M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Raimond-Pavero, oui, le mouvement de protestation se poursuit en Iran. La répression violente se poursuit également : 500 morts, dont des dizaines d’enfants.
On a vu aussi avec horreur survenir les premières exécutions. Ce lundi, les ministres des affaires étrangères des vingt-sept pays de l’Union européenne en ont demandé l’arrêt immédiat : l’exécution de manifestants ne peut tenir lieu de réponse aux aspirations de la jeunesse, c’est une évidence.
Mme la Première ministre l’a rappelé, la France continue d’agir de manière résolue. Il n’y a aucun retrait ni recul, madame la sénatrice. Lundi, un nouveau train de sanctions européennes a été adopté, qui cible notamment la police des mœurs impliquée dans la répression des manifestations et la radiotélévision iranienne. Il ne saurait y avoir d’impunité pour les responsables de violations des droits fondamentaux, et, vous le savez, c’est la quatrième fois que les Européens, cet automne, adoptent des sanctions contre l’Iran – et ils continueront, si nécessaire.
Les Européens ont aussi adopté, lundi, de nouvelles conclusions du Conseil, très complètes, sur l’Iran, qui constituent un cadre d’action d’une grande fermeté face à la politique qui est actuellement menée par la République islamique d’Iran. Ce cadre, nous l’utiliserons pleinement, comme Mme la Première ministre vous l’a indiqué.
Par ailleurs – je l’ai dit en audition, la semaine dernière, devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, et je vous le confirme –, la France votera en faveur du projet de texte portant exclusion de l’Iran de la Commission de la condition de la femme des Nations unies,…
M. Hussein Bourgi. Enfin !
Mme Catherine Colonna, ministre. … les droits de la femme, comme chacun le sait, faisant partie des droits de l’homme. J’ajoute que ce texte devrait être adopté aujourd’hui même.
M. Didier Marie. Il faut rappeler notre ambassadeur !
Mme Catherine Colonna, ministre. Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, nous continuons d’agir en soutenant résolument cette pulsion de vie qui se manifeste en Iran. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour la réplique.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Madame la ministre, l’Iran est à un tournant de son histoire ; la France, l’Europe, la communauté internationale doivent se mobiliser. Il est temps qu’elles se montrent à la hauteur du courage des manifestants iraniens. Notre pays, fidèle à son histoire et à ses valeurs, doit être à l’avant-garde ; c’est ce que nous ont demandé, au Sénat, les résistants iraniens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Daniel Chasseing et Patrick Kanner applaudissent également.)
remise en cause des festivals d’été par les jeux olympiques
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Laurent Lafon. Monsieur le ministre de l’intérieur, voilà quelques semaines, vous annonciez ici même, au Sénat, que des festivals devront être annulés durant l’été 2024 à cause des jeux Olympiques.
Cette annonce a provoqué de nombreuses réactions d’incompréhension.
La semaine dernière, avec une trentaine de sénateurs et sénatrices membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, nous avons publié, dans le journal Le Monde, une tribune pour dire que les JO ne peuvent se faire au détriment des nombreuses manifestations sportives, culturelles, festives, qui ont lieu traditionnellement partout en France tout au long de l’été.
Dans une interview publiée aujourd’hui dans le journal Le Parisien, Mme la ministre de la culture a précisé que des solutions avaient été trouvées avec tous les grands festivals, en tout cas ceux qui recourent aux unités de force mobile. Tant mieux !
Néanmoins, de nombreuses questions demeurent.
Quid des grands événements festifs qui se déroulent chaque année durant l’été dans certaines régions françaises ? Je pense en particulier au Sud-Ouest et à des fêtes comme celles de Bayonne ou de Dax.
M. Max Brisson. Très bien !
M. Laurent Lafon. Quid de la surveillance des plages assurée jusqu’à présent par des CRS ?
Quid des nombreux événements dont les organisateurs ont besoin de recourir à des sociétés privées de sécurité ? On le sait, l’organisation des JO va massivement faire appel à de telles sociétés : plus de 15 000 emplois doivent être créés pour répondre aux seuls besoins des jeux Olympiques. Ces sociétés pourront-elles couvrir à la fois les besoins des JO et ceux des événements qui doivent se déroulent en province ? Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi ne pas compléter le dispositif en recourant à l’armée ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le président Lafon, les jeux Olympiques à Paris, c’est une fois par siècle ; et les jeux Olympiques à Paris avec une cérémonie d’ouverture organisée en dehors d’un stade, c’est une fois tous les 3 000 ans, parce que personne ne l’a jamais fait ! La réussite des jeux Olympiques et des jeux Paralympiques de Paris, qui auront lieu durant l’été 2024, est d’intérêt général, et je sais que vous y êtes particulièrement sensible.
Je rappelle d’ailleurs que l’année 2024 marquera aussi le 80e anniversaire du débarquement de Normandie, ce qui veut dire qu’au mois de juin également les forces de sécurité intérieure seront intensément mobilisées, pour protéger notamment les chefs d’État qui assisteront à ce grand événement.
Avec la ministre de la culture et la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, nous avons proposé non pas l’annulation des événements, mais leur décalage dans le temps. Nous avons été en partie entendus : ainsi le Tour de France n’arrivera-t-il pas, en 2024, à Paris le 28 juillet, mais à Nice le 21 juillet. Voilà une mesure qui nous paraît conforme à l’intérêt général et propice à ce que puisse être organisé malgré tout un Tour de France en 2024. Je pourrais aussi citer le festival des Vieilles Charrues, qui se déroulera du 11 au 14 juillet et non du 18 au 21 juillet, ou celui d’Avignon – Mme la ministre de la culture a eu l’occasion d’évoquer ces décalages de dates.
Vous voyez que, dans notre pays, il est possible de discuter, en concertation avec tous les acteurs du monde sportif et culturel, et du monde festif en général, pour que pareils événements se tiennent, mais dans des conditions telles qu’elles exigent – chacun doit le comprendre – que 45 000 policiers et gendarmes soient mobilisés pour les jeux Olympiques de Paris, depuis leur cérémonie d’ouverture jusqu’à leur cérémonie de clôture.
M. David Assouline. Et l’armée ?
M. Gérald Darmanin, ministre. En ce qui concerne l’armée, elle est déjà très largement mobilisée. Si, par exemple, l’armée n’était pas chargée de sécuriser le site d’où partiront les bateaux sur la Seine, ce sont trente unités de force mobile qu’il nous faudrait utiliser. L’armée sera aussi chargée, sous l’autorité de la Première ministre, de la surveillance aérienne, qu’il s’agisse de la lutte anti-drones ou de la lutte contre le survol de nos événements par des avions.
Mais l’armée n’est pas faite pour le maintien de l’ordre ! Voilà plus d’un siècle que nous avons spécialisé un certain nombre de policiers et de gendarmes dans l’exercice de ces missions ; ce n’est pas pour les confier à la va-vite à des militaires.
M. le président. Il faut conclure !
M. Gérald Darmanin, ministre. Quant au recours aux services de sécurité privée, nous aurons l’occasion d’en reparler. Je précise seulement que nous avons procédé, avec le ministre du travail, à un certain nombre de démarches dont l’issue très positive nous permet d’aborder avec confiance la perspective d’un déploiement de ces services partout sur le territoire national. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour la réplique.
M. Laurent Lafon. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces éléments de réponse.
Nous n’avons pas bien compris la façon dont la question des festivals avait été abordée jusqu’à présent : vous faites une annonce, et quelques semaines plus tard on nous dit qu’en définitive des solutions ont été trouvées. Dont acte, et tant mieux !
Mais, pour éviter que ces difficultés ne se reproduisent, nous souhaiterions notamment qu’au niveau des territoires et avec les élus locaux vous fassiez un inventaire précis des manifestations prévues et nous donniez un aperçu des solutions concrètes qui pourront être trouvées dans un contexte – on le sait, vous l’avez rappelé – qui sera exceptionnel, compte tenu de l’organisation d’une manifestation aussi importante que les jeux Olympiques.
En la matière, le dialogue avec les élus locaux nous semble essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Béatrice Gosselin. « Avec MaPrimeRénov’, c’est mieux chez moi, mieux pour ma planète », dit le slogan de présentation de cette aide au financement des travaux de rénovation énergétique calculée en fonction des revenus et du gain écologique issu des travaux. Il s’agit principalement de travaux d’isolation et de chauffage, qui doivent être effectués par des entreprises labellisées RGE (reconnu garant de l’environnement).
Lorsque votre logement est mal isolé ou équipé d’un mode de chauffage dont le coût augmente de façon exponentielle, vous êtes évidemment intéressé par ce dispositif.
Cliquez sur le site : vous y lirez que cette aide est accessible à tous, propriétaires, copropriétaires, occupants ou bailleurs, qu’elle s’adapte à la situation de chacun et favorise des rénovations ambitieuses.
Cela paraît simple et attractif.
Si, dans de nombreux cas, les démarches aboutissent et les primes sont versées dans un délai raisonnable, certains dossiers connaissent des difficultés importantes et les aides arrivent tardivement, jusqu’à dix mois après la fin des travaux.
Numéro national en 08 injoignable, difficultés pour accéder à l’interface, dossier d’abord accepté, puis refusé (M. François Bonhomme s’exclame.) : si l’usager a quinze jours au maximum pour compléter ou corriger un dossier, il peut rester des semaines sans réponse de la part du service MaPrimeRénov’ !
Ainsi, de nombreuses personnes se retrouvent en difficulté financière quand les travaux sont à payer et que l’aide notifiée par l’État se fait attendre.
C’est aussi le cas d’artisans RGE qui remplissent les dossiers pour leurs clients et qui attendent longtemps les paiements des primes, ce qui fragilise ainsi leur trésorerie. Même les référents en préfecture ont des difficultés à avoir des retours des dossiers en souffrance !
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour améliorer ce dispositif et ne pas mettre particuliers et entreprises en difficulté ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la sénatrice Gosselin, vous avez raison : il existe effectivement un certain nombre de dysfonctionnements, mais ils ne doivent pas masquer les 1,5 million de chantiers réalisés dans le cadre de MaPrimeRénov’, dont 80 % par des ménages modestes. Quand on interroge ces ménages, 66 % d’entre eux n’auraient pas effectué ces travaux sans MaPrimeRénov’.
Oui, nous sommes confrontés à des difficultés. Un certain nombre d’irrégularités, voire de fraudes, ont été constatées. Cela a obligé le Gouvernement à se montrer très attentif et à prendre le temps de réaliser des évaluations. Je puis vous assurer, madame la sénatrice, que tous les services de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) sont extrêmement mobilisés pour régler ces difficultés. Ils ont notamment pris des contacts individuels avec les familles dont les dossiers avancent trop lentement.
J’avais rendez-vous avant-hier avec la Défenseure des droits et nous avons évoqué ensemble un certain nombre de cas dont elle avait eu connaissance. Nous travaillons d’arrache-pied pour régler ces problèmes. C’est tout le sens de ce grand service public qu’est France Rénov’ que nous allons encore faire progresser et améliorer.
Oui, de nombreux travaux ont déjà été réalisés, mais il faut aller plus loin en termes de performance. Nous devons engager des travaux globaux, notamment dans les copropriétés et l’habitat collectif. Car, vous avez raison, il s’agit bien, comme c’est indiqué sur le site, du chantier du siècle. Je puis vous garantir, madame la sénatrice, que le Gouvernement, mon ministère et la Première ministre sont déterminés à avancer sur ce dossier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour la réplique.
Mme Béatrice Gosselin. J’entends bien vos remarques, monsieur le ministre, mais certaines entreprises rencontrent des difficultés de trésorerie : 15 000 euros ou 20 000 euros c’est beaucoup pour de petites entreprises !
L’Anah devrait être intégrée dans le bouquet France Services, ce qui permettrait aux usagers d’obtenir une réponse rapide et efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
objectif « zéro artificialisation nette » et soutien aux petites communes
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Jacques Lozach. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Elle porte sur la mise en œuvre de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon 2050 et sur la réduction de moitié, d’ici à 2030, du rythme de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
Si nous ne contestons pas les objectifs de sobriété foncière et de préservation environnementale de cette réforme structurante pour nos territoires, des points de crispation demeurent, portant à la fois sur la méthode employée, largement descendante, sur le fond des dispositifs.
Cette première étape du ZAN s’est opérée dans la plus grande confusion, engendrant incompréhension et inquiétude chez beaucoup d’élus.
Le Sénat s’est de nouveau saisi de cette problématique en lançant une mission conjointe de contrôle. La proposition de loi issue de ses travaux doit permettre une évolution rapide du cadre juridique du ZAN et de tendre vers davantage de discernement, de pragmatisme et de bon sens.
Nous attendons ainsi du Gouvernement des engagements clairs.
Nous attendons tout d’abord des engagements clairs en termes de temporalité, avec la révision du calendrier des modifications des documents de planification.
Nous attendons ensuite des engagements clairs sur la gouvernance : une grande partie des élus demeurent écartés des négociations, ce qui est inadmissible. Je rappelle que de nombreux départements restent totalement ou partiellement dépourvus de schémas de cohérence territoriale (Scot), d’où l’absence d’élus siégeant à la conférence des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). Il faut renforcer la concertation entre région, Scot et bloc communal, en dotant le ZAN d’une gouvernance plurielle, partagée et décentralisée.
Nous attendons enfin des engagements clairs en matière de différentiation, en garantissant la prise en compte des particularités du monde rural et des spécificités territoriales : efforts passés, projet de développement local, spécificités des zones littorales et de montagne. Pour préserver le droit à construire des communes rurales, ne faut-il pas laisser à la libre appréciation de leurs élus une surface minimale garantie par le Scot ? (Mme Sophie Primas proteste.)
Enfin, la logique du ZAN étant celle d’une densification de l’habitat, que pensez-vous de l’opportunité de lancer un programme national et complémentaire de réhabilitation du bâti ancien en centres-bourgs ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Alain Richard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Lozach, entre la première question au Gouvernement à laquelle j’ai eu l’honneur de répondre dans cet hémicycle sur le ZAN au mois de juillet et aujourd’hui, j’en suis à presque une trentaine d’heures d’échanges avec la chambre haute sur le sujet !
Mme Laurence Rossignol. C’est comme nous avec les maires !
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est que le travail était bâclé !
M. Christophe Béchu, ministre. Ma dernière intervention remonte à l’invitation de Valérie Létard juste avant la présentation aujourd’hui de la proposition de loi. J’ai eu l’occasion de rencontrer plusieurs groupes, nous avons même échangé ensemble sur le sujet il y a peu de temps.
J’ai aussi rencontré les associations d’élus et j’attends dans les minutes qui viennent d’apercevoir la fumée blanche du texte que le Sénat va proposer pour amender le dispositif, dans l’esprit d’ouverture dont a fait preuve le Gouvernement depuis le début du mois d’août en suspendant la mise en œuvre des décrets de la fin du mois d’avril.
Je vous rappelle les étapes programmées. Pour ce qui relève du pouvoir réglementaire, la réécriture des décrets est prévue pour le début de l’année prochaine. Nous avons fait travailler les agents de l’urbanisme et les associations de maires pour déterminer la granularité et la manière d’écrire ce qui relève des espaces naturels et agricoles.
La Première ministre a eu des mots extrêmement clairs en clôture du salon des maires, à la fois sur les grands projets d’envergure nationale et sur la garantie rurale. Ce qui nous importe, c’est d’abord de rappeler la nécessité de la sobriété foncière. Je pense que nous en sommes tous convaincus : nous ne pouvons pas continuer à un rythme d’artificialisation qui bouche nos nappes phréatiques, qui crée des îlots de chaleur et qui nous empêche de préserver des espaces agricoles dont nous avons besoin, y compris pour notre souveraineté alimentaire.
Dans le même temps, il nous faut mieux associer les élus. Dans la façon dont le texte a été rédigé, dans les mises en œuvre qui sont envisagées, ce projet suscite aujourd’hui des inquiétudes. Certaines sont fondées, d’autres ne le sont pas. J’en veux pour preuve que des milliers de communes sont déjà en situation de zéro artificialisation nette sans le savoir, qu’elles soient en zone inondable, qu’elles soient cernées par des appellations d’origine contrôlée (AOC) ou qu’elles soient couvertes par le règlement national d’urbanisme (RNU).
M. le président. Il va falloir conclure !
M. Christophe Béchu, ministre. Je me réjouis que nous débattions très bientôt non plus du principe, mais des modalités ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe RDPI.)
moyens humains de la sncf
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Républicains. (Ah ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc Laménie. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des transports. Elle concerne le volet ferroviaire et l’ensemble des personnels.
Le 14 novembre dernier, vers dix-neuf heures, dans les Ardennes, à Donchery, commune d’un peu plus de 2 000 habitants située sur la ligne SNCF Charleville-Mézières-Sedan, un père de famille et sa fille ont été tués, happés par un train de marchandises en descendant d’un TER.
Ce drame, qui a suscité beaucoup d’émotion dans ce bourg-centre et dans les Ardennes, met en évidence les problèmes de sécurité. Cette gare, située sur l’axe Calais-Bâle à double voie électrifiée, n’est pas équipée de passages souterrains – alors qu’il s’agit d’une demande formulée de longue date par le maire et ses collègues – ni de passages supérieurs. Seuls des pictogrammes indiquent la présence d’un train croiseur pour les voyageurs. Je souligne que cette gare est aussi utilisée par des travailleurs en établissement et service d’aide par le travail (Esat).
Sur l’ensemble du réseau national, plus de 900 traversées de voies pour piétons existent. Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour la sécurité des usagers ? Comptez-vous surtout renforcer les moyens humains ? La présence de personnels dans les gares TER est indispensable. Le jour de l’accident, il n’y avait malheureusement pas de contrôleurs ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE. – M. Patrick Kanner et Mme Françoise Férat applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Laménie, je veux tout d’abord m’associer à l’émotion que vous avez relayée dans l’hémicycle après le drame survenu à Donchery il y a quelques jours, qui a coûté la mort à deux personnes.
Le bureau d’enquêtes et d’analyses chargé des transports terrestres a ouvert une investigation, à ma demande. Nous communiquerons l’ensemble des éléments sur les causes et conditions de ce drame le plus rapidement possible, après les examens nécessaires.
Un certain nombre de mesures doivent être prises au sein de la SNCF, notamment dans les petites gares ou les haltes, comme c’était le cas en l’espèce à Donchery. J’ai demandé au président de la SNCF et au PDG de SNCF Voyageurs de prévoir un ensemble d’actions renforcées au-delà des actions déjà engagées depuis maintenant trois ans en matière de signalisation, d’information en gare, de formation des conducteurs sur les points de danger particuliers, notamment en termes de visibilité.
Je suis disposé à examiner le dossier de Donchery avec vous, monsieur le sénateur, mais quelques centaines de lieux en France sont malheureusement aujourd’hui concernés par des difficultés similaires. Nous avons engagé un travail avec Élisabeth Borne, lorsqu’elle était ministre chargée des transports, pour aménager un certain nombre de passages à niveau, mais nous devons aussi accorder une importance particulière, notamment dans les haltes ferroviaires, à des aménagements ainsi qu’au renforcement des actions de formation et d’information. Je suis prêt à y travailler avec le Sénat et avec vous, monsieur le sénateur, car je connais votre engagement, au-delà de ce drame, sur la question ferroviaire. Je me tiens donc à votre disposition.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.
M. Marc Laménie. Je vous remercie de ces informations, monsieur le ministre. Il est réellement important de faire preuve de solidarité. Les moyens humains sont le cheval de bataille de beaucoup de mes collègues, sur toutes les travées. S’il y avait eu un contrôleur dans le train, ce drame aurait été évité. J’ai en mémoire deux accidents auxquels nous avons échappé grâce à la présence de personnels : un train qui a déraillé à cause d’un convoi exceptionnel et un TER qui a heurté aussi il y a quelques années un convoi exceptionnel. C’est un combat collectif. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
difficultés de mise en œuvre des zones à faibles émissions mobilité
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Henno. Les zones à faibles émissions (ZFE) sont une idée européenne séduisante, mais dont l’application est particulièrement complexe. J’y vois une incohérence environnementale, une injustice sociale, une fracture territoriale, voire générationnelle, et un choix industriel incertain.
J’y vois une incohérence environnementale tout d’abord, car il me paraît excessif de faire peser sur le seul citoyen automobiliste la responsabilité du réchauffement climatique ou des émissions de particules dans les villes. Il ne faudra pas longtemps avant que l’on ne dise que le responsable du réchauffement climatique, c’est la mobylette de l’ouvrier !
J’y vois ensuite une injustice sociale, car ce sont les plus modestes qui sont impactés. Il suffit d’aller dans les quartiers pour constater que les véhicules ont des vignettes 4 et 5 !
J’y vois également une fracture territoriale, voire générationnelle, car ce sont les habitants des campagnes, ceux de la ruralité et du périurbain, qui sont concernés. Ainsi, un couple de retraités qui a depuis plusieurs années une Clio diesel ne peut plus aller voir ses enfants en ville.
J’y vois enfin un choix industriel incertain, car l’industrie automobile européenne n’est pas prête à une mutation aussi rapide vers les véhicules électriques : 30 % de cette industrie est en danger.
Quelle est votre vision des ZFE, de leur application et de leurs conséquences ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Sébastien Meurant applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Henno, permettez-moi de revenir d’un mot sur l’objectif des zones à faibles émissions.
Elles ne sont pas en soi une volonté d’empêcher toute une partie de notre population d’accéder aux centres urbains. Ces zones sont nées d’une nécessité constatée et votée par le Parlement il y a quelques années dans deux textes législatifs : la loi d’orientation des mobilités et la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Ces deux textes visent à mettre en place progressivement – j’insiste sur ce point – dans quarante-trois métropoles françaises de plus de 150 000 habitants des zones en laissant aux collectivités locales concernées une très grande flexibilité. C’est un outil entre les mains des collectivités locales, qui doit être adapté à la réalité de chacune des métropoles et des agglomérations.
Le calendrier de mise en place de ces zones n’est pas prédéfini, sauf pour les métropoles dépassant les normes de qualité de l’air. Il s’agit précisément de réduire les effets de ces émissions sur la qualité de l’air afin d’éviter les plus de 45 000 morts dus chaque année à cette pollution.
La flexibilité s’étend aussi aux modalités de circulation décidées par chacune des collectivités, avec une différenciation importante qui sera précisée et définie par les métropoles.
L’État jouera un rôle d’accompagnement pour parer aux risques que vous identifiez à juste titre, monsieur le sénateur, qu’ils soient sociaux, générationnels ou territoriaux. C’est la raison pour laquelle nous avons déployé progressivement en lien avec les métropoles des aides pour que la mise en place des ZFE s’opère le mieux possible : aides à l’acquisition de véhicules, bonus écologique, prime à la conversion.
Nous avons décidé dans le projet de loi de finances pour 2023 soumis au Sénat et à l’Assemblée nationale de porter à 7 000 euros le bonus pour les ménages les plus modestes. Nous avons aussi décidé – c’était une idée de plusieurs sénatrices et sénateurs – d’expérimenter un prêt à taux zéro dans les zones à faibles émissions de deux métropoles. Nous sommes prêts à étendre cette mesure dans les prochains mois, selon des modalités que nous examinerons ensemble.
Nous devrons bien évidemment renforcer nos accompagnements et travailler avec les métropoles, mais le dispositif est flexible et il est entre les mains de ces collectivités. C’est à elles qu’il revient de décider du calendrier le plus adapté possible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)