compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Pierre Cuypers,

Mme Victoire Jasmin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 16 février 2023 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

J’appelle chacun de vous, mes chers collègues, au respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

moyens pour les juridictions judiciaires

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le garde des sceaux, le Gouvernement a pris la mesure des enjeux liés à la justice dans notre pays puisque, en cinq ans, le budget qui lui est consacré a augmenté de plus de 40 %.

Vous avez fait de la mise en œuvre d’une politique de justice de proximité l’une de vos priorités. Le groupe RDPI s’en réjouit.

L’objectif visé est d’apporter une réponse judiciaire, concrète et rapide, aux petits actes de délinquance qui pèsent lourdement sur le sentiment d’insécurité et le bien vivre ensemble, et dont le traitement, jusqu’à présent, entamait la confiance des citoyens envers l’institution judiciaire.

Le besoin de réassurance qui s’est exprimé, tout comme le redressement de notre justice, nécessite des moyens supplémentaires.

Moyens financiers, tout d’abord : c’est avec satisfaction que nous observons que, pour la troisième année consécutive – ce qui est inédit – le budget augmente de 8 %.

Moyens humains, aussi, et nous saluons le lancement d’un vaste plan d’embauche de magistrats et de fonctionnaires. Le renfort qui a été apporté aux magistrats depuis 2020 – je pense notamment aux 2 000 contractuels – a permis une réduction significative des affaires en attente de jugement, ce dont nous nous félicitons.

Lors d’un déplacement au tribunal judiciaire de Reims, vous avez annoncé la « CDIsation » de ces contractuels. Cette mesure participera à la lutte contre la précarité de l’emploi dans la fonction publique.

Vous avez également signalé votre intention de poursuivre la consolidation de l’équipe autour des magistrats par le recrutement de 300 juristes assistants supplémentaires et la création de la fonction d’attaché de justice.

Monsieur le garde des sceaux, pourriez-vous nous préciser quels seront les contours de cette nouvelle fonction d’attaché de justice ? Quel sera le calendrier du déploiement du plan d’action pour la justice que vous avez présenté à l’issue des états généraux ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Mohamed Soilihi, grâce aux budgets que le Sénat a votés chaque année depuis trois ans, nous avons pu recruter 2 000 contractuels, dont 900 juristes assistants, depuis 2017. Cela a apporté une aide particulièrement précieuse aux magistrats et aux greffiers de notre pays. Résultat : en matière civile, nous avons obtenu un déstockage des dossiers en attente de l’ordre de 30 %.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Grâce à Mme la Première ministre, j’ai annoncé dès lundi le recrutement de 300 juristes assistants supplémentaires cette année. Cependant, leur statut actuel, vous le savez, est insatisfaisant. Trop précaire, il ne prévoit aucune formation, et ne définit pas les tâches qui doivent leur être confiées. C’est pourquoi j’ai décidé de créer une fonction d’attaché de justice ouverte aux fonctionnaires comme aux contractuels, pour que les attachés de justice soient présents partout dans nos territoires.

Les missions seront définies. Les attachés de justice prêteront serment. Ils recevront une formation dispensée par l’École nationale de la magistrature (ENM). Ils formeront un vivier indispensable au recrutement massif, à venir, de 1 500 magistrats. Une passerelle spécifique, leur donnant accès à l’ENM, est à l’étude. Enfin, tous les contractuels de la justice de proximité, de catégorie A, B et C, seront « CDIsés » dans leur poste.

Afin de donner corps à ces annonces, je présenterai la nouvelle loi de programmation de la justice et son volet organique au Sénat à la fin du mois de mai.

Ce texte constituera une nouvelle étape du travail conjoint que, Chancellerie et Sénat, nous avons conduit avec constance depuis plusieurs années. Je souhaite vous en remercier tout particulièrement, monsieur le sénateur, et rendre hommage à toute la commission des lois ainsi qu’à son président, François-Noël Buffet (Ah ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous ferons tout cela pour renforcer les moyens dont notre justice a tellement besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. David Assouline. Madame la Première ministre, comme vous le savez, le débat qui va commencer ici demain suscite une énorme attente. C’est d’autant plus vrai que les discussions à l’Assemblée nationale n’ont même pas atteint l’examen du principal article et qu’elles ont offert un spectacle parfois désolant.

M. Marc-Philippe Daubresse. À qui la faute ?

M. David Assouline. Pourtant, lorsque le débat y a eu lieu, il a été éclairant. Sur la situation des femmes, par exemple : contrairement à vos affirmations, elles sont les principales victimes de votre texte. Ou encore sur les 1,8 million de personnes que vous prétendiez être concernées par une retraite minimum de 1 200 euros, qui ne sont plus que 40 000, voire 10 000 ou 20 000.

Au Sénat, nous, la gauche, allons poursuivre ce travail de vérité. Nous ferons écho à l’attente d’une très grande majorité de nos concitoyens et des syndicats unis, qui appellent à ce que notre pays s’arrête le 7 mars pour dire non à cette régression sociale.

Nous débattrons de cet article 7, qui est un impôt sur la vie des plus modestes. Chacune et chacun, ici, devra prendre ses responsabilités par son vote : pour ou contre deux ans de plus pour celles et ceux qui ont déjà travaillé dur toute leur vie ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mais nous sommes attachés au débat de fond, et le fond, comme la démocratie, demande du temps, le temps de l’argumentation et de l’écoute, celui de l’amendement, de l’explication de vote libre pour chacun, qui sont des droits sacrés des parlementaires. Alors, je vous le demande, allez-vous encore empêcher ce débat en le brutalisant, en le menaçant d’interruption, alors qu’il s’agit d’une loi qui touche à la vie de millions de nos concitoyens ?

Faute d’avoir recherché un accord acceptable avec les syndicats, cette limitation fait-elle partie de l’accord des droites auquel vous avez consacré tant d’énergie, et que vous avez négocié avec le groupe Les Républicains au Sénat, pour faire passer cette réforme injuste et inutile ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Monsieur le sénateur Assouline, permettez-moi de vous répondre en trois points.

Vous m’interrogez d’abord sur les conditions et la durée du débat. Le Gouvernement espère bien évidemment que la discussion qui s’ouvrira demain au Sénat permettra d’examiner, de débattre, de discuter chacune des dispositions du projet de loi, afin d’avoir un débat éclairé sur la totalité des articles, sur la totalité des dispositions et la totalité du projet.

Vous dites, d’une certaine manière à juste titre, que le débat n’a pas pu aller jusqu’à son terme à l’Assemblée nationale. Ce n’est pas au Gouvernement qu’il faut en faire le reproche. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.) C’est plutôt à vos alliés de La France insoumise qu’il faut le dire : ce sont eux qui, avec 18 000 amendements, et parfois quelques outrances, ne nous ont pas permis d’aller au bout ! (Mêmes mouvements.)

Vous dites, monsieur le sénateur, que ce débat sera pour vous l’occasion de pointer des vérités. Permettez-moi d’en rappeler une et de confirmer un chiffre que vous avez donné. Avec cette réforme des retraites, nous prévoyons une pension minimale pour les assurés qui ont cotisé toute leur carrière au niveau du Smic.

Parmi les 17 millions de retraités que compte aujourd’hui notre pays, 1,8 million de personnes bénéficieront d’une revalorisation et la moitié d’entre elles toucheront une revalorisation comprise entre 70 et 100 euros.

Mme Laurence Rossignol. Cela ne fera pas 1 200 euros !

M. Olivier Dussopt, ministre. Peut-être trouvez-vous que ce n’est pas assez… Cela montrerait combien vous êtes déconnecté du niveau des petites pensions et de l’importance d’une telle revalorisation pour celles-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Cette réforme donnera à un nouveau retraité sur quatre, soit 200 000 personnes par an, une pension meilleure. Notre objectif est de garantir une pension équivalente à 85 % du Smic pour une carrière complète payée au niveau du Smic.

Enfin, monsieur le sénateur, vous dites que chacun devra prendre ses responsabilités. C’est une réalité.

M. David Assouline. Vous êtes d’accord avec les Républicains !

M. Olivier Dussopt, ministre. Nous travaillons avec tous les groupes qui le souhaitent et, si nous pouvons avancer sur les droits familiaux avec la majorité sénatoriale, j’en serai le premier heureux.

Mais prendre ses responsabilités, c’est aussi assumer les positions de votre famille politique. J’ai entendu votre chef de parti, M. Faure, défendre la retraite à 60 ans avec 43 annuités. C’est une machine à décote, une machine à pauvreté : une machine à petites pensions ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

sécheresse

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Météo-France nous avertissait mardi dernier que « la France a subi une sécheresse météorologique préoccupante », et confirmait que le pays venait de vivre 31 jours consécutifs sans pluie. Samedi matin, au salon de l’agriculture, le Président de la République appelait les agriculteurs à la sobriété sur l’eau.

Dans le bassin Adour-Garonne, qui couvre une grande partie du Sud-Ouest, le département des Hautes-Pyrénées est un véritable château d’eau, qui assure l’irrigation des terres jusque dans les Landes, en traversant le Gers. Mais jusqu’à quand ? On constate année après année la baisse du niveau des nappes phréatiques. On va même jusqu’à manquer d’eau dans quelques villages de montagne, riches pourtant de leur réseau hydrographique. C’est plus qu’inquiétant.

Madame la ministre déléguée, je sais que vous prenez la mesure de ce phénomène, mais, aujourd’hui, nos agriculteurs ont besoin de réponses – et nous aussi ! On ne peut pas se contenter d’imposer des mesures de restriction sans véritable politique ni ambition.

Quelle stratégie comptez-vous mettre en œuvre pour accompagner notre agriculture dans son adaptation indispensable à la sécheresse ? Quelles solutions, au-delà des économies d’eau nécessaires, lui apporterez-vous ? Que comptez-vous faire pour soutenir et faciliter la création de nouvelles réserves, essentielles à la survie de nos systèmes hydrographiques ? Ceux-ci sont vitaux pour nos besoins quotidiens en eau potable, le maintien de la qualité des milieux et la salubrité publique. Ils sont indispensables aussi à la préservation de notre agriculture, garante de notre souveraineté alimentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Je commence par vous prier d’excuser l’absence de Christophe Béchu, qui est actuellement au Gabon, au One Forest Summit, un sommet qui a pour but la préservation des forêts tropicales.

Comme vous l’avez dit, la France métropolitaine connaît aujourd’hui une sécheresse météorologique préoccupante. Cinq départements font déjà l’objet de restrictions : les Pyrénées-Orientales, le Var, l’Isère, l’Ain et les Bouches-du-Rhône. Dans les jours qui viennent, d’autres départements feront l’objet d’arrêtés de restriction pris par les préfets. Le niveau de précipitations dans les deux mois qui viennent sera crucial pour déterminer la situation dans laquelle nous serons cet été.

Le Gouvernement, en lien avec les opérateurs de l’État chargés du suivi hydrologique, comme Météo-France, suit avec attention l’évolution de la situation et les projections. État et collectivités territoriales, nous devons poursuivre ensemble notre travail d’anticipation et prendre dès maintenant, si nécessaire, des décisions de partage de l’eau. Le mot d’ordre est la sobriété des usages.

Nous sommes tous concernés. Tous les secteurs d’activité le sont. Vous évoquez l’agriculture et, en effet, sans eau, il n’y a pas d’agriculture. Et sans agriculture, on ne se nourrit pas ! Il faut donc réussir à trouver des compromis et discuter ensemble pour trouver des solutions.

Christophe Béchu et moi-même sommes pleinement mobilisés. Les préfets qui coordonnent les sept grands bassins du pays ont été réunis le 27 février pour planifier les solutions aux problèmes de raréfaction d’eau auxquels nos territoires seront confrontés. Leur prochaine réunion aura lieu le 6 mars.

À la demande de la Première ministre, une cellule interministérielle de crise ouvrira au mois de mars.

Enfin, le plan sur l’eau, sur lequel nous travaillons depuis six mois, sera présenté dans les prochaines semaines. Il fait suite au chantier de la planification écologique sur l’eau, et se penchera sur les questions de sobriété et de répartition des usages, notamment dans l’agriculture.

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour la réplique.

Mme Maryse Carrère. Malheureusement, la sobriété et les efforts d’économies ne suffiront pas, car les déficits sont déjà trop importants dans les bassins hydrographiques. Nous avons réellement besoin de stratégie. Où en sont, par exemple, les propositions du Varenne de l’eau, formulées il y a quelques années ? Nous voulons de la simplification et un accompagnement pour la création de nouvelles réserves. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

soutien à l’agriculture biologique et transition agricole

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Joël Labbé. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’agriculture.

L’agriculture biologique traverse actuellement une très mauvaise passe. Une chute des ventes, inédite, de 4 % fait suite à des années de croissance à deux chiffres.

Madame la Première ministre, vous avez évoqué une aide de soutien à la filière via un fonds d’urgence doté de 10 millions d’euros. Les acteurs concernés ont rapidement fait le calcul : cela fait 166 euros en moyenne par ferme, soit le prix d’une paire de bottes pour aller au champ !

M. le ministre de l’agriculture a déclaré que le bio ne souffrait pas seulement d’un manque de soutien, mais aussi d’un problème de demande.

Quand la filière porc conventionnelle a connu en 2022 une crise de la demande à l’export, c’est un plan de sauvegarde doté de 270 millions d’euros qui a été mis en place, et l’aide directe versée en soutien à la trésorerie des exploitations porcines a atteint 15 000 euros.

Le soutien à la demande, c’est aussi la communication : quand 20 millions d’euros permettent la communication en faveur des produits laitiers conventionnels, l’Agence Bio doit faire avec 750 000 euros.

Et, puisqu’on parle de demande, je rappelle que l’État a la responsabilité d’imposer le respect des 20 % de bio dans la restauration collective – nous en sommes loin ! Quant au chèque alimentation durable, il a disparu de l’actualité.

Monsieur le ministre, allez-vous enfin mettre en œuvre un réel plan de soutien à l’agriculture biologique ? C’est une demande non seulement de l’ensemble de la profession agricole, mais aussi, aujourd’hui, de l’ensemble des syndicats agricoles. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Joël Labbé, je commence par signaler que je vais être amené à répondre à six reprises sur des questions agricoles. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, qui se trouve au salon international de l’agriculture et m’a chargé de le représenter ici.

Nous sommes conscients, monsieur le sénateur, que la filière du bio traverse actuellement une crise. Vous l’avez dit, il s’agit notamment d’une crise de la demande, et c’est sur ce levier en particulier que nous voulons agir.

Nous avons déjà mis en place de nombreuses mesures pour soutenir la production bio et encourager la consommation : écorégime, crédits d’impôt, participation de l’État, à hauteur de 750 000 euros, au financement d’une nouvelle campagne #BioRéflexe. J’ajoute que, comme nous l’avons fait en 2022, nous consacrerons 3 millions d’euros du plan France 2030 à ce sujet.

Nous avons également abondé le fonds Avenir Bio de 15 millions d’euros, au lieu des 8 millions d’euros initialement prévus. Sur cette somme, 2 millions d’euros serviront à structurer la filière porc bio, qui connaît des difficultés particulières.

Lors des assises de la Bio, le 6 décembre dernier, le ministre de l’agriculture a demandé à l’Agence Bio d’engager un travail de structuration de la filière.

La consommation en restauration collective sera stimulée, grâce à la campagne de communication que l’Agence va lancer dès 2023, avec le financement du programme de promotion européen qu’elle a obtenu en 2022.

Nous avons ouvert la possibilité aux régions qui le souhaitent de réexploiter des crédits du fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) non utilisés.

Le futur programme Ambition bio sera aussi l’occasion de construire une véritable filière, renouvelée dans sa stratégie, pour l’accompagnement et la structuration.

Pour apporter des réponses conjoncturelles à la situation actuelle du marché, la Première ministre a annoncé l’ouverture d’un fonds d’urgence, doté de 10 millions d’euros, pour soutenir des exploitations bio qui sont en difficulté immédiate.

Nous avons entendu la demande de la filière, qui craignait que des exploitations bio ne s’écroulent. L’État soutiendra ces exploitations par une aide de trésorerie, qui sera versée dans les semaines qui viennent.

Nous encouragerons activement tous les acteurs, et notamment la grande distribution et les collectivités locales, à faire la promotion du bio, sous la bannière #BioRéflexe dès ce printemps.

Pour autant, une réponse structurelle est nécessaire. Elle sera apportée très prochainement, comme je l’expliquerai dans quelques instants, puisqu’une autre question porte sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. Vous donnez quelques réponses, monsieur le ministre, mais l’ensemble est absolument insatisfaisant. C’est un avenir durable que représente l’agriculture biologique, au vu des enjeux actuels. Elle permet la préservation de l’eau, en qualité mais aussi en quantité, de la qualité du sol, de l’air, la préservation de l’environnement, le maintien de la biodiversité, des pollinisateurs – la préservation, aussi, de la santé humaine. Toutes ces raisons justifient qu’on donne de véritables moyens à l’agriculture biologique pour qu’elle se développe. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Yan Chantrel et Mmes Sabine Van Heghe et Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)

plan écophyto 2030

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)

M. Pierre Médevielle. « En matière de produits phytosanitaires, nous respecterons désormais le cadre européen, et rien que le cadre européen. » Tels sont les mots, largement salués par la profession, prononcés ce lundi par la Première ministre au salon de l’agriculture.

Nos agriculteurs ont besoin d’un cadre commun, cohérent et réaliste au niveau européen sur les produits phytosanitaires. Stop aux technocrates qui veulent laver plus vert que vert !

Nos agriculteurs ont surtout besoin que le cadre français ne soit pas la succession de surtranspositions mortifères made in France. Nous nous plaignons depuis des années de la pénalisation de nos agriculteurs par rapport à leurs collègues européens. Il y a eu des progrès, mais restons vigilants !

L’agriculture est à la croisée des chemins face à des nécessités majeures, et particulièrement pour la préservation de notre environnement, de nos sols, de notre biodiversité.

L’équation qui mêle plus de chaleur à moins d’eau, plus d’aléas climatiques et moins de produits phytosanitaires, tout en conservant un niveau de production suffisant, est extrêmement compliquée à résoudre. Si rien n’est impossible, nous allons devoir dessiner une agriculture de demain fondée sur l’innovation, la technologie, la recherche et la formation.

La liste des besoins est longue. En priorité figurent l’optimisation de la ressource en eau, l’utilisation de plantes de nouvelle génération et l’accélération des délais d’obtention de l’autorisation de mise sur le marché de nouvelles molécules prometteuses.

La profession se réjouit des annonces d’un nouveau plan Écophyto 2030, qui doit aider à uniformiser les techniques agricoles au niveau européen et nous permettre d’être cohérents sur les marchés mondiaux. Comment pensez-vous que l’État puisse accompagner concrètement la profession dans ce virage historique pour notre agriculture ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Pierre Médevielle, nous sommes confrontés à une réduction importante du nombre de substances actives au niveau européen. Et ce mouvement n’est pas terminé, loin de là.

Il s’agit d’un sujet de souveraineté alimentaire et de transition écologique. Et c’est à travers la logique de planification que nous entendons concilier ces deux impératifs. C’est dans cet esprit que la Première ministre a annoncé au salon de l’agriculture l’élaboration d’un plan d’action stratégique pour renforcer le pilotage et l’adaptation des techniques de protection des cultures.

Avec ce plan Écophyto 2030, nous devons assumer collectivement que le développement des alternatives, y compris non chimiques, est essentiel. La voie à suivre passe nécessairement par plus d’agronomie, la mobilisation non pas d’un seul, mais de plusieurs leviers et le renouvellement des pratiques agricoles et des systèmes de production. Cela requiert des moyens importants pour accompagner les agriculteurs et massifier les solutions.

C’est dans cet esprit que le ministre travaille, avec l’ambition que nous puissions collectivement nous inscrire dans une nouvelle approche.

D’abord, nous devons avoir une stratégie et ne plus fonctionner dans une gestion au coup par coup : ne plus être en réaction, mais en anticipation – c’est ce qu’on appelle la planification. Pour cela, il nous faut une plus grande visibilité sur l’évolution des solutions en termes de protection des cultures.

Ensuite, nous voulons avancer avec les professionnels, avec les filières, avec les instituts techniques et de recherche, pour faire en sorte que ce qui peut apparaître comme une impasse devienne, au fond, une opportunité. Nous allons donc travailler étroitement ensemble, mobiliser nos capacités de recherche et de développement. L’État fera sa part, bien sûr, mais il faut aussi mobiliser les centres techniques des filières et les chambres d’agriculture.

En outre, nous voulons une approche globale, qui implique de ne pas négliger ce qui permet d’optimiser l’utilisation des produits phytosanitaires. Il y a sur ce point des innovations qui doivent être déployées le plus largement possible.

Enfin, nous devons nous appuyer sur ce qui a fonctionné. Nous allons donc élargir le travail fait dans le secteur des fruits et légumes, comme exemple de notre méthode de planification écologique, à l’ensemble des filières, dans une approche mobilisatrice, transversale et que nous pourrons décliner opérationnellement, filière par filière. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.

M. Pierre Médevielle. Nous sommes tous d’accord sur la planification. Nos agriculteurs en ont besoin. Ils ont besoin d’une vraie égalité entre agriculteurs européens. Ils réclament de la lisibilité, de la visibilité, de la confiance, et ils veulent qu’on arrête avec les tabous concernant l’agriculture productiviste, car nous avons besoin d’une agriculture qui produise ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

carte scolaire

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, mercredi dernier vous avez partagé l’émotion des élèves et des professeurs du lycée Saint-Thomas-d’Aquin de Saint-Jean-de-Luz. Je vous en remercie. Ce drame absolu n’a pas grand-chose à voir avec la violence qui gangrène nos collèges et nos lycées ou la difficile détection des situations de détresse des adolescents. De ces sujets, nous reparlerons quand l’émotion sera passée.

Pour l’heure, je voudrais vous narrer l’histoire d’un inspecteur d’académie venu dans un petit village de France calculer le nombre d’élèves attendus pour la prochaine rentrée. Par la fenêtre de l’école, on voit plusieurs maisons en construction devant accueillir dans deux ou trois ans des familles avec enfants. Mais ce qui se passera dans deux ou trois ans n’intéresse pas M. l’inspecteur d’académie !

L’école, à la prochaine rentrée, perdra trois élèves. Résultat : un professeur en moins, une classe qui ferme. Tel est le verdict de ce rituel immuable qui sent bon la IVe République : la carte scolaire. Ce rituel conduit chaque année les inspecteurs d’académie de France et de Navarre à sortir leur règle à calcul pour compter les élèves et décider du sort des postes et des classes.

Et, pendant ce temps, l’État demande aux élus d’inscrire leur politique d’urbanisme dans les Sraddet (schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), les Scot (schémas de cohérence territoriale), les PLUi (plans locaux d’urbanisme intercommunaux) ou les PLU (plans locaux d’urbanisme), qui imposent aux maires de voir loin.

Monsieur le ministre, jusqu’à quand resterez-vous le seul membre du Gouvernement qui adapte chaque année ses postes au comptage à l’unité près de ses usagers ? À quand, monsieur le ministre, une procédure pluriannuelle de la carte scolaire, adaptée à notre époque ?