respect de leur liberté d’administration.
M. Rachid Temal. C’est le retour des contrats de Cahors !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous ferons de même avec les associations et nous organiserons des assises des finances publiques avant l’été (Nouvelles exclamations ironiques sur les mêmes travées.), qui nous permettront d’établir le rythme et le montant de réduction de la dépense.
En matière de calendrier, notre objectif est simple : dès le projet de loi de finances pour 2024, nous opérerons des réductions significatives de nos dépenses publiques…
M. le président. Il faut conclure !
M. Bruno Le Maire, ministre. … pour tenir les objectifs que je vous propose de soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.
M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, au mois de septembre dernier, vous avez annoncé ce que seraient les dépenses, puis vous avez confié à votre majorité le soin de trouver des économies. Vous avez finalement rendu copie blanche : zéro.
Comment comptez-vous aujourd’hui nous convaincre de l’efficacité de la méthode et de la stratégie que vous présentiez si doctement à l’instant ?
Depuis la Seconde Guerre mondiale, la France n’a jamais connu un tel niveau d’endettement. Vrai ou faux ? C’est une réalité.
Nous allons emprunter 270 milliards d’euros en 2023 – du jamais vu ! –, alors que les taux d’intérêt remontent. La France se retrouve donc en grande difficulté, au moment où nos partenaires européens, eux, ont consenti des efforts.
Nous sommes en queue de peloton sur un certain nombre d’indicateurs importants : dette publique et prélèvements obligatoires records, déficit public sur le podium européen, déficit commercial qui s’envole. Cela ne peut durer ! C’est l’affaire de tous les Français.
Vous avez pris un carton rouge, mais la France ne saurait rester hors jeu !
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, à quand des économies ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
lutte contre les dérives sectaires
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.
Madame la secrétaire d’État, la Terre est-elle plate ?
Cette question vous paraît absurde. Pourtant, certaines voix estiment que toutes les affirmations, même les plus complotistes et les plus farfelues, méritent d’être débattues. Pis encore, comme je l’ai entendu hier matin sur France Inter, ces dernières devraient être entendues comme des « thèses minoritaires », face à celles qui seraient alors considérées comme des « thèses majoritaires » ; elles auraient ainsi leur place dans le débat public, aux côtés de faits scientifiquement validés.
Ce mélange des genres particulièrement dangereux emporte des conséquences parfois désastreuses, en particulier dans le domaine de la santé. On peut ainsi vous expliquer que le cancer se soigne par le jeûne ou que les vaccins sont un outil de contrôle mental des populations.
Des charlatans en profitent pour vendre des pseudo-thérapies inefficaces et dangereuses, qui conduisent à un refus des soins conventionnels. Ils déploient des stratégies pernicieuses, sous le prétexte du bien-être, qui mettent peu à peu leurs victimes sous emprise et les entraînent dans un engrenage sectaire qui peut devenir mortel.
L’un d’entre eux a récemment été mis en examen. N’est-ce pas pourtant l’arbre qui cache la forêt ? Que dire, de surcroît, des mutuelles qui remboursent des médecines dites alternatives, sans contrôle sérieux ?
Madame la secrétaire d’État, l’État est-il suffisamment armé pour lutter ? Notre position quasiment unique au monde vis-à-vis de ces dérives sectaires peut-elle se conjuguer efficacement avec la législation européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Daniel Chasseing et Mickaël Vallet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Vérien, je vous remercie tout d’abord d’avoir participé aux assises nationales de lutte contre les dérives sectaires, qui ont été extrêmement riches et ont constitué un moment important. Elles étaient attendues par tous ceux qui défendent les victimes et par les dizaines de milliers de personnes qui sont touchées chaque année par ces dérives sectaires.
Ces assises ont donné lieu à des propositions. La première d’entre elles concerne la prévention. Comment nos compatriotes en viennent-ils à considérer de la même manière le fait scientifique et un certain nombre de croyances ?
Pour y répondre, nous avons reçu des engagements forts de la secrétaire d’État Sarah El Haïry en matière d’éducation à l’information des plus jeunes. Pour cette population, nous n’avons pas toujours su évoluer et épouser le passage de l’information traditionnelle aux réseaux sociaux. Un travail important va ainsi être mené avec les plateformes, pour éviter que celles-ci ne contribuent à soutenir ces dérives. Il faudra également revoir la communication sur ce sujet.
Ensuite, nous devrons lancer des actions particulières en matière de santé, domaine dans lequel ces dérives explosent. Une annonce importante a été faite à ce sujet par Agnès Firmin Le Bodo, au nom du ministère de la santé et de la prévention : l’encadrement des pratiques non conventionnelles de soins, qui était absolument indispensable. Nos compatriotes ont en effet accès à beaucoup de praticiens, de naturopathes, dont les méthodes ne font l’objet d’aucune vérification.
Enfin, il convient d’accompagner les victimes, qui attendent une indemnisation, et de punir plus sévèrement les auteurs. Vous l’avez dit, il se produit des mises en examen et des condamnations, mais nous avons besoin de renforcer notre arsenal pénal.
Je compte sur vous, parlementaires, membres du Sénat, pour soutenir cette évolution de la loi afin de condamner ces gourous et ces charlatans. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour la réplique.
Mme Dominique Vérien. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. En effet, notre arsenal pénal doit peut-être être renforcé en France, mais, à mon sens, nous devons travailler sur la sujétion et sur l’emprise.
En outre, il faudra convaincre la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qu’une personne sous emprise n’est pas libre. Si la liberté de choisir une religion est bien un droit fondamental, subir une sujétion peut représenter un danger mortel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Rachid Temal et Vallet applaudissent également.)
réforme des retraites (ii)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Éliane Assassi. Madame la Première ministre, vous affirmiez hier devant les députés que chacun devait assumer ses choix. Je vous demande donc aujourd’hui d’assumer les vôtres : celui du coup de force antidémocratique comme celui de la régression sociale.
Depuis deux mois, le peuple vous dit non. Les grèves et les manifestations se multiplient sur tout le territoire, demeurant ce qu’elles ont toujours été : des outils du progrès social.
Hier, vous avez répondu avec nervosité à mon ami André Chassaigne en lui reprochant d’opposer la légitimité de la rue à celle du Parlement. Dois-je vous rappeler, à vous qui aimez à évoquer votre passé de gauche, que c’est la grève et la rue qui ont bâti les conquêtes sociales ? (Mme la Première ministre fait non de la tête.)
Sans remonter jusqu’à 1789 (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), contestez-vous la légitimité des grèves de 1906 pour la journée de travail de huit heures ? Contestez-vous celle des grèves de 1936 et la victoire qu’ont représentée les congés payés ? Contestez-vous les formidables progrès obtenus à la suite du mouvement de 1968, de la grève massive et de la mobilisation de la jeunesse ?
Enfin, plus proches de nous encore, les victoires de 1995, face à la réforme des retraites de M. Juppé, et de 2006, contre le contrat première embauche (CPE), n’ont-elles pas confirmé la force du mouvement social et sa légitimité ?
Oui, madame la Première ministre, il existe une légalité résultant de l’élection, mais il existe aussi une légitimité sociale, que vous ne pouvez pas nier et qui s’impose à vous aujourd’hui.
Oui, le recul de l’âge de départ à la retraite est refusé par notre peuple. Vous avez fait un choix de société, un choix de droite, un choix de classe. Le débat a eu au moins le mérite de clarifier l’échiquier politique en faisant l’union des droites électoralement minoritaires, de Renaissance à LR.
Ensemble, vous avez pris les rênes, par un acte d’autoritarisme dangereux pour la démocratie, que devrait confirmer la commission mixte paritaire réunie depuis ce matin.
Madame la Première ministre, nous ne laisserons pas faire, nous ne lâcherons rien, y compris en mobilisant les moyens constitutionnels qui sont à notre disposition. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)