M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1142, présenté par M. Menonville, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le même premier alinéa est complété par les mots : « , excepté pour les femmes assurées sociales ayant eu deux enfants ou plus pour lesquelles l’âge est fixé à soixante-trois ans » ;
La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Il est retiré, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1142 est retiré.
L’amendement n° 2633 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Lurel, Chantrel et Féraud, Mme Monier, MM. Marie, Bourgi et Cardon, Mme de La Gontrie, MM. Tissot, Leconte, Raynal, Stanzione et Durain, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin et Temal, Mme Blatrix Contat, MM. Assouline et Mérillou, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Briquet, MM. Houllegatte et Lozach, Mmes Van Heghe et Conway-Mouret, M. Magner, Mme Bonnefoy, MM. Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les femmes assurées sociales, l’âge mentionné au premier alinéa est abaissé d’autant de trimestres qu’accordés automatiquement à la mère pour chaque enfant au titre de l’incidence sur la vie professionnelle de la maternité, dans la limite de huit trimestres. Cet âge ne peut, au titre de l’application de la phrase précédente, être inférieur à soixante-deux ans. » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
IV. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. La surcote de 5 % prévue par le rapporteur René-Paul Savary pour les femmes prenant leur retraite à 64 ans, mais ayant tous leurs trimestres à l’âge de 63 ans, ne nous semble pas tout à fait juste.
Aujourd’hui, une femme qui arrive à 62 ans avec tous ses trimestres et qui décide volontairement de travailler jusqu’à 64 ans peut bénéficier de 10 % de surcote : avec la proposition de la commission, elle perd donc 5 points. (Brouhaha.)
Un peu de silence à droite, c’est difficile de parler au micro ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Laissez-la parler.
Cela dit, madame Lubin, certains de vos collègues de groupe sont eux-mêmes en train de discuter au fond de l’hémicycle…
Mme Monique Lubin. C’est mon oreille gauche qui est plus sensible… (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Nous proposons donc que les mères de famille ayant tous leurs trimestres puissent prendre leur retraite à 62 ans : elles auront en effet atteint la durée totale de cotisation grâce aux trimestres acquis pour enfants. C’est un amendement de justice et de logique.
M. le président. L’amendement n° 1961 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Guerriau et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Grand, Wattebled, Menonville, A. Marc et Capus, Mme Paoli-Gagin, M. Laménie, Mme Thomas et MM. Calvet, Milon, Levi et Chatillon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’âge mentionné au premier alinéa est abaissé de six mois pour les femmes assurées sociales, pour chacun de leurs enfants, au titre de l’incidence sur la vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de l’accouchement, dans la limite de vingt-quatre mois. Cet âge ne peut, au titre de l’application de la phrase précédente, être inférieur à soixante-deux ans. » ;
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Il est retiré.
M. le président. L’amendement n° 1961 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 2633 rectifié ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Il est effectivement intéressant de penser aux carrières des mères de famille, qui se traduisent par des pensions n’étant pas toujours à la hauteur.
Les majorations d’assurance accordées aux mères de famille sont utiles, à la fois pour combler les carrières de ces dernières et les aider à parvenir au taux plein. Elles sont également intéressantes pour reconnaître leur volonté de concilier carrière et maternité.
Ces majorations sont cependant différentes selon qu’il s’agit du régime public ou du régime privé : quatre trimestres pour la maternité, plus quatre trimestres à distribuer pour l’éducation des enfants dans privé, contre seulement deux trimestres dans le public. C’est un point qu’il convient de souligner.
La différence, madame Lubin, entre le fait d’avancer l’âge de départ d’un an et prévoir une surcote, c’est que la surcote respecte la philosophie de la réforme : on continue de travailler, on part à 64 ans, mais avec une récompense. Car les Français l’ont bien compris, il s’agit de travailler plus !
Par ailleurs, la surcote présente comme autre avantage d’augmenter la pension des mères de famille et de réduire l’écart entre les niveaux de pension hommes-femmes.
C’est la raison pour laquelle nous avons choisi ce dispositif, qui de surcroît – c’est un argument de plus en sa faveur – n’est pas discriminatoire au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Abaisser d’un an l’âge de départ de certaines femmes constituerait en effet une différence de traitement par rapport aux hommes.
Je vous invite donc à soutenir notre amendement, qui constitue la meilleure réponse aux difficultés des mères de famille. J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. L’avis du Gouvernement est défavorable, et ce pour plusieurs raisons.
La première concerne la question d’égalité que M. le rapporteur, vient d’évoquer – je n’y reviendrai pas.
La deuxième raison relève de la mécanique même de l’amendement défendu par Mme Lubin.
La surcote est accessible aujourd’hui – elle le sera demain selon les mêmes modalités – à deux conditions cumulatives : avoir atteint l’âge d’ouverture des droits tel que fixé au régime général et avoir atteint la durée d’affiliation au régime requise pour pouvoir faire valoir ses droits à taux plein. La surcote intervient donc après l’âge d’ouverture des droits (AOD) et à la condition de disposer de l’intégralité des trimestres requis pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Votre amendement, madame la sénatrice, pose une difficulté en ce qu’il crée des âges différenciés non entre les femmes et les hommes, mais entre les mères et les hommes – puisqu’il faudrait bénéficier de trimestres au titre de la maternité.
Notre préférence va à l’amendement présenté par la commission des affaires sociales – dont j’ai déjà eu l’occasion de parler – et dont le président Bruno Retailleau est à l’initiative, car il permet de cumuler les avantages des deux systèmes.
Premier avantage, il permet aux femmes ayant eu une carrière hachée – elles y sont plus exposées que les hommes – de pouvoir continuer à mettre en œuvre et à utiliser des trimestres validés au titre de la maternité pour compléter la durée d’affiliation requise, et ainsi de pouvoir partir à l’âge d’ouverture des droits, nonobstant les conditions de fixation de celui-ci, à taux plein et sans décote. C’est donc un élément de protection, si tant que le nombre de trimestres ainsi validés suffit.
Deuxième avantage, si un assuré – plus généralement, une assurée, mais le terme demeure générique – a atteint à la fois l’âge de 63 ans et la durée d’affiliation requise – 168 trimestres aujourd’hui, 172 en 2027 –, la surcote devient non pas possible, mais automatique pour les trimestres cotisés entre les 63 ans – si tant est que la durée d’assurance requise (DAR) est atteinte – et les 64 ans, ce qui à l’échelle d’une année représente une majoration non pas des trimestres acquis, mais de la totalité de la pension de 5 % à hauteur de 1,25 % par trimestre.
La préférence du Gouvernement, je le répète, va donc à l’amendement adopté par la commission, car il permet à la fois de garder le bénéfice d’une majoration de durée pour les assurés, principalement les femmes, ayant une carrière hachée ou incomplète, et une possibilité de surcote pour celles qui ont une carrière complète.
Cela répond à une évolution de la société, qui a vu le taux d’emploi des femmes progresser – c’est heureux –, cependant que concilier vie professionnelle et maternité est moins difficile qu’il y a vingt, trente ou quarante ans. C’est cet intérêt-là que nous trouvons à l’amendement de la commission, alors que celui que vous proposez prévoit des âges différenciés qui ne nous paraissent pas très acceptables en droit au regard du principe d’égalité. Par ailleurs, il méconnaît le double aspect que j’ai évoqué tout à l’heure.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Nous sommes aujourd’hui le 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Cet amendement tombe donc à pic !
On le répète à l’envi, les femmes seront les grandes perdantes de cette réforme des retraites. Pour ma part, je voterai cet amendement. En termes de financement – nous sommes bien dans un PLFRSS –, il n’induit aucun surcoût : il pas plus coûteux que la surcote de 5 % prévue par l’amendement déposé par René-Paul Savary. Qui plus est, sur le fond, cette réforme est surtout injuste envers les femmes.
Par ailleurs, je m’étonne : pourquoi tous les amendements ont-ils été retirés avant d’être discutés ? Où sont l’esprit du Sénat et son sens du débat ? Où est la démocratie ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Puisqu’il est question d’égalité, moi, ce que j’aimerais, c’est l’égalité entre les mères et les femmes pour une retraite à taux plein avec quarante-trois annuités de cotisation ! On déroge ici à cette égalité !
Une autre égalité serait d’accorder ces 5 % à tous ceux – hommes, femmes, mères ou non – ayant atteint le taux plein à 63 ans.
Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé que ces mères de famille, en travaillant un an de plus, percevront une meilleure pension. Mais c’est méconnaître le mécanisme de la surcote ! Une surcote est actuarielle : c’est-à-dire qu’elle est neutre par rapport au patrimoine retraite et à l’augmentation de 5 % !
Car vous oubliez un petit détail, à savoir qu’elles travailleront un an de plus. Or, pendant ce temps, elles ne toucheront pas de pension. Le patrimoine retraite, qui est la somme des pensions perçues durant toute la durée de la retraite, est alors strictement égal dans un cas comme dans l’autre. Les femmes gagneront moins avec cette réforme, car elles pouvaient déjà auparavant bénéficier d’une surcote, mais à 62 ans, et non pas à 63 ans, comme l’a rappelé ma collègue.
Ne dites donc pas que vous augmentez les pensions : si ces femmes travaillent jusqu’à 70 ans, leur pension augmentera aussi, mais elles perdront en patrimoine retraite !
Demande de clôture
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, sur le fondement de l’article 38, alinéa 1, du règlement, je demande la clôture des explications de vote sur l’amendement n° 2633 rectifié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est honteux !
M. David Assouline. Vous ne pouvez pas faire ça !
M. Bernard Jomier. Il n’y a qu’un amendement !
M. le président. Je suis saisi, par M. Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, d’une demande de clôture des explications de vote sur l’amendement n° 2633 rectifié. (Exclamations indignées sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
En application de l’article 38, alinéa 1, du règlement, la clôture peut être proposée lorsqu’au moins deux orateurs d’avis contraire sont intervenus.
Peuvent prendre la parole sur cette proposition un orateur par groupe et un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président Retailleau, vous avez fait tomber quasiment tous nos amendements sur l’article 7 ! (On s’en félicite sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous voulez le débat le plus restreint possible. Même vos collègues ne peuvent présenter leurs amendements. C’est la secte Jones, un vrai suicide collectif !
Nous avons un amendement important qui porte sur les bonifications pour les agentes de la fonction publique et les majorations de durée d’assurance pour les femmes du secteur privé, et vous ne voulez même pas discuter celui-là ! Un 8 mars ! Vous rendez-vous compte ? C’est une honte ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Mais vous ne voulez pas discuter !
Mme Laurence Rossignol. C’est non plus une application du règlement, mais une volonté délibérée de faire taire l’opposition par tous les moyens, y compris sur des sujets déterminants. Vous n’allez pas nous expliquer que nous sommes hors sujet avec cet amendement !
Et tout à l’heure, sur les amendements de M. Savary, aurons-nous le droit de nous exprimer ? Faut-il demander la permission écrite, avec les formes, au président de séance ?
« Monsieur le président, pourriez-vous nous indiquer si nous aurons le droit de nous exprimer ?
« Je vous remercie beaucoup de votre attention. »
Est-ce cela l’idée : nous humilier ? Mais ce n’est pas nous que vous humiliez ; ce sont les femmes, toutes les femmes ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. David Assouline. Je n’ai jamais vu cela !
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Sur l’application de cet article 38, on entend beaucoup de récriminations, mais j’aimerais que nous nous souvenions des conditions dans lesquelles nous avons fixé tous ensemble cette règle de « bien vivre ensemble ». (M. David Assouline s’exclame.)
Cette disposition est issue d’une recommandation faite dans un rapport réalisé en mars 2015 par un membre UMP de la majorité de l’époque et un membre PS de l’opposition. Le bureau du Sénat a adopté ce rapport. Cette recommandation a été inscrite à l’article 10 de la proposition de résolution que le président Larcher a déposée. Vous pouvez aller voir les travaux, tant en commission qu’en séance : cet article 10, désormais article 38 dans notre règlement, qui est un peu notre constitution commune, n’a fait l’objet d’aucune remise en cause ni d’aucun amendement. Il a été adopté sans modification, ce qui montre qu’il a reçu un large assentiment. Autrement dit, il n’y a pas eu de révolution au Palais du Luxembourg.
J’ajoute que ce « chantier » sur le règlement faisait suite à de premières réflexions entamées par Jean-Pierre Bel, à l’époque président du Sénat.
J’ai entendu hier un orateur s’exprimant des travées de la gauche dire que « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». Cet adage s’applique parfaitement à la situation que nous vivons aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président Retailleau, vous dégainez l’article 38 pour nous empêcher de parler. Du côté du groupe Les Républicains, on va chercher à minimiser cette atteinte en expliquant que nous sommes déjà mercredi et que nous avons suffisamment débattu…
M. David Assouline. Pas de l’article 7 !
Mme Laurence Cohen. Telle n’est pas la conception que nous avons du débat.
L’article 7 est vraiment le cœur de la réforme, et, en plus, vous attaquez un amendement, le 8 mars… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Eh oui, mes chers collègues, ne vous en déplaise, c’est la journée de lutte pour les droits des femmes. Or cet amendement ouvre justement un débat sur notre conception de l’égalité professionnelle et des retraites, notre conception de la progression des salaires et des carrières féminines.
Et vous n’en voulez pas !
Par ailleurs, j’entends une petite musique dans les rangs LR, approuvée par le Gouvernement, et que j’ai dénoncée au nom de mon groupe lors de la discussion de la motion référendaire : vous voulez favoriser non pas les femmes en général, mais les mères de famille ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est un choix vraiment problématique. Nous, nous voulons l’égalité absolue pour toutes les femmes.
Enfin, monsieur Retailleau, vous n’avez pas dû lire l’amendement de ma collègue, qui porte justement sur les droits familiaux, ce qui devrait vous intéresser, vous qui considérez que le modèle familial « papa, maman, les enfants » est le nec plus ultra ! Réfléchissez un peu ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bruno Retailleau s’esclaffe.)
M. Max Brisson. Caricature !
M. Olivier Paccaud. Eh oui ! Nous défendons la famille traditionnelle ! (M. André Reichardt renchérit.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Mme Raymonde Poncet Monge. J’invite les Français à réécouter les trois interventions sur l’amendement avant que ne soit opposée la demande de clôture. Elles portaient vraiment sur le fond. Quand je parlais de patrimoine retraite et de calcul actuariel, j’étais sur le fond.
J’en déduis que vous ne voulez pas que nous débattions de l’article 7.
Je vous rappelle quand même qu’à l’Assemblée nationale vous avez osé prendre les syndicats à témoin, en regrettant que l’article 7 ne soit pas débattu.
Nous y sommes ! Nous avons jusqu’à dimanche et nous aurions pu passer au moins deux jours sur l’article 7. Mais vous ne voulez pas discuter de cet article, parce qu’il porte en lui les conséquences inégalitaires et brutales de ce texte pour les travailleurs. C’est avec cet article que vous allez leur prendre 18 milliards d’euros.
En revanche, vous êtes tout à fait disposés à parler des autres articles, ceux qui rendent aux travailleurs 3 milliards d’euros sur ce qu’ils ont payé.
Pas de référence aux 18 milliards d’euros et à leurs conséquences sur la pénibilité du travail, sur les femmes, sur les ouvriers, mais tout, jusqu’à dimanche, sur les 3 petits milliards d’euros pour atténuer la brutalité de cette réforme, lesquels sont l’unique objet de la communication gouvernementale.
Nous voulons bien discuter des mesures d’atténuation de la brutalité de la réforme, mais, avant, il faut parler de son caractère précisément brutal, c’est-à-dire de l’article 7, que vous voulez escamoter pour mieux mettre l’éclairage sur les mesures d’accompagnement. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. Mes chers collègues, il y a encore beaucoup d’amendements sur l’article 7, ce qui nous permettra, je l’espère, d’aborder le fond du sujet.
Pour l’instant, nous sommes dans l’application du règlement, dont l’article 38 prévoit strictement les modalités du débat sur la proposition de clôture, formulée en l’occurrence par le groupe Les Républicains, avec un orateur par groupe.
La parole est à M. Michel Canévet, pour le groupe Union Centriste.
M. Michel Canévet. Quand j’entends mes collègues, j’ai l’impression que certains confondent débat et obstruction. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.) À quoi a-t-on assisté depuis plusieurs jours si ce n’est à des tentatives d’obstruction ? Ce n’est pas du débat !
Le débat pourrait avoir lieu si vous étiez respectueux de la capacité de chacun à pouvoir s’exprimer. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Le groupe Union Centriste regrette que, par l’obstruction, par la prolongation des débats, par des amendements qui n’ont aucun sens et qui sont similaires les uns aux autres, le débat soit entravé. Seraient-ils présentés rationnellement, alors le débat pourrait avoir lieu. De fait, nous n’avons pas d’autre choix que de soutenir la proposition qui vient d’être faite pour pouvoir avancer et examiner les vrais sujets à l’ordre du jour. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Conformément à l’article 38, alinéa 3, je consulte le Sénat sur cette proposition.
(La clôture est prononcée.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2633 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Exception d’irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par M. Savary et Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, d’une motion n° 4766.
Cette motion est ainsi rédigée :
Constatant que les amendements n° 2378 rectifié bis et n° 4322 rectifié sont contraires au principe d’égalité devant la loi des citoyens, consacré par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789, le Sénat les déclare irrecevables en application de l’article 44 bis, alinéa 10, du Règlement du Sénat.
En application de l’article 44 bis, alinéa 10, du règlement, ont seuls droit à la parole l’auteur de la demande d’irrecevabilité, un orateur d’opinion contraire, la commission saisie au fond – chacun disposant de deux minutes et demie –, ainsi que le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Cette motion a pour objet de déclarer irrecevables les amendements n° 2378 rectifié bis et 4322 rectifié pour les mêmes motifs que ceux que nous avons opposés hier. Ces amendements, qui concernent des catégories particulières d’assurés, sont contraires au principe d’égalité consacré par l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. (On se plaint sur plusieurs travées des groupes SER, CRCE et GEST que la motion n’a pas été distribuée. – Le texte est distribué dans l’hémicycle.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, contre la motion.
M. David Assouline. C’est dans la même veine que la clôture !
Nous avons donné des explications la nuit dernière et nous avons continué tout à l’heure.
Vous avancez un argument de fond, à savoir la rupture de l’égalité républicaine, alors que la commission et les services de la séance n’ont jamais jugé comme tels ces amendements. Il s’agit donc d’un artifice.
Cela me permet de revenir sur l’article 38. Je ne sais pas si vous vous réalisez à quel point votre attitude est arbitraire.
M. Didier Mandelli. Il y a eu un vote !
M. David Assouline. Je reconnais la légitimité de cet article dans notre règlement, mais c’est l’usage que vous en faites que je n’accepte pas. Votre argument pour justifier le recours à cet article consiste à dire que nous nous livrerions à de l’obstruction par le dépôt de milliers d’amendements identiques.
M. Serge Babary. En effet, ça suffit !
M. David Assouline. Or vous venez de l’utiliser sur le seul amendement maintenu en discussion, empêchant ainsi des explications de vote différenciées, alors que vous avez accepté ces derniers jours cinquante heures d’interventions multiples sur des amendements parfois secondaires. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Les choses sont claires… Pour moi, rien n’est secondaire, mais l’amendement précédent était vraiment important.
En fait, vous ne voulez pas discuter de l’article 7, qui n’a déjà pas été débattu à l’Assemblée nationale. C’est un scandale !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement ne conteste jamais, sur ce texte comme sur les autres, les décisions procédurales des commissions. Je m’en remets évidemment à la sagesse du Sénat.
M. Assouline vient de dire qu’un certain nombre d’amendements pouvaient avoir un caractère secondaire. Dont acte ! Il ne m’avait pas échappé que de nombreux amendements, transformés ensuite en sous-amendements, étaient assez surprenants ou redondants, soit dit sans juger de leur recevabilité. Il en est ainsi de celui qui prévoyait la possibilité de maintenir à 62 ans l’âge de départ à la retraite des internes en médecine… Si vous connaissez beaucoup d’internes en médecine de 62 ans ou 64 ans, je suis curieux de les connaître. (Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales applaudit.)
Cela montre bien le caractère répétitif de l’opération.