PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-présidente

Mme le président. La parole est à M. Serge Mérillou.

M. Serge Mérillou. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans l’enfer des films pornographiques, le non n’existe pas : le oui est la norme.

Malheureusement, la réalité dépasse parfois la fiction quand ce rapport au consentement, ou plutôt au non-consentement s’invite sur les tournages et s’immisce dans le cerveau des consommateurs.

Le porno est avant tout la mise en exergue d’une vision très singulière, misogyne de la sexualité, une sexualité majoritairement filmée par des hommes pour des hommes. Le porno est une vision violente, brutale, dans laquelle les femmes sont souvent réduites à l’état d’objet dont on peut disposer sans limites. Les insultes ou les propos dégradants se substituent aux sentiments, les coups aux caresses, les cris à la passion, les gros plans à la tendresse.

La réalité est bien différente. Pourtant, c’est à cette conception toute particulière de la sexualité que nos enfants sont exposés. En effet, les deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers de ceux de moins de 12 ans ont déjà eu accès à des contenus pornographiques. C’est le triste constat que tirent les auteures de cette proposition de résolution.

Smartphone, tablette, ordinateur : avec le numérique, chaque enfant, chaque adolescent détenteur d’un de ces appareils peut se rendre sur des sites pornographiques et se trouver exposé à de la pornographie.

La plupart du temps, l’accès n’est conditionné qu’à un clic sur un bouton « J’ai plus de 18 ans ». C’est un rempart en carton aisément franchissable par quiconque sait se servir d’une souris…

Ce clic n’est pourtant pas sans conséquence pour un cerveau en plein développement, pour un jeune en pleine construction. L’exposition à la pornographie est pour certains une première approche de la sexualité, une découverte qui débute parfois par le visionnage d’un viol en réunion, d’une vidéo hardcore.

En effet, les contenus violents, dégradants sont souvent mis au premier plan sur les sites. L’impact sur les enfants, sur leur représentation de la sexualité des adultes, des différentes orientations sexuelles est indéniable et destructeur.

Traumatismes, troubles du sommeil ou de l’alimentation, vision déformée et violente de la sexualité : les effets sont graves. La vision rétrograde, violente, fondée sur des rapports de domination entre individus qu’instaure le porno véhicule également des clichés et des préjugés racistes, homophobes, lesbophobes et transphobes qu’il nous revient de combattre.

Lutter contre cette exposition des mineurs à la pornographie n’est pas chose simple. Beaucoup de parents pensent contrôler les pratiques de leurs enfants sur le web. Malheureusement, la pornographie est partout. Twitter, Facebook, Snapchat, Telegram, Reddit… qu’il s’agisse de contenus publiés directement sur ces plateformes ou de liens envoyés par messages privés, les jeunes y sont confrontés de toute part.

Mes chers collègues, il nous faut protéger nos enfants. En ce sens, je remercie les auteures de ce texte, dont les propositions sont pertinentes.

Mieux contrôler l’accès aux plateformes est impératif. Ces dernières doivent respecter la loi, puisque l’exposition d’un mineur à des contenus pornographiques est un délit. Durcissons les conditions de vérification de l’âge.

Enfin, il est essentiel d’accélérer les initiatives de prévention et de sensibilisation à destination des parents et des enfants. Ces derniers doivent également disposer de davantage d’informations relatives à la sexualité pour que leur seul modèle ne soit pas celui de la pornographie. Dans cette perspective, l’école et l’État ont un rôle à jouer.

Mes chers collègues, cette proposition de résolution transpartisane va dans le bon sens. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain la votera ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Esther Benbassa et M. Yves Détraigne applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution contre les violences pornographiques que nous examinons aujourd’hui est effectivement une priorité publique.

Avec le développement d’internet, les contenus pornographiques sont devenus quasiment libres d’accès via un ordinateur ou un téléphone. Or, comme le démontre le remarquable travail de nos collègues de la délégation aux droits des femmes, ces contenus comportent des images souvent dégradantes, reposant sur des maltraitances, des viols ou de la prostitution, y compris de mineurs.

On assiste à une banalisation de la diffusion de ce type de contenus, pour le plus grand profit d’une industrie qui, elle, prospère. Comme l’a expliqué notre collègue Loïc Hervé, le groupe Union Centriste votera donc cette proposition de résolution visant à susciter une prise de conscience dans notre pays : il s’agit d’améliorer le soutien aux victimes, de renforcer la réponse pénale contre ces violences, d’empêcher la diffusion de ces contenus illicites et de protéger notre jeunesse.

Du côté de la réponse pénale, nous avons déjà un outil exemplaire et unique en Europe : la plateforme Pharos. Regroupant policiers et gendarmes, celle-ci effectue une veille sur internet et dispose des moyens juridiques et techniques pour retirer les contenus illicites ou en bloquer l’accès sur le fondement de signalements, tout cela sous le contrôle d’une personnalité qualifiée, Laurence Pécaut-Rivolier, membre de l’Arcom.

J’ai pu échanger avec les responsables de cette plateforme : leurs témoignages sont atterrants – et même à la limite du supportable, quand il s’agit d’enfants, voire de nourrissons – et leur travail exemplaire.

La création d’une catégorie « violences sexuelles » serait bienvenue, mais il serait aussi souhaitable que les moyens de Pharos soient à la hauteur de cette ambition. En particulier, il faudrait songer à la personnalité qualifiée, qui mériterait d’être remplacée par une structure collégiale, tant son travail est éprouvant.

Aujourd’hui, la régulation sur internet dépend aussi et principalement de la législation européenne. Le Digital Services Act, récemment voté, prévoit que les autorités des États membres peuvent demander aux fournisseurs d’agir contre les contenus illicites.

Je regrette toutefois, et je l’ai dit maintes fois, que la responsabilité des fournisseurs de services d’hébergement, dont on connaît le modèle économique particulièrement toxique, demeure limitée pour ce qui est de ce type de contenus. N’oublions pas que Frances Haugen, la lanceuse d’alerte, nous avertissait ici que Facebook préférerait toujours le profit à la sécurité des enfants.

Aussi, dans la proposition de résolution européenne relative à la lutte contre les abus sexuels sur les enfants, qui a été adoptée par notre commission des affaires européennes le 15 février dernier, nous avons proposé, avec mes collègues Ludovic Haye et André Reichardt, que la Commission européenne puisse indiquer au public quels fournisseurs ne respectent pas leurs obligations, tout cela dans une logique de name and shame, afin que le risque réputationnel les incite à respecter scrupuleusement la réglementation.

Je remercie les auteurs de la proposition de résolution de leurs mesures visant à mieux protéger notre jeunesse, notamment au travers de la mise en place de dispositifs de contrôle parental, à activer par défaut sur les appareils, ou de l’écran noir qui serait imposé aux sites ne vérifiant pas l’âge de leurs utilisateurs. Ces recommandations confortent celles que nous avions faites avec mes corapporteurs pour mieux lutter contre la pédopornographie.

Une telle lutte nécessite des efforts redoublés à l’échelon tant national qu’européen, car la pornographie constitue une délinquance de masse, multiforme, qui prolifère. Ainsi, en 2021, l’agence policière européenne Europol, que j’ai pu visiter il y a une quinzaine de jours, démantelait le réseau Boystown, qui comptait alors 400 000 utilisateurs sur le dark web. On peut aussi mentionner l’enquête ouverte contre TikTok l’an dernier pour non-signalement de contenus pédopornographiques.

L’Union européenne détient – hélas ! – un triste record : celui du premier hébergeur de contenus à caractère pédopornographique au monde. En France, sur les 150 000 contenus litigieux qu’a examinés Mme Pécaut-Rivolier en 2021, environ 70 % étaient à caractère pédopornographique, en majorité publiés et détenus par des hommes, tous âges et toutes catégories socioprofessionnelles confondus.

Mme le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Catherine Morin-Desailly. Voilà pourquoi il y a urgence à agir ! Voilà pourquoi la France doit être le fer de lance au niveau européen sur le sujet !

Mme le président. Veuillez conclure !

Mme Catherine Morin-Desailly. Notre pays doit imposer des obligations complémentaires aux fournisseurs et aux grandes plateformes.

Mme le président. Votre temps de parole est écoulé !

Mme Catherine Morin-Desailly. Je remercie la délégation aux droits des femmes de son excellent travail, et je salue l’ensemble de nos collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

Mme le président. Madame Morin-Desailly, je vous rappelle que chaque orateur doit respecter le temps de parole qui lui est imparti. Nous avons encore un texte à examiner avant la suspension.

La parole est à Mme Marie Mercier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme Marie Mercier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à féliciter les auteures du rapport d’information sur la pornographie et son industrie de leur excellent travail.

En quelques clics sur leur téléphone, les petits Marceau, Lou ou Noé peuvent aujourd’hui visionner très facilement des contenus pornographiques disponibles gratuitement en ligne, même lorsque ceux-ci mettent en scène des pratiques violentes, douloureuses, humiliantes, voire des viols. Est-ce acceptable ?

Les conséquences sur nos enfants, sur leur développement affectif, psychologique et sexuel sont alarmantes ; nous l’avons constaté.

Nos mineurs peuvent accéder à des contenus gratuits, mais pas à des sites pornographiques payants. N’est-ce pas curieux ?

En 2020, le Sénat a examiné une proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, présentée par des députés de la majorité. Rapporteur de ce texte, j’ai fait en sorte qu’il traite aussi de l’accès des mineurs aux sites pornographiques. J’ai alors mené des auditions complémentaires, afin de proposer au Sénat un dispositif à la hauteur des enjeux.

M’inspirant d’une mesure en vigueur depuis dix ans pour les jeux en ligne, j’ai déposé un amendement visant à instaurer une nouvelle procédure destinée à obliger les éditeurs des sites pornographiques à mettre en place un contrôle de l’âge de leurs clients.

Mes chers collègues, vous avez voté mon amendement à l’unanimité le 10 juin 2020. Je vous en remercie : le dispositif adopté donne des prérogatives à l’Arcom que je ne détaillerai pas ici.

Quel bilan depuis le vote de cette loi du 31 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales ? Pourquoi faut-il déployer tant d’énergie pour être entendue, alors qu’il s’agit là d’une priorité publique, d’une loi votée, de la protection de l’enfance ?

Rappel des faits : le décret d’application de la mesure introduite à la suite du vote de mon amendement n’a été publié que le 7 octobre 2021, soit quatorze mois plus tard ! Pourquoi ?

Cinq sites pornographiques parmi les plus consultés ont alors été sommés de se plier à cette loi. Les mises en demeure sont restées sans effet malgré les constats d’huissier : plus de 500 !

Le président du tribunal judiciaire de Paris a par ailleurs été saisi. En septembre 2022, la justice française a examiné la demande de blocage de ces sites et a finalement enjoint à l’Arcom de rencontrer un médiateur. Oui, vous avez bien entendu : un médiateur ; c’est du jamais vu !

De leur côté, les sites ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité. La Cour de cassation a heureusement rejeté leur argumentaire le 5 janvier 2023. C’est une petite victoire pour nos enfants.

L’Arcom, confrontée à des sites pornographiques usant de manœuvres dilatoires pour éviter un blocage par la justice, a récemment mis fin à ce processus de médiation inutile, incompréhensible et choquant.

Le ministre Jean-Noël Barrot a annoncé tester fin mars un système de vérification de l’âge en double anonymat, qui me laisse perplexe.

Tester, mais jusqu’à quand ? Cette solution devra faire ses preuves avant d’être généralisée. Quand sera-t-elle définitivement mise en place ? En attendant, que fera la justice ? Reportera-t-elle ses décisions, et jusqu’à quand ? Pendant ce temps, nos petits Jules, Gabin et Daphné pourront continuer à visionner des contenus pornographiques gratuits.

Enfin, et pour moi, c’est le plus important, ce système déresponsabilise les sites pornographiques gratuits. Mon amendement visait pourtant à imposer aux plateformes de vérifier l’âge de leurs visiteurs, comme d’autres sites savent le faire.

Mme Annick Billon. Tout à fait !

Mme Marie Mercier. Les outils législatifs existent et sont en place. Il faut seulement veiller à faire appliquer la loi, ce qui implique une réelle volonté politique et des moyens.

Après une intervention, les pompiers emploient une très jolie formule : ils évaluent le « sauvé ». Depuis la promulgation de la loi du 31 juillet 2020, est-on capable d’évaluer le nombre des enfants qui ont été protégés de contenus qui ne sont pas faits pour eux ? Quel est le nombre des « sauvés » ?

Je vais vous le dire, car c’est facile à estimer, madame la ministre : dans la mesure où la loi n’est pas appliquée aujourd’hui, le « sauvé » est égal à zéro ! Je vous laisse juges, chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de légalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de légalité des chances. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, en préambule, je tiens à souligner la qualité du rapport que Mmes les sénatrices Billon, Borchio Fontimp, Cohen et Rossignol ont produit au mois d’octobre dernier.

Ces travaux mettent en lumière des faits de société trop souvent passés sous silence, bien que portant en eux une violence inouïe à l’égard des femmes. Ils contribuent à faire évoluer les mentalités et permettent au Parlement, pour la première fois, de mettre ce sujet à l’ordre du jour.

Je sais aussi que les auteurs du rapport ont fait preuve d’une grande force en recevant les victimes et en écoutant l’effroyable récit des sévices qu’elles ont subis.

Aujourd’hui, parmi les termes les plus recherchés sur les plateformes pornographiques, on trouve « sexe brutal », « ado amateur », « mom and son » ou encore « ado vierge ». Ces expressions ne sont pas des fantasmes : ce sont des appels à la violence, au crime ! Il peut s’agir – osons nommer les choses ! – de viols avec tortures et d’actes de barbarie, punissables de la réclusion criminelle à perpétuité.

Je tiens donc à remercier les sénatrices ayant effectué un tel travail d’avoir fait la lumière sur ce tabou.

Chaque seconde durant laquelle sont tues les violences pornographiques est une seconde de souffrance pour des milliers de victimes, des milliers de femmes abusées à force de pressions financières et psychologiques.

Ces femmes, ce sont par exemple toutes celles qui sont condamnées à vivre avec un cauchemar qui se répète à chaque fois qu’un utilisateur appuie sur Play et qui attendent le jugement de leur agresseur.

C’est aussi pour elles que nous devons agir. C’est en pensant à chacune d’entre elles que je m’exprime devant vous aujourd’hui. Elles sont les victimes de la violence de l’industrie pornographique. J’utilise le terme « industrie » à dessein, car ces violences répondent à la demande de consommateurs.

Pour y mettre fin sur le long terme, la réponse pénale ne suffit pas. Nous devons protéger et sensibiliser les plus jeunes aux dérives de la pornographie.

Vous l’avez rappelé, sur les 19 millions de personnes qui, en France, visitent chaque jour un site pornographique, on comptabilise 1 million d’adolescents ayant entre 15 ans et 18 ans, et 1,2 million d’enfants âgés de moins de 15 ans.

La violence des sites pornographiques est souvent pour eux le premier aperçu de ce qu’est la sexualité. Cela se traduit, chez nombre de jeunes, par une vision déformée et violente des rapports sexuels, qui peut aussi entraîner des difficultés à construire et entretenir des relations affectives.

En tant que magistrate, je peux l’affirmer : il y a là un terreau très favorable à des comportements violents envers les femmes.

L’une des clés du problème réside dans l’éducation. L’école de la République doit être un lieu de savoir, d’émancipation et d’éducation à la citoyenneté.

Depuis 2001, la loi prévoit que l’éducation à la sexualité doit être dispensée dans les écoles, les collèges et les lycées, à raison de trois séances par an. Il s’agit de séances d’éducation à la sexualité fondées sur un apprentissage du respect de l’autre, sur nos valeurs cardinales de respect de soi, d’égalité et sur l’apprentissage du consentement.

Dès notre entrée au Gouvernement, mon collègue Pap Ndiaye et moi-même avons fait de l’application de cette loi l’une de nos priorités. Nous devons défendre un message pédagogique fort à destination de notre jeunesse. Et c’est pourquoi nous avons pris le problème à bras-le-corps.

Le ministre de l’éducation nationale a ainsi publié le rapport produit au mois de juillet 2021 par l’inspection générale de l’éducation du sport et de la recherche. Il a également publié sur son site un vade-mecum sur l’éducation à la sexualité, afin d’en exposer le contenu et les enjeux. Depuis quelques semaines, un groupe de travail interministériel a été mis en place pour actualiser les contenus et ressources pédagogiques, et renforcer les formations des personnels.

Notre message doit être assez puissant pour mettre à mal l’idéologie patriarcale et méprisante pour les femmes que diffusent trop souvent les plateformes, quelles qu’elles soient.

Car il serait erroné de penser que l’on ne peut trouver la violence pornographique que sur des sites dédiés. Le rapport l’illustre parfaitement : certaines plateformes comme Twitter, Meta, TikTok ou Snapchat hébergent aussi ces contenus d’une grande violence.

Par cette proposition de résolution, nous devons exprimer une position claire sur un sujet que la société doit enfin regarder en face.

Sur mon initiative, des discussions interministérielles sont en cours pour prendre des mesures fortes à l’encontre des diffuseurs, qui ne pourront alors plus se cacher derrière un prétendu vide juridique.

Votre travail, mesdames les sénatrices, a porté ses fruits : d’abord, au travers de cette proposition de résolution que la Haute Assemblée examine aujourd’hui ; ensuite, par le travail qui est en cours pour imposer aux plateformes qu’un contrôle efficace de l’âge de l’internaute soit enfin mis en place, et ce grâce à l’engagement de mes collègues Éric Dupond-Moretti, Jean-Noël Barrot et Charlotte Caubel.

Le décret prévoyant la mise en œuvre d’un contrôle parental sur tous les terminaux sera promulgué prochainement. Je tiens en outre à rappeler le lancement d’une campagne gouvernementale ambitieuse à l’occasion du Safer Internet Day. Grâce au site jeprotegemonenfant.gouv.fr, nous offrons enfin aux parents les outils dont ils ont besoin pour préserver leurs enfants des contenus violents, et la pornographie en est un.

Nous voulons aller plus loin. Un travail sur les prérogatives de l’Arcom est ainsi en cours. Je suis aussi particulièrement attachée à améliorer les possibilités de retrait des images intimes divulguées à l’insu des personnes.

Parce que ces problématiques dépassent nos frontières, la collaboration internationale est essentielle pour réellement porter un coup d’arrêt à cette violence. Hier, j’étais en Suède pour échanger avec mon homologue sur les bonnes pratiques mises en place dans nos pays respectifs. Nous allons approfondir notre coopération sur le sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en votant la présente proposition de résolution, vous soutiendrez la politique ambitieuse que mène votre gouvernement face à ce fléau ; vous aiderez les victimes à ne plus se sentir seules face à cette industrie violente.

J’espère que ces femmes nous entendent cet après-midi. Ensemble, nous devons faire face à cette responsabilité qui est la nôtre. (Applaudissements.)

Mme le président. La discussion générale est close. Nous allons passer au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution appelant à faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité de politique publique

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu le chapitre XVI du Règlement du Sénat,

Vu la résolution du Parlement européen du 17 décembre 1993 sur la pornographie,

Vu la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil,

Vu les articles 225-4-1, 225-5, 227-23 et 227-24 du code pénal,

Vu les articles L. 312-16 à L. 312-17-2 du code de l’éducation relatifs à l’éducation à la santé et à la sexualité,

Vu la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées,

Vu la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales,

Vu la loi n° 2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à Internet,

Vu le rapport d’information n° 900 (2021-2022) « Porno : l’enfer du décor », de Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, fait au nom de la délégation aux droits des femmes du Sénat, déposé le 27 septembre 2022,

Considérant que l’industrie de la pornographie a connu une mutation au milieu des années 2000 avec l’apparition de plateformes de diffusion massive en ligne de contenus majoritairement gratuits et libres d’accès ;

Considérant que les vidéos pornographiques représentent aujourd’hui plus d’un quart de tout le trafic vidéo en ligne dans le monde ;

Considérant que l’exploitation et la marchandisation du corps et de la sexualité des femmes sont devenues une industrie à l’échelle internationale qui génère plusieurs milliards d’euros de profits chaque année ;

Considérant que la consommation de contenus pornographiques est banalisée ;

Considérant que les contenus pornographiques sont aujourd’hui accessibles à toutes et à tous, sans aucun contrôle de la preuve de majorité des internautes, en violation du code pénal ;

Considérant que deux tiers des enfants de moins de quinze ans et un tiers des enfants de moins de douze ans ont déjà eu accès à de tels contenus ;

Considérant la toxicité pour les consommateurs, mineurs comme majeurs, de contenus pornographiques de plus en plus violents ;

Considérant que ces contenus véhiculent des représentations sexistes, racistes, homophobes, constitutives d’infractions pénales ;

Considérant la dimension systémique des violences sexuelles, physiques et verbales à l’encontre des femmes dans le milieu de la pornographie ;

Considérant que les diffuseurs, plateformes comme réseaux sociaux, ignorent sciemment leurs responsabilités ;

Considérant que les nombreux contenus illicites publiés ne sont jamais intégralement supprimés, même après leur signalement ;

Considérant que la pornographie est un lieu d’apprentissage de la sexualité par défaut, qui engendre une vision déformée et violente de la sexualité, des traumatismes, une sexualisation précoce et un développement de conduites à risque ;

Considérant que les violences commises dans un contexte de pornographie ont récemment fait l’objet d’un traitement judiciaire en France, dans le cadre d’instructions pénales ;

Appelle à une prise de conscience collective de la réalité des pratiques de l’industrie pornographique et de leurs conséquences ;

Souhaite faire de la lutte contre les violences que cette industrie génère et véhicule une priorité de politique publique et pénale ;

Invite à cette fin le Gouvernement à mettre en œuvre un plan interministériel de lutte contre ces violences ;

Appelle à la sensibilisation des juridictions et, en premier lieu, des parquets au traitement pénal des violences commises dans un contexte de pornographie ;

Apporte son soutien à toutes les victimes de ces violences et aux associations et aux conseils qui les accompagnent ;

Estime nécessaire de mieux informer, accueillir et protéger les victimes de violences commises dans un contexte de pornographie, en particulier en formant les forces de l’ordre et les intervenants du numéro national 3919 à leur écoute afin de favoriser l’émergence de plaintes ;

Appelle de ses vœux un renforcement de l’arsenal pénal, des effectifs et des moyens matériels à disposition des services enquêteurs et des magistrats afin de lutter contre les violences pornographiques et d’empêcher la diffusion de contenus violents illicites ;

Recommande de créer une catégorie « violences sexuelles » sur la Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos) afin de faciliter et de mieux comptabiliser les signalements ;

Invite le Gouvernement à explorer toutes les mesures fiscales permettant de taxer l’activité de l’industrie pornographique et les milliards d’euros de profits qu’elle génère chaque année ;

Appelle à protéger la jeunesse en bloquant tout site ou réseau proposant des contenus pornographiques sans exiger une preuve de majorité des utilisateurs et en imposant l’affichage d’un écran noir tant que ce contrôle n’a pas été effectué ;

Invite l’Agence de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à publier des lignes directrices définissant des critères exigeants d’évaluation des procédés techniques de vérification de l’âge des utilisateurs, afin d’encourager le développement de tels dispositifs ;

Recommande de doter l’Arcom d’un pouvoir de police administrative lui permettant de prononcer des amendes dissuasives à l’encontre des sites diffusant des contenus pornographiques sans contrôle de l’âge des utilisateurs ;

Plaide pour une généralisation des dispositifs de contrôle parental et de navigation sécurisée, qui pourraient être activés par défaut dès lors qu’un abonnement téléphonique est souscrit pour l’usage d’un mineur ;

Encourage l’organisation de campagnes de communication destinées à sensibiliser les parents comme les professionnels de l’éducation et de l’enfance aux dangers du numérique et à les informer sur les ressources et les outils disponibles ;

Alerte sur la nécessité d’appliquer les trois séances annuelles d’éducation à la vie affective et sexuelle prévues par la loi depuis 2001, dans l’enseignement primaire et secondaire ;

Estime nécessaire d’aborder lors de ces séances les sujets relatifs à la marchandisation des corps et à la pornographie ;

Juge indispensable de recruter des professionnels de santé, formés en matière d’éducation à la santé et de conduite de projet, dans les établissements scolaires ;

Invite enfin le Gouvernement à se saisir des recommandations du rapport sénatorial précité sur l’industrie de la pornographie, dans leur dimension interministérielle, et à tout mettre en œuvre pour que cessent les violences systémiques induites par les pratiques de cette industrie.

Vote sur l’ensemble