Mme Laurence Cohen. Elle est moins pire !
Mme Monique Lubin. À titre personnel, cet amendement ne me dérange pas en ce qu’il a été élaboré avec sérieux, mais je ne le partage pas.
Mme le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.
Mme Mélanie Vogel. Oui, il importe de dire que l’amendement sur lequel nous sommes amenés à voter aura pour effet de faire perdre des droits aux femmes qui ont des enfants, même si c’est un peu moins que ce qu’a prévu le Gouvernement.
Aujourd’hui, les femmes qui atteignent le taux plein à 62 ans avec leurs trimestres de majoration peuvent choisir de s’arrêter ou de continuer à travailler jusqu’à 64 ans. Dans ce dernier cas, elles bénéficient d’une surcote de 10 %.
Ce qui nous est proposé ici n’est en aucun cas un progrès par rapport à l’existant. C’est un moindre recul pour les seules personnes qui ont fait le choix d’avoir des enfants.
Cet amendement, s’il est voté, n’aura aucun effet sur les inégalités structurelles entre les femmes et les hommes dans la société, que nous avons proposé à de nombreuses reprises de corriger par des mesures que vous avez systématiquement refusées.
Je finirai en disant que, pour moi, la famille, ce n’est pas une valeur. C’est une institution (Mme Martine Filleul applaudit. – M. Olivier Paccaud s’exclame.),…
Ce n’est pas un gros mot ! Je ne sais pas pourquoi le mot institution vous pose problème.
… et, comme toutes les institutions, elle est une construction sociale, et, comme toute construction sociale, elle a vocation à évoluer.
M. Olivier Paccaud. Il faut la protéger !
Mme Mélanie Vogel. Nous avons le projet de faire évoluer la famille pour qu’elle soit moins centrée sur l’idée qu’elle est une affaire de femmes, que les femmes sont là pour faire des enfants et pour s’en occuper. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Avant d’expliquer mon vote, je tiens à dire que nos débats, même s’ils sont tendus, ne sont pas inutiles. J’en veux pour preuve que, depuis le vote sur le report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, une petite dizaine de nos collègues ont modifié leur vote pour le transformer en vote contre ou en abstention. Cela montre que les arguments et les explications finissent pas influer sur nos positions respectives.
Monsieur Fialaire, ce qui compte, c’est non pas l’espérance de vie, mais l’espérance de vie en bonne santé. Celle-ci stagne (M. Jean-Marie Vanlerenberghe fait un geste de dénégation.) et l’on ne sait pas ce qu’elle sera à l’avenir. Bien plus, l’espérance de vie globale régressera probablement dans les années à venir, comme aux États-Unis. En tout cas, il y a un doute sérieux sur l’espérance de vie en bonne santé, même si je conçois que cette définition soit assez complexe.
Toujours est-il que, si l’on se réfère à cet indicateur, il n’y a pas vraiment d’arguments pour reporter l’âge légal de départ à la retraite.
J’en viens à l’amendement de M. le rapporteur. Malgré les conditions dans lesquelles il a été présenté, après des manœuvres, certes réglementaires, pour nous amener à l’examiner en priorité, je me trouve face au dilemme du verre à moitié vide ou à moitié plein. En d’autres termes, faut-il accepter de voter l’atténuation, au demeurant partielle, d’un cadre général très négatif ?
Notre groupe y réfléchit et il est divisé sur cette question. Nous ne sommes pas arrivés en séance en nous étant mis d’accord avec le Gouvernement sur une position de principe sur tout. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne dis pas que c’est le cas de tout le monde. Pour preuve, je l’ai dit, des votes changent depuis hier soir. Je reconnais les possibilités d’évolution de chacun.
Aussi, les votes du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain seront peut-être divers. Pour ma part, je suis plutôt enclin à accepter la proposition du rapporteur, avec toutes les réserves que je viens d’exprimer.
Mme le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Le groupe Les Républicains soutient avec conviction l’amendement n° 2127 rectifié. En effet, il a l’immense mérite d’ouvrir enfin le débat sur une réalité française : le régime par répartition ne peut durer que si nous avons un équilibre des naissances au regard de la durée de la vie à la retraite.
Vous évoquez avec nostalgie le Conseil national de la Résistance (CNR), qui, au printemps 1944, avant même que la France ne soit libérée, a posé les bases d’une politique sociale, notamment avec ce régime de retraite par répartition. Malgré les circonstances tragiques, notre pays avait à l’époque une natalité de 21 ‰, contre 11 ‰ aujourd’hui, c’est-à-dire à peu près moitié moins. Cette décrue a été particulièrement forte au début du XXIe siècle, puisque nous étions encore à 14 ‰ en 2000. Cela pose une véritable interrogation.
Comme rapporteur spécial du budget de l’éducation nationale, je puis vous rappeler qu’il y avait 820 000 naissances en France en 2012, voilà dix ans, contre 720 000 en 2022, soit 100 000 en moins. Parallèlement, la vie s’allonge et le nombre de retraités ne peut qu’augmenter, ce dont il faut se réjouir.
Votre amendement, monsieur le rapporteur, rappelle cette évidence. Évacue-t-il pour autant la totalité du problème ? La réponse est non, mais, si nous ne mettons pas le pied dans la porte à cet instant, nous aurons manqué un rendez-vous.
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Gérard Longuet. Madame la présidente, je vous sais très attentive aux délais, mais je veux simplement ajouter que, pour nous, la famille est une valeur (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.), qui repose sur le respect de la parole donnée à son conjoint lorsque l’on décide de faire un enfant,…
Mme le président. Votre temps de parole est écoulé !
M. Gérard Longuet. … et de la parole donnée à ses enfants lorsqu’ils viennent au monde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Pour ma part, je voterai cet amendement du rapporteur, mais, je le dis très honnêtement, je le voterai par défaut.
Par défaut, parce que l’addition de l’article 7, qui porte à 64 ans l’âge de départ à la retraite, et de l’amendement Savary à cet article 8, qui crée une surcote de 5 %, entraîne un recul global par rapport à la situation actuelle, certes, un recul plus limité que celui qu’a entraîné le simple vote de l’article 7, mais un recul tout de même. Même avec l’amendement Savary, nous aurons in fine une aggravation du sort des travailleurs.
Par ailleurs, j’ai entendu hier une proposition de certains membres du groupe UC visant à ne pas imposer la mesure d’âge. De la même façon, la surcote devrait rester un choix personnel.
Mes chers collègues de la droite et du centre, vous qui êtes très souvent les apôtres de la liberté, pourquoi ne laissez-vous pas aux gens le choix de la liberté ? Certains peuvent être cassés par le travail et n’aspirent qu’à prendre leur retraite, même avec une décote. C’est déjà possible aujourd’hui, donc gardons cette option. Ne retardons pas la possibilité pour chacune, en l’occurrence, de prendre sa retraite au moment où elle le décide.
Enfin, je tiens à dire que je ne comprends pas que nous ayons aujourd’hui ce débat, pourtant important et intéressant, pour savoir si la famille et le travail sont ou non des valeurs ; un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, avec ses délais contraints, ne s’y prête pas. J’aimerais que nous prenions le temps d’en parler dans un autre cadre. La famille a beaucoup changé et il y a beaucoup de familles très différentes. Je ne vois pas en quoi ce serait une valeur. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Nous assistons là à un beau moment de débat parlementaire.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, cet amendement ne règle pas le problème des inégalités entre les femmes et les hommes : inégalités de salaires et de pensions, accès aux métiers encore trop réservés à des femmes dans le médico-social, le soin, les services à la personne, etc.
Cet amendement ne règle que la question des femmes qui ont trois enfants,…
M. René-Paul Savary, rapporteur. Les mères de famille !
Mme Michelle Meunier. … et qui pourront bénéficier d’une surcote.
J’ai pensé au départ que la situation serait un peu meilleure que celle que prévoit le texte, mais, en vous entendant, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, je ne sais pas s’il faut voter cet amendement. En tout cas, le doute s’est installé en moi et in fine je pense que je m’abstiendrai.
M. Olivier Rietmann. Quel courage !
Mme le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je formulerai trois remarques.
Tout d’abord, je soutiens l’amendement de notre rapporteur et je le remercie d’avoir trouvé cette plus-value, qui permettra de mettre en avant la natalité et la place des femmes dans notre société. Nous nous mobilisons collectivement pour travailler plus longtemps afin d’assurer l’équilibre de nos retraites, mais il est important d’envoyer des signaux aux femmes.
Ensuite, nous avons beaucoup entendu dans le débat des questionnements sur l’égalité entre les femmes et les hommes en matière de rémunération et d’emploi. Je le reconnais, c’est un sujet important, dont le Sénat doit s’emparer, mais ce n’est pas du tout l’objet du texte.
M. Éric Kerrouche. C’est la conséquence !
M. Philippe Mouiller. Aujourd’hui, nous devons nous concentrer sur un autre enjeu, à savoir l’équilibre de notre système de retraite.
Enfin, concernant les personnes handicapées, j’ai entendu beaucoup d’interventions anticipant pour ces derniers une situation beaucoup plus difficile. Certes, ils sont dans l’effort collectif, mais, si vous prenez le temps de lire l’ensemble du texte, vous verrez qu’en réalité rien ne va concrètement changer pour eux. L’âge de 55 ans restera un âge barrière pour pouvoir partir à la retraite de manière anticipée. Le Gouvernement simplifie les procédures, ce qui améliorera leur condition. Je tenais à le préciser, parce que j’ai entendu beaucoup d’inexactitudes à ce sujet.
Pour conclure, j’ai un service à vous demander, mes chers collègues de l’opposition sénatoriale : si vous vous souciez tant de l’enjeu du médico-social, demandez à ceux qui sont en train de couper l’électricité dans les établissements médico-sociaux d’arrêter ces manœuvres. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Jacquemet et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)
Mme le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Nous sommes à un moment intéressant du débat.
Je remercie M. le rapporteur d’avoir déposé cet amendement. Ce sujet était pour nous une ligne rouge dans nos discussions avec le Gouvernement.
M. Pierre Laurent. C’est plutôt la ligne Maginot !
M. Bruno Retailleau. Ce point du débat est intéressant pour deux raisons.
D’abord, nous assistons à un rare moment de quasi-convergence entre nous. Il faut le souligner.
Ensuite, d’un point de vue plus politique, étant à l’origine de cet amendement, j’ai été accusé de vouloir absolument une politique nataliste – abomination des abominations pour une partie de cet hémicycle… Cependant, je constate qu’une grande partie de la gauche est restée fidèle à l’héritage du Front populaire, qui a inventé l’allocation familiale universelle, enrichie ensuite par le CNR et le gaullisme. Tous ont fondé le socle d’une politique familiale nataliste, soit dit pour ceux qui aiment l’Histoire.
Pour autant, une petite partie de la gauche, peu représentée dans notre hémicycle, considère que la famille n’est pas une valeur. Pour ses représentants, il faut déconstruire tout cet environnement en tournant le dos à ces cadres collectifs, à notre destin commun, au profit d’une émancipation individuelle radicale.
J’y insiste, je suis heureux qu’il y ait au Sénat cette gauche sociale,…
M. Jean-Michel Houllegatte. Il n’y a pas de droite sociale ?
M. Bruno Retailleau. … qui subsiste. Je suis d’autant mieux placé pour le dire qu’il m’est arrivé de regretter des dérives idéologiques dans ma propre famille politique à ce sujet.
C’est un élément fondamental, car la démographie est l’impensé de la réforme du Gouvernement. Un régime par répartition est un régime de transition démographique et intergénérationnel.
Les femmes sont déjà les grandes perdantes,… (Ah ! sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Oui !
M. Bruno Retailleau. … et les mères de famille encore plus, puisque l’on écrase les trimestres de majoration avec les deux années de recul.
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Bruno Retailleau. On ne peut pas penser l’avenir de notre régime sans une politique familiale vraiment vigoureuse et volontaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et des travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je remercie M. Retailleau de sa contribution à l’histoire du Front populaire… (Rires sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Cependant, cette contribution est quelque peu orientée. Il est tout à fait contraire à la réalité de considérer que les ministres, femmes et hommes, qui ont participé au gouvernement du Front populaire auraient été contre une politique de la famille. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Il a dit le contraire !
M. Jean-Pierre Sueur. Au contraire, ils ont fait beaucoup à cet égard.
M. Max Brisson. Vous êtes d’accord !
M. Bruno Retailleau. Le décret-loi de 1938 !
M. Max Brisson. C’était Daladier !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous nous inscrivons dans le droit fil de cette politique du Front populaire et nous ne pouvons accepter vos insinuations sur nos prétendues contradictions avec ce moment de notre histoire politique. C’est une imposture que nous ne pouvons accepter ! (Mme Émilienne Poumirol applaudit. – Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. C’est ce que vient de dire Bruno Retailleau qui m’incite à prendre la parole. Il faut être d’accord sur le sens de ce que nous nous apprêtons à voter.
Vous parlez de ligne rouge, mon cher collègue. Pour ce qui est de la réforme des retraites, c’est plutôt la ligne Maginot !
M. Jean-François Husson. Vous l’avez déjà dit !
M. Pierre Laurent. Avec les 64 ans, la régression sociale va être massive pour tout le monde, et pas seulement pour les mères de famille.
Ne parlez pas de ligne rouge qui empêcherait cette régression. Nous ne sommes pas dans la conquête sociale. Puisque vous avez fait référence au Front populaire, qui a été une période de grandes conquêtes sociales, je dirai que nous en sommes loin. Nous sommes en train d’essayer de limiter un tout petit peu les dégâts que provoquera la réforme que vous voulez absolument voter.
Par ailleurs, le plus grave coup qui ait été porté à la politique familiale française date du jour où il a été décidé que les entreprises seraient totalement dégagées du financement des allocations familiales. Votre famille politique a, ce jour-là, pris le parti de fiscaliser entièrement la politique familiale. Et comme vous n’avez de cesse d’appeler à la baisse des dépenses publiques, c’est vous qui tarissez les possibilités d’être ambitieux en la matière. Vous êtes les premiers à faire pression sur le niveau des dépenses publiques et des dépenses sociales.
M. Bruno Retailleau. C’est la solidarité envers les générations futures !
M. Pierre Laurent. Ne nous donnez pas de leçons ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Je ne suis pas étonné que notre collègue Bruno Retailleau ne veuille pas franchir la ligne rouge. Je n’en ai jamais douté.
Sur le fond, on peut dire qu’avec cet amendement, s’il est voté, les choses seront « moins pires ». Cependant, l’égalité entre les femmes et les hommes est un principe fondamental de notre droit, y compris au moment de la retraite. Or l’on constate un écart de 28 % sur les droits à la retraite entre les hommes et les femmes. Quand on prend en compte uniquement les droits directs, sans les droits dérivés, cet écart monte à 41 %. Il y a là une vraie difficulté.
Je reviens à ce prétendu bon sens, que vous avez invoqué tout à l’heure, monsieur Fialaire. Selon vous, comme nous vivons plus longtemps, il n’y a pas besoin de sortir de Polytechnique pour comprendre qu’il faut travailler plus. Rien n’est moins faux !
Encore une fois, je vous le répète, vous raisonnez sur des moyennes, ce qui n’a pas de sens en statistiques. La moyenne est une valeur générale. Ce qui compte, c’est l’écart à la moyenne, qui est complètement différent en fonction du sexe, de la catégorie sociale et du revenu. Faire comme si la moyenne concernait tout le monde est une erreur : certains seront directement touchés.
Vouloir faire croire, comme le Gouvernement, que cette réforme serait une réforme de bon sens est justement un non-sens statistique, une erreur politique et une erreur sociale. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Bernard Fialaire exprime son désaccord d’un signe de tête.)
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur Retailleau, sachez que je suis disponible pour un débat sur les questions démographiques, sur la natalité et sur les politiques familiales. Un tel débat doit passer d’abord par une analyse sérieuse de ce qui, aujourd’hui, nous a amenés au chiffre, que vous avez donné, d’un peu plus de 700 000 naissances par an.
M. Gérard Longuet. C’est moi qui l’ai donné !
Mme Laurence Rossignol. Peu importe !
À mon sens, la principale cause des hésitations des jeunes couples à mettre des enfants au monde réside d’abord dans la persistance des inégalités entre les femmes et les hommes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Pas seulement !
Mme Laurence Rossignol. Laissez-moi finir !
Quand vous demandez à une jeune femme diplômée quelle carrière elle veut faire, elle répond que celle-ci doit être compatible avec sa vie familiale. Les garçons de la même promotion ne répondront pas cela. Conclusion, les jeunes gens se projettent sur leur avenir en fonction des charges de famille. Et, pour les jeunes femmes, le premier enfant ne peut arriver que quand tout est sécurisé : carrière, logement, couple. Là est le vrai sujet !
Par ailleurs, on peut comprendre que de jeunes gens entre 25 et 35 ans s’interrogent pour savoir à quoi ressemblera le monde dans lequel vivront leurs enfants. Aussi, la meilleure politique familiale serait de rassurer les jeunes sur notre engagement à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir à leurs enfants de l’eau, de l’air et un climat viable… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Bien sûr que si ! L’éco-anxiété est une donnée majeure, comme l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Je ne demande qu’à faire un grand débat sur ces sujets. C’est quand vous voulez ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson. La voix de la sagesse ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary, rapporteur. Si nous voulons donner envie aux jeunes, il faut aussi que notre discours soit moins misérabiliste ou apocalyptique quand on évoque le travail. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
J’apporterai quelques précisions. Ce débat est intéressant, mais j’ai entendu quelques approximations. Je vais essayer d’être le plus synthétique possible.
Oui, des majorations de trimestres sont perdues, disons plutôt effacées. Elles n’entrent pas en compte, que ce soit pour la durée ou pour le montant de la pension. Actuellement, nous sommes à 20 % de majorations perdues. Après l’allongement de l’âge, nous serons à 30 %. Cependant, si nous sommes à 20 %, c’est en raison du début d’application de la loi Touraine. Des majorations sont perdues en l’absence des 43 annuités ou à cause du décalage de l’âge. Cette réforme a donc un effet amplificateur, ce qui ne nous a pas échappé. C’est la raison pour laquelle nous sommes convenus de conserver une majoration qui nous a semblé importante, une majoration bénéficiant majoritairement aux femmes.
Choix ou pas choix ? Vous dites qu’il n’y a plus de choix du fait du décalage de l’âge, mais il n’y a pas plus de choix avec l’allongement de la durée de cotisation. En effet, si vous avez l’âge et pas la durée, vous n’avez pas de taux plein, et vice versa. Les deux facteurs jouent. C’est la subtilité du dispositif qui le rend si complexe. J’avoue que j’ai mis longtemps à le comprendre.
Aujourd’hui, une femme de 62 ans qui part avec un trimestre supplémentaire d’activité bénéficie de la surcote, sauf que, pour avoir ses 43 annuités à 62 ans, il faut qu’elle ait commencé à travailler à 19 ans.
Mme Raymonde Poncet Monge. Non ! Et les trimestres ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Toutes les femmes ne sont donc pas concernées.
J’ai entendu que, sans la surcote, elles auraient des pensions moins importantes. Non, puisqu’elles vont travailler. C’est tout l’intérêt de l’effet « bornes » que de forcer à travailler plus longtemps. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) C’est la philosophie même de la réforme. Les femmes dont nous parlons n’auront pas la surcote, mais, comme elles travailleront plus longtemps, leur rémunération sera plus importante durant ces années actives. Ainsi, une fonctionnaire, dont la pension est calculée sur les six derniers mois, aura une meilleure retraite, puisque son indice en fin de carrière sera plus important. Elle rattrapera éventuellement la surcote.
J’estime que cette surcote de 5 % est tout à fait significative. Dites-le autour de vous si vous votez cet amendement : c’est la preuve que vous aurez essayé d’améliorer les pensions. Même si cette initiative vient de la droite, ne vous gênez pas pour le dire, mes chers collègues de l’opposition. (Sourires.)
Par ailleurs, vous avez largement souligné, à juste titre, que le système actuel était inégalitaire pour les mères de famille à plusieurs égards. Il y a en effet des différences de traitement pour l’usure professionnelle, l’incapacité permanente, etc.
Avec cette réforme, nous essayons de faire en sorte qu’il soit le moins inégalitaire possible. C’est pourquoi je vous invite à suivre ce qui sera proposé dans l’amendement de M. Retailleau sur les régimes spéciaux. Il est parti du même raisonnement : il faut trouver une durée de retraite qui tienne compte de l’usure professionnelle et que tout le monde soit logé à la même enseigne.
C’est pourquoi on peut imaginer, sans animosité, arriver à cette égalité dans des délais un peu plus contraints que ce que propose le Gouvernement.
Telles sont les réflexions qui ont animé la commission.
Merci de soutenir cet amendement, qui est décisif, et merci à Bruno Retailleau de l’avoir proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Je serai bref. Il arrive que notre rapporteur fasse une envolée sur le thème : « Si vous votez notre amendement, n’oubliez pas de rappeler que c’est nous qui l’avons proposé ! »
M. Alain Chatillon. Il n’a pas dit ça !
M. Claude Raynal. C’est exactement ce qu’il vient de dire !
Se pose simplement un petit problème : la moindre des petites améliorations ne peut venir que de vous, puisque vous avez passé un accord préalable avec le Gouvernement qui vous autorise à déposer tel ou tel amendement !
Si le Gouvernement avait refusé que vous déposiez cet amendement, celui-ci tombait sous le coup de l’article 40 de la Constitution, et il n’y aurait pas eu d’« amélioration »… Mais nous ne le dirons pas ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 4876 à 5390.
(Les sous-amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2127 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 238 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 280 |
Pour l’adoption | 280 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
En conséquence, les amendements identiques de suppression de l’article, ainsi que les amendements nos 4329 rectifié et 2863 rectifié, n’ont plus d’objet.
Je suis saisie de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2860 rectifié bis, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Lurel, Chantrel et Féraud, Mme Monier, MM. Marie, Bourgi et Cardon, Mme de La Gontrie, MM. Tissot, Leconte, Raynal, Stanzione et Durain, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin et Temal, Mme Blatrix Contat, MM. Assouline et Mérillou, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Briquet, MM. Houllegatte et Lozach, Mmes Van Heghe et Conway-Mouret, M. Magner, Mme Bonnefoy, MM. Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à supprimer le décalage à 62 ans de l’âge de départ anticipé à la retraite pour les titulaires d’une pension d’invalidité, les travailleurs déclarés inaptes au travail et les allocataires de l’AAH.
Nous pourrions saisir l’occasion qui nous est offerte avec l’examen de ce projet de loi pour corriger ce qui nous semble être une injustice. Tout comme celui soulevé par M. le rapporteur au travers de l’amendement dont nous venons de discuter, ce sujet intéressant mérite débat.