M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur, comme vous, nous souhaitons un suivi régulier des négociations salariales de branche.
Le comité de suivi des salaires se réunit deux fois par an afin d’inciter les 171 branches du secteur général à engager des discussions. Il s’agit de s’assurer que les branches mettent en œuvre des minima d’un montant équivalent au Smic.
L’augmentation passagère du nombre de branches dont les minima sont en dessous du Smic n’est pas un problème, même si elle suscite des interrogations. La plupart des branches se sont adaptées au rythme de l’inflation, ce qui constitue une véritable évolution.
Les revalorisations du 1er août et du 31 décembre 2022 ont permis de réduire le nombre de branches en situation de non-conformité, passé de 143 à 57. Cela illustre bien le dynamisme de la négociation de branche, à laquelle nous sommes attachés.
Après la revalorisation du Smic, qui a eu lieu au 1er janvier 2023, de nouvelles branches vont mécaniquement devoir effectuer un travail de mise en conformité : 133 d’entre elles sont désormais en situation de non-conformité, 77 ayant été rattrapées par la hausse du Smic du 1er janvier 2023. Elles ont quarante-cinq jours pour engager des négociations et se mettre en conformité.
Nous avons évidemment confiance dans le dialogue social, les branches ayant l’habitude de négocier et de conclure des accords salariaux.
Je tiens à souligner que le nombre de branches affichant de manière structurelle des minima inférieurs au Smic est particulièrement faible, comme je l’ai souligné dans mon propos liminaire. Elles sont quatre désormais, et ce depuis plus d’un an. Nous sommes évidemment vigilants et nous travaillerons avec elles, mais une vingtaine de branches sont habituellement dans cette situation ; nous assistons donc à une véritable évolution à cet égard.
J’y insiste, nous faisons confiance aux partenaires sociaux et à leur capacité à faire de la négociation collective un réel outil de progrès.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Madame la ministre, la question des salaires ne peut s’envisager sans évoquer celle du salaire différé, qui regroupe les indemnisations chômage, les cotisations d’assurance maladie, de retraite, en d’autres termes les cotisations sociales. Ce salaire fait donc intégralement partie de l’attractivité des métiers, notamment des plus pénibles d’entre eux.
Ce concept économique est déjà bien connu du Gouvernement puisque nous aurons examiné pas moins de deux textes sur ces sujets depuis le début de la session parlementaire : la deuxième réforme de l’assurance chômage et la réforme des retraites, présentée aujourd’hui même.
Cette part de salaire semble n’être pour le Gouvernement qu’une simple marge de manœuvre économique. Or les cotisations sociales sont essentielles au bon fonctionnement de nos caisses d’assurance collective et constituent le ciment de la solidarité intergénérationnelle dans notre pays.
L’entêtement idéologique libéral et la flexibilisation du marché du travail ont conduit à une réduction de la part consacrée aux cotisations sociales dans les salaires, comme en attestent la facilité avec laquelle le Gouvernement met régulièrement en œuvre des exonérations de cotisations ou encore l’instauration de primes financées par la TVA et la contribution sociale généralisée (CSG), donc par les travailleurs eux-mêmes.
Ces exonérations représentent bel et bien des baisses de salaire, qui mettent à mal notre système collectif et solidaire de protection sociale.
Madame la ministre, notre système de protection sociale lié au travail mérite d’être renforcé. Dans une perspective de justice sociale et d’attractivité des métiers pénibles, quelle est votre position sur le salaire différé ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice, ces exonérations ont eu un effet sur les créations d’emplois et ont été dûment compensées par l’État. Elles ont permis de créer plus de 1,5 million d’emplois. C’est l’un des leviers que j’évoquais en faveur du pouvoir d’achat.
Le travail est au cœur de notre projet politique. C’est évidemment par le travail que l’individu acquiert du pouvoir d’achat et trouve sa place dans la société.
Ces exonérations, je le répète, sont un levier qui ; elles ont permis des créations d’emplois en volume, ce qui est une véritable source de satisfaction.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.
Mme Isabelle Briquet. Madame la ministre, je vous ai bien écoutée, mais je ne suis pas sûre que vous ayez répondu à ma question ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe SER.)
Le travail, madame la ministre, doit être émancipateur et le droit du travail et le système social doivent être protecteurs. Notre système social ne doit pas servir à maintenir des travailleurs dans la pauvreté. On parle non pas d’emploi aujourd’hui, mais de cotisations sociales. J’aurais aimé une réponse un peu plus précise à ma question. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Je tiens tout d’abord à remercier le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain d’avoir pris l’initiative de ce débat.
Madame la ministre, dans un contexte de forte inflation, de nombreuses luttes ont lieu dans les entreprises afin d’obtenir des augmentations de salaire et de rattraper les pertes de pouvoir d’achat. Il n’est pas acceptable, dans la septième puissance économique du monde, de ne pouvoir vivre dignement de son travail. Or c’est bien ce qui se passe, madame la ministre !
Selon le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités, le nombre de travailleurs pauvres en France est supérieur à un million. Rémunérés bien souvent au Smic, de nombreux salariés subissent des contrats précaires et des temps partiels imposés. Les femmes sont particulièrement touchées par ce phénomène : elles représentent 60 % des salariés au Smic et occupent 80 % des emplois à temps partiel, et même 97 % des emplois d’aide à domicile.
Le 29 juillet dernier, Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demandait à toutes les entreprises qui le peuvent d’augmenter les salaires. Elles n’ont visiblement pas répondu à cette invitation puisque les salaires n’ont progressé que de 2,5 % en 2022, comme vous l’avez souligné, madame la ministre. C’est très en dessous de l’inflation – faut-il vous le rappeler ? –, qui s’est envolée deux fois plus vite.
Les seules augmentations significatives qui ont eu lieu en 2022 sont celles des dividendes, qui ont progressé de 32 % au deuxième trimestre pour atteindre 44 milliards d’euros. Quelle différence !
Madame la ministre, quand allez-vous revaloriser les salaires, en particulier ceux des 120 branches professionnelles dans lesquelles le salaire minimum est inférieur au Smic ? Quand allez-vous revaloriser de 10 points le montant des traitements des agents des trois fonctions publiques et indexer le point d’indice sur l’inflation ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Je commencerai par rappeler un principe de base, madame la sénatrice : ce n’est pas l’État qui décide du montant des salaires.
Je rappellerai ensuite que, selon le rapport que Christine Erhel et Sophie Moreau-Follenfant ont remis à la ministre du travail en décembre 2021, ce sont les conditions de travail les plus morcelées qui créent la pauvreté : horaires atypiques, temps partiels, successions de contrats courts…
En 2019, le taux moyen de pauvreté était de 14,6 % dans l’ensemble de la population et de 6,9 % chez les seuls salariés. Ce taux était de 15,1 % pour les salariés à temps partiel. Il s’élevait même à 24 % pour les salariés à temps partiel dont la quotité de travail était inférieure ou égale à 50 % d’un temps plein. C’est très frappant.
Je rappelle encore une fois que, à la fin de l’année 2022, le pouvoir d’achat des ménages était de 2 % supérieur au niveau de la fin de l’année 2019, sous l’effet conjugué de la hausse du Smic, de l’augmentation des créations d’emplois et des mesures en faveur du pouvoir d’achat votées en 2022. Notre système protecteur du Smic est un atout.
Enfin, je le redis, le salaire horaire net moyen atteignait 16,3 euros en 2020. Le premier décile est à 1 343 euros mensuels, le neuvième à 4 033 euros. Seulement 1 % des Français gagnent plus de 9 638 euros par mois. La médiane, qui se situe à 2 500 euros, est relativement constante.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Le Smic, au 2 décembre 2022, s’élevait à 1 329,05 euros. C’est très compliqué de vivre avec un tel salaire.
Il est de votre responsabilité de faire appliquer la loi, madame la ministre, notamment l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, ce qui est loin d’être le cas. Cela permettrait pourtant d’accroître les ressources de notre caisse de sécurité sociale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Madame la ministre, j’aborderai une question qui me tient particulièrement à cœur et qui devrait être, à mon sens, une priorité nationale : la revalorisation du salaire des professeurs et des enseignants.
Je rappellerai d’ailleurs opportunément que le Président de la République, durant sa campagne électorale, s’était engagé à revaloriser d’environ 10 % les salaires des enseignants, et ce de manière inconditionnelle.
Une telle revalorisation devrait être une priorité nationale. Malheureusement, force est de constater que tel n’est toujours pas le cas. Or un pays qui n’investit pas dans l’éducation est promis au déclin. Cette phrase sonne comme une évidence. Les alertes sont nombreuses : le nombre de candidats au certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (Capes) a été divisé par quatre en dix-sept ans et il est désormais inférieur au nombre de postes ouverts aux concours.
Par ailleurs, le niveau d’ensemble des élèves français ne cesse de baisser, comme l’a reconnu le ministre de l’éducation nationale.
Enfin, les comparaisons salariales avec les autres pays européens sont éclairantes : en quinze ans, les salaires des professeurs ont augmenté de 30 % en Allemagne, par exemple, quand ils ont stagné chez nous.
Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de revalorisation des salaires des professeurs ? Des discussions sont-elles ouvertes avec les syndicats ? Quel est le calendrier du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Henno, nous partageons bien sûr pleinement votre conviction et vos préoccupations concernant l’attractivité du métier d’enseignant, la juste reconnaissance de leur engagement et de leur place au sein de notre système éducatif.
Un point ne fait plus débat : si on la compare avec celle d’autres pays à l’échelle internationale, voire avec celle du reste de la fonction publique en France, la rémunération de nos enseignants est peu conforme à leur niveau de diplôme, d’engagement et de responsabilité.
C’est pourquoi le Président de la République s’était engagé, au cours de sa campagne électorale, à poursuivre la revalorisation engagée dans le cadre du Grenelle et à augmenter la rémunération des enseignants « d’environ 10 % par rapport au statu quo ante pour nos enseignants et là, de manière totalement inconditionnelle », engagement qu’il a réitéré devant tous les cadres de l’éducation nationale lors de la grande réunion de rentrée du 25 août 2022 à la Sorbonne. C’est ce que nous appelons souvent dans nos échanges, parfois un peu techniques, le « socle » de la revalorisation.
À ce même socle viendra s’ajouter un pacte avec les enseignants qui s’engageront à réaliser des missions supplémentaires et à effectuer de nouvelles tâches rémunérées. Cette rémunération supplémentaire pourra représenter une augmentation de 20 %.
Ces deux volets sont indissociables, car notre objectif est double : revaloriser nos professeurs, mais aussi transformer notre école en nous appuyant sur le pacte. Il s’agit de mieux reconnaître des missions, dont certaines sont déjà effectuées par nos enseignants, et d’en encourager de nouvelles.
Cette hausse et ces différentes mesures seront mises en œuvre à partir du mois de septembre 2023. Nous sommes actuellement en concertation avec les partenaires sociaux.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.
M. Olivier Henno. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
C’est bien l’État qui décide de la hausse des salaires des enseignants, contrairement à d’autres professions. Avec ma question, je tenais à insister sur l’urgence de revaloriser le salaire de celles et ceux qui exercent ce beau métier.
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. Madame la ministre, le 1er juin 1968, les accords de Grenelle entérinaient une augmentation de 10 % des salaires des Français et une hausse du Smig (salaire minimum interprofessionnel garanti) de 35 % à Paris et 38 % en province. Vous l’avez dit, c’est de l’histoire ; les temps ont changé, et les salariés s’en sont aperçus !
Les salariés modestes, notamment les ouvriers ou employés, ont vu au fil des années leur situation financière se dégrader, à mesure que disparaissaient plusieurs aides, ce dont je ne vous fais pas porter la responsabilité.
Je pense à la perte des aides personnelles au logement (APL) pour les locataires et les propriétaires ou à la suppression de la déductibilité des intérêts d’emprunt pour l’acquisition de la résidence principale. Je pense aussi à l’augmentation du coût des mutuelles de santé, avec les déremboursements décidés par la sécurité sociale. Je pense enfin à la disparition des aides versées autrefois par la caisse d’allocations familiales (CAF) pour les vacances ou la rentrée scolaire.
Qu’ont-ils fait pour mériter cela, tous ces travailleurs qui se lèvent tôt le matin ? Aujourd’hui, l’écart se resserre entre les bas salaires et les minima sociaux, malgré la prime d’activité. Avec le retour de l’inflation, les salaires réels diminuent. Il devient urgent d’indexer les salaires sur les prix.
Une négociation doit s’ouvrir avec les partenaires sociaux pour revaloriser les salaires au bénéfice des plus précaires, des emplois les plus utiles et les plus pénibles.
Vous me répondrez sans doute, comme le ministre de l’économie et des finances, que cela entraînerait une augmentation de l’inflation. Mais ne peut-on pas faire le même effort pour les travailleurs que pour les banquiers, dont les taux d’intérêt ont été alignés sur l’inflation ?
Madame la ministre, même si vous avez déjà répondu dans votre propos liminaire, je vous repose la question : comptez-vous organiser une conférence sur les salaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Bilhac, je crois en effet avoir déjà répondu à cette question dans mon propos liminaire. Le comité de suivi, présidé par M. le ministre du travail, Olivier Dussopt, se réunit deux fois par an pour accompagner les branches dans la revalorisation de leurs grilles salariales. Il se concentre naturellement sur le cas des branches qui n’ont pas procédé à une revalorisation depuis longtemps faute d’une dynamique suffisante ; je pense aux pompes funèbres ou aux casinos.
Je rappelle que nous avons pris de nombreuses mesures visant à favoriser le pouvoir d’achat. La loi de finances pour 2023 prolonge le bouclier tarifaire jusqu’au 30 juin 2023. La hausse des tarifs du gaz est limitée à 15 % à compter du 1er janvier 2023 et celle de l’électricité l’est à compter du 1er février 2023. Ces mesures ont un impact très concret sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Ainsi, l’augmentation moyenne des factures sera de 25 euros par mois pour les ménages qui se chauffent au gaz, au lieu des 200 euros par mois sans le bouclier tarifaire. Pour les ménages se chauffant à l’électricité, l’augmentation sera de l’ordre de 20 euros par mois contre 180 euros sans le bouclier tarifaire.
Le comité de suivi vise évidemment un ajustement à l’augmentation du Smic, mais nous prenons aussi de nombreuses mesures en faveur du pouvoir d’achat des Français pour les accompagner dans cette période d’inflation.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Je reviens sur l’engagement de campagne, déjà rappelé par Olivier Henno, du candidat Macron, qui avait promis une augmentation de 10 % pour tous les enseignants, sans aucune contrepartie, dès le mois de janvier 2023.
La semaine dernière, nous avons assisté à un certain cafouillage. Le ministre Pap Ndiaye a en effet déclaré : « Nous n’avons jamais dit cela. » Le ministère a tenté laborieusement de se rattraper en repoussant l’augmentation au mois de septembre, sans préciser comment elle serait mise en œuvre ni à qui elle profiterait.
Alors que le candidat Macron promettait une hausse générale, le ministère parle aujourd’hui de 10 % d’augmentation en moyenne des rémunérations. Or ce n’est pas pareil qu’augmenter chaque enseignant de 10 % ! Cette hausse devait aussi être inconditionnelle. Elle serait désormais liée à l’accomplissement de tâches nouvelles… C’est flou, donc il y a un loup !
Pouvez-vous nous dire clairement si le Président de la République sera en mesure de tenir sa promesse de campagne, toute sa promesse de campagne ? Et si oui, à quelle échéance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice Gruny, l’engagement et la place des enseignants dans notre système éducatif, ainsi que l’importance des responsabilités qu’ils exercent ont été plusieurs fois soulignés par le Président de la République durant sa campagne.
Lors de la réunion de rentrée des cadres, le 25 août dernier en Sorbonne, le Président de la République a exprimé sa volonté d’organiser une augmentation de la rémunération d’environ 10 %, de manière totalement inconditionnelle. Il s’agit là de ce que nous appelons la revalorisation-socle de 10 %, pour certains enseignants.
S’y ajoutera le pacte, que le Président de la République a expliqué en Sorbonne. En plus de missions que certains enseignants exercent déjà, ils pourront en proposer d’autres, dans le cadre du Conseil national de la refondation ou de concertations locales, par exemple sur des projets d’établissement. Les enseignants auront donc l’occasion de déployer de nouvelles missions pour accompagner la réussite et le développement des élèves et améliorer les conditions d’exercice pour les professeurs eux-mêmes et les équipes pédagogiques. Dans le cadre du pacte, une rémunération supplémentaire sera proposée, ce qui pourra porter l’augmentation jusqu’à 20 %.
Ces deux axes ont été tracés par le Président de la République depuis plusieurs mois déjà. Ils font actuellement l’objet de concertations avec les partenaires sociaux. L’objectif est de déployer les mesures au mois de septembre 2023.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. J’ai bien entendu qu’il n’y aurait pas 10 % pour tout le monde, puisque vous avez parlé de certains enseignants… Avec le pacte viennent des conditions : cela ne correspond pas à la promesse de campagne, qui était donc un mensonge.
Vous parlez d’une augmentation. Si elle était de 10 %, elle coûterait 3,6 milliards d’euros pour une année pleine. Or le budget de 2023 ne prévoit que 1,9 milliard d’euros en année pleine, auxquels s’ajoutent 300 millions d’euros. Le compte n’y est pas. Qu’allons-nous faire ? Nous sommes déjà les derniers sur tout, avec le plus grand nombre d’élèves devant les enseignants, les enseignants les moins payés… Nous avons tout faux ! En plus, nos élèves ne sont pas les meilleurs ! Le « en même temps », le « quoi qu’il en coûte », c’est pour qui ? Ce ne sont que des mensonges ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. La conférence salariale que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain appelle de ses vœux doit aussi prendre en compte la dimension sociétale du travail et du rapport au travail de nos concitoyens.
La valeur travail repose sur une activité utile, qui fait sens pour celui qui l’exerce comme pour la société. Si elle est amenée à se transformer profondément, elle doit rester au centre du projet collectif national. C’est particulièrement vrai des jeunes travailleurs. C’est vrai aussi des métiers de première ligne, que nous avons tous salués pendant la pandémie, mais qui ont trop vite été oubliés depuis.
Pouvez-vous nous présenter les actions éventuelles que vous menez pour construire ou redonner à la valeur travail la place qui devrait être ou redevenir la sienne ? Auprès de qui menez-vous ces actions ? Comment ? Et quel résultat quantifiable ont-elles ? Il va de soi que le salaire est un moyen fondamental pour atteindre cet objectif, mais il ne me paraît pas être le seul.
Portez-vous une conception extensive de la notion de travail ? Le travail doit-il être limité aux formes qu’on lui connaît classiquement ? Ne faut-il pas le penser autrement, comme une contribution au service de la société et de sa cohésion ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur, je tiens à vous remercier de cette question, qui me permet d’évoquer les travailleurs de la seconde ligne, dont nous avons déjà largement salué l’engagement, notamment durant la crise de la covid-19.
M. Franck Montaugé. De la première ligne !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Je rappelle d’abord tout ce que le pays doit à ces 4 millions de travailleurs de la deuxième ligne : agents d’entretien, facteurs, hôtes de caisse, conducteurs de bus… Ils ont rendu possible la vie quotidienne de nos concitoyens pendant la crise.
M. Franck Montaugé. Ce n’est pas la question !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. J’ai évoqué tout à l’heure le rapport que Christine Erhel et Sophie Moreau-Follenfant ont remis au ministre du travail. Celui-ci a bien établi que ces salariés gagnaient 30 % de moins en moyenne que les autres. Je crois que cela répond bien à votre remarque. Ce rapport montre aussi que ces salariés ont des conditions de travail plus morcelées : horaires atypiques, temps partiels, succession de contrats courts…
En 2019, le taux moyen de pauvreté était de 14,6 % pour l’ensemble de la population, mais de 6,9 % pour les salariés. Le travail apparaît donc comme un antidote efficace contre la pauvreté.
Le taux de pauvreté est de 15,1 % pour les salariés à temps partiel, et il atteint même 24 % pour les salariés à temps partiel dont la quotité de travail est inférieure à 50 % du taux plein. Même si l’on augmentait les salaires, ce serait insuffisant. Pour ces salariés, la question est de pouvoir travailler à temps complet.
Il s’agit de créer les conditions permettant à ces travailleurs de trouver des contrats plus stables à temps complet. C’est un objectif majeur du Gouvernement. Pour l’atteindre, nous mettons en œuvre des programmes spécifiques dans le cadre de France Travail et nous incitons les entreprises à utiliser des contrats plus stables, notamment par la réforme du bonus-malus. (M. Ludovic Haye applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Madame la ministre, sans remettre en question votre bonne volonté, je ne suis pas sûr que vous ayez bien compris ma question. (Sourires sur les travées du groupe SER.) Je vais donc essayer de l’illustrer.
Je suis de ces générations qui ont vécu – je pèse mes mots – le dédain, la dévalorisation des métiers manuels et des formations courtes.
Votre réponse est centrée sur la question des salaires. C’est l’un des aspects très importants du sujet. Mais votre propos n’a pas pris en compte le problème dans toute son ampleur.
Les enjeux de reconnaissance, et pas seulement par le salaire, sont considérables. Or votre gouvernement n’y fait aucunement face : aucun plan ne prend en compte cet aspect fondamental de la question. Je le regrette. Mais il n’est jamais trop tard. Je me tiens à votre disposition pour en discuter, madame la ministre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet.
Mme Annick Jacquemet. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur le niveau de rémunération du travail des femmes.
Les données publiées par l’Insee en 2022 montrent tout le chemin qu’il reste à parcourir pour atteindre l’égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes. Pour ne citer qu’un seul chiffre, en France, en 2019, le revenu salarial moyen des femmes était inférieur de 22 % à celui des hommes.
Sans remettre en cause la bonne volonté du Gouvernement pour agir sur le sujet, et malgré la lente décrue des inégalités salariales observée depuis vingt ans, un tel constat demeure inacceptable.
Outre la différence de volume de travail, les femmes étant plus souvent à temps partiel, cet écart de revenus s’explique aussi par le fait que les femmes n’occupent pas les mêmes emplois et ne travaillent pas dans les mêmes secteurs d’activité.
De plus, alors que le principe de l’égale rémunération des femmes et des hommes « pour un même travail » est inscrit dans le code du travail depuis 1972, des écarts de rémunération injustifiés persistent dans le secteur privé à poste équivalent et à compétences égales.
Si la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a instauré une obligation de résultat, avec la création de l’index de l’égalité professionnelle pour les entreprises d’au moins cinquante salariés, force est de constater que la situation est toujours loin d’être satisfaisante.
J’ajoute que ces inégalités de carrière et de salaires créent, voire amplifient d’autres inégalités, notamment au moment de la retraite, puisque les pensions de droit direct des femmes sont en moyenne inférieures de 40 % à celles des hommes.
Il me semble urgent d’envisager de nouvelles actions avec l’ensemble des acteurs économiques.
Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement pour remédier plus efficacement aux différences salariales entre les femmes et les hommes dans le monde du travail ?