M. Alain Richard. Il s’agit d’une disposition légale : la liste des communes doit donc figurer dans le texte législatif. Il faut, d’une part, l’étendre et, de l’autre, prévoir une instance voisine et éventuellement concomitante du conseil d’administration. Il n’est pas logique de faire siéger dans la même assemblée des membres à titre consultatif et des membres responsables ; sauf erreur, personne ici ne l’a jamais proposé.
Répondant à l’appel de Mme la ministre, j’utiliserai le peu de sagesse dont je dispose pour m’abstenir au nom de notre groupe… (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la présidente, madame la ministre, je tiens tout d’abord à remercier nos collègues non franciliens présents dans cet hémicycle.
M. Loïc Hervé. Paris, c’est la France ! (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ces débats ne sont pas très poétiques, mais ils n’en sont pas moins importants pour notre région. Les précédents orateurs l’ont rappelé : le Siaap couvre 9 millions d’habitants. Son budget, qui n’a pas été évoqué, atteint 1,3 milliard d’euros et concerne 187 communes d’Île-de-France. Et son action est évidemment indispensable.
Néanmoins, pour reprendre une formule facile, le texte qui nous est proposé aujourd’hui est, finalement, une mauvaise réponse à une vraie question ; en tout cas, c’est une réponse qui n’est pas totalement satisfaisante à une question qui semble totalement pertinente.
Cette question, quelle est-elle ? Personne ne le conteste : les élus ne sont pas suffisamment informés quand survient ce que l’on appelle pudiquement un incident dans l’unique installation concernée à ce jour, qui est, semble-t-il, à cheval sur trois communes des Yvelines.
Lorsqu’un événement inhabituel se produit, de tels établissements classés Seveso inquiètent de manière totalement légitime les habitants et les élus. Il se trouve que, lorsque la gestion et la gouvernance du Siaap ont été conçues, ces derniers n’ont pas été associés de manière satisfaisante. Depuis lors, les élus des Yvelines, comme ceux du département voisin du Val-d’Oise manifestent à cet égard une mauvaise humeur caractérisée. Selon eux, la meilleure solution est de les laisser entrer au conseil d’administration.
Quand je parle d’une mauvaise réponse, ce n’est en aucun cas pour dénigrer la proposition de loi de notre collègue Marta de Cidrac.
La solution initiale consistait à faire entrer au conseil d’administration du Siaap non les représentants des communes où se situe la station d’épuration, mais ceux de toutes les communes potentiellement concernées, sans que l’on sache d’ailleurs en définir la liste exacte : cette assemblée, qui se réunit chaque mois, aurait dès lors pris une telle ampleur qu’elle n’aurait pu accomplir un travail sérieux.
Aussi, la commission a adopté un amendement visant à restreindre cet élargissement aux communes sièges d’une station : nous sommes donc en train de légiférer pour trois communes, que l’on propose de faire entrer au conseil d’administration avec voix consultative.
Alain Richard l’a dit : nous sommes face à une instance hybride. On nous propose d’associer aux travaux de ce syndicat interdépartemental des communes dont les représentants, sans avoir de pouvoir délibératif, pourront assister aux séances.
J’ajoute que la bonne information des élus ne sera pas assurée. Dieu merci, les incidents sont rares ! Mais, même s’il siège tous les mois, le conseil d’administration ne se réunit pas nécessairement le lendemain des incidents.
La question, c’est bel et bien l’amélioration de la gouvernance du Siaap.
Alain Richard l’a également rappelé, le préfet Gaudin avait proposé d’instaurer une conférence, appelée successivement conférence des territoires et conférence d’assainissement, rassemblant l’ensemble des communes concernées. C’était, selon nous, la meilleure solution.
Certes, cette conférence ne devait se réunir qu’une fois par an, ce qui était bien sûr insuffisant. Pour leur part, les membres de notre groupe avaient proposé non seulement qu’elle soit instituée par la loi, mais qu’elle se réunisse beaucoup plus fréquemment. À nos yeux, cette voie demeure la plus intéressante pour l’ensemble des élus. Je rappelle que 187 communes sont concernées.
Le présent texte a été modifié selon la procédure de législation en commission ; les voix délibératives sont devenues consultatives et le nombre de communes concernées a été restreint. De ce fait, il s’agit aujourd’hui de faire entrer trois communes, avec voix consultative, au conseil d’administration du Siaap.
Cela étant, mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et moi-même ferons, nous aussi, preuve d’une sagesse extrême : nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Marta de Cidrac pose une vraie question et entend répondre à un problème légitime.
Nous nous souvenons toutes et tous ici du manque d’information des élus, en particulier des élus locaux, face aux différents incidents qui ont touché les stations d’épuration du Siaap. Je pense notamment à la fuite de plusieurs tonnes de biogaz.
Il est tout à fait légitime que l’information, notamment lors d’incidents graves, soit directement transmise aux élus, afin qu’ils puissent gérer la crise comme il se doit et communiquer de leur côté si besoin est. Mais est-il pour autant nécessaire de modifier la gouvernance de ce syndicat ? Une amélioration du circuit de l’information suffirait peut-être.
Le Siaap organise une conférence d’information annuelle de l’assainissement de l’agglomération parisienne, qui regroupe, sans compétence délibérative, l’ensemble des élus des communes, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et syndicats des territoires qui y sont raccordés par voie statutaire ou conventionnelle. À ce titre, des améliorations pourraient également être apportées : on pourrait notamment prévoir des conférences plus nombreuses, par exemple une par trimestre.
De plus, l’adoption de cette proposition de loi entraînerait une sorte de rupture d’égalité entre les différents élus. Alors que le conseil d’administration est composé de conseillères et de conseillers départementaux de la petite couronne, on nous propose d’y faire entrer des conseillers municipaux triés sur le volet : n’y siégeraient que les conseillers municipaux de la grande couronne, plus précisément ceux des Yvelines, les départements de l’Essonne, de Seine-et-Marne et du Val-d’Oise ne possédant pas de station de traitement des eaux usées.
Nous considérons que cet élargissement entraînerait un déséquilibre affectant la gouvernance et la composition du Siaap. Voilà pourquoi il ne nous semble pas opportun.
Mme la rapporteure a modifié le présent texte pour permettre uniquement une voix consultative et non délibérative. Un tel choix nous paraît plus cohérent et, encore une fois, plus respectueux des équilibres actuels de gouvernance. Mais cela ne suffit pas.
Nous sommes convaincus de la nécessité de mieux associer les communes. Mais il nous semble tout aussi important de procéder de manière responsable, pour que chacune et chacun puisse s’y retrouver.
Les élus municipaux, qui représentent la strate de collectivités la plus décentralisée, doivent savoir ce qui se passe sur leur territoire. Ils doivent aussi être en mesure de comprendre et d’anticiper les décisions du Siaap, que ce soit dans la petite couronne ou dans la grande.
Il y a sans nul doute des améliorations à apporter à la gouvernance du Siaap. Par exemple, ce dernier a décidé d’augmenter, sans concertation aucune, la partie « assainissement » de la facture d’eau pour certaines villes du département de l’Essonne ; je le répète, ces villes ne sont pas représentées dans son conseil d’administration.
De tels manquements appellent bel et bien une réflexion. Mais, franchement, la réponse peut-elle consister à faire entrer quelques élus supplémentaires au conseil d’administration ? J’en doute profondément.
En l’état, cette proposition de loi ne semble pas du tout satisfaisante. Elle servira l’intérêt de quelques-uns sans prendre en compte globalement la réalité de chaque commune francilienne.
Comme beaucoup de leurs collègues, les membres de mon groupe ont, par sagesse, décidé de s’abstenir. La dépollution des eaux usées d’environ 9 millions de Franciliens et de Franciliennes, des eaux pluviales et des eaux industrielles de 400 entités n’en reste pas moins un véritable défi politique. Or cette proposition de loi n’est pas à la hauteur des enjeux et des ambitions que ces derniers exigent. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste.
M. Laurent Lafon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Siaap est une vieille machine. Comme toutes les vieilles machines, elle dispose d’une mécanique solide et bien rodée, d’un outillage robuste et opérationnel. Elle n’est pas menacée par l’obsolescence programmée. Mais, comme pour toutes les vieilles machines, il est parfois nécessaire d’en huiler les rouages, faute de quoi ils s’encrassent et perdent de leur fiabilité.
Nous avons tous à l’esprit les incidents fâcheux causés par l’activité récente du Siaap. De nombreux orateurs les ont rappelés.
Ainsi, dans la nuit du 9 au 10 octobre 2022, plus de quatre tonnes de biogaz ont été accidentellement relâchées dans l’atmosphère des Yvelines par l’usine Seine aval, qui est la plus importante station d’épuration d’Europe, sans que la préfecture, les élus ou la population locale en soient immédiatement alertés.
À plusieurs autres reprises, le syndicat a tardé à informer les communes de ce qui se passait sur leur territoire. Ce défaut de communication répété est, sans conteste, un raté de la machine Siaap.
Je remercie à ce titre notre collègue Marta de Cidrac, auteure de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, d’avoir soulevé la grave question des défaillances du Siaap.
Je salue également le travail de notre rapporteure, Catherine Belrhiti, ainsi que les éléments apportés aux débats par l’ensemble des commissaires aux lois du Sénat.
Pour autant, avec mes collègues du groupe Union Centriste, je ne pense pas que la solution aux problèmes constatés réside dans un changement de machine. C’est bien de cela qu’il s’agit : cette proposition de loi crée un objet juridique non identifié, combinant départements et communes, au risque de créer un précédent hasardeux qui viendrait encombrer l’activité de nos assemblées.
On nous propose notamment de faire entrer les représentants des conseils municipaux des communes concernées par l’activité des stations d’épuration au conseil d’administration du Siaap, avec voix consultative. Mais si l’objectif est de renforcer le partage d’informations entre les élus locaux et le syndicat, notamment pour fluidifier la communication de crise, à quoi bon les convoquer à une réunion mensuelle qui, face à l’urgence et aux problèmes, arrivera systématiquement soit trop tôt, soit trop tard ?
Au fond, la situation la plus problématique est celle de l’usine Seine aval, dans les Yvelines. Les incidents successifs qu’elle a connus ont légitimement indigné les élus de ce territoire. Ces derniers n’ont pas été suffisamment considérés.
Il n’est pas normal que les représentants du conseil départemental des Yvelines ne siègent pas au conseil d’administration du Siaap. L’adhésion de ce département au syndicat est donc nécessaire. Mais une telle décision peut être prise par simple délibération du Siaap. Nul besoin d’une loi !
Mes chers collègues, ne nous trompons pas de véhicule. Veillons en outre à ce que la réponse apportée aux défaillances du Siaap soit bien calibrée. Aucune station de traitement des eaux usées n’est implantée à ce jour en Essonne, en Seine-et-Marne ou dans le Val-d’Oise. Pourtant, cette proposition de loi mentionne ces départements, qui, me semble-t-il, n’ont pas vocation à rejoindre le Siaap à court terme.
Je le répète : pour rassurer les élus et les habitants des territoires concernés par l’activité du syndicat, nous avons besoin d’une meilleure communication de crise et d’un élargissement ciblé du Siaap au département des Yvelines. Ni l’une ni l’autre de ces solutions n’est retenue par le texte que nous examinons aujourd’hui. Ainsi, avec la majorité de mes collègues du groupe Union Centriste, je m’abstiendrai.
Je reconnais toutefois à nos débats et à cette proposition de loi la vertu de mettre en lumière les dysfonctionnements réels du système d’assainissement des eaux en région parisienne,…
M. Laurent Lafon. … dont pâtissent nos concitoyens. Ces échanges auront, je l’espère, l’effet d’un électrochoc pour les responsables du Siaap. Même une vieille machine se doit de disposer, au XXIe siècle, de canaux de communication modernes et efficaces.
Puisse cette proposition de loi leur faire prendre conscience de la nécessité de s’ouvrir davantage.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Yves Roux. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les élus de notre groupe ont l’habitude de défendre les causes de la ruralité, qui souffre trop souvent d’une forme de décrochage et d’une inadaptation institutionnelle à l’heure de la métropolisation. Mais je constate, sans m’en réjouir, que les territoires les plus urbains de notre pays connaissent eux aussi des difficultés, notamment lorsqu’il est question de concertation dans la prise de décision.
Je vous le dis en toute transparence : j’ai découvert à l’occasion de cette proposition de loi l’ampleur des difficultés rencontrées par le service public de l’assainissement francilien.
Les incidents recensés en 2019 et en 2022 dans la station d’épuration d’Achères sont de nature à provoquer l’inquiétude, voire la colère, non seulement dans la population locale, mais aussi chez les élus. Il est légitime que ces derniers souhaitent participer davantage à la gestion du syndicat interdépartemental, d’autant plus que ces incidents, d’une importance majeure, touchent l’une des plus grandes usines d’Europe.
Je le souligne à mon tour : nous parlons tout de même de fuites de plusieurs tonnes de biogaz, aux conséquences très concrètes. Ainsi, en 2019, de nombreux poissons ont été retrouvés morts dans la Seine et sur ses rives, dans les Yvelines comme dans le Val-d’Oise.
Convenons-en : de telles images ne sont pas de nature à rassurer nos concitoyens, quand bien même on leur expliquerait que les produits ayant fuité sont sans danger pour eux. Au regard des circonstances, il est effectivement inquiétant que les élus locaux n’aient pas été informés comme il le faudrait de ces incidents, ou qu’ils l’aient été avec retard.
Je rejoins notre collègue Marta de Cidrac : l’absence d’un circuit efficace d’information des élus locaux crée nécessairement de l’inquiétude parmi les habitants des communes concernées.
Par principe, les élus de notre groupe sont favorables à toute disposition aidant à mieux associer et informer les élus des communes et, dans ce cas précis, à toute disposition permettant de mieux associer les communes accueillant des stations d’épuration des eaux usées gérées par le Siaap.
La gouvernance actuelle du syndicat a été critiquée, à juste titre. Plus spécifiquement, on a admis de manière assez consensuelle qu’elle n’avait pas permis la bonne information des élus des départements non membres du Siaap sur le territoire desquels des incidents graves s’étaient produits.
Nous saluons donc l’initiative de notre collègue, qui répond au souhait des élus de pouvoir prendre part à la gouvernance de cet établissement public.
Nous saluons également les travaux menés par notre rapporteure, qui a cherché à améliorer la proposition de loi en la rendant plus opérationnelle.
Dans le texte initial, les représentants des conseils municipaux des communes sur lesquelles sont implantées les stations d’épuration des eaux exploitées par le Siaap ou des communes situées à proximité de ces stations devaient siéger, avec voix délibérative, au conseil d’administration et au bureau du conseil d’administration du syndicat. Cette formule permettait de résoudre le déséquilibre observé au sein de la gouvernance et de limiter certaines difficultés en matière de communication des informations.
J’entends toutefois les craintes que cette modification statutaire du syndicat a inspirées. Personne ne peut prévoir les conséquences d’un tel changement. En outre, le nombre de sièges ajoutés et le caractère délibératif des voix des nouveaux représentants seraient sources d’imprévision, voire d’instabilité.
La commission des lois a opéré un ajustement, en limitant ce texte aux communes situées sur le territoire de départements non membres du Siaap et abritant une station de traitement des eaux usées exploitée par ce syndicat.
Je soutiens ce dispositif, qui adoucit nettement l’effet de la modification tout en nous permettant d’atteindre l’objectif initial.
De la même manière, je soutiens l’ajout d’un mécanisme améliorant l’information des conseillers municipaux des communes ainsi concernées par le traitement des eaux usées par le Siaap. C’est un apport essentiel à la transparence de la vie publique et administrative.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris : les membres du RDSE voteront cette proposition de loi. (Mme Marta de Cidrac et M. Franck Menonville applaudissent.)
Mme le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi visant à renforcer la voix des élus locaux au sein du service public de l’assainissement francilien.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 136 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 184 |
Pour l’adoption | 184 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
10
Modifications de l’ordre du jour
Mme le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents avait prévu que le Sénat siégerait « éventuellement » le dimanche 5 mars pour l’examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
Au vu du nombre d’amendements déposés sur ce texte, et en accord avec la commission des affaires sociales, je vous confirme que nous siégerons ce dimanche à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir.
Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mardi 21 mars après-midi, sous réserve de leur dépôt, de la lecture des conclusions des commissions mixtes paritaires sur la proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique, et sur la proposition de loi tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.
Il demande également l’inscription à l’ordre du jour du mercredi 22 mars, l’après-midi et, éventuellement, le soir, de la suite éventuelle de la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique.
Acte est donné de ces demandes.
Le délai limite pour les inscriptions de parole sur les conclusions de ces commissions mixtes paritaires serait fixé au lundi 20 mars à quinze heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
11
Mixité sociale à l’école
Débat organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, sur la mixité sociale à l’école.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à Mme Sylvie Robert, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Sylvie Robert, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les établissements scolaires français sont touchés par un phénomène puissant de ségrégation sociale, qualifié de « bombe à retardement pour la société française » par Nathalie Mons, ancienne présidente du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco).
Ce constat, dressé en 2015, n’est malheureusement pas nouveau. Depuis près de vingt ans, les études successives soulignent que les indicateurs de mixité sociale à l’école ne s’améliorent pas. Pis, la dernière étude Pisa, à savoir celle de 2018, démontrait que, sous le poids des déterminismes sociaux, le système scolaire français devenait gravement inégalitaire.
Avec Israël et le Luxembourg, la France est le pays de l’OCDE où l’origine sociale des parents influence le plus le parcours scolaire. Or nous ne pouvons nous satisfaire d’une telle représentation, à moins d’estimer que le retour à une société de classes, figée, est un projet politique d’avenir.
La récente publication des indices de position sociale (IPS) des collèges et des lycées a jeté une lumière crue sur le déclin de la mixité sociale dans notre système scolaire. Ainsi, sur les 100 lycées de France présentant les IPS les plus élevés, 82 sont des établissements privés sous contrat.
Nous sommes face à une véritable saignée du secteur public, qui s’accompagne d’un double mouvement de fond.
Premièrement, l’on constate de terribles disparités au sein même du système scolaire, notamment entre, d’une part, la filière professionnelle et, de l’autre, les filières générales et technologiques ; la moyenne des IPS des lycées généraux et technologiques, public et privé confondus, s’élève à 114,21, quand celle des lycées professionnels n’est que de 87,5. L’écart atteint donc près de trente points.
Mes chers collègues, mesurons-nous bien ce que dévoilent ces chiffres ? Les sociologues de l’éducation ont une expression spécifique pour désigner cette dichotomie au sein du système scolaire : le « tri social ».
Deuxièmement, de très fortes inégalités territoriales sont à l’œuvre, certaines académies concentrant la plupart des établissements à faible ou fort IPS. Apparaît ainsi en filigrane l’importance des politiques de logement et d’aménagement du territoire – j’y reviendrai.
Désormais, la question qui nous est adressée en tant que décideurs politiques est la suivante : voulons-nous réellement renforcer la mixité sociale à l’école, facteur déterminant de réussite scolaire, singulièrement pour les élèves défavorisés ? Ou, à l’inverse, estimons-nous qu’il s’agit là d’un sujet mineur, voire d’une fatalité ?
Monsieur le ministre, si j’en crois vos propos, vous avez clairement opté pour la première hypothèse, et les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’en réjouissent.
En effet, nous sommes convaincus que l’absence de mixité sociale à l’école n’est ni acceptable ni soutenable. Elle n’est aucunement acceptable, car elle induit une conception séparatiste de notre société, ainsi qu’une indifférence généralisée aux inégalités qu’elle suscite. Elle n’est aucunement soutenable, car elle gangrène l’idéal cardinal d’égalité des chances, qui se trouve au fondement de notre pacte républicain.
Si l’école ne permet plus d’assurer la mobilité sociale, c’est l’ensemble de notre édifice sociétal et démocratique qui est en danger.
Pourtant, depuis l’adoption, en 2013, de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, la mixité sociale est un objectif du service public de l’éducation : ce dernier doit « veiller à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements », tout en « contribuant à l’égalité des chances » et à la lutte « contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative ».
Dès lors, comment combler l’écart entre la théorie et la pratique ou, si vous préférez, entre la loi et la réalité constatée ?
Le gouvernement socialiste, en collaboration avec les collectivités territoriales volontaires, s’est attelé à apporter une première réponse. En 2016, à la suite du plan pour la mixité sociale dans les collèges lancé par la ministre de l’éducation nationale de l’époque, dix-sept départements ont mené des expérimentations pour lutter contre la ségrégation sociale dans le secondaire.
À cet égard, le plan mis en œuvre par le département de la Haute-Garonne présente des résultats remarquables. Une conclusion incontestable peut en être tirée : la mixité sociale permet aux élèves défavorisés de mieux réussir scolairement, sans pour autant faire baisser la réussite des élèves plus favorisés. En pratique, elle établit donc un système gagnant-gagnant.
Aussi, le plan haut-garonnais témoigne que plusieurs ingrédients sont indispensables pour garantir le succès de telles initiatives.
Tout d’abord, le temps de la concertation, cher à notre collègue Émilienne Poumirol, en particulier avec les parents, est fondamental.
Ensuite, la coconstruction avec la communauté éducative fait évoluer positivement le projet et assure son acceptabilité globale.
Par ailleurs, il est impératif de disposer de moyens budgétaires, lesquels peuvent être utilisés pour des politiques publiques connexes, telles que la mobilité – je pense aux bus scolaires, par exemple.
Enfin, l’appui, y compris financier, du ministère de l’éducation nationale est primordial.
Monsieur le ministre, allez-vous par conséquent soutenir de façon plus massive ces expérimentations territoriales, qui ont des effets éducatifs et sociaux évidents ? Êtes-vous prêt à dégager des moyens substantiels pour accompagner les collectivités territoriales volontaires ?
Cette question est d’autant plus légitime que nous savons que vos chantiers sont nombreux – rémunération des professeurs, généralisation de « l’école du futur », même si je n’entends plus beaucoup cette expression…
Concrètement, de quel budget disposez-vous pour accroître la mixité sociale à l’école ? J’y insiste, car ce point est essentiel : au-delà des adaptations organisationnelles que vous proposerez, il déterminera la portée réelle de votre action. Sans ressources budgétaires adéquates, il n’est point de plan ambitieux en matière de mixité sociale !
Il y a une autre problématique que je souhaite aborder en préambule de mon intervention : la participation de l’enseignement privé sous contrat à l’objectif de mixité sociale.
Au regard de l’ampleur du phénomène de ségrégation sociale qui affecte le système scolaire, est-il encore possible de fermer les yeux et de laisser faire ? Telle est la question que je vous pose, monsieur le ministre, et que je nous pose collectivement, mes chers collègues : la liberté de recrutement du privé est-elle négociable aujourd’hui ?
J’ajouterai que, en France, sauf erreur de ma part, nulle liberté n’est absolue, si bien que, comme toute liberté, celle de recrutement peut être encadrée, dans la mesure où elle constitue un enjeu décisif pour améliorer la mixité sociale à l’école et la réussite de tous les élèves.
Ce sont l’efficacité et la crédibilité de notre politique publique éducative qui sont en jeu. En finançant les établissements privés sous contrat à hauteur de 73 %, sans contrepartie en matière de mixité sociale, l’État ne participe-t-il pas à l’éviction du public vers le privé ? L’État ne fragilise-t-il pas ses propres écoles publiques ?
Monsieur le ministre, allez-vous moduler les dotations des établissements privés sous contrat en fonction de leur action, ou plutôt de leur inaction, en matière de mixité sociale ? Du reste, êtes-vous favorable à cette conditionnalité ?
Comme vous le constatez, cette proposition ne vise nullement à punir les écoles privées, mais bien à faire en sorte qu’elles concourent à l’objectif de mixité sociale et scolaire. Plus globalement, que comprendra le protocole d’accord que vous envisagez, monsieur le ministre ?
La mixité sociale des établissements scolaires dépend des politiques de logement et d’aménagement du territoire. Aussi, avez-vous entrepris un travail interministériel avec vos collègues des ministères de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en lien avec les collectivités territoriales ? Si la réponse est positive, à quelles conclusions un tel travail pourrait-il aboutir ?
Mes chers collègues, après le combat en faveur de l’égal accès aux études, qui fut schématiquement celui du XXe siècle, celui qui est mené en faveur de l’égalité des chances est entier et probablement plus intense que dans les années 1980. Si l’école ne peut pas tout, la promesse méritocratique qui lui est attachée doit impérativement être rehaussée, ce qui implique de s’assurer que les conditions de sa réalisation pour tous soient réunies.
Passer de la partialité des chances à une réelle égalité des chances oblige le Gouvernement à un volontarisme politique très fort et affirmé, afin de briser les ghettos sociaux et scolaires, sous peine de basculer vers une société purement endogame ou de tomber dans un gouffre démocratique. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)