Mme Raymonde Poncet Monge. Et moi, je n’ai toujours pas de réponse sur la suppression, que j’espère, des 3,1 milliards d’euros de mesures sociales qui n’en sont pas ! Allez-vous ramener vos mesures à 3 milliards et en finir avec ce mensonge ?
Vous avez annoncé que nous nous baserions sur la loi de programmation des finances publiques. Ce texte prévoit, dans ses articles 17 à 20, de cantonner les dépenses des branches de sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) à 21,8 % du PIB de 2023 jusqu’à 2025.
Dans la version issue des travaux du Sénat, la loi de programmation prévoyait un objectif de réduction global des effectifs de la fonction publique de 5 %, soit 120 000 postes. Cette réduction est en concordance avec la convention EPR sur laquelle s’appuie le Gouvernement, et qui prévoit un désengagement de l’État, grevant les recettes de la sécurité sociale et justifiant la réforme injuste dont nous débattons.
Comme l’EPR nucléaire, cette convention n’est pas une bonne mesure. Elle s’appuie sur une baisse de la rémunération des fonctionnaires de 11 % et une diminution des recrutements, alors que le déficit serait réduit de 3 milliards d’euros si aucun décrochage n’était organisé.
Les Français doivent savoir que cette réforme des retraites rejoint une politique globale d’austérité qui aggravera l’offre des services publics. Ils doivent connaître l’ampleur et la teneur de ce projet délétère sur l’ensemble des administrations publiques. Nous ne voterons pas cet article liminaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Henri Sterdyniak, signataire du manifeste d’économistes atterrés, dans une note présentée préalablement aux annonces du Gouvernement, explique l’importance de la politique d’emplois publics pour le financement des retraites.
Le COR reprend les hypothèses fournies par la direction du budget. Le nombre de fonctionnaires serait fixe, sauf les 15 000 emplois dans les hôpitaux promis dans le cadre du Grenelle de la santé. La nécessité d’embauches dans l’éducation, la santé, les soins aux jeunes enfants et aux personnes âgées dépendantes, la culture, est oubliée.
De 2022 à 2037, l’indice de la fonction publique perdrait 8,3 % en pouvoir d’achat, alors que le pouvoir d’achat dans le privé augmenterait, lui, de 12,7 %. Aucune leçon n’est tirée de la dégradation de l’attractivité des emplois publics.
Compte tenu de ces hypothèses, la part du traitement des fonctionnaires dans la masse totale des rémunérations passerait de 10,5 en 2022 à 7,8 en 2037.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote sur l’article.
Mme Corinne Féret. Contre l’avis des organisations syndicales et malgré l’opposition des Français, qui se mobiliseront encore massivement mardi prochain dans tous les territoires, et ce ne sera pas la fin du monde, le Gouvernement s’obstine à vouloir reculer l’âge légal de la retraite à 64 ans.
Nous nous opposons à cette réforme injuste, qui n’est pas utile en l’état. Elle pénalisera en priorité les femmes et tous ceux qui ont commencé à travailler tôt. Cette réforme est aussi brutale, car elle s’appliquera immédiatement, dès 2023.
La retraite, c’est une nouvelle vie. Elle se prépare, elle s’anticipe pour faire place à des projets personnels et familiaux. Eh bien non, nos concitoyens qui devaient partir à la retraite cette année ne pourront le faire. Puisque nous sommes ici pour débattre et surtout pour dire la vérité aux Français, il faut avoir le courage de le leur avouer !
En réalité, cette réforme va créer encore plus de précarité et de pauvreté. Nous avons également tout entendu sur cette réforme : le Président de la République et la Première ministre nous ont même expliqué qu’elle permettrait de dégager des marges de manœuvre pour financer d’autres politiques publiques – on y insiste depuis quelques heures maintenant, car il est essentiel de bien faire comprendre aux Français ce qu’il en est véritablement de cette réforme.
Ce qui nous a été dit démontre bien que le problème est non pas les retraites, mais les finances publiques : là encore, comment expliquer que ces économies sur le dos des travailleurs changeraient les paramètres de nos finances publiques quand on parle d’économiser 10 à 15 milliards d’euros par an ?
Tout cela n’est pas sérieux. Et il est encore moins sérieux d’invoquer le risque de faillite comme le fait le ministre Attal. Les Français ne sont pas dupes lorsqu’ils entendent que l’on agite les déficits abyssaux pour faire croire que de telles restrictions s’imposeraient afin de sauver le système. En réalité, certains déficits sont parfois volontairement entretenus. Il en est ainsi de la non-compensation des allégements de cotisations décidée par l’État pour la sécurité sociale.
Tous ces arguments justifient clairement que nous votions contre cet article liminaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote sur l’article.
M. Patrick Kanner. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre cet article liminaire.
M. Xavier Iacovelli. On avait compris !
M. Patrick Kanner. Qui sait, cela convaincra-t-il peut-être de nous suivre ceux d’entre vous qui avaient déposé un amendement de suppression qu’ils n’ont pas osé voter ? Mais cela regarde la majorité sénatoriale… (Mme Raymonde Poncet Monge s’esclaffe.)
Pour nous, il s’agira du premier acte officiel de refus de cette réforme impopulaire – tout le monde peut en convenir – et injuste en ce qu’elle touche une majorité de Français sans mettre à contribution l’extrême minorité de nos concitoyens qui ont profité de l’hyper bouclier fiscal de M. Macron. Cette réforme est également inutile : nous ne sommes toujours pas persuadés qu’elle permettra d’équilibrer le système des retraites par répartition.
J’en profite pour rappeler que ce régime tant décrié a dégagé un excédent de 900 millions d’euros en 2021 et de 2 milliards d’euros en 2022. Certes, je sais comme vous tous que cela ne va pas durer au regard des courbes, mais la preuve est ainsi faite qu’il peut y avoir de bonnes années.
Mes chers collègues, les résultats de l’entreprise française CMA CGM viennent de tomber aujourd’hui : 25 milliards d’euros de bénéfices, soit plus que les 19 ou 20 milliards de TotalEnergies. Or la droite sénatoriale et la droite élyséenne s’obstinent à ne pas vouloir faire contribuer ceux qui auraient les moyens de le faire pour équilibrer globalement les dépenses publiques dans notre pays.
Nous voterons contre cet article liminaire comme le signe de notre détermination à voter globalement contre cette réforme des retraites ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. Grâce à ce débat, en particulier grâce aux interventions du ministre délégué chargé des comptes publics, nous avons bien compris quel était l’objectif de cette réforme : il s’agit de faire des économies et de financer les baisses d’impôts alignées les unes à la suite des autres depuis quelques années. Il s’agit aussi de financer les exonérations ou les allégements de cotisations sociales mises en place progressivement, notamment l’été dernier lors du vote de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
Pour faire des économies, environ 900 000 personnes s’entendront dire : désolé, votre départ à la retraite sera pour l’année prochaine ! On fait ainsi doublement des économies : on reporte le versement des pensions, lesquelles seront plus faibles en raison des conditions complémentaires imposées. Voilà votre seule motivation !
À ce stade, nous avons une conviction. Comme précédemment pour l’assurance chômage, le maintien d’un bon niveau de protection sociale est d’abord l’affaire des partenaires sociaux et non de l’État. On voit bien ce que l’État fait avec la protection sociale : c’est un outil sur lequel il fait main basse pour financer ses déficits. Ce n’est pas acceptable !
J’ai aussi la conviction, au vu de l’évolution du poids des pensions dans le PIB dans notre pays, que la courbe ne sera pas ascendante, contrairement à ce que vous affirmez. C’est à mes yeux un motif de préoccupation. Eu égard à l’évolution de la population, nous allons en revenir à la situation d’il y a cinquante ou soixante ans : progressivement, les personnes de plus de 60 ans redeviendront pauvres.
S’il faut une réforme des retraites, c’est pour répondre à ces enjeux. Posons-nous les bonnes questions. Pourquoi les carrières sont-elles de plus en plus hachées ? Pourquoi y a-t-il de plus en plus de polypensionnés ?
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote sur l’article.
M. Didier Marie. La raison pour laquelle nous ne voterons pas cet article a été largement développée.
M. Xavier Iacovelli. Ce n’est pas une explication de vote alors !
M. Didier Marie. Le régime des retraites n’est pas en péril. Le président du COR l’a souligné à de multiples reprises. Les dépenses de retraite sont stables depuis 2010, entre 13,5 % et 14 % du PIB, et toutes les études garantissent cette maîtrise jusqu’en 2070.
Nous avons même des excédents dans les deux années qui viennent, ce qui montre que la situation est loin d’être catastrophique.
Certes, nous avons un problème ponctuel, celui du papy-boom, ou du baby-boom, si vous préférez, qui est en passe d’être absorbé. Nous sortirons de cette situation assez rapidement et le régime retrouvera son rythme de croisière.
Le scénario du COR anticipe un déficit entre 0,5 et 0,8 point du PIB entre 2022 et 2032. Cela peut paraître important en valeur absolue, mais c’est faible en valeur relative.
Messieurs les ministres, les raisons qui vous animent sont non pas démographiques, mais politiques. Vous avez appliqué à l’ensemble de la fonction publique une politique d’austérité depuis 2017, couplée à un démantèlement progressif de la fonction publique. Pour ce faire, vous obligez l’ensemble des administrations publiques de l’État, la fonction publique hospitalière, la fonction publique territoriale à recourir de plus en plus fréquemment aux contractuels.
Or c’est ce qui déséquilibre aujourd’hui les possibilités d’abondement des systèmes de retraite. C’est aussi ce qui explique les difficultés de la CNRACL. Quand on y ajoute le fait que le Gouvernement a asséché les collectivités territoriales…
Mme la présidente. Merci, mon cher collègue.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, beaucoup d’arguments peuvent être invoqués pour refuser cet article liminaire.
Regardez comment se sont déroulées toutes les réformes successives. Chaque fois, le même scénario se répète : on assèche les recettes, ce qui gonfle les déficits. Puis, les conditions d’accès aux retraites et leur niveau se dégradent. Enfin arrivent les publicités sur les assurances et fonds de pension, qui jouent sur la peur des gens de ne pas avoir de retraite.
Mes chers collègues Les Républicains, c’est là où vous vous dévoilez. Comme d’habitude, sous le prétexte de sauver le régime des retraites, vous voulez en réalité imposer des retraites minimales et une part croissante de capitalisation.
Par ailleurs, j’y insiste, vos calculs financiers sont inexacts. Au nom de quoi décidez-vous que la contribution de l’État ne va pas croître et que le nombre de fonctionnaires ne va pas augmenter jusqu’en 2037 ? Tout cela est très aléatoire.
Surtout, monsieur le ministre, à combien évaluez-vous le nombre de seniors supplémentaires qui vont se trouver dans la zone grise entre l’emploi et la retraite ? Combien y aura-t-il d’allocataires du RSA, de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), de seniors au chômage en plus ? À ma connaissance, les administrations ont évalué à 40 000 le nombre de personnes en plus dans chacune de ces catégories.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote sur l’article.
M. Pierre Laurent. Je voudrais m’adresser à mes collègues du groupe Les Républicains avant que nous ne passions au vote. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous êtes très nombreux, mais visiblement condamnés au silence par un coup de baguette magique du président Retailleau. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE, SER et GEST.) J’imagine qu’il vous a demandé de ne rien dire sur rien !
Après avoir entendu M. Attal, nous avons compris que le Haut Conseil des finances publiques faisait du bricolage intégral. On ne sait même pas si les dispositions que vous avez votées sont appliquées ou respectées. On sait en outre que les règles européennes que vous invoquez vont devoir être changées, mais on continue d’y recourir à tort et à travers !
Un de vos collègues, Étienne Blanc, a expliqué voilà quelques instants que l’article liminaire, c’était « n’importe quoi », et qu’il ne serait pas respecté in fine. Il n’a d’ailleurs pas voté son propre amendement, mais cela le regarde.
Je ne vous reconnais pas : allez-vous voter ce grand « n’importe quoi » budgétaire ? Ce n’est pas brillant pour de grands spécialistes de la rigueur budgétaire ! Allez-vous continuer à ne rien dire ?
Nous ne sommes pas d’accord sur le fond. Vous voulez à tout prix arriver au vote sur les 64 ans, car cela seul compte pour vous. Mais jusqu’à quand allez-vous cautionner les méthodes du Gouvernement, à savoir le 47-1 et tout ce qui va avec, ses calculs fabriqués de toutes pièces pour justifier statistiquement son projet de réforme ? En somme, allez-vous laisser le Sénat s’abaisser de cette manière ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est petit !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote sur l’article.
M. Daniel Breuiller. Cet article liminaire est essentiel. Au fond, il montre que cette réforme n’a qu’un objectif : faire baisser les dépenses publiques pour respecter les objectifs du pacte de stabilité et de croissance. Cependant, il n’est pas admissible que cela se fasse au détriment de la santé et de la qualité de vie des Français.
À un moment de son existence, il est bon de pouvoir penser que l’on arrête le labeur pour vivre à un autre rythme. Or deux années de plus à travailler, ce n’est pas rien, surtout pour ceux qui sont les plus abîmés par le travail.
Ces décisions auront aussi d’autres conséquences. Ces jeunes retraités, ce sont eux qui font la richesse de nos engagements associatifs. Ce sont souvent les conseillers municipaux qui nous élisent, mes chers collègues. Ce sont eux aussi qui s’occupent des petits enfants quand, hélas, les places en crèche manquent. Ce sont eux encore qui s’intéressent à la santé de leurs parents en grand âge, le manque de structures publiques étant là encore cruel.
Tous ces éléments ne figurent pas dans le tableau de cet article liminaire. Ils entraîneront pourtant des coûts sociaux très lourds et des conséquences importantes dans la cohésion sociale.
Enfin, messieurs les ministres, pourquoi ne publiez-vous pas la note de synthèse du Conseil d’État ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Cela nous permettrait d’avoir la confirmation claire de ce que nous avons tous deviné, à savoir que le Gouvernement utilise un tel véhicule législatif, qui va corseter le débat, pour nous empêcher de mener une réflexion sincère sur les enjeux du travail.
Oui, derrière la question des retraites, il y a d’abord celle du travail, et c’est de cela que nous devrions parler en abordant cette discussion.
Monsieur le ministre, j’y insiste, les parlementaires ont droit à une information autrement plus précise que la seule lecture des journaux. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote sur l’article.
Mme Annie Le Houerou. J’ai également un doute sur la sincérité budgétaire de cet article, qui fait état d’une hausse de 400 millions d’euros de la branche vieillesse correspondant aux mesures d’accompagnement prévues dans le présent projet de loi, notamment en ce concerne la pénibilité.
Toutefois, pas de baisse de dépenses observée ni de hausse de recettes induite par les mesures de cette réforme, censée entrer en vigueur à partir de septembre prochain.
Au cours du précédent quinquennat, le budget de l’État a été amputé chaque année d’environ 50 milliards d’euros par des baisses d’impôts au profit des plus riches et des grandes entreprises : suppression de l’ISF, création de la flat tax, fin de la CVAE.
Le déficit prévu pour 2023 résulte non pas d’un déséquilibre démographique, mais d’un choix politique. Le COR prévoit un retour à l’équilibre à l’horizon 2050, avec un effort constant de l’État dans le financement des retraites à hauteur de 2 % du PIB.
Alors qu’Emmanuel Macron lui-même balayait la prétendue urgence financière dans son programme de 2017, le sauvetage du régime redevient la justification centrale de la réforme.
Pourtant, la santé financière du système de retraite ne justifie aucunement le recul de l’âge légal de départ à la retraite et l’augmentation de la durée de cotisation, qui auraient tous deux des conséquences sociales désastreuses. Les projections du Gouvernement reposent sur la convention « équilibre permanent des régimes », qui s’appuie sur une diminution progressive de l’effort de l’État dans le financement du système de retraite, avec la baisse de l’emploi public local.
Comme les employeurs publics ont des taux de cotisation supérieurs au régime général du privé, moins il y a de fonctionnaires, moins l’État participe au financement du système de retraite, et plus son équilibre est menacé.
Par ce vote contre cet article liminaire, nous manifestons donc notre opposition générale au projet de réforme des retraites. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote sur l’article.
M. Claude Raynal. Nous sommes au début de la phase d’étude de ce texte, qui vient après une période tout à fait particulière. Depuis six ans déjà, on nous parle de réforme des retraites. Une paille ! À chaque fois, les réformes étaient censées être géniales…
Mme Valérie Boyer. Même la réforme Touraine ?
M. Claude Raynal. Il y a d’abord eu la retraite à points, qui devait tout régler. Las, en trois mois, elle a implosé. Il aura suffi qu’on se mette à réfléchir un peu : on a alors vu que certaines professions étaient totalement oubliées, notamment les quelques millions d’enseignants… Encore une paille ! Bref, c’était génial, mais tout a capoté !
Le second mandat du Président de la République commence et on nous annonce la retraite à 65 ans, avec une réforme de type paramétrique. L’opération commence, mais le Gouvernement sent que cela ne prend pas. Il lui manque juste une majorité… Une paille de nouveau !
In fine, nous sommes saisis non pas d’un projet du Gouvernement, mais du projet de la majorité sénatoriale. C’est quand même une situation très particulière ! D’ailleurs, lors de la discussion générale, j’étais étonné que le président Retailleau ne parle pas juste après les ministres. Quand on est coproducteur, la moindre des choses est d’assumer cette coproduction ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe SER.) Je le regrette !
M. Bruno Retailleau. Merci !
M. Claude Raynal. Enfin, Bruno Le Maire l’a avoué : cette réforme est budgétaire ! Ses amis l’ont fait taire : elle est pour le bien des retraités ! Cet argument a vite été démonté. Alors, on reprend de nouveau l’argument financier, puis budgétaire… (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. Il n’y a aucun doute sur notre volonté de voter contre l’article liminaire. Je suis surpris par le blocage sur notre amendement de suppression, avec 252 voix contre et 91 pour. En effet, si j’ai bien compris, l’article liminaire reprend les prévisions du solde structurel. C’est sérieux, et même crucial, comme dit le ministre.
Si on partage la version apocalyptique du Gouvernement, alors il faut aller jusqu’au bout, comme pour l’assurance chômage, où la réforme aboutit à un excédent de 4,1 milliards d’euros. C’est catastrophique, car on fait perdre des droits aux travailleurs, mais c’est dans la logique initiale.
Là, c’est la même chose. Aussi, je veux m’adresser à mes collègues de droite. Vous nous répétez à chaque projet de loi de finances que nous, communistes, ne connaissons rien à l’entreprise et que nous ne la défendons pas. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. C’est vrai !
M. Pascal Savoldelli. Je vous lance un défi : faites avec la dette publique ce que font les entreprises privées avec leur dette ! C’est très simple et je vous donne la méthode : vous allez soustraire le passif des actifs… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous connaissez l’entreprise, moi aussi !
Mme Frédérique Puissat. Ne vous énervez pas !
M. Pascal Savoldelli. Cela s’appelle le bilan de l’entreprise ! L’article liminaire est très important à cet égard. Si on procède ainsi, la dette publique de la France est non pas à 112,5 % du PIB, mais à 87,5 % !
On peut avoir un avis différent sur plein de sujets, mais on ne peut pas accepter que l’on nous vende des mensonges et des chiffres inexacts ! C’est là le problème !
Comment faire dans nos départements quand il manque des enseignants ? Où sont-ils dans nos débats ? Et je ne parle pas des contractuels de la fonction publique, qui sont plus de 600 000. Connaissez-vous leur vie ? Ils sont 41 % en CDD et 68 % ont des contrats de moins d’un an ; 25 % d’entre eux ne sont pas affiliés à l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec) et n’ont pas de retraite complémentaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote sur l’article.
M. Christian Redon-Sarrazy. Qui dit prévisions, dit hypothèses.
Parmi les hypothèses de croissance économique, la plus crédible est à +1,3 %. Elle est cohérente avec les projections de court terme du Gouvernement ainsi qu’avec les estimations de long terme des différentes institutions internationales.
En ce qui concerne le taux de chômage, retenir une hypothèse de 7 % à long terme est un choix prudent et réaliste.
Pour ce qui est de la participation de l’État au système de retraite, il s’agit d’un choix avant tout politique, grâce auquel celui-ci peut décider de réduire ou de maintenir son niveau de dépenses en faveur des retraites.
Aujourd’hui, votre gouvernement retient d’autres hypothèses économiques. Il choisit unilatéralement de réduire sa participation au système de retraite, ce qui aggrave encore plus le déficit du système. Ce choix politique débouchera sur une baisse des rémunérations réelles compte tenu de l’inflation et sur un ralentissement de la hausse, voire un gel des pensions des fonctionnaires. Un recul de la participation de l’État implique aussi moins de financement des mécanismes de solidarité.
Pour avoir une juste appréciation du besoin de financement, il faut donc regarder à court terme, à moyen terme, mais aussi en tendance de long terme.
Si l’on retient à la fois un taux de croissance de 1,3 % et un taux de chômage de 7 %, le besoin de financement en 2027 sera de 7 milliards d’euros si l’État maintient sa participation et de 9 milliards d’euros si l’État réduit sa participation. En 2040, il sera de 4 milliards d’euros si l’État maintient sa participation et de 18 milliards d’euros si l’État la réduit. À long terme, on aura une stagnation sans dérive du besoin de financement si l’État réduit sa participation et une amélioration, suivie d’un excédent de financement, si l’État maintient sa participation.
Dit autrement, le besoin de financement du système de retraite évolue au sein d’un intervalle qui dépend directement des choix politiques que fera l’État.
Pour toutes ces raisons, et elles sont nombreuses, nous voterons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote sur l’article.
M. Victorin Lurel. Mes collègues ont tous donné des raisons fort valables et légitimes pour voter contre cet article liminaire.
J’ai une autre raison à opposer à mes collègues de la majorité sénatoriale. Après six ans de présence sur ces travées, je croyais qu’il y avait quelque orgueil, voire quelque fierté à appartenir à cette institution.
Pour de sombres calculs, vous avez décidé d’accompagner le Gouvernement en piétinant les droits du Parlement. Avec cet abus de majorité – je parlerai presque de majorité sénatoriale tyrannique contre la minorité que nous sommes –, vous servez les intérêts du Gouvernement, alors que ce dernier quémandait votre soutien. Vous aviez la possibilité de faire plier le Gouvernement en exerçant une forme de conservatisme éclairé. Je ne comprends pas cet abaissement, signe de faiblesse.
Vous n’êtes pas au Gouvernement, mais vous pensez que l’on retiendra la « retraite Retailleau ».
Mme Laurence Rossignol. Et non la retraite de Retailleau ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Victorin Lurel. Je trouve cela étonnant et c’est la raison pour laquelle je vous demande un sursaut de lucidité, ou plutôt, sans vouloir vous blesser, de dignité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Quand on a été ministre de François Hollande, on reste modeste.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l’article. (Exclamations et applaudissements ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Bruno Sido. Merci, mes chers collègues. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il se trouve que je fais partie des anciens de cette honorable assemblée. Très honnêtement, c’est bien la première fois, en plus de vingt ans, que j’assiste à un débat de cette qualité. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)
Nous sommes en train de donner au peuple français la même impression que celle qu’il retient des débats à l’Assemblée nationale. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. Hussein Bourgi. Rien à voir : nous n’avons insulté personne !
M. Bruno Sido. À ceci près, selon un journaliste que j’ai entendu dans la salle des conférences, que vous pratiquez une obstruction « cordiale » – je trouve l’expression bien choisie.
Cependant, mesurez bien l’image que laisse aux Français, qui sont très soucieux de cette question des retraites, le fait de défendre systématiquement soixante ou quatre-vingts amendements identiques. Il y a là un véritable problème.
M. Fabien Gay. C’est un droit !
M. Vincent Éblé. Nous le devons à nos électeurs !